608 {États gén. H 89. Cahiers] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] les principes de l’art, et sous l’inspection des ingénieurs des mines qui seront subordonnés aux administrations des provinces. Nous désirons que les droits qui se perçoivent aux portes de la ville sous les noms de leyde, cartelage et couponnage soient rachetés, s’ils sont fondés, et ensuite supprimés. Qu’il soit établi dans les environs de Lyon, et aux frais de la province, des moulins à organiser les soies, à l’instar de ceux de la Saône et d’Au-benas. Qu’il soit fondé à Lyon une chaire de chimie, dont l’objet particulier soit de perfectionner l’art de la teinture. Que le privilège acccordé pour le faux surdoré . soit retiré, et cette branche d’industrie supprimée, comme facilitant à la mauvaise foi un mélange de matières fines et de matières fausses dans la fabrication des étoffes riches, ce qui décréditerait bientôt nos manufactures auprès de l’étranger. Enfin nous demandons très-expressément, pour l’intérêt de tous, que le magasin à poudre qui menace perpétuellement la ville de Lyon d’une explosion funeste, soit transporté dans le local qu �assignera l’administration de la province. Nous chargeons aussi nos députés de requérir que les nobles, ou autres, nés à Lyon, puissent entrer dans l’ordre de Malte, comme chevaliers de justice, servants d’armes, ou prêtres conventuels, en faisant les preuves nécessaires de noblesse ou de roture, et sans égard au décret !du grand maître, qui les en aurait exclus. Tels sont les pouvoirs et instructions que nous donnons à nos députés, lesquels se conformeront exactement à tous les articles qui sont exprimés d’une manière obligatoire, et insisteront, le plus qu’il sera possible, sur tous les autres ; leur laissant la liberté d’opiner selon leurs lumières et conscience, sur tous les points qui n’ont pas été ci-dessus exprimés, et qui pourraient être agités aux prochains Etats généraux. Fait à Lyon, les jour et an que dessus, et signé par MM. les commissaires de la noblesse : Le marquis de Mont-d’Or, de Boisse, Ghirat, Lacroix de Laval, Beuf de Curis, Jourdan, de Jussieu de Montluel, Imber-Golomès, Palerme de Savy, Loras, Rambaud, Nolhac, le marquis de Regnauld de la Tourette, et Deschamps. CAHIER Du tiers-élat de la sénéchaussée de Lyon (1). Un Roi juste et bienfaisant, l’objet de l’amour de ses peuples, rassemble les représentants de la nation pour apporter un remède aux plaies de de l’Etat ; rappelant les Français aux droits imprescriptibles d’un peuple libre et généreux , il veut, de concert avec eux, s’occuper de la réforme des abus, de l’établissement d’un ordre fixe et invariable dans toutes les parties de l’administration, et de tout ce qui peut intéresser la prospérité générale et le bien de tous les sujets de ce vaste empire. Grâces éternelles lui soient rendues ! Que l’expression de la plus tendre et la plus respectueuse reconnaissance soit le premier vœu dont seront chargés, au nom de cette sénéchaussée, les députés du tiers-état! Proposons à ce monarque chéri, et à la nation assemblée , des vues vraiment patriotiques et dignes de l’auguste assemblée (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la bibliothèque du Sénat. ui établira les bases inébranlables, sur lesquelles oit reposer à jamais la félicité publique (1). CHAPITRE PREMIER. Constitution, Le pouvoir arbitraire fut la source de tous les maux de l’Etat; ainsi notre premier vœu est l’établissement d’une constitution vraiment nationale, qui détermine les droits de tous, et des lois qui les maintiennent. En conséquence, nos députés prieront les Etats généraux d’arrêter, et Sa Majesté de vouloir bien sanctionner une loi vraiment constitutionnelle, dont voici les principaux objets: 1° Que la loi est l’expression de la volonté générale de la nation, sanctionnée par la volonté du Roi ; ou l’expression de la volonté royale, approuvée et consentie par la volonté générale de la nation. 2° Que les Etats généraux, régulièrement composés, seront solennellement reconnus être la seule assemblée compétente pour déclarer la volonté générale de la nation, après mûres et libres délibérations. 3° Les Etats généraux détermineront le retour prochain et périodique de leurs assemblées, qui ne pourront jamais être éloignées de plus de trois années, le droit de convocation, la forme des élections et la représentation de chaque province, en telle sorte que les députés soient choisis librement dans leurs ordres respectifs; que ceux du tiers-état soient toujours en nombre égal à ceux du clergé et de la noblesse réunis; que les suffrages se recueillent par tête ; que les décisions se forment à la pluralité ; que les cahiers des trois ordres soient représentés avec le même cérémonial; et que les assemblées ne puissent être rompues avant la fin de toutes délibérations. 4° Les Etats généraux rédigeront en charte les lois fondamentales relatives à la succession au trône, aux domaines de la couronne et à l’établissement et aux pouvoirs de la régence, ainsi qu’à la nécessité et au droit d’assembler les Etats, en cas de mort ou d’absence du souverain. 5° Toutes les chartes, capitulations, privilèges, immunités et franchises des particuliers , des corps, communautés, villes, provinces et ordres de l’Etat relatives à l’impôt, seront remis à la disposition des Etats généraux ; en conséquence, il n’y aura de loi en France, que celle qui aura été proposée par les Etats généraux et sanctionnée par le Roi; et il ne sera levé aucun impôt, fait aucun emprunt des étrangers, des provinces ou des sujets, apporté aucun changement dans la valeur ou le titre des monnaies, ni mis aucun papier en circulation, sans le consentement des Etats généraux. Ceux-ci ne pourront jamais consentir l’impôt, ni aucunes levées de deniers pour un espace qui excède de six mois le jour fixé au retour périodique des Etats généraux, et ceux qui tenteraient de le percevoir après ce terme seront poursuivis par les juges ordinaires et punis comme concussionnaires. 6° Il sera établi des règles fixes pour assurer à la nation la liberté dans le choix des députés aux (1) Nota. Le peu de temps que les circonstances ont donné aux commissaires réunis en nombre égal de la ville et de la campagne pour la rédaction de ce cahier, a dû nécessairement y laisser quelques répétitions, et entraîner quelques incorrections de style. Les habitants des campagnes ayant désiré et demandé à grands cris qu’il fût imprimé sur-le-cbamp, on n’a pas cru devoir leur refuser cette satisfaction. }État3 gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon, 609 Etats généraux : pour faciliter les élections, le royaume sera divisé par districts ; le nombre des députés généraux, pour chaque district, sera réglé à raison de sa population et de ses contributions ; toutes les élections se feront dans les campagnes par communautés, et dans les villes par arrondissements, et non par corporations. 7° Tout droit de propriété sera inviolable, et nul ne pourra en être privé, même à raison d’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé sans délai, et au prix qu’arbitreront des experts aimablement choisis ou nommés en justice par le propriétaire, d’une part, et par le syndic des Etats provinciaux, d’autre part. 8° Aucun état civil, ou grade militaire, n’appartiendra exclusivement à un ordre de l’Etat. 9° La loi constitutionnelle ordonnera que les impôts qui seront consentis par les Etats généraux, quels que soient leur dénomination et leur objet, seront supportés également et proportionnellement à leurs propriétés et facultés par tous les sujets du Roi, sans distinction d’ordre, et sans qu’il puisse exister, soit quant aux biens, soit quant aux personnes, aucune exception, privilège, immunité ni faveur, et nonobstant tout affranchissement ou abonnement, et l’impôt dans chaque ville, paroisse ou commune, sera réparti et recouvré sur un même rôle. 10° 11 sera établi, dans chaque généralité, des Etats provinciaux composés de membres librement élus. Ceux pris dans le tiers-état ne pourront être élus que dans les membres qui composent cet ordre, et seront en nombre égal aux membres réunis du clergé et de la noblesse -, la présidence sera élective. Les fonctions des Etats provinciaux, leur régénération et leur régime seront réglés par la loi constitutionnelle. 1 1° Cette loi ordonnera, dans toutes les paroisses et villes sans exception, l’établissement d’une assemblée municipale, composée de membres librement élus parmi les contribuables, habitants ou forains, dont la moitié au moins sera prise dans l’ordre du tiers-état; le nombre des membres géra déterminé à raison de l’importance et de la population des villes et des campagnes; la même loi réglera les fonctions, le régime et la régénéra-ration de ces assemblées, et prononcera l’abolition de toutes les municipalités subsistantes. 12° Pour assurer le dépôt et la publicité de la loi, elle sera envoyée aux Etats provinciaux, qui la feront enregistrer et publier dans les cours et tribunaux ordinaires, sans que, dans aucun cas, les cours puissent apporter dans l’enregistrement aucune restriction, modification ou retard. 13° Toute servitude personnelle sera abolie en France. La loi constitutionelle assurera à toutes personnes la liberté individuelle ; en sorte que nul ne puisse être arrêté ou constitué prisonnier, qu’en vertu d’un décret décerné par les juges ordinaires, et dans le cas où il serait reconnu que l’emprisonnement provisoire pût être nécessaire à l’ordre public. Toute personne ainsi arrêtée, sera remise, dans vingt-quatre heures au plus tard, à seü juges naturels, qui seront tenus de statuer dans le plus bref délai, même de lui accorder son élargissement provisoire en donnant caution, à moins que le détenu ne soit prévenu d’un délit qui entraînerait une peine corporelle. Il sera défendu, à peine de punition corporelle fixée par la loi, à tous officiers, soldats, exempts ou autres, s’il n’est aide à justice, porteur d’un décret ou jugement, d'attenter à la liberté d’aucun citoyen en vertu de quelque ordre que ce puisse lre Série, T. III. être ; et toute personne qui aurait sollicité ou signé un tel ordre, ou favorisé son exécution, sera prise à partie devant les juges ordinaires, et il sera prononcé, contre les coupables, la peine indiquée par la loi et les dommages et intérêts dus au citoyen lésé. * 14° Les assemblées municipales et paroissiales, ainsi que les hôpitaux et tous autres établissements publics, rendront leurs comptes tous les ans aux Etats provinciaux, qui arrêteront les leurs chaque année, et les rendront aux Etats généraux lors de leur tenue périodique ; les Etats généraux apureront aussi le compte des finances de l’Etat, et tous les différents comptes seront sans délai imprimés et rendus publics ; enfin, les Etats généraux aviseront aux meilleurs moyens d’établir la comptabilité et la responsabilité des ministres, et de prévenir la dissipation des finances et l’infraction des lois dans l’intervalle des assemblées de la nation. 15° Comme dans toute société il n’y a point de bonheur à espérer sans une bonne constitution, la province du Lyonnais recommande à ses députés de ne délibérer sur aucun objet, avant que la constitution française ait été fixée par les Etats généraux. CHAPITRE II. Eglise. Nous demandons que la religion catholique, apostolique et romaine, soit seule dominante en France. Nous demandons que le clergé séculier et régulier aliène, dans le délai qui sera fixé par les Etats généraux, une partie de ses biens poulie payement de ses dettes, soit à jour, soit en constitution de rentes ; que les aliénations faites jusqu’à ce jour soient déclarées irrévocables, sans pouvoir être attaquées sous quelque prétexte que ce soit. Les députés présenteront le vœu des communautés pour l’érection en cures des annexes et vicaireries perpétuelles, pour la suppression des dîmes, casuels et quêtes, aux offres des communautés de pourvoir aux dépenses pour le service divin et à l’entretien des curés et vicaires, de manière à leur permettre de soutenir la dignité de leur caractère, et de tendre des secours à l’indigence ; qu’il ne sera plus impétré, pour quelques bénéfices que ce soit, des provisions en cour de Rome ; mais que les actes de nomination soient assujettis à un droit de sceau au profit de l’Etat, conformément au tarif qui sera arrêté par les Etats généraux. Que la pluralité des bénéfices soit prohibée, à moins que leurs revenus réunis n’excèdent pas la somme de 1 ,200 livres ; dès la prise de possession d’un second bénéfice, les deux bénéfices seront réputés vacants, impétrables, et les ecclésiastiques non bénéficiés en seront pourvus à première réquisition ; la résidence, pour les bénéhees qui l’exigent, sera au moins de dix mois chaque année, nonobstant tous privilèges, dispenses, emplois ou affaires ; en cas d’absence, les officiers municipaux des villes et communautés, seront autorisés à saisir les deux tiers des revenus des bénéfices, pour les employer au soulagement des pauvres. Que les dispenses de parenté soient accordées gratuitement par l’évêque diocésain, dans tous les cas prévus par les canons; celles de publications de bans n’auront plus lieu à l’avenir. Que les vœux pour l’entrée en religion ne pourront plus être prononcés avant l’âge de vingt-cinq ans accomplis. Que les communautés 39 610 [États �én. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] religieuses gui ne seront pas composées au moins de sept religieux j prêtres, soient éteintes et supprimées, les religieux réunis à une autre maison de leur ordre, et leurs biens vendus pour le payement de, partie des dettes. Que sur tous bénéfices dont le revenu excédera 2,000 livres, il soit imposé une taxe déterminée par les Etats généraux. Le produit en sera appliqué : 1° aux besoins des communautés de filles non rentées, à des prêtres du diocèse, vieux qu infirmes; 2° à rétablissement d’écoles et hospices de charité dans les campagnes. Que la régie des économats soit supprimée; que lors, de vacance des bénéfices, la perception des fruits et revenus, jusqu’à la prise de possession du nouveau titulaire, la reconnaissance de l’état des bâtiments et fonds, la. distinction des réparations à la charge de la succession, les poursuites contre cette succession, soient faites à la diligence des Etats provinciaux. CHAPITRE III. Législation. Les lois civiles et criminelles sont la sauvegarde de l’honneur, de la vie et des propriétés de tous les citoyens ; elles font la règle de leur conduite. C’est d’après ces vérités importantes que nous supplions le Roi et les Etals généraux de rassembler, le plus tôt possible, toutes les lumières de la magistrature, du barreau et de bons citoyens, pour établir un code uniforme, s’il est possible, pour tout le royaume, clair, précis et assez à portée de tout le monde, pour que chacun puisse y trouver, sans effort, le tableau de ses devoirs et de ses droits. SECTION PREMIÈRE. — Tribunaux et officiers de justice. 1° Les députés exposeront le danger de la vénalité des charges de magistrature, et en demanderont, avec instance, l’abolition. 2° On demande qu’il soit établi dans chaque province, et notamment dans celle du Lyonnais, une cour souveraine qui sera fixée à Lyon pour connaître en dernier ressort de toutes matières civiles et criminelles, même des droits fiscaux et domaniaux; que les charges en soient électives, inamovibles et ouvertes à tous les ordres, et que quelques-unes soient attribuées à des conseillers clercs et à des négociants recommandables. En conséquence, on demande que la juridiction ecclésiastique soit réduite à la connaissance des sacrements et de la discipline canonique, et que toutes les commissions, eaux et forêts, élections et autres tribunaux d’exception, tant souverains que de première instance, soient supprimées ; en pourvoyant, par les Etats généraux, au remboursement des offices, on exceptera de cette suppression les amirautés, les justices consulaires et les conservateurs des privilèges des foires. 3° On demande la suppression des commissaires enquêteurs, receveurs des consignations, commissaires aux saisies réelles, experts jurés et greffiers des rapports, payeurs des gages, jurés priseurs et notaires seigneuriaux; en conséquence, que les scellés soient mis par les juges, les inventaires faits par les notaires, les consi-§ nations reçues gratuitement dans la caisse des tats provinciaux, des prud’hommes experts nommés dans chaque paroisse ; que les notaires royaux soient astreints à la résidence fixée par leurs titres; quelles juges des seigneurs soient inamovibles et incapables de postulation ; et qu’enfin, chaque cour souveraine fasse pour son ressort un tarif général, clair et modéré des épices et de tous les droits dus aux notaires, procureurs, greffiers et huissiers. 4° Qn demande qu’il soit établi, partout où faire se pourra : 1° un ou plusieurs juges de paix, élus ar la paroisse, pour concilier les différends des abitants ; en sorte qu’on ne puisse se pourvoir en justice avant que les juges de paix aient porté leur décision ; 2° un conseil charitable dans chaque arrondissement pour aider de conseils, d’avances, les pauvres dans l’exercice de leurs droits ; 3° que les procureurs et huissiers soient responsables des nullités des procédures provenantes de leurs faits, et qu’il soit rédigé un règlement qui détermine les cas où les notaires répondront des nullités de leurs actes. SECTION II. — Réforme des lois. 11 sera formé un code national, adapté à nos mœurs et à notre gouvernement, qui prescrive les formes à suivre en matière civile et criminelle, et qui concilie, autant qu’il sera possible, le droit romain et les diversités des coutumes ; et pour y parvenir, les Etats généraux choisiront des commissaires parmi les plus habiles jurisconsultes de chaque province. On désirerait que le but des lois civiles fût d’unir les époux par des intérêts communs, de rendre l’autorité paternelle plus respectable, et d’assurer les propriétés et le repos des familles par l’abréviation du terme des prescriptions. Qn demande un code pour le commerce, simple, noble, protecteur de la bonne foi, et digne de la loyauté des négociants français. On attend surtout un codé de lois agraires qui encouragent l’agriculture, qui veillent à l’éducation dans les campagnes, qui protègent les cultivateurs, leurs récoltes, qui détruisent l’oppression des capitaineries et les abus de la chasse, qui soumettent à des règlements la police des colombiers et des animaux domestiques, et qui prohibent toute servitude rurale sans titre, à moins qu’elle ne soit forcée et naturelle. SECTION III. — Procédure criminelle. En s’en rapportant à la sagesse des commissaires qui choisiront les Etats généraux, la province du Lyonnais ne peut s’empêcher d’exprimer son vœu pour que le Code criminel classe les délits et les peines ; que les coupables, sans distinction de rang, subiront la peine due au crime dont ils seront convaincus. Cette égalité de peines, indiquée par la seule raison, peut seule éteindre le préjugé fatal qui fait rejaillir, sur une famille entière, l’ignominie qu’inspire le supplice d’un parent criminel. Nous espérons que les formes de cette loi nouvelle protégeront l’innocen,t contre une accusation injuste : mais, provisoirement, nous demandons que l’information et le premier interrogatoire soient faits en présence de trois juges ; qu’aprês le premier interrogatoire, il soit donné un (conseil à l’accusé; que dès lors toute l’instruction soit publique ; qu’il soit sursis, hors les cas de sédition, à l’exécution de tout jugement , portant condamnation à mort, pendant trois mois, à compter de la notification au conseil de l’accusé, pour [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] g4| lequel accusé le jugement sera tenu secret ; que la révision du procès sera faite huit jours avant l’exécution ; que la peine de mort pour crime de vol soit abolie, et que dès à présent les prisons soient un lieu de sûreté et non un lieu de supplice. SECTION IV. — Procédure civile. La nécessité de simplifier la procédure civile et d’abréger les formes ruineuses, longues, des ventes judiciaires et des distributions de prix, est trop manifeste pour qu’on doive insister : on demande cependant que provisoirement, la rigueur des contraintes par corps soit restreinte et adoucie ; gué les sentences de séparation de biens soient inscrites dans un tableau exposé dans l’auditoire de la juridiction royale ; que tout privilège de committimus et de garde-gardienne soit supprimé; et que l’article suivant soit érigé en règlement : « Toute signification sera faite à personne ou domicile, et l’buissier tenu de prendre un récépissé de la partie ou de la personne étant dans son domicile; et en cas d’absence ou de refus, de prendre le récépissé d’un préposé qui sera à cet effet établi dans les villes et dans les campagnes, l’huissier prendra le récépissé du curé, ou de son vicaire, ou du syndic de la paroisse. » ! SECTION V. r— Droits féodaux. 1° Toute servitude personnelle, corvée à miséricorde, mi-lods en ligne directe et retrait féodal «t censuel , seront abolis sans indemnité, ainsi que tous les droits insolites, autres que les cens et servis, tels que ceux de leyde, couponage cartelage, barrage, fouage, maréchaussée, banvin, ban-d’août, fours, pressoirs, moulins banaux, tabellionage et autres semblables. 2° Les censitaires auront la faculté perpétuelle de racheter tous leurs cens et les rentes foncières, suivant les formes et tarifs qui seront arrêtés par les Etats généraux. Les fonds affranchis seront exempts du droit de franc-fief ; ils ne seront soumis qu’à un simple contrôle, et le prêteur qui aura fourni les deniers de rachat sera privilégié à tous les créanciers, même au bailleur de fonds. 3° Les cens, directes, rentes foncières, obits, se prescriront par trente ans, les arrérages et profits éventuels, par cinq ans, et il sera défendu à l’avenir d’aliéner aucun fonds sous cens et servis. 4° Le droit de lods et mi-lods , au cas où il est dû, se percevra sur la valeur présente du sol, indépendamment de toute construction, à moins que le titre originaire, et à son défaut le terrier le plus ancien, ne fît mention de l’existence d’un bâtiment. 5° Les eaux vagues et Allantes dans les chemins appartiendront à celui qui pourra les recueillir rière ses possessions, pourvu que la prise qu’il en fera ne dégrade pas le chemin : les abénévis en ce genre seront déclarés abusifs et contre le droit commun. CHAPITRE IV. Police générale. Le Roi et les Etats généraux seront suppliés de prendre en considération les abus qui se sont glissés dans le régime des universités, dans la concession des grades et dans l’éducation publique ; de l’établir de manière à former dans tous les ordres des citoyens utiles; que l’amour de la patrie, l’esprit public, soient dès l’enfance le premier sentiment de tout Français ; que les lois constitutionnelles deviennent des livres classiques dans les villes et dans les campagnes; qu’il soit établi dans chaque paroisse des écoles gratuites, où les enfants puissent apprendre à lire, à écrire, et les éléments de calcul ; que dans les villes les enfants du peuple soient instruits gratuitement des éléments des arts les plus utiles; que partout l’oisiveté, l’inutilité et l’intrigue, toujours surveillées par la loi, n’obtiennent que le mépris. Les curés, dans les villes et les campagnes, doivent avoir, par leur exemple et par la confiance due à leur caractère, la plus grande influence sur la régénération des mœurs. Nous demandons encore que dans chaque diocèse il y ait des places honnêtes, réservées aux curés et vicaires pour leur servir de retraite, lorsque leur grand âge ou des infirmités ne leur permettent plus de continuer leurs fonctions. Nous demandons que les enfants trouvés soient élevés aux frais de la nation, pour former des citoyens utiles, de bons soldats. Qu’il soit pourvu dans chaque paroisse aux besoins des infirmes et des vieillards indigents, et que la mendicité soit proscrite dans tout le royaume, comme le vice le plus contraire au bon ordre. La liberté de la presse sera admise, mais tout écrit contraire à la religion et à la décence, ou attentatoire à la réputation des personnes, sera considéré comme libelle, et les distributeurs, imprimeurs et auteurs seront poursuivis avec rigueur. Le secret et la sûreté des objets confiés à la poste, seront mis sous la sauvegarde de la nation; et l’assemblée nationale s’occupera d’un tarif relatif à ces objets. On désire la suppression des états-majors, des gouvernements de tout genre, grands et subalternes, à l’exception de ceux des villes frontières ; la suppression des commissaires provinciaux des guerres, et la suppression de la régie des étapes ; les Etats provinciaux assureront le logement des gens de guerre, aucun privilège nren pourra dispenser. Les commissaires départis dans les provinces, et les ingénieurs des ponts et chaussées seront supprimés ; leurs fonctions seront confiées aux Etats provinciaux et à leurs préposés; dans les projets des routes nouvelles, on adoptera de préférence ceux qui favoriseront l’agriculture, en facilitant l’exportation des denrées. On désire que les portes des vil! is, dans l’intérieur du royaume, à l’exception de celles où il y aura garnison, soient ouvertes la nuit comme le jour, à l’exemple de celles de la capitale. Que, pour procurer aux campagnes des médecins, chirurgiens et sages-femmes instruites, on cherche les moyens de faciliter à ceux qui en seront jugés dignes par les Etats provinciaux, des établissements avantageux dans les arrondissements qui en demanderont. Nous demandons l’exécution delà loi salutaire, qui ordonne l’inhumation hors l’enceinte des villes. ... Enfin, comme rien n’intéresse aussi essentiellement la classe la plus nombreuse de la nation, que la fixation modérée et équitable du prix des subsistances, nous demandons que, d’après des essais authentiques de panification et de tueries., 612 [Ëtatsgén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] il soit dressé dans toutes les provinces des tables qui serviront de règle pour éviter tout arbitraire dans la fixation du prix du pain et de la viande. CHAPITRE v. Agriculture et commerce. L’assemblée la plus auguste de la nation arrêtera essentiellement ses regards sur l’agriculture et le commerce , ces deux sources inépuisables de la richesse et de la force nationales. L’agriculture nous donne la subsistance , le commerce donne aux productions de l’agriculture une valeur qui augmente les ressources du cultivateur ; ces deux professions utiles et honorables doivent être toujours unies par le même intérêt. Nous demandons pour l’agriculture liberté et encouragement. L’agriculteur sera libre lorsque, délivré des entraves et des chaînes qui pèsent sur lui, il n’aura plus à combattre contre les impôts destructeurs, perçus sur les vins et boissons, impôt soumis au régime le plus inquisitionnel -, ainsi nous demandons la suppression de tous les droits sur les vins et boissons, ou au moins que jusqu’au jour heureux qui les verra abolir, nous soyons affranchis des visites, exercices et autres formes inquisitionnelles. Le régime des gabelles n’est pas moins vexa-toire, et cet impôt funeste prive le peuple et les bestiaux du sel, cette denrée précieuse, non moins utile à la santé des hommes, qu’à la multiplication des troupeaux. Nous demandons que le sel acheté aux marais salants, à un prix uniforme, qui rendra au trésor national un produit égal à celui des gabelles, soit vendu librement dans l’intérieur du royaume, à un prix qui se fixera de lui même, en raison de l’achat et des frais de transport. Nous demandons aussi que la vente privilégiée du tabac se fasse en bâton et aux frontières, et que le tabac circule librement dans l’intérieur du royaume, ainsi que toute autre marchandise. Nous demandons, pour le bonheur de l’agriculture, l’affranchissement de tous les droits sur les denrées de première nécessité. La suppression des mi-lods, en ligne directe et de ceux en cas d’échange, qui sont dans la main du Roi, et la liberté de racheter, moyennant un prix modéré, ceux aliénés aux seigneurs. L’abolition de droits insolites, non justifiés par titres ; la faculté de racheter ceux qui seront justifiés, moyennant un prix modéré. Nous demandons des distinctions, des récompenses pour les cultivateurs qui auront enrichi le premier et le plus utile des arts par des découvertes. Nous osons espérer, et nous demandons avec instance l’abolition de ces concessions trop fréquentes, qui, en assimilant, contre tous les principes , les carrières de charbons de terre aux mines, dépouillent les propriétaires de leur héritage, pour en investir un concessionnaire, qui revend le plus souvent au propriétaire qu’il a dépouillé, le droit d’exploiter sa propre carrière: c’est à cet abus que nous devons le renchérisse-sement du caarbon de terre dans nos provinces, où la rareté du bois à brûler se fait sentir depuis longtemps. Nous demandons que le tirage des milices soit aboli, ou au moins qu’il soit libre à tous habitants, sujets à la milice, de racheter par une redevance modique la délivrance du tirage; la somme de ces redevances réunies peut fournir aux frais des enrôlements volontaires, et ce moyen simple, conserverait à l’agriculture des bras utiles et des mœurs. Que les chemins vicinaux soient entretenus, et d’une largeur suffisante, pour permettre la libre circulation des denrées. Que le commerce des grains et des bestiaux ne soit jamais gêné par des lois prohibitives, et que leur libre circulation , même la sortie du royaume, ne puisse être Interrompue que momentanément et à la demande des Etats provinciaux, lorsque l’on pourra craindre la trop grande diminution de la masse des subsistances ou des bestiaux. Nous demandons enfin que les biens communaux restent en nature aux communautés qui seront autorisées à faire rentrer dans leurs mains ceux aliénés ou usurpés, quelque longue que puisse être la possession des détenteurs desdits biens. Le commerce, non moins entravé que l’agriculture, a droit à la même liberté. Nous demandons pour lui l’abolition de tous les péages, sauf à indemniser les propriétaires, sous la déduction des charges imposées à ces droits onéreux; la suppression de tous les privilèges et des messageries; la destruction des droits de marque sur les fers, qui donnent dans le sein même du royaume un avantage aux fers de Suède sur les fers de France ; de la marque des cuirs, impôt inquisitorial, auquel nous devons la destruction de notre commerce des cuirs, qui était florissant avant cette invention fiscale. L’abolition de tous les droits de plomb et marque sur les étoffes de toiles nationales, ainsi que la suppression de tous inspecteurs des toiles, et de tous droits de jurandes. Du droit sur les amidons, les huiles, les savons, les papiers et cartons, et sur toutes matières premières, importées pour alimenter les manufactures nationales. La libre circulation, sans aucuns droits dans le royaume, de tous objets de commerce; et qu'en suivant le vœu, si souvent répété par la nation entière, les douanes et barrières soient transportées aux frontières. On examinera s’il est avantageux pour la ville de Lyon de demander un bureau de transit , sollicité par sa position ; et si ce bureau, qui, sans nuire à aucune autre ville, peut nous rendre le commerce d’entrepôt, qui fut la source de notre prospérité longtemps avant l’établissement des manufactures, peut être établi sans gêner la circulation et la liberté que désirent tous les ordres des citoyens. Nos députés porteront aux Etats généraux Je vœu de l’établissement d’un poids et d’une mesure uniformes dans tout le royaume. De l’abolition des lettres de répit et de surséance ; et qu’après avoir consulté les chambres de commerce, l’édit de 1673 soit remplacé par une loi nouvelle, qui contienne de sages règlements , pour prévenir des fraudes trop fréquentes daus les faillites ; que les jugements des tribunaux de commerce soient exécutés, sans pareatis, dans tout ir royaume, et qu’ils puissent juger en dernier ressort jusqu’à 4,000 livres; que, dès à présent, pour arrêter les abus excessifs et ruineux qui accompagnent les faillites, on fasse le règlement suivant : « Los négociants seront tenus de faire parapher par des juges-consuls chaque feuillet du livre-journal dont ils se serviront; le paraphe sera mis [Etats gén. 17S9. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] ($13 gratuitement ; le livre où cette formalité aura été omise, ne fera pas foi en justice; les faillis qui n’auront pas ce livre paraphé à produire, seront réputés banqueroutiers frauduleux. « Nul ne sera admis à déposer bilan, et à traiter avec ses créanciers, s’il n’a des livres en la forme prescrite, et n’est armateur, banquier, manufacturier ou marchand. « Son dépôt de bilan sera fait au greffe ou chez un notaire : ce dépôt fait, le failli ne pourra être arrêté pour dettes civiles; mais il lui sera défendu de s’absenter, sous peine d’être réputé banqueroutier frauduleux. « A l’instant du dépôt du bilan, les scellés seront apposés, et il sera informé du fait de la faillite, à la requête du procureur du Roi, en la juridiction consulaire ; la procédure sera, dans tous les cas, suivie jusqu’à jugement définitif, aux frais du domaine. « S’il est reconnu que la faillite n’a eu pour cause que des malheurs ou de légères imprudences, il sera prononcé un jugement d’absolution qui ne sera pas susceptible d’appel. « S’il est évident que le failli s’est livré à des dissipations, et que, connaissant son insolvabilité, il ait préféré contracter des engagements, il sera prononcé un jugement d’admonition. « S’il est prouvé que le failli a détourné ses effets, supposé des créanciers, falsifié des livres, ou s’il n’a pas fait au moins tous les deux ans un inventaire, il sera déclaré banqueroutier frauduleux, et condamné aux galères perpétuelles. « Dans le cas où le traité entre le débiteur et ses créanciers ne contiendra qu’un attermoiement sans remise, la pluralité sera formée par le concours des créanciers privilégiés, hypothécaires et chirographaires. « Quand le traité contiendra remise à perte de finance, la pluralité ne sera formée que par les trois quarts du total des créances chirographaires. « Les faillis seront exclus de la Bourse, et de droit seront incapables de tous emplois et fonctions publiques ; leur nom sera inséré dans un tableau exposé dans la salle d’audience de la juridiction consulaire, avec mention du jugement d’absolution, d’admonition ou de condamnation qui aura été rendu. Ceux qui auront accepté les successions ou donations des faillis, seront exclus, ainsi que leurs héritiers, des charges municipales et emplois publics, à moins qu’ils n’abandonnent à la masse des créanciers tout ce qu’ils auront recueilli, ou qu’ils ne fassent réhabiliter le failli en sa mémoire. « Qu’il soit libre de stipuler l’intérêt dans tous les contrats publics ou privés pour prêt d’argent, et que l’intérêt dans les affaires civiles soit réglé suivant le taux du prince, et dans toutes affaires de banque, commerce ou finance, au taux du cours de la place. « Que les places à mesure de vacance, dans les chambres et dans les tribunaux de commerce, soient nommées par le suffrage libre des négociants et manufacturiers. « Que le Roi et la nation assemblés prennent en considération les divers traités de commerce faits avec les puissances étrangères, et calcûlent les avantages ou les maux qui peuvent en résulter pour le commerce national. « Que les députés du tiers-état de cette sénéchaussée mettent sous les yeux du bureau chargé par les Etats généraux des objets intéressants de commerce, le régime des jurandes qui régissent nos manufactures ; que les Etats pèsent, dans leur sagesse, si, en établissant des règles pour assurer le titre des matières et la qualité de l’étoffe que l’œil ne peut apercevoir, il ne serait pas plus sage de laisser à l’industrie cette liberté, qui toujours augmente ses ressources, que d’imposer aux manufactures des gênes souvent oppressives, qui, loin de favoriser le commerce, ne servent presque toujours qu’à nuire à ses progrès. » ' Nous chargeons nos députés de remontrer aux Etats généraux que, dans les villes de manufacture, la classe des ouvriers est toujours la plus nombreuse, et qu’on ne peut charger les denrées de première nécessité du droit le plus léger, sans augmenter la main-d’œuvre, et nuire par cela même à la concurrence de nos manufactures avec les manufactures étrangères. Ils mettront sous les yeux de Rassemblée nationale Vexcessivité des droits qui renchérissent à Lyon les subsistances, et la misère extrême des ouvriers de nos fabriques ; ils demanderont avec instance la suppression de ces droits, non moins nuisibles aux habitants des campagnes qu’aux ouvriers de la ville. Nos députés proposeront d’ordonner que toute invention utile pour le commerce soit récompensée, et que le négociant distingué par sa probité et son utilité, ou tous autres citoyens, recommandable par ses services, puisse obtenir la noblesse, et que la noblesse vénale soit abolie. La marine marchande sera honorée et procurera l’entrée de la marine royale ; les commerçants et manufacturiers ne dérogeront point à la noblesse; on distinguera dans la distribution des grâces et des honneurs ceux qui auront suivi le commerce de leurs pères; et les Etats généraux, seront invités à déclarer ennemis de la nation, et indignes du nom de négociant, les hommes assez vils pour se prostituer au jeu de l’agiotage. Les députés représenteront avec force que les manufactures de Lyon et Saint-Chamon, et autres de la province, menacées d’une ruine totale, ont des droits puissants à la protection de la nation ; parce que leur bénéfice se faisant sur l’étranger, la prospérité du royaume est étroitement liée avec la leur. Ils demanderont, en conséquence, qu’elles soient efficacement soutenues et encouragées; que des primes leur soient accordées; qu’on favorise leurs exportations par les traités de commerce, le tarif des traites aux frontières du royaume, la vigilance des* ambassadeurs et consuls, l’abondance des denrées et la bonne administration de ces manufactures; les députés feront sentir que l’intérêt que ces manufactures inspirent s’étend à la province qui leur fournit des denrées et des bras. Enfin, ils présenteront le vœu du tiers-état, pour que toutes les lois générales relatives, soit à l’agriculture, soit au commerce, ne soient rendues que du consentement des Etats généraux, et que les ordonnances particulières ou sociales ne soient rendues que du consentement des Etats provinciaux, ou sur l’avis des chambres de commerce. CHAPITRE vi. Domaines et finances . Nos députés proposeront aux Etats généraux de prendre uneconnaissanceapprofondie desdéprédations commises dans l’administration des finances et des domaines, et d’employer avec sagesse, justice et fermeté, les moyens les plus propres à Féparer les pertes que le trésor public en aurait prouvées. éNos députés remontreront que de toutes se Qii [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] compagnies de finance, nulle n’exerce sur la nation un empire plus despotique et plus meurtrier que les régisseurs des domaines, accoutumés dès longtemps à juger en dernier ressort dans toutes les parties de l’administration qui leur est confiée ; les droits domaniaux sont devenus dans leurs mains un fléau pour les provinces ; toutes les perceptions ont acquis à leur gré une extension incalculable ; les actes ont été scrutés et taxés à volonté. Ils demanderont que les tribu-eaux ordinaires, et les cours par appel, connaissent de toutes les contestations relatives à ces droits ; et que dans aucun cas le conseil ne puisse y statuer. Ils demanderont un tarif modéré et clair de tous les droits qui ne laissent aucune prise à l’arbitraire. La suppression des droits de franc-fief, foi et hommage pour les allodiaux, plus onéreux qu’utiles au domaine ; des droits perçus, contre toutes règles, au profit du domaine, sur les moulins placés sur les fleuves et rivières, invention récente et désastreuse qui, en assujettissant un frêle artifice à tous les droits dus sur un immeuble, augmente le prix des moutures et pèse sur la classe la plus indigente de la nation ; la modération des droits de greffe, droits réservés et insinuation accrus arbitrairement au gré des préposés du domaine; l’abolition -du centième denier et contrôle des inventaires dans tous les cas où l’actif des successions ne suffit pas au ement des dettes. 'établir dans la régie des domaines de la couronne, en supposant que le Roi et la nation assemblés n’ordonnent pas leur aliénation , une régie plus économique et plus propre à en améliorer le produit. Nos députés proposeront que les Etats généraux vérifient et arrêtent avec une sage économie les dépenses nécessaires pour le service de chaque département, l’état des pensions et gratifications; qu'ils prennent connaissance de l’étendue de la dette publique, et qu’elle ne soit consolidée qu’a-près que la Constitution aura été fixée d'une manière invariable ; que l’Etat actuel des finances soit rendu public par la voie de l’impression; que les Etats généraux concertent un ordre invariable dans les finances, et des précautions sûres pour empêcher ou prévenir toute dissipation des fonds publics dans l’intervalle d’une tenue des Etals généraux à l’autre, et assurer leur emploi aux destinations qui auront été arrêtées par les E’tats généraux. Qu’il soit rendu chaque année un compte public et imprimé de la recette et dépense des finances de l’Etat ; que ce compte , avec les iéces justificatives, soit mis sous les yeux des tats généraux à l’ouverture de leurs séances, pour être examiné avec la plus scrupuleuse attention. CHAPITRE VII ET DERNIER. Impôts. Les députés de cette sénéchaussée concourront, Èar tous les efforts de leur zèle, au nom du tiers-tat de cette province, à l’établissement des ressources suffisantes pour les besoins de l’Etat, Tous les impôts actuellement subsistants, sous quelque dénomination que ce soit, seront sup-Iirimés ; il en sera octroyé de nouveaux, selon a proportion qu’exigera fa situation où se trouvera la nation ; leur durée sera limitée, et ils seront supportés, avec égalité, en proportion des biens et facultés par tous les sujets de l’Etat, sans distinction d’ordre, et sans égard à toutes prétentions, privilèges, de la part d’aucune ville ou province du royaume. Dans le choix des impôts qui seront délibérés par les Etats généraux, nos députés proposeront d’octroyer et consentir, par préférence, ceux dont l’égale répartition, à raison des biens et facultés, sera la plus facile, dont la perception sera la moins coûteuse, et qui seront les moins onéreux pour l’agriculture et le commerce; en conséquence, l’impôt sera toujours perçu en argent et non en nature. Ils proposeront de rechercher les moyens de faire participer à l’impôt le capitaliste, dont la fortune, cachée dans un portefeuille, échappe toujours aux contributions ; d’y assu-’ettir les rentiers, les objets de luxe ; ils feront eurs efforts pour en affranchir les denrées de première nécessité, les matières premières propres aux manufactures nationales. Us remontreront la nécessité d’établir un ordre juste, mais modéré, pour la perception des i mpôts, et surtout de garantir les laboureurs, les outilset bestiaux servant à l’agriculture, ainsi que les pailles et foins nécessaires à leur entretien, des exactions des agents du fisc. Us demanderont que la répartition des impôts entre les généralités soit réglée par les Etats ; é-néraux ; celle entre les paroisses, par les Etats provinciaux, et la répartition entre les individus soit faite par les municipalités ; que la recette de chaque paroisse soit versée directement au trésor royal, par les préposés des Etats provinciaux, déduction faite ae toutes les charges à payer dans la province, et qui y seront acquittées aux parties prenantes. Qu’il soit avisé aux moyens les plus sages pour opérer une répartition équitable des impôts entre les individus, les paroisses, les districts et les généralités; en sorte que nul ne supporte l’impôt qu’en raison de ses propriétés ou facultés. Qu’en réglant les attributions et le régime des Etats provinciaux, ces administrations soient tenues de rendre public chaque année le compte en recette et dépense des contributions de leur généralité ; que, dans toutes les villes, les municipalités chargées de la régie des biens de la commune soient astreintes à rendre public chaque année le compte de son administration. Nos députés remontreront combien il importe que l’ordre le plus exact soit établi, non-seulement dans l’administration générale de l’Etat, mais encore dans la régie des biens de toutes les communes, corps et municipalités. Ils demanderont que ces régies particulières soient astreintes à des règles fixes et invariables; que les biens et octrois appartenant aux villes , corps et communautés, soient toujours affermés à l’enchère et publiquement, et l’exécution des bauxsera sous la sauvegarde de la nation et la surveillance des Etats généraux; que tous les ouvrages ou entreprises les concernant, soient adjugés au rabais avec la même publicité ; que les Etats provinciaux soient spécialement chargés de l’exécution de ces règles ; que toutes les villes, corps et communautés, ayant des dettes, soient tenus de fournir aux Etats généraux un tableau de leur situation, pour être délibéré sur les moyens de les obliger à liquider leurs dettes. Après qu’il aura été délibéré et pourvu sur les objets qui intéressent la nation en général, qu’il soit permis à nos députés d’arrêter un instant les regards des Etats généraux sur la ville de Lyon. Uette ville, fameuse autrefois par la prospérité [Etals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Lyon.] 618 de son commerce, a vu disparaître le bonheur ui semblait s’être fixé dans ses murs ; les caprices e la mode, qu’il eût été facile de diriger en faveur des étoffes nationales, ont perdu nos manufactures : une classe nombreuse et intéressante d’ouvriers utiles, éprouve les horreurs de la misère, et n’a trouvé de ressources que dans la charité publique. Pour comble de maux, une dette immense accable la ville de Lyon, et pour subvenir au payement des arrérages, des vues vicieuses ont toujours les octrois sur les vins et boissons, sur le pied fourché ; à Lyon même, les grains sont soumis à des droits de leyde, barrage, cartelage ; ou s’ils arrivent par la Bourgogne, ils sont chargés des octrois de la Saône, en sorte que les denrées de première nécessité sont renchéries au détriment du peuple et de nos fabriques. • Ces surcharges pèsent non -seulement sur la ville, mais encore sur le cultivateur, qui, en dernier résultat, souffre toujours des contributions impolitiques auxquelles sont soumises les consommations. De plus, la dette de la ville donne de l’ombrage aux propriétaires de la campagne, qui craignent toujours de voir refluer sur eux une partie des charges locales de la ville, ou que ces charges ne nuisent à la juste répartition de la contribution publique, entre les habitants de la ville et ceux de la campagne. Ce n’est pas que les habitants de la ville de Lyon n’aient le plus ferme et le plus constant désir de supporter* en raison de leurs propriétés et facultés dans la ville, l’impôt public, dans la plus parfaite égalité avec les habitants de la campagne ; ce n’est pas qu’ils n’aient renoncé à toute espèce de privilège attaché à la qualité de bourgeois de Lyon. Les Etats généraux, en consentant des impôts uniformes pour les habitants des villes ei pour ceux des campagnes, les impôts existants ne devant plus avoir lieu, il sera facile d’établir dans la répartition de l’impôt l’égalité si justement désirée ; et les habitants de la ville auront à supporter, outre leur part égale et proportionnelle dans la contribution publique, les droits locaux résultant de la dette municipale. Mais il importe, pour le bonheur de tous, de mettre une borne à ces droits, et de les établir de manièreàcequeleurassiettenepuisse en aucun cas devenir nuisible aux habitants de la campagne. La dette de la ville de Lyon a pour cause, en plus grande partie, les avances faites au trésor royal pour tout autre motif que celui d’acquitter des impositions communes à toutes les villes. Ainsi nos députés demanderont avec instance que toute la portion de la dette de la ville de Lyon, qui sera justifiée avoir poUr cause des avances faites au trésor royale à tout autre titre que celui d’acquitter des impositions communes avec les autres villes du royaume, soit déclarée dette nationale, et que l’Etatpoui vmkî'ôu payement des arrérages, et à l’extinction de ladite! dette. Qu’il soit pourvu à l’établissement d’impositions suffisantes, pour parvenir au payement des arrérages et amortissement süôcessïf du sdrplus de ladite dette, qui sera reconnue dette de la ville. Cette contribution sera supportée par les habitants de la ville de Lyon» et sans diminution de la part qu’ils seront récîranus devoir supporter à raison de leurs propriétés et facultés, dans les impôts qui seront consentis parles Etats généraux. Et enfin ces droits seront établis de manière à ce qu’ils ne puissent refluer directement ni indirectement sur les habitants des campagnes, ou nuire à la vente et consommation des denrées de première nécessité. Au surplus, nos députés ne négligeront aucune des demandes particulières des diverses corporations ou communautés de cette sénéchaussée, lesquelles seront réunies dans le cahier d’instruction qui leur sera remis avec les présentes.