728 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] DÉCRET de V Assemblée nationale du 28 mars 1790, concernant les COLONIES, suivi d’une instruction pour les îles de Saint-Domingue, la Tortue, la Gonave et l’ile a Vaches (1). L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des Instructions rédigées par le comité des colonies, en exécution de ses décrets du 8 du présent mois, pour les colonies de Saint-Domingue, à laquelle sont annexées les petites îles de la Tortue, la Gonave et l'île à Vaches; de la Martinique ; de la Guadeloupe, à laquelle sont annexées les petites îles de la Désirade, Marie-Galante, les Saints, la partie française de l’île Saint-Martin ; de Cayenne et la Guyane; de Sainte-Lucie; de Tabago; de l’île de France et de l’île Bourbon, a déclaré approuver lesdites instructions dans tout leur contenu ; en conséquence, elle décrète qu’elles seront transcrites sur le procès-verbal de la séance et que son président se retirera par-devers le roi, pour la prier de leur donner son approbation. Décrète, en outre, que le roi sera supplié d’adresser incessamment lesdites instructions, ainsi que le présent décret, et celui du 8 de ce mois, concernant les colonies, aux gouverneurs établis par Sa Majesté dans chacune desdites colonies, lesquels observeront et exécuteront les-dits instructions et décrets, en ce qui les concerne, à peine d’en être responsables, et sans qu’il soit besoin de l’enregistrement et de la publication d’iceux par aucuns tribunaux. Au surplus, l’Assemblée nationale déclare n’entendre rien statuer, quant à présent, sur les établissements français dans les différentes parties du monde, non énoncés dans le présent décret, lesquels, à raison de leur situation, ou de leur moindre importance, n’ont pas paru devoir être compris dans les dispositions décrétées pour les colonies. Suit la teneur de l’instruction : Instruction adressée par l'Assemblée nationale à la colonie de Saint-Domingue , à laquelle sont annexées les petites îles de la Tortue, la Gonave et l’île d Vaches. L’Assemblée nationale ayant, par son décret du 3 de ce mois, invité toutes les colonies françaises à lui transmettre leurs vues sur la Constitution, sur l’administration, sur les lois, et généralement sur tous les objets qui peuvent concourir à leur prospérité, a annoncé qu’il serait joint à son décret quelques instructions nécessaires pour parvenir plus sûrement et plus promptement à ce but. Ces instructions doivent avoir pour objet la formation des assemblées destinées à exprimer le vœu des colonies, et quelques points généraux propres à servir de base à leur travail. (1) Ces deux documents ont été adoptés le 28 mars 1790 (Voir Archives parlementaires , tome XII, page 387); M. Barnave, rapporteur, devait en représenter la rédaction définitive à la séance du lendemain avec les amendements adoptés. Cette formalité ne fut pas remplie; et te comité des colonies se contenta d’en rédiger le texte definitif suivant les vues de l’Assemblée et d’en faire la publication. U y a donc lieu d’insérer ici ces documents qui n’ont pu prendre place à leur date. Pour connaître le vœu des colonies, il est indispensable de convoquer des assemblées coloniales, soit dans les colonies où il n’en existe point encore, soit dans celles où les assemblées existantes ne seraient pas autorisées par la confiance des citoyens. Obligée de tracer provisoirement un mode pour leur formation, l’Assemblée nationale a cru devoir choisir les formes les plus simples, les plus rapprochées de celles qui ont été adoptées dans les colonies où les citoyens se sont d’eux-mêmes et librement a-semblés, enfin les plus convenables à des assemblées dont le principal objet doit être de préparer des plans de Constitution. Ces assemblées méditeront elles-mêmes, en préparant la Constitution des colonies, quels doivent être pour l’avenir la composition et le mode de convo ation des assemblées coloniales. Vouloir en ce moment prescrire à cet égard des règles multipliées et compliquées, vouloir faire plus qu’il n’était indispensable, c’eût été non seulement s’exposer à des erreurs, non seulement appeler les difficultés dans l’exécution, mais altérer l’esprit du décret rendu eu faveur des colonies, en faisant, pour ainsi dire, d’avance la Constitution qu’elles sont invitées à proposer. D’après ces considérations, l’Assemblée nationale a cru que la députation aux premier s assemblées coloniales devait être directe, et sans aucun degré intermédiaire d’électeurs ; Qu’elle devait se faire dans les paroisses ; Que chaque paroisse devait députer, à raison du nombre des citoyens actifs qu’elle renferme dans son sein ; Que pour cette convocation, et jusqu’à ce que la Constitution soit ar rêtée, on devait considérer comme citoyen actif, tout homme majeur, propriétaire d’immeubles, ou, à défaut d’une telle propr été, domicilié dans la paroisse depuis 2 ans, et payant une contribution. Les raisons communes à tous ces articles sont l’extrême facilité de l’exécution, leur ressemblance avec tout ce qui s’est pratiqué dans les colonies, où les habitants out formé d’eux-mêmes des assemblées ; enfin, le caractère d’une représentation pure, immédiate et universelle, qui convient particulièrement à des assemblées destinées à préparer des plans de Constitution. On pourrait ajouter, pour la députation directe, que la population des colonies s’y prête sans difficulté, et que ce mode de représentation, le seul que la nature indique, et que la sévérité des principes avoue, est d’une obligation rigoureuse toutes les fois qu’il est possible. Pour la députation par paroisses, quelles sont en ce moment dans les colonies les seules divisions politiques qu’on puisse faire servir commodément à la représentation ? Pour la représentation proportionnée au nombre de citoyens actifs, elle offre évidemment dans le moment actuel la seule mesure possible, et elle tient au principe fondamental des assemblées qui préparent des constitutions ; car ces assemblées exerçant un droit qui appartient essentiellement au peuple, n’offrant nullement [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes,] 729 une magistrature ou un pouvoir institué, mais l’image et ia représentation du peuple même, tous ceux qui jouissent du droit de cité y sont naturellement appelés : tous devraient y prendre place, sans l’impossibilité qui résu te de leur nombre ou de quelque autre motif. La nomination des députés n’est autre chose, pour ces assemblées, qu’une réduction nécessitée par les circonstances, et ne peut par conséquent être proportionnée qu’au nombre de ceux qui, dans l’ordre naturel, auraient dû concourir à la délibération. On verra successivement quelles précautions ont été prises pour que cette forme de représentation ne fût pas désavantageuse aux campagnes. Quant aux conditions attachées provisoirement à la qualité de citoyeu actif, on peut ajouter, à tout ce qui précède, qu’il est de l’intérêt général de chaque colonie d’en multiplier le nombre, autant qu’il est possible, et que le même intérêt existe en particulier pour toutes les paroisses, puisque le nombre de leurs députés sera proportionné à celui de leurs citoyens actifs. Cependant il a paru qu’à défaut d’une propriété immobilière, la simple condition d’une contribution ne pouvait pas être suffisante, et que dans les colonies où beaucoup de gens n’habitent que momentanément, et sans aucun projet de s’y fixer, le domicile de 2 ans était indispensable pour attribuer la qualité de citoyen actif au contribuable non propriétaire. Cette disposition est une de celles qui contribueront à garantir les campagnes de. l’influence prédominante des villes. En adoptant ces bases et toutes celles qui réuniraient la justice et la célérité, il est impossible de déterminer d’avance et d’une manière exacte le nombre de députés qui formeront les assemblées coloniales; mais il suffit évidemment de le prévoir par approximation ; et c’est ce qui résultera de la proportion établie dans chaque colonie entre le nombre des députés et celui des citoyens actifs. Le nombre des députés à chaque assemblée coloniale doit être assez grand pour autoriser la confiance de la colonie et celle de la métropole; il doit être assez borné pour que les déplacements ne deviennent pas une charge pénible pour les habitants, et pour que la célérité des opérations que toutes les circonstances rendent si désirable n’en soit pas nécessairement arrêtée. L’Assemblée nationale a pensé que l’assemblée coloniale de Saint-Domingue, à laquelle sont jointes les petites îles de la Tortue, la Gonave et i’île à Vaches, aurait le nombre de députés convenable, si chaque paroisse en nommait un, à raison de 100 citoyens actifs, avec les modifications suivantes. La députation devant se faire dans chaque paroisse isolée et séparée, la justice exige que la moindre paroisse ne demeure pas sans représentation, et qu’en conséquence elle nomme un député, quand même le nombre de ses citoyens serait très inférieur à 100. Quant aux paroisses qui auraient plus de 100 citoyens, il a paru juste que le nombre qui pourra se trouver par delà les centaines complètes, obtienne un député, quand il sera de 50 au moins, puisque, étant également près du nombre où Je député serait entièrement dû, et de celui où il n’y aurait rien à prétendre, la faveur de la représentation, et celle qui, dans les colonies, est particulièrement due aux campagnes, doit déterminer à l’accorder. Il est évident que ces deux dernières dispositions, comme celles qui sont relatives à la qualité de citoyen actif, sont toutes en faveur des campagnes, et tendent à rétablir en leur faveur la j uste proportion d’influence qu’elles doivent avoir avec les villes. Ces formes de représentation étant convenues, l’Assemblée nationale doit indiquer la marche qui sera suivie pour les mettre à exécution. La plus prompte et la plus simple a paru la meilleure. La transcription, la publication et l’autorité des tribunaux, sont en général des moyens peu convenables à l’établissement des assemblées représentatives. Ils convenaient moins encore dans les circonstances actuelles. Il a paru à l’Assemblée nationale que la diligence du gouverneur de chaque colonie, garantie par la surveillance des citoyens, et par sa responsabilité, devait suffire pour faire parvenir, proclamer et afficher dans toutes les paroisses ses décrets et ses instructions. Cette forme étant remplie, les décrets et les instructions étant authentiquement connus, le zèle et l’intelligence des citoyens suffisent à leur exécution. D’eux-mêmes ils se formeront en assemblées paroissiales; ils vérifieront quels sont ceux qui remplissent les conditions requises pour y voter; ils en calculeront le nombre pour connaître celui des députés qu’ils doivent envoyer à l’assemblée coloniale; ils éliront enfin les députés qui se rendront immédiatement dans la ville centrale, indiquée par cette instruction, et qui, de concert, y formeront l’assemblée coloniale, ou la transféreront dans tel lieu qui leur paraîtra mieux convenir. Les seules difficultés qui pourraient naître seraient relatives aux assemblées coloniales déjà formées et existant dans quelques colonies. Si ces assemblées, après avoir connu les décrets et l’instruction de l’Assemblée nationale jugent elles-mêmes que la formation d’une nouvelle assemblée, conformément à cette instruction, est plus avantageuse à la colonie que leur propre continuation, il est hors de doute que leur déclaration sera parfaitement suffisante, et qu’on devra procéder sur-le-champ à de nouvelles élections. Mais, si elles n’énoncent point cette opinion, il reste à connaître, à leur égard, les dispositions des habitants. L’Assemblée nationale a annoncé que ces assemblées pourraient remplir les fonctions indiquées par son décret du 8 mars, lorsqu’elles auraient été librement élues, qu’elles seraient avouées par les citoyens. Loin d’avoir, par cette disposition, interdit aux habitants des colonies la faculté d’opter entre ces assemblées existantes et celles qui pourraient être formées, d’après la présente convocation, elle l’a, au contraire, implicitement énoncée. Mais, quand elle ne leur aurait pas reconnu ce droit, ils le tiendraient de la nature, et rien ne pourrait obliger ni la métropole ni la colonie à traiter ensemble, par l’entremise d’une assemblée que ceux-mêmes qui l’auraient élue ne reconnaîtraient pas. Il s’agit donc de tracer une forme suivant laquelle cette option puisse s’effectuer promptement et paisiblement. 730 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] On ne saurait y parvenir que par la délibération des paroisses. II faudra donc que chacune s’explique, et cet objet de délibération doit être le premier travail des assemblées paroissiales. Dans JVspace de 15 jours, après la proclamation et l’alliche, elles seront tenues d’énoncer leur vœu, et elles le feront parvenir immédiatement au gouverneur de la colonie et à l’assemblée coloniale. Chacune d’elles comptera pour autant de suffrages, qu’en suivant la forme de cette instruction, elle devrait avoir de députés à l’assemblée coloniale. Celles qui auront opté pour la formation d’une nouvelle assemblée, 'ne nommeront point leurs députés avant que le vœu de la majorité ait été reconnu conforme à leur opinion; car une élection anticipée ne serait propre qu’à exciter des troubles et des contestations. Tandis que le vœu de la colonie ne sera point encore connu, l’assemblée coloniale existante pourra commencer à s’occuper des travaux indiqués par le décret de l’Assemblée nationale; mais il est évident que le droit de mettre à exécution et de modifier provisoirement les décrets de l’Assemblée nationale sur les municipalités et les assemblées administratives ne saurait lui appartenir avant que le vœu des paroisses ait confirmé ses pouvoirs et son existence. Après le terme écoulé, où toutes les assemblées paroissiales auront dû s’expliquer à cet égard, le gouverneur notifiera, de la manière la plus publique, le résultat des délibérations qui lui seront parvenues, et en donnera à chaque paroisse une connaissance particulière et authentique. Si la moitié plus un des suffrages des paroisses qui auront délibéré demande la formation d’une nouvelle assemblée, il s’ensuivra clairement que l’assemblée existante n’est pas avouée et autorisée par la colonie; ses pouvoirs cesseront : il sera procédé immédiatement à la formation d’une nouvelle assemblée, suivant les formes indiquées dans cette instruction; et en conséquence toutes les assemblées paroissiales procéderont comme elles l’eussent fait, si alors de la première proclamation il n’eût point existé d’assemblée coloniale dans la colonie. Si, au contraire, la moitié au moins de suffrages des paroisses délibérantes a voté pour la continuation de l’assemblée coloniale, elle sera conservée, et elle exercera dans leur plénitude les fonctions et les pouvoirs attribués par le décret de l’Assemblée nationale. Ainsi les moments n’auront point été inutilement consommés, la forme admise librement par les habitants pour la formation de leur assemblée n’aura point été contrariée; mais les pouvoirs auront été retirés ou confirmés, au moment où de nouvelles fonctions et de nouvelles circonstances ne permettent plus de fonder sur ceux qu’elle avait reçus précédemment, l’adhésion de la colonie et la confiance de la métropole. Aucun doute, aucun désordre, aucun retard dangereux ne pourra résulter de l’observation de ces formes, si les colons sont pénétrés de l’idée que leurs intérêts les plus chers et les devoirs les plus sacrés du citoyen les obligent à se soumettre sans murmure au vœu de la majorité ; s’ils sentent que la promptitude et la conciliation dans l’exécution des mesures qui leur sont indiquées peuvent seuls les faire sortir heureusement de l’état de crise où les circonstances les ont placés; qu’il s’agit pour eux de s’assurer promptement par une bonne Constitution, et les espérances qu’ils ont conçues et les avantages qui leur sont offerts; et que, loin de les conduire à ce but, le prolongement de la fermentation les environnerait bientôt de dangers si pressants et si terribles, que tous les secours qui leur seraient portés n’arriveraient jamais assez tôt pour les garantir. L’Assemblée nationale, après avoir indiqué les moyens de former les assemblées qui lui présenteront le vœu des colonies, est également obligée de fixer quelques bases à leurs plans de Constitution, pour s’assurer, autant qu’il est possible, que tous ceux qui lui seront offerts seront susceptibles d’être accueillis. Mais elle a voulu réduire ces conditions aux termes les plus simples, aux maximes les plus incontestables; et au delà de ce qui constitue les rapports fondamentaux des colonies à la métropole, elle n’a voulu rien ajouter qui pût imposer quelque limite à la liberté des assemblées coloniales. Les assemblées coloniales, occupées du travail de la Constitution, apercevront la distinction des fonctions législatives, exécutives, judiciaires, administratives; elks examineront comment il convient de les organiser dans la constitution de la colonie; les formes suivant lesquelles les pouvoirs législatif et exécutif doivent y être exercés; le nombre, la composition, la hiérarchie des tribunaux ; en quelles mains doit être confiée l’administration, le nombre, la formation, la subordination des différentes assemblées qui doivent y concourir; les qualités qui pourront être exigées pour être citoyen actif, pour exercer les divers emplois; en un mot, tout ce qui peut entrer dans la composition du gouvernement le plus propre à assurer le bonheur et la tranquillité des colonies. La nature de leurs intérêts, qui ne sauraient jamais entièrement se confondre avec ceux de la métropole, les notions locales et particulières que néci ssite la préparation de leurs lois ; enfin, la distance des lieux et le temps nécessaire pour les parcourir, établissent de grandes différences de situation entre elles et les provinces françaises, et nécessitent par conséquent des différences dans leur Constitution. Mais, en s’occupant à les rechercher, il ne faut jamais perdre de vue qu’elles forment cependant une partie de l’Empire, français, et que la protection qui leur est due par toutes les forces nationales ; que les engagements qui doivent exister entre elles et le commerce français ; en un mot, que tous les liens d’utilité réciproque, qui les attachent à la métropole, n’auraient aucune espèce de solidité, sans l’existence des liens politiques qui leur servent de base. De ces différentes vues, il résulte, quant au pouvoir législatif : Que les lois destinées à régir intérieurement les colonies, indépendamment des relations qui existent entre elles et la métropole, peuvent et doivent sans difficulté, se préparer dans leur sein ; Que ces mêmes lois peuvent être provisoirement exécutées, avec la sanction du gouverneur. Mais que Je droit de les approuver définitivement doit être réservé à la législature française et au roi : A la législature, parce qu’elle est revêtue de la puissance nationale, et parce qu’il serait impossible d’assurer, sans sa participation, que les lois préparées dans la colonie ne porteraient aucune f Annexes.) 731 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] atteinte aux engagements contractés avec la métropole. Au roi, parce que la sanction et toutes les fonctions de la royauté lui sont attribuées sur les colonies, comme sur toutes les parties de l’Empire français. Il résulte également que les lois à porter sur les relations entre les colonies et la métropole, soit qu’elles aient été demandées par les assemblées coloniales, soit qu’elles aient été préparées dans l’Assemblée nationale, doivent recevoir de celle-ci leur existence et leur autorité, et ne peuvent s’exécuter, même provisoirement, qu’après avoir été’décrétées par elle. Maxime de législation qui n’a point de rapport aux exceptions momentanées, que peuvent exiger des besoins pressants et impérieux, relativement à l’introduction des subsistances. Il résulte de ces mêmes vues, quant au pouvoir exécutif : Qu’il est nécessaire que les fonctions attribuées au roi, dans toutes les parties de l’Empire français, soient provisoirement exercées, dans les colonies, par un gouverneur qui le représente. Qu’en conséquence, le choix et l’installation des officiers qui sont à sa nomination, l’approbation nécessaire à l’exécution des décrets des assemblées administratives et les autres actes qui exigent célérité, doivent être provisoirement attribués à ce gouverneur, sous la réserve positive de l’approbation du roi. Mais que, dans les colonies, comme en France, le roi est le dépositaire suprême du pouvoir exécutif; que tous les officiers de justice, l’administration, les forces militaires doivent le reconnaître pour leur chef, et que tous les pouvoirs attribués à la royauté, dans la Constitution française, ne peuvent être exercés provisoirement que par ceux qu’il eu a chargés, définitivement que par lui. Ces principes étant reconnus, toutes les vues qui peuvent concourir à la prospérité des colonies peuvent être prises en considération par les assemblées coloniales. La nation française ne veut exercer sur elles d’autre influence que celle des liens établis et cimentés pour l’utilité commune ; elle n’est point jalouse d’établir ou de conserver des moyens d’oppression. Et quelles sources de prospérités n’offriront pas au patriotisme des assemblées coloniales, les diverses parties du travail qui leur est confié! L’établissement d’uu ordre judiciaire simple assurant aux citoyens une justice impartiale et prompte, une administration remise entre les mains de ceux qui y sont intéressés, un mode d’impositions approprié à leur convenances, dont la quotité ne sera réglée que par le vœu. même des assemblées coloniales. La France, à qui ses lois de commerce avec les colonies doivent assurer avec avantage le dédommagement des frais qu’elle est obligée de soutenir pour les protéger, ne cherche point dans leur possession une ressource fiscale. Leurs impositions particulières s.' borneront aux frais de leur propre gouvernement, elles-mêmes eu proposeront l’établissement et la mesure. La France ne cherche point dans ses colonies un moyen d’assouvir l’avidité, de flatter la tyrannie de quelques hommes préposés à leur administration ; les intérêts des citoyens doivent être gérés par eux-mêmes, et l’administration ne peut être confiée qu’à ceux qu’ils ont librement élus. Les frais d’une justice compliquée, les longueurs et les artifices de la chicane, les déplacements occasionnés par le ressort trop étendu de certains tribunaux, ne peuvent convenir à des hommes incessamment occupés d’une culture avantageuse et du commerce de ses productions; il faut donc aux colonies, plus rigoureusement encore qu’à la métropole, une justice prompte, rapprochée et dépouillée de tous les moyens de despotisme et d’oppression. Il n’est aucune de ces vues que l’Assemblée nationale n’adopte avec satisfaction, lorsqu’elles lui seront'proposéespar les assemblées coloniales; mais, après avoir considéré ce qui convient au bonheur intérieur des colonies, il reste à jeter un regard sur leurs intérêts extérieurs. L’Assemblée nationale exerce envers chacune des parties de l’Empire français les droits qui appartiennent au corps social sur tous les membres qui le composent; chacun trouve en elle la garantie de ses intérêts et de sa liberté; chacun est soumis par elle à l’exercice de la volonté de tous. Dépositaire de la plus légitime et de la plus imposante des autorités, la nation, qui l’a chargée de la conservation de ses droits, a mis à sa disposition toutes les forces nécessaires pour les garantir. C’est donc pour elle un devoir rigide, une obligation sacrée de les maintenir sans altération; mais plus ces droits sont incontestables, plus la nation, qui les a confiés, a de moyens pour les soutenir, et moins il convient à l’Assemblée, qui la représente, d’appeler à leur secours les armes de la faiblesse et de la tyrannie. Une circonscription timide, une vaine dissimulation ravaleraient son caractère au niveau des pouvoirs usurpés ou chancelants ; elle peut donc, elle doit donc, en traitant avec les enfants de la patrie, oublier un moment, et mettre de côté tous les droits et tous les pouvoirs qu’elle est chargée d’exercer sur eux, examiner et discuter leurs intérêts avec franchise, les attacher à leurs devoirs par le sentiment de leur propre bien, et prêter à la majesté de la nation qu’elle représente le seul langage qui puisse lui convenir, celui de la raison et de la vérité. En admettant les vues qui ont été exposées sur leur régime intérieur, les colonies sont tranquilles/bien administrées, échappées à l’oppression. — Il leur reste encore un besoin. Elles offrent à tous les peuples, par leurs richesses, l’objet d’une active ambition, et n’ont point la population, et ne peuvent se procurer les forces maritimes et militaires qu’il est nécessaire de leur opposer. Il faut donc qu’unies, identifiées avec une grande puissance, elles trouvent, dans la disposition de ses forces, la garantie des biens qui leur seront acquis par une bonne Constitution, par de bonnes lois intérieures. Il faut que cette puissance, intéressée à leur conservation par les avantages qu’elle recueillera de ses transactions avec elles, se fasse un devoir envers elles de la plus constante équité, qu’elle présente toujours une masse de forces suffisantes à leur protection, et que par son industrie, par ses productions, par ses capitaux, elle ait en elle tous les moyens qui doivent préparer les rapports de commerce les plus avantageux. Voilà ce qui, pour les colonies, forme le complément nécessaire de leur existence politique en leur assurant la conservation de tous les biens intérieurs ; voilà ce que doivent leur avoir dit tous ceux qui leur ont inspiré le désir d’uue bonne Constitution. S’il était des hommes assez insensés pour oser les inviter à une existence politique isolée, à une 732 [Assemblée nationale.] indépendance absolue, on leur demanderait, en laissant de côté la foi, les engagements et tout ce que les grandes nations peuvent employer pour les faire valoir; on leur demanderait quel est donc le secret de leurs espérances, où sont leurs forces, pour les protéger. Enlèveront-ils les hommes à la culture pour en faire des matelots ou des soldats? Les opposeront-üs avec quelque espoir aux premières puissances du monde? ..... Mais, diront-ils, nous nous procurerons des alliances et des garanties; et les croyez-vous donc désintéressées? Quand elles pourraient l’être un jour, pensez-vous qu’elles le fussent longtemps? Ne voyez-vous pas que toute protection serait pour vous le commencement d’un nouveau gouvernement arbitraire? Nous, à qui tant de devoirs, à qui tant de chaînes vous lient, ne pourrions-nous pas vous dire, en oubliant tout, excepté vos intérêts, voilà nos principes, voilà nos lois; choisissez d’être les citoyens libres d’une nation libre ou de devenir bientôt les esclaves de ceux qui s’offriraient aujourd’hui pour vos alliés. Et quand ils se flatteraient qu’une domination, établie sur de tels fondements, pût conserver pendant quelque temps une apparence de justice; on leur d manderait encore qu’elle est cette nation qui pourrait promettre à nos colonies, plus de loyauté, plus de fraternité que nous n’en prouvons aujourd’hui. Quelle est cette nation qui pourrait déployer pour leur protection des forces plus imposantes et plus solidement fondées que celles dont nous disposerons après la crise qui nous régénère? Quelle est cette nation à qui la nature a donné plus de moyens pour commercer avec elles? Qui peut produire et préparer dans son sein plus de madères propres à leur consommation ? Qui peut faire un plus grand usage des leurs ? Qui possède enfin plus que nous tout ce qui peut conduire au point où les échanges sont des deux parts les plus avantageux possibles ? Elles n’out pas, il est vrai, jusqu’à ce jour, recueilli, dans toute leur étendue, les fruits que ces diverses «modérations doivent leur faire attendre; mais où les causes en étaient-elles, si ce n’est dans les abus que nous avons détruits ? Le régime de leur gouvernement était oppressif? La réponse est dans notre Révolution, la réponse est dans les décrets et les instructions que nous envoyons dans les colonies. Nos forces navales n’ont jamais atteint le degré de prépondérance que leur assignait l’étendue de nos moyens et notre position géographique. Eh ! qu’avaient de plus que nous ceux qui, avec moins d’hommes et moins de richesses naturelles, se sont maintenus au premier rang des nations maritimes? Ils avaient une Constitution, ils étaient libres. Enfin la situation de notre commerce ne présentait pas toute la supériorité d’avantages que lui garantit l’ensemble de nos ressources, aussitôt qu’elles seront développées. Mais ignore-t-on que jusqu’à ce jour le génie seul de la nation française a lutté contre toutes les institutions, toutes les entraves, tous les préjugés? Ignore-t-on qu’une opinion inconcevable plaçait presque toutes les professions au-dessus du commerce, de l’agriculture et de l’industrie productives, et détruisait ainsi chez une nation, amoureuse de la considération et de la gloire, ce germe qui donne naissance à tous les genres de perfection? [Annexes.] Ignore-t-on que jusqu’à ce jour, parmi nous, on se livrait au commerce dans l’espoir de s’enrichir promptement, et qu’on le quittait aussitôt qu’on avait acquis assez de fortune pour le suivre d’une manière grande, également avantageuse à soi et à ceux qui l’on négocie ? Ignore-t-on que les capitaux, qui auraient dû faire fleurir toutes les industries utiles, étaient absorbés par un gouvernement emprunteur, et par le tourbillon d’agioteurs dont il était environné ? Ignore-t-on que les profits qu’il était obligé d’offrir en retour de la plus juste méfiance, et ceux de l’infâme trafic qui s’alimentait de ses profusions, soutenaient, en France, l’intérêt de l’argent à un prix qui suffisait seul pour retenir dans la médiocrité toutes les branches de notre industrie, et pour changer (outes les proportions de notre concours avec les autres peuples ? Voilà les abus que nous n’avons cessé d’attaquer, que nous nous sommes occupés chaque jour à détruire. Chaque jour nous approche du terme où, dégagés les entraves qui jusqu’ici ont contraint toutes nos facultés, nous prendrons enfin, parmi les nations, la place qui nous fut assignée. Alors notre liberté, notre puissance, notre fortune seront le patrimoine de tous ceux qui auront partagé notre destinée ; alors notre prospérité se répandra sur tous ceux qui contracteront avec nous. L’Assemblée nationale ne connaît point le langage et les détours d’une politique artificieuse ; elle ignore, elle méprise surtout, les moyens de captiver les peuples autrement que par la justice. Attachement réciproque, avantages communs, inaltérable fidélité: voilà, peuple des colonies, ce qu’elle vous promet et ce qu’elle vous demande. La nation française éprouve, depuis longtemps, ce qu’on peut attendre de vous : nous ne vous demandons point d’autres sentiments; nous comptons sur eux avec certitude, et nous vouions qu’ils soient chaque jour mieux mérités et plus justifiés de notre part; nous vous recommandons en ce moment une tranquillité profonde, une grande union entre vous , une grande célérité dans les travaux qui doivent préparer votre nouvelle existence. Ces conseils sont essentiels à votre bonheur ; ils le sont à votre sûreté. Ne donnez point, autour de vous, l’exemple d’une division, d’une fermentation contagieuse. Vous avez, plus que d’autres, besoin de paix, et vous n’avez plus besoin de vous agiter pour conquérir ce que l’Assemblée nationale a résolu de vous proposer dès le premier moment où vous avez été l’objet de ses délibérations. Elle va rapprocher, dans une suite d’articles précis, les dispositions essentielles de l’instruction qu’elle vous envoie. Art. 1er. 1° Le décret de l’Assemblée nationale sur les colonies, du 8 de ce mois, et la présente instruction ayant été envoyés du roi au gouverneur de la colonie de Saint-Domingue, ce gouverneur sera tenu, aussitôt après leur réception, de les communiquer à l’assemblée coloniale, s’il en existe une déjà formée; de les notifier également aux assemblées provinciales, et d’en donner la connaissance légale et authentique aux habitants de la colonie, en les faisant proclamer et afficher dans toutes les paroisses. 2° S’il existe une assemblée coloniale, elle pourra, en tout état, déclarer qu’elle juge la formation d’une nouvelle assemblée colouiale plus avantageuse à la colonie que la continuation de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [. Annexes .] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sa propre activité, et dans ce cas il sera procédé immédiatement aux nouvelles élections. 3° Si au contraire elle juge sa continuation plus avantageuse à la colonie, elle pourra commencer à travailler suivant les indications de l'Assemblée nationale, mais sans pouvoir user de la faculté, accordée aux assemblées coloniales, de mettre à exécution certains décrets, jusqu’à ce que l’intention de la colonie, relativement à sa continuation, ait été constatée par les formes qui seront indiquées ci-après. 4° Immédiatement après la proclamation et l’affiche du décret et de l’instruction dans chaque paroisse, toutes les personnes âgées de 25 ans accomplis, propriétaires d’immeubles, ou, à défaut d’une telle propriété, domiciliées dans la paroisse depuis 2 ans, et payant une contribution, se réuniront pour former l’assemblée paroissiale. 5° L’assemblée paroissiale, étant formée, commencera par prendre une parfaite connaissance du décret de l’Assemblée nationale, du 8 de ce mois, et de la présente instruction, pour procéder à leur exécution, ainsi qu’il suit. 6° S’il n’existe point dans la colonie d’assemblée coloniale précédemment élue, ou si celle qui existait a déclaré qu’elle juge (dus avantageux d’en former une nouvelle, l’Assemblée paroissiale procédera immédiatement à l’élection de ses députés à l’assemblée coloniale. 7° A cet effet, il sera fait un état et dénombrement de toutes les personnes de la paroisse, absentes ou présentes, ayant les qualités exprimées à l’article 4 de la présente instruction , pour déterminer, d’après leur nombre, celui des députés qui doivent être envoyés�, l’assemblée coloniale. 8° Ce dénombrement fait, le nombre des députés à nommer sera déterminé, à raison d’un pour 100 citoyens, en observant: 1° que la dernière centaine sera censée complète par le nombre de 50 citoyens, de sorte que pour 150 citoyens, il sera nommé 2 députés ; pour 250 citoyens, 3 députés, et ainsi de suite; 2° qu’on n’aura aucun égard, dans les paroisses où il y aura plus de 100 citoyens, au nombre fractionnaire, lorsqu’il sera au-dessous de 50, de sorte que pour 149 citoyens, il ne sera nommé qu’un député, et ainsi de suite ; 3° enfin, que les paroisses où il se trouvera moins de 100 citoyens nommeront toujours un député, quelque faible que puisse être le nombre des citoyens qui s’y trouveront. 9° Après avoir déterminé le nombre des députés qu’elles ont à nommer, les assemblées paroissiales procéderont à cette élection, dans la forme qui leur paraîtra la plus convenable. 10° Les assemblées paroissiales seront libres de donner des instructions à leurs députés, mais elles ne pourront les charger d’aucuns mandats tendant à gêner leur opinion dans l’assemblée coloniale, et moins encore y insérer des clauses ayant pour objet de les soustraire à l’empire de la majorité; si une paroisse donnait de tels mandats, ils seraient réputés nuis, et l’assemblée coloniale pourrait n’y avoir aucun égard, mais l’élection des députés n’en serait pas invalidée. 11° Les députés élus par l’assemblée paroissiale se rendront immédiatement dans la ville de Léogane, et y détermineront le lieu où doit siéger l’assemblée coloniale. 12° Si, au moment où l’assemblée paroissiale s’est formée, il existait dans la colonie une assemblée coloniale précédemment élue, et si cette assemblée n’a point déclaré qu’elle juge avaota-733 geux à la colonie de la remplacer par une nouvelle, l’assemblée paroissiale commencera par examiner elle-même cette question; elle pèsera toutes les raisons qui peuvent décider ou à autoriser l’assemblée coloniale existante à remplir les fonctions indiquées par le décret de l’Assemblée nationale, ou à metire à sa place une nouvelle assemblée élue conformément à la présente instruction. 13° L'assemblée paroissiale sera tenue de faire son opinion dans l’espace de 15 jours, à compter de celui où la proclamation aura été faite, et d’en donner immédiatement connaissance au gouverneur de la colonie et à l’assemblée coloniale. Son vœu sera compté pour autant de voix qu’elle eût dù envoyer de députés à l’assemblée coloniale, en se conformant à cette instruction. 14° Lorsque le terme dans lequel toutes les paroisses auront dù s’expliquer sera écoulé, le gouverneur de la colonie vérifiera le nombre des paroisses qui ont opté pour la formation d’une nouvelle assemblée; il en rendra le résultat public par l’impression, avec le nom de toutes les paroisses qui ont délibéré, l’expression du vœu que chacune a porté, et le nombre de voix qu’elle doit avoir, à raison du nombre de ses citoyens actifs ; il notifiera d’une manière particulière ce même résultat à toutes les paroisses de la colonie. 15° Si le désir de former une nouvelle assemblée n’a pas été exprimé par la majorité des voix des paroisses, l’assemblée colouiale déjà élue continuera d’exister, et sera chargée de toutes les fonctions indiquées par le décret de l’Assemblée nationale, et en conséquence il ne sera point procédé dans les paroisses à de nouvelles élections : si, au contraire, le désir de former une nouvelle assemblée est exprimé par la majorité des voix des paroisses, tous les pouvoirs de rassemblée coloniale exista te cesseront, et il sera procédé sans délai, dans toutes les paroisses, à de nouvelles élections, comme si, à l’arrivée du décret, il n’en eût point existé; en observant que les membres, soit de rassemblée coloniale, soit des assemblées provinciales existantes, pourront être élus, aux mêmes conditions que les autres citoyens, pour la nouvelle assemblée. 16° L’assemblée coloniale formée ou non formée de la manière énoncée ci-dessus s’organisera et procédera ainsi qu’il lui paraîtra convenable, et remplira les fonctions indiquées par le décret de l’Assemblée nationale, du 8 de ce mois, en observant de se conformer, dans son travail sur la Constitution, aux maximes énoncées dans les articles suivants. 17° En examinant les formes suivant lesquelles le pouvoir législatif doit être exercé relativement aux colonies, elles reconnaîtront que les lois destinées à les régir, méditées et préparées dans leur sein, ne sauraient, avoir une existence entière et définitive, avant d’avoir été décrétées par l’Assemblée nationale et sanctionnées par le roi ; que, si les lois purement intérieures peuvent être provisoirement exécutées, avec la sanction d’un gouverneur, et en réservant l’approbation définitive du roi et de la législature française, les lois proposées, qui toucheraient aux rapports extérieurs et qui pourraient en aucune manière changer ou modifier les relations entre les colonies et la métropole, ne sauraient recevoir aucune exécution même provisoire, avant d’avoir été consacrées par la volonté nationale; n’entendant point comprendre sous la dénomination de lois les exceptions momentanées, relatives à l’introduction des subsistances qui peuvent avoir lieu 734 [Assemblée nationale.] à raison d’un besoin pressant, et avec sanction du gouverneur. 18° En examinant les formes suivant lesquelles le pouvoir exécutif doit être exercé relativement aux colonies, elles reconnaîtront que le roi des Français est, dans la colonie, comme dans tout l’Empire, le dépositaire suprême de cette partie [Annexes. ] de la puissance publique. Les tribunaux, l’administration, les forces militaires le reconnaîtront pour leur chef; il sera représenté dans la colonie par un gouverneur qu’il aura nommé, et qui exercera provisoirement son autorité; mais sous la réserve, toujours observée, de son approbation définitive. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. RAPPORT sur la nouvelle DISTRIBUTION DES SECOURS PROPOSÉS DANS LE DÉPARTEMENT DE PARIS, par le comité de mendicité. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) (1). Avertissement. Quoique la fin prochaine des travaux de l’Assemblée nationale ne permette pas de croire qu’elle pourra s’occuper de la distribution des secours dans le département de Paris, les bases générales de cette administration pour tout le royaume n’étant pas encore décrétées, le comité a pensé qu’il devait imprimer ce travail fait depuis longtemps ; il a cru que la législature suivante y trouverait des renseignements utiles qu’elle rectifiera et améliorera de toutes les connaissances qu’elles pourrait réunir. L’opinion où est le comité, que l’Assemblée nationale actuelle ne s’occupera pas de ce rapport, l’a déterminé à en supprimer le projet de décret. Il doit ajouter que la Société royale de médecine, dont il a soigneusement consulté les lumières, a donné à ce travail son entière adhésion ; et que le directoire du département de Paris, auquel il a été communiqué, a témoigné le désir de le voir exécuté. Messieurs, Les mêmes bases qui ont appuyé le travail présenté à l’Assemblée, pour l’organisation des secours de tout le royaume, ont dû servir à l’organisation et à la distribution des secours du département de Paris. L’application de ces principes ne recevra donc d’autre modification que celle qui résulte de l’étendue de la capitale, de la multiplicité des étrangers qui y abondent, de la misère qui, par mille causes différentes, afflue, dans une grande ville, dans une proportion beaucoup plus forte; enfin à toutes ces considérations qui exigent une plus grande réunion de secours pour Paris, nous ajouterons que les établissements secourables et de toute nature devant y être plus multipliés, la capitale doit fournir à toute la France l’exemple de tous les essais tentés pour la salubrité des maisons publiques, le perfectionnement de l’art de la guérison, enfin pour toutes les améliorations qui peuvent tendre au soulagement de l’espèce humaine; et, dans ce rapport, une plus grande masse de fonds doit être destinée aux secoui s dans Paris ; car nous ajouterons que, dans aucun lieu du monde, les établissements charitables n’ont plus besoin d'une entière réforme. D’après les principes présentés par lecomiié et approuvés par l’opinion publique, les secours à domicile pour les malades et les vieillards, doi-(1) Voir ci-dessus, page 340, la motion de M. Le Chapelier tendant à l’impression de ce rapport. vent former les secours habituels. Ce genre de secours dépend particulièrement de l’établissement des chirurgiens payés pour soigner le pauvre. Le comité propose, dans son travail, d’en établir un par canton dans les campagnes. Il a suivi pour la ville de Paris la même division. Trois seules sections lui ont semblé n’exiger entre elles qu’un seul chirurgien, par leur petite étendue. La raison contraire lui a fait penser que le faubourg Saint-Antoine en exigeait un pour lui seul. Le comité a cru aussi qu’un chirurgien par deux cantons sulfirait dans les districts; ces cantons sont très petits ; l’extrême indigence est moins commune dans les villages qui les composent, que dans aucun autre du royaume : ainsi le chirurgien attaché à deux cantons n’aura pas trop d’occupation ; et il trouvera dans le voisinage de la capitale, dans l’habitation de gens riches, dans leurs campagnes, un moyen d’améliorer son sort. Cette différence entre toutes les sections, pour leur étendue et leur population, n’a pas permis de prendre une mesure fixe et constante pour l’établissement des hospices ; second moyen de secours pour ceux des malades qui ne peuvent être traités à domicile. Le comité a cru qu’un hospice pouvait généralement desservir quatre sections ; et en cela, il s’est trouvé conforme aux bases qu’il a prises pour le reste des villes du royaume : mais plusieurs parties de la capitale lui ont paru en exiger un pour trois et même pour deux sections. La division des hospices détermine celle du dépôt des drogues qui, ne devant jamais être fournies par les chirurgiens, seraieut placées dans une maison pour deux sections, pour de là être distribuées aux besoins. Un de ces dépôts restant toujours dans la maison de l’hospice, la distribution du bouillon aurait lieu de même dans le reste du département. La seule ville de Saint-Denis, renfermant une population de 4,000 âmes, doit seule aussi conserver un hospice qui-servira de dépôt de drogues pour deux cantons. Les autres dépôts pour les divers cantons, suivront l’emplacement des chirurgiens. C’est pour l’établissement des secours communs à tout ce qui peut en réclamer dans la ville ; c’est pour l’établissement de grands hôpitaux, propres à recevoir et tous les genres de maladies, et toute espèce de malades, que le comité a pensé que la ville de Paris exigeait, avec nécessité, une plus grande abondance de moyens. Les hospices de sections secourront complètement, et les malades domiciliés, et les maladies communes, et les accidents ordinaires; mais il faut un asile aux non-domiciliés, au malheu-