472 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 octobre 1789.1 [Assemblée nationale.] ticle 27, qui proclame Louis XVI restaurateur de la liberté française. Adresse de la ville de Bagnols en Languedoc, contenant félicitations, remerciements et adhésion. Elle supplie l’Assemblée de s’occuper, sans relâche, de l’organisation des assemblées provinciales et municipales, et des milices bourgeoises. Adresse du même genre, de la communauté de Syan de la même province. Elle assure l’Assemblée que, quoique limitrophe du Roussillon, elle a payé exactement ses impositions, et que, d’après la formation de sa milice, elle n’a souffert aucun trouble, et que tout s’y passe dans le meilleur ordre possible. Adresse des citoyens formant la milice nationale d’Uzès, contenant une délibération où ils adhèrent à tous les arrêtés de l’Assemblée, notamment à ceux relatifs aux impositions et au sacrifice de chaque citoyen du quart de ses revenus. Ils s’engagent, de la manière la plus formelle, d’acquitter leur contribution dès qu’ils seront instruits de la forme dans laquelle ils devront la faire, et déclarent que, pleins de confiance aux lumières et au courage de l’Assemblée, en la bienfaisance de notre auguste monarque, et au zèle actif du premier ministre des finances, ils sacrifieront jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour maintenir l’ordre, et procurer autant qu’il est en eux l’exécution des décrets nationaux. Après la lecture desdites adresses, plusieurs députés des représentants de la commune de Paris, qui s’étaient déjà fait annonceront été introduits. L’un d’eux a pris la parole, et a fait part à l’Assemblée d’un grand malheur arrivé à l’occasion d’un nommé François, boulanger, rue du Marché-Palu, district de Notre-Dame, qui a été amené devant eux sur les huit heures et demie du matin, par plusieurs femmes et hommes qui l’accusaient d’avoir caché dans sa boutique plusieurs pains. Il a également fait part à l’Assemblée du contenu en l’interrogatoire qu’ils avaient fait subir à ce boulanger, des bons témoignages que plusieurs bourgeois du district s’étaient empressés de rendre sur son compte, des sages précautions qu’ils avaient prises pour calmer le peuple qui se portait en foule sur la place de Grève, et qui demandait à grands cris que ce boulanger fût pendu, des violences et excès commis par le peuple sur plusieurs membres du comité de la police. Il a ajouté enfin que, malgré les précautions prises, les bons témoignages en faveur de l’accusé et son innocence, le peuple avait forcé les gardes nationales, enlevé et pendu ledit François, boulanger; que ce même peuple paraissait disposé à enlever et à pendre aussi deux autres boulangers détenus dans les prisons du Châtelet, et qu’il était instant que l’Assemblée nationale s’occupât des moyens les plus propres à assurer les subsistances nécessaires à la capitale et au royaume, et à décréter dès à présent, et sans se déplacer, une loi contre les attroupements, en observant à l’Assemblée que sans cette loi il n’était plus au pouvoir de la commune et de la garde nationale de Paris de contenir les attroupements qui devenaient tous les jours plus alarmants. La députation s’est retirée après avoir déposé sur le bureau un extrait en due forme du procès-verbal qui avait été dressé à l’occasion de ce malheureux événement. M. de Foucault propose de prendre sur-le-champ un arrêté, par lequel il serait ordonné à tous les districts et à la garde nationale d’employer tous leurs moyens et toutes leurs forces pour saisir les premiers fauteurs de ce délit, et de rédiger une Joi martiale qui serait aujourd’hui même portée à la sanction. M. ttarnave. J’observe que l’Assemblée s’éloignerait du terme de ses pouvoirs si elle faisait l’arrêté demandé par le préopinant. En se rappelant le fait énoncé du malheureux boulanger, il paraît certain que la crise actuelle ne provient pas d’une disette effective, et que la cause qui l’a produite doit être sévèrement recherchée. Il sérail peut-être à propos que l’Assemblée ordonnât au comité des recherches de se concerter avec le comité de police de la commune pour découvrir les manoeuvres coupables qui occasionnent ces mouvements. L’Assemblée ne peut non plus se refuser à rendre une loi martiale, qui serait exécutée dans tout le royaume. Divers membres réclament la priorité, les uns pour le projet présenté par M. le comte de Mirabeau, les autres pour celui de M. Target. L’Assemblée décide que les deux motions seront réunies et qu’elles auront la priorité sur les autres. En conséquence, il est décrété : 1° Que le comité de Constitution se réunira sur-le-champ pour s’occuper de la rédaction d’un projet de loi contre les attroupements , qui puisse être décrété ce jour même, et présenté incontinent à la sanction royale; 2° qu’il sera enjoint au comité des recherches de faire toutes recherches et informations nécessaires pour découvrir les auteurs des troubles et manœuvres qui peuvent avoir lieu contre la tranquillité publique et le salut de l’Etat; 3° qu’il sera pareillement enjoint au comité de police établi à l’hôtel-de-ville de Paris, de fournir au comité des recherches tous les renseignements qui pourront lui être parvenus ou lui parvenir sur cet objet ; 4° que le comité de Constitution proposera lundi prochain à l’Assemblée un plan pour l’établissement d’un tribunal chargé de juger les crimes de lèse-nation, et que provisoirement et jusqu’à ce que ce tribunal ait été établi par l’Assemblée nationale, le Châtelet de Paris est autorisé à juger en dernier ressort les prévenus et accusés de crimes de lèse-nation, et que le présent décret qui lui donne cette commission sera aussi présenté à la sanction royale ; 5° que les ministres du Roi déclareront positivement quels sont les moyens et les ressources que l’Assemblée nationale peut leur fournir pour les mettre en état d’assurer les subsistances du royaume et notamment de la capitale, afin que l’Assemblée nationale ayant fait tout ce qui est à sa disposition sur ce sujet, puisse compter que les lois seront exécutées, ou rendre Tes ministres et autres agents de l’autorité garants de leur inexécution. Une nouvelle députation de la commune de Paris est introduite à la barre et demande qu’il plaise à l’Assemblée de hâter la rédaction de la loi qu’elle a sollicitée contre les attroupements, en ajoutant qu’il avait été reconnu qu’une accélération de deux heures pouvait être très-utile eu égard aux circonstances. Dette nouvelle députation remet sur le bureau une délibération des représentants de la commune de Paris, conçue en ces termes : « L’assemblée générale des représentants de la commune de Paris, délibérant sur la nécessité de s’opposer aux émeutes et attroupements dont elle 473 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 octobre 1789.] est instruite, et d’empêcher l’effet des moyens que les ennemis du bien public emploient pour troubler l’ordre et la tranquillité de la capitale, a arrêté que MM. le marquis de Saiseval, Mollieur, Cellier, d’Aval, Lefèvre et Anson se transporteraient sur-le-champ à l’Assemblée nationale, pour la supplier de vouloir bien à l’instant porter la loi contre les attroupements. « Signé : BAILLY, maire ; BLONDEL, président; VlGÉE, secrétaire. » M. le Président répond aux députés de la commune de Paris que l’Assemblée s’occupe de la loi contre les attroupements, et qu’elle ne lèvera pas la séance sans l’avoir décrétée. Cette nouvelle députation s’étant retirée, M. le garde des sceaux s’est fait annoncer; il a été introduit d’après le vœu de l’Assemblée. M. Champion de Cicé, garde des sceaux, archevêque de Bordeaux. Messieurs, je viens vous offrir les éclaircissements que vous pouvez désirer, et qui sont relatifs aux fonctions qui m’ont été confiées par le Roi. Devenu dépositaire du sceau de la loi, sans avoir cessé d’être membre de cette Assemblée, ma première parole a été pour professer hautement la responsabilité des ministres ; et je verrai toujours avec satisfaction qu’il me soit permis de' faire connaître les principes et les actes de mon administration, non-seulement à l'Assemblée nationale, mais même à chacun de ses membres. Si, malgré mon extrême attention à me conformer à vos décrets, il m’échappait quelque erreur, elle serait involontaire, et je m’empresserais de la rétracter. Les éclaircissements que vous attendez de moi, Messieurs, ont pour objet divers décrets de cette Assemblée , ou plutôt la manière dont ils ont été sanctionnés ou publiés. Et d’abord je prendrai la liberté de vous observer que les conditions désormais nécessaires pour constituer une loi, et pour la rendre exécutoire, n’ont été déterminées par vous que dans les articles de Constitution que vous avez décrétés, et que le Roi a acceptés purement et simplement à Versailles, le lundi 5 octobre. C’est depuis cette époque, et d’après les dispositions décrétées par vous, que les ministres du Roi ont pu connaître la loi à laquelle ils étaient soumis. Depuis cette époque, vous n’avez présenté à la sanction du Roi que les décrets des 8 et 9 octobre, portant réformation de quelques points de la jurisprudence criminelle. J’ai pris aussitôt les ordres du Roi; et en conséquence des lettres patentes, portant sanction de ce décret, ont dû être adressées à tous les tribunaux du royaume. Je dis que ces lettres patentes ont dû être adressées aux tribunaux, parce que l’envoi aux tribunaux, et la publication quelconque des lois n’est pas une fonction de mon office, mais de MM. les secrétaires d’Etat. Mais, vous le savez, mon zèle n’a rien négligé pour qu’une loi aussi intéressante reçût partout une prompte et facile exécution. Antérieurement à l’époque du 5 de ce mois, c’est-à-dire avant qu’une loi précise eût déterminé notre conduite, les ministres du Roi n’ont pu que suivre les mouvements de leur zèle, pour correspondre à vos intentions. Et vous-mêmes, I Messieurs, qui n’aviez pas encore exprimé, ni même délibéré les principes que vous avez depuis établis pour la confection et la sanction des lois, vous avez diversifié la forme de vos demandes. Tantôt vous avez demandé la sanction pure et simple; d’autres fois vous avez voté la promulgation; quelquefois la simple publication, et enfin l’acceptation. Il est des décrets dont vous avez spécialement demandé l’adresse aux tribunaux, d’autres, où cette condition n’est pas stipulée. Les ministres du Roi, privés du précieux avantage de communiquer avec vous, n’ont pu que proposer au Roi, pour satisfaire à vos décrets, les mesures que leur indiquaient les formes antiques non encore abrogées. C’est par cette raison que vos célèbres arrêtés des 4 août et jours suivants, ont été imprimés à l’imprimerie royale, avec l’ordre, signé du Roi, qui en ordonne l’impression et la publication, conformément à la réponse que Sa Majesté vous avait faite sur la demande de la promulgation de ces arrêtés. Vous aviez vous-mêmes envoyé ces arrêtés dans toutes les provinces avant de les présenter à la sanction du Roi; vous avez depuis ordonné l’impression des observations que le Roi vous a communiquées; et il ne m’est pas connu que vous ayez jamais demandé au Roi d’adresser vos arrêtés� soit aux tribunaux, soit aux municipalités. Cependant, je crois être sûr que MM. les secrétaires d’Etat en ont envoyé dans toutes les provinces avec profusion. Il vous a été dit que la première réponse que le Roi vous a faite sur les arrêtés avait eu la même publicité. Il est vrai, Messieurs, qu’elle a été imprimée le jour même qu’elle vous a été rendue, et cette circonstance est commune à toutes les communications qui ont existé entre l’Assemblée nationale et Sa Majesté. Cette publicité est la suite du caractère franc et loyal qui distingue le Roi, et je pourrais dire aussi, Messieurs, la suite de vos propres principes. Les décrets concernant la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume ne pouvaient, suivant nous, être trop tôt connus dans le royaume : mon zèle m’a inspiré de les faire d’abord adresser à toutes les municipalités, aux commandants des troupes du Roi, à ceux des milices nationales, et à ceux des maréchaussées. Cette adresse a été ordonnée par le Roi le 21 septembre dernier, et MM. les secrétaires d’Etat ont mis, sans doute, le plus grand empressement à se conformer aux intentions de Sa Majesté. Peu de jours après, une loi conforme à ces mômes décrets, et qui ne contient pas d’autres dispositions, a été adressée à tous les tribunaux. Je dois dire ici, Messieurs, qu’on ne trouve pas dans cette loi le dernier article de votre décret du 18 septembre, qui prescrit principalement l’envoi aux municipalités; et cette omission a eu deux motifs lrè--naturels. Le premier est que l'envoi de ces décrets venait d’être lait par ordre du Roi, directement à toutes les municipalités; le second est que, dans les formes anciennes, les lois ne s’adressent qu’aux seuls tribunaux, et que la publicité, qui est la suite de leur enregistrement, suffit pour astreindre légalement tous les corps et les particuliers à l’observation des lois. Je passe à l’article de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et aux points de Constitution que vous avez présentés au Roi en lui demandant son acceptation.