(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [2 février 1791.1 715 renvoyer au comité des finances à examiner très sérieusement la question qui vous est proposée et qui tend à faire rejeter un décret constitutionnel. {Applaudissements.) M. Habaud {de Saint-Étienne). Messieurs, il n’y a rien de plus vrai, d’après les principes constitutionnels qu’on vient d’établir, qu’il serait très impolitique de permettre aux administrations de départements de faire, avec trop de facilité, des emprunts. Cette loi est sage; mais je vous prie d’observer que la loi de la nécessité est infiniment plus instante; {Murmures.) que la nécessité de maintenir votre Constitution rend indispensable d’établir, dans l’état actuel, l’activité des travaux nécessaires en Languedoc. Sous l’ancien régime, les travaux publics s’v faisaient avec la plus grande promptitude, avec intelligence et activité. Depuis un an ces travaux sont Buspendus, les inondations et le3 dégâts extraordinaires qui sont survenus ont laissé dans un état de désolation ces contrées. Les communications qu’avaient les campagnes sent interrompues. Vous voyez que les objets qu’on vous demande sont d’une indispensable nécessité. J’examine à présent comment on doit y pourvoir. On vous a présenté le mode d’emprunt remboursable, si vous le voulez, par annuités. {Interruption.) Je ne crois pas que l’Assemblée nationale veuille charger toute la nation des réparations ou des entretiens locaux de chaque département. Je demande donc que le projet de décret, présenté par le comité, soit décrété. M. d’Ailly. Permettez-moi de rappeler au préopinant que l’Assemblée nationale a donné, il y a environ 2 mois, 30,000 livres à chaque département, pour pourvoir à leurs premiers besoins. Vous avez décrété en outre qu’il leur serait donné 80,000 livres pour établir des ateliers de travail. Vous avez encore réservé 8 millions de livres destinés aux objets d’utilité générale; et il est incroyable qu’avec de pareils secours, que jamais l’administration antérieure n’a donnés, on puisse avoir encore des besoins; mais je vous dirai de plus : y eût-il des besoins réels, il ne faut pas donner aux départements les moyens de pouvoir s’entendre avec le pouvoir exécutif pour pouvoir faire des emprunts comme le faisaient les anciens Etats de Languedoc. Rien ne serait plus dangereux pour la Constitution, que d’introduire de pareils emprunts. {Applaudissements.) M. Regnaud {de Saint-Jean-d'Angèly). Je retire ma demande de question préalable, mais je me réfère à l’opinion de M. ûefermon pour le renvoi au comité. (L’Assemblée renvoie le projet de décret aux comités des finances et de Constitution réunis.) M. Delley d’Agier, au nom du comité d'aliénation , prppose 2 ventes de biens nationaux aux municipalités de Réauviile et d’Izieu pour 117,885 1. 2 s. 11 d. Ces ventes sont décrétées comme suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret : « Savoir : « A la municipalité d’Izieu, département de Rhône-et-Loire pour la somme de .............. 38,750 1. 5 s. * d. « A celle de Réauviile, département de la Drôme, pour celle de ........... 59,134 17 11 « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d’estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante adressée A l’Assemblée nationale par le président de l’assemblée électorale du département de la Seine-Inférieure. « Rouen, le 1er février 1791. « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous informer que MM. les électeurs du département de la Seine-InférieUre, qui ont daigné me choisir pour présider leur assemblée, viennent d’élire pour leur évêque M. l’abbé Yerdier, curé de Ghoisi-le-Roi. « La proclamation de cette élection sera faite demain matin en la forme prescrite par les décrets. c Je vous supplie de vouloir bien eh instruire l’Assemblée nationale. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble, etc... « Signé ; MASSÉ. » {Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires annonce que M. Me-volhon, député, absent par congé, est de retour depuis le 27 janvier. M. le Président. J’ai reçu de M. le ministre de la justice la note suivante : « Le roi a donné sa sanction le 23 janvier dernier : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale, du 20 de ce mois, relatif aux régiments de Royal* Liégeois et de Lauzün ; « 2° Au décret du même jour, concernant l’élection du sinur Rondeau à une place de juge du district de Rochefort, et à la délibération du directoire du département de la Charente-Inférieure, du 14 décembre. « 3° Au décret du même jour 20 janvier, con* cernant le visa et reconnaissances provisoires à délivrer pour les objets admissibles au payement des domaines nationaux; « 4» Au décret du 22, contenant des articles additionnels au code pénal de la marine ; « 5e Au décret du 23, relatif à la circulation des petits assignats; « 6° Et le 26, à neuf décrets du 17 décembre dernier, concernant la Vente de biens nationaux aux municipalités de Bazoches-lès-Gallerands, Montigny-le-Gallenou, Brou, Seboncourt, Che-vressy-les-Dames, Autheuil, GaüdoUvillë, Tef-raube et Bolbèze-lès-Toulouse ; « 7° Au décret du 21 de ce mois, relatif au payement d’une somme suffisante pour défrayer les sieurs Platel frères, Mury, Gérle et autres, de leurs dépenses dans le voyage qu’ils ont à faire pour se rendre à leurs domiciles; x 8° Au décret du même jour, relatif à Une somme de 2,000 livres par mois, dont jodit l’établissement connu sous le nom de la Charité ma-ternelle de Paris ; 716 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 février 1791.] « 9» Au décret du même jour, relatif à l’achat d’une maison ou couvent des Augustins, pour remplir le service ordinaire de l’administration du département du Gard ; « 10° Au décret du 22, relatif à la circonscription des paroisses de la ville d’Amiens ; « 11° Enfin, au décret du même jour, concernant la somme de 34,000 livres, que le receveur des revenus publics comptera provisoirement, et en deux payements égaux, de quinzaine à autre, pour être employée aux réparations les plus urgentes des digues de ûol, département de l’Ille-et-Vilaine. t Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi. « Signé: M.-L.-F. DüPORT. « Paris, 29 janvier 1791. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés. Après quelques observations, les articles 18, 19 et 20 du titre VII sont adoptés comme suit : Art. 18. « Le président avertira les jurés de se retirer dans leur chambre; ils y resteront sans pouvoir communiquer avec personne; le premier inscrit sur le tableau sera leur chef. Art. 19. « Le juré n’aura à prononcer que sur ce qui est porté dans l’acte d’accusation, quelle que soit la déposition des témoins. Art. 20. « Il aura à prononcer, d’abord, s’il y a, ou non, délit constant; ensuite, si l’accusé est, ou non, convaincu. » M. Duport, rapporteur. L’article suivant a besoin d’une courte explication, qui servira à la délibération. Nous avons renfermé dans un même article plusieurs circonstances très différentes, mais qui se trouvent souvent attachées à un procès; ainsi il arrive quelquefois qu’un délit est certain, que l’accusé est convaincu de l’avoir commis, que ce délit est involontaire; il est évident alors qu’il ne peut pas être l’objet d’une punition et que les jurés doivent être appelés à le déclarer. Ensuite il peut arriver qu’un délit ait été commis sans intention de nuire, et c’est la même chose qu’un délit involontaire ; jusque-là il n’y a point de difficulté. Mais voici un autre cas qui est également important à prévoir : un acte d’accusation qui est rendu hors de la présence de l’accusé, peut porter que l’accusé est prévenu d’un assassinat prémédité. Vous venez de décréter que les jurés ne peuvent donner leur délibération que sur ce qui est porté dans l'acte d’accusation ; mais cependant la défense de l’accusé peut avoir altéré, dérangé ce qui a été porté dans l’acte d’accusation; elle peut l’avoir atténué de manière que lorsqu’il est accusé d’assassinat prémédité, elle puisse prouver que c’est un simple assassinat dans une rixe. Voici un autre exemple : un homme est accusé d’avoir commis un vol avec effraction, parce qu’il y a vol et effraction ; mais comme il n’a pas été entendu lors de l’accusation, il dira lors du débat : Il est prouvé que j’ai fait ce vol ; et quant il’effraction, elle était antérieure au vol; ainsi je n’en suis point coupable. Et il y a dans ces deux crimes une telle différence, qu’il est du plus grand intérêt pour l’accusé de pouvoir les séparer. Nous avons donc pensé qu’il fallait, en prononçant sur ce qui est porté dans l’acte d’accusation, que le juré puisse cependant prononcer une atténuation du genre de délit, suivant ce que la défense de l’accusé aura pu effectivement opérer sur ce crime. Voici le texte que nous vous proposons : « Art. 21. 11 y aura une troisième déclaration d’équité que les jurés pourront faire sur les circonstances particulières du fait, d’après l’indication qui leur en aura été donnée parle président, à l’effet de déterminer si le délit a été commis volontairement ou involontairement, avec ou sans dessein denuire ; si l’accusé est excusable ou non, ou pour prononcer en atténuation du même genre de délit, comme si l’accusation d’assassinat prémédité se trouvait réduite à un homicide dans une rixe ou celle du vol avec effraction à un vol simple. » M. Bnzol. Il me semble que l’article 21 qui vient d’être lu fait dépendre absolument du président du tribunal criminel l’appréciation des circonstances qui peuvent tendre à rendre l’accusé plus ou moins excusable ; et c’est, ce me semble, une très grande imperfection dans cet article. En effet, s’il résulte des circonstances que l’accusé est ou non excusable, ii ne faut pas en remettre absolument le discernement au président : autrement vous feriez dépendre, sous ce rapport, le sort de l’accusé de son discernement, de sa bonne ou mauvaise volonté. Il me semble qu’il ne faut pas ôter aux membres du juré la faculté de faire les indications; et alors le sort de l’accusé ne dépend pas absolument du président. J’ai sur ce même article une autre observation à faire : il me semble qu’il y a 4 à 5 mots d’inutilisés, je veux parler de ceux-ci : avec ou sans dessein de nuire ; il me semble qu’ils sont parfaitement exprimés par ceux-ci : volontairement ou involontairement. Je ne voudrais pas non plus que la loi renfermât les deux exemples qui se trouvent à la fin, il y a du danger à les limiter, pour ainsi dire, dans l’article même de la loi ; et cela doit faire partie du règlement qui pourra détailler cette même loi. Mais de toutes ces observations, la plus importante est celle qui peut faire dépendre delà bonne ou mauvaise volonté du président, le sort de l’accusé, d’après les circonstances mêmes qui résultent des dépositions des témoins. Je voudrais donc, et j’insiste particulièrement sur cette observation, que les jurés qui, d’après leur propre conscience, doivent juger si une circonstance est bonne ; je voudrais, dis-je, que les mêmes jurés pussent faire eux-mêmes ce que selon l’article ils ne peuvent faire que d’après l’avis du président. M. Oarat Vaîné. Tout homme peut être bon pour juger d’après des témoignages humains, si le matériel d’un fait est ou non prouvé ; mais il s’agit ici, Messieurs, de la moralité d’un fait, de l’intention d’une action : si vous réfléchissez un peu. Messieurs, sur cette question, vous sentirez, vous reconnaîtrez qu’il est plus de droit que de fait ; aussi veut-on en Angleterre, quoi que le juré soit autorisé à décider un fait reconnu et suffisamment prouvé, et à en apprécier l’intention ou le dessein ou la moralité, aussi veut-on, dis-je, que les jurés, lorsqu’ils seront embarrassés