[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l“ avril 1791.] 499 les autres. Je demande sur tous la question préalable; j'en excepte celui de M. Ramel-Nogaret que je n’admets point encore, mais sur lequel je ferai une observation. Il a demandé si on entendait comprendre dans les articles le droit de retour légal ou non. J’observe que dans un article qui n’est pas décrété, nous vous proposons d’anéantir le droit de retour légal. Sera-t-il anéanti, ne le sera-t-il pas? C’est une question tout entière, puisque l’article dans lequel est la disposition concernant ce droit n’est pas décrété. Mais si vous voulez, pour rassurer tout le monde, on fera mention dans le procès-verbal que, l’amendement ayant été proposé, le rapporteur a répondu que, l’article auquel il pouvait s’appliquer n’étant pas décrété, l’amendement n’avait pas été mis aux voix. Quant aux autres amendements, je les éloigne par un seul mot : c’est que quand nous établissons une loi pour revenir à cette maxime de droit naturel, et dont il est étonnant que le droit politique se soit écarté, je veux dire que tous les partages entre cohéritiers doivent être égaux; quand, dis-je, nous établissons cette règle qui aurait toujours dû exister; quand nous sommes obligés d’y mettre des exceptions, il ne faut pas étendre ces exceptions-là au delà de ce que la nécessité la plus impérieuse nous commande. Or, en mettant pour exception les institutions contractuelles, nous faisons tout ce que nous devons faire. Encore nous n’adopterions pas cette exception s’il ne s’agissait que des droits des cohéritiers entre eux ; mais nous avons été déterminés, parce qu’il s’agit des droits de toute une famille qui, par le contrat de mariage, a acquis un véritable titre à la portion de biens qui, en venu de la loi alors existante, était dévolue a la personne à laquelle une autre personne s’est attachée. C’est par ce principe que vous avez décrété, le 15. mars 1790, l’exception qui n’est que répétée dans ce tarticle. Maintenant, pour en faire une disposition générale, il faut bien que vous répétiez l’exception que vous avez déjà consacrée, mais il ne faut pas que vous l’étendiez. Je demande donc la question préalable sur tous les amendements, qu’il soit consigné dans le procès-verbal que les dispositions relatives au retour légal sont réservées, et que l’on mette aux voix l’article tel qu’il est rédigé. M. Darnaudat. Je soutiens fortement qu’il est absolument indispensable d’ajouter après les mots : contrat de mariage , ceux-ci : et articles de mariage, puisque dans quelques départements, et notamment dans la ei-devant province de Béarn, ces articles avaient la même valeur que les contrats. Il serait révoltant qu'une partie de la France pût être désolée par les suites d’une mauvaise interprétation d’une loi qui devrait être également claire, également juste pour tous. Je demande, au cas où l’addition que je propose ne serait pas accueillie, ou que la discussion continue pour que je puisse en démontrer la nécessité, ou le renvoi au comité, pour en faire une rédaction plus exacte, et qui ne laisse point de doute sur une matière aussi importante. M. Martineau. Il y a le plus grand danger à mettre articles de mariage , parce qu'on prétendrait en induire que vous avez entendu consacrer des articles de mariage sous signature privée, dans le pays même où on ne les connaît pas. Ainsi je demande donc que l’on rejette tous les amendements et que l’on mette purement et simplement ; et autres clauses stipulées en vue de mariage. M. Bonche. M. Martineau a voulu repousser tous les amendements par deux mots. Je vais rejeter le sien par un mot. Vous fûtes tellement frappés, Messieurs, de ce que l’on vous dit au sujet des articles de mariage, lors de votre décret sur l’enregistrement, que vous en fîtes une clause particulière. Je ne vois pas aujourd’hui pourquoi vous voudriez exclure les articles de mariage, si usités dans toutes les provinces du midi, et mettre ainsi en désordre la plupart des habitants de ces provinces, qui se tromperaient au change du mot contrat lorsqu’ils u’v verraient pas le mot articles . Le mot articles ne change rien dans le projet de décret. M. lie Chapelier, rapporteur. Il me paraît que dans les pays du Midi, au lieu de faire des actes de mariage par-devant notaire, on faisait des actes de mariage signés des deux familles, qui avaient la valeur des contrats de mariage dans les autres pays. Quoique l’article, tel qu’il est rédigé, ne nuise en rien à ces sortes de contrats de mariage, on pourrait, pour accorder tou l le monde, rédigerainsi l’article : Art. 16. « Les dispositions ci-dessus auront leur effet dans toutes les successions qui s’ouvriront après la publication du présent décret, sans préjudice des institutions contractuelles, ou autres clauses qui ont été légitimement stipulées par contrat de mariage, et aux articles de mariage, dans les pays où ils avaient force de contrats desquels seront exécutés conformément aux anciennes lois. » Je demande la question préalable sur tous les aulres amendements. (L’Assemblée adopte la motion de M. Le Chapelier et décrète la nouvelle rédaction de l’article 16.) M. Le Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 17 ainsi conçu : « Seront pareillement exécutées dans les successions qui s’ouvriront après l’époque ci-dessus, mais relativement aux biens ci-devant féodaux, et autres qui étaient sujets au partage noble seulement, les exceptions contenues dans la seconde partie de l’article 11 du titre premier du décret du 15 mars 1790, en faveur des personnes mariées ou veuves avec enfants. M. Vieillard. Vous voyez que les dispositions de l’article sont limitatives; vous voyez qu’on veut que les mesures qui ont été employées par le décret du 15 mars 1790 continuent d’avoir lieu pour les biens nobles seulement : de là suit que, relativement aux autres biens, ces réserves ne doivent pas être admises. Dans différentes coutumes du royaume et dans celle de la ci-devant province de Normandie, la manière de partager n’était point avantageuse aux filles; vous avez, par un décret sage, admis Légalité des partages. Mais il faut absolument con - sidérer l’état actuel de ces personnes; vous l’avez fait relativement aux biens nobles, pourquoi ne le feriez-vous pas relativement aux biens roturiers? Voici encore en quoi votre loi se trouverait vicieuse ; un exemple vous le fera sentir. 500 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er avril 1791.] Un fils trouve dans la succession de son père l’espérance d’avoir 8,000 livres de rente, parce que le père en a 12,000 et que la coutume lui attribue les deux tiers de la succession, il épouse une fille riche, en spéculation de sa fortune; le père et la mère du garçon vivent encore au moment de votre décret : si vous n’admettez ces réserves que pour les biens nobles seulement, il va arriver que le fils, qui aura plusieurs sœurs, se trouvera maintenant dans le cas de partager également avec ses sœurs, quoique, par son contrat de mariage, il ait traité, en spéculation d’une fortune plus considérable; cela me parait de toute injustice. Néanmoins je ne crois pas que les successions collatérales soient susceptibles de cette exception. Je propose donc par amendement que la rédaction de l’article soit changée, qu’on en retranche ces mots : mais relativement aux biens ci-devant féodaux , et autres qui étaient sujets au partage noble seulement », et qu’on ajoute ceux-ci : les exceptions seront restreintes aux successions directes seulement, et auront lieu pour toutes les espèces de biens. L’article serait donc ainsi rédigé : « Seront pareillement exécutées dans les successions qui s’ouvriront après l’époque ci-dessus, les exceptions contenues dans la seconde partie de l’article 11 du titre premier du décret du 15 mars 1790, en faveur des personnes mariées ou veuves avec enfants; les exceptions seront restreintes aux successions directes seulement, et auront lieu pour toutes les espèces de biens. » M. Le Chapelier, rapporteur. Voici la difficulté : dans les provinces de Normandie, de Flandre et quelques autres encore, l’inégalité de partages subsistait pour toutes les successions nobles. Vous crûtes alors que la loi même avait fait les conventions des parties qui s’étaient mariées, et qu’il fallait excepter des dispositions de l’égalité les partages nobles à l’avenir, qu’il fallait en excepter même les successions à échoir quand elles devaient être recueillies par des personnes qui devaient partager inégalement, et profiter de l’avantage. Maintenant on vous propose de décréter une exception, en la bornant seulement aux successions directes. Je crois que cela est juste, et je l’adopte; cependant votre comité vous propose une disposition toute contraire, c’est celle de borner l'exception au cas de la féodalité. Il s’agit encore de savoir si on adoptera l’exception en ligne directe. M. Pétion de Villeneuve. Je ne combats pas l’amendement qui vientd’êlre adopté : je demande seulement qu’il ne soit rien excepté pour la ligne collatérale. Il est bon de vous observer que, dansledéeretque vousavez rendu le 15marsl790, on a étendu l’inégalité des partages aux biens féodaux, non seulement pour la ligne directe, mais en même temps pour la ligne collatérale. Il est important de savoir si ce n’est pas par erreur qu’on a laissé dans ce décret le mot de ligne collatérale; et je prie M. Le Ghapelier; qui parla sur cet article, de vouloir bien s’expliquer à cet égard. Si c’est une erreur, il faudra rapporter le décret du 15 mars, en ce qui concerne ces partages dans leslignes collatérales, et étendre l’exception portée par l’article du comité en faveur des personnes mariées, ou veuves ayant enfants, à toutes les espèces de biens, en ajoutant néanmoins que les partages qui auraient pu être faits en vertu de la disposition du décret du 15 mars seront regardés comme valides. M. I�e Chapelier, rapporteur. Je n’ai pas autant de mémoire que M. Pétion et je ne me rappelle pas aussi positivement que lui s’il fut alors question ou non dons l’Assemblée des successions collatérales. Ce qu’il y a de certain, c’est que, pour ma part je ne proposai que les successions directes; je crois me souvenir toutefois que les mots ligne collatérale ont été proposés et qu’il s’éleva des difficultés pour savoir s’ils seraient insérés dans l’article. M. Buzot. Il faut être absolument d’accord sur ce qui constitue la loi. Or si vous avez adopté, le 15 mars, l’exception pour les successions directes et collatérales, il faut l’admettre également ici; j’appuie l’amendement de M. Vieillard. M. Robespierre. Je pense que le décret du 15 mars 1790 ne porte que sur la ligne directe et qu’il n’a pas d’extension jusqu’à la ligne collatérale. Il faut examiner la vérité de ce fait, sans craindre les inconvénients présentés par M. Le Chapelier. Jedemande que l’articledu 15mars 1790 ne porte pas sur les lignes collatérales, et que le décret soit rapporté, afin que l’Assemblée puisse établir une parfaite égalité dans les partages. M. Thévenot de Maroise. J’observe que cette mesure tendrait à donner une versatilité funeste aux législateurs, et une instabilité dangereuse à des lois publiées et exécutées. Je demande la vérification du procès-verbal du 15 mars 1790, pour nous assurer du fait contesté sur la rédaction de ce décret, touchant la ligne collatérale. M. Carat aîné appuie la motion de M. Thévenot. M. Foncault-Lardimalie. Je déclare que moi, habitant d’un pays de droit écrit, je crois précisément et chrétiennement ne pas avoir le droit de donner mon vœu à des lois qui ne tendent qu’à la subversion de mon pays ; et je déclare que je ne prendrai part à aucune délibération. J’abandonne à 5 ou 6 avocats la gloire des succès ou des revers qu’ils préparent à la France. M. le Président. On a vérifié le procès-verbal de la séance du 15 mars 1790. Voici comment finit l’article décrété : « Exceptés du présent décret ceux qui sont actuellement mariés ou veufs avec enfants, lesquels, dans les partages à faire entre eux et leurs cohéritiers, de toutes les successions mobilières et immobilières, directes et collatérales, qui pourraient leur échoir, jouiront de tous les avantages que leur attribuent les anciennes lois. » (L’Assemblée ferme la discussion.) Un membre demande la question préalable sur la partie de l’amendement de M. Vieillard, tendant à ne faire porter les exceptions du décret du 15 mars que sur les successions directes. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette partie de l’amendement.) M. Fc Chapelier, rapporteur. L’article du décret du 15 mars est mal rédigé. Celui-ci doit l’être