[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.1 29 auprès du tribunal, et qu’il serait très difficile de rencontrer pour cette place un sujet qui réunit à la fois plus d’exactitude, de zèle et de talents que ceux qui ont toujours distingué à nos yeux M. Polverel. « Nous sommes, etc. « Signé : Les juges du tribunal du premier arrondissement du département de Paris. » A cette lettre est joint un tableau du travail de l’accusateur public de ce tribunal depuis le 26 mai dernier jusqu’au 28 juillet courant. M. d’André. L’Assemblée a décidé hier, avec raison, de suspendre provisoirement l’accusateur public de ses fonctions. Messieurs, le motif que vous avez eu, a été que vous n’avez pas vu dans la conduite de l’accusateur public l’activité qu’il avait dû y mettre. Or, aujourd’hui, d’après le compte qui vous est rendu par le tribunal du premier arrondissement qu’il a fait son devoir, je pense que ces témoignages publics doivent suffire pour lever une suspension provisoire. M. le Président Je préviens l’Assemblée que M. Polverel s’est présenté ce matin chez moi et m’a demandé la grâce u’être admis à la barre. (Oui! oui!) M. Camus. Je ne pense pas que M. Polverel doive être entendu ; le décret que vous avez rendu à son égard est juste; il y aurait le plus grand danger à se rétracter aujourd’hui. C’est après avoir appris qu’il était question de faux assignats, après avoir vu qu’ils se multipliaient de jour en jour, ce qui, vraisemblablement, ne serait pas arrivé, si les coupables avaient été punis saus retard, que vous avez rendu votre décret. Les juges du tribunal qui, aujourd’hui, ont pris le temps de présenter une requête en faveur de l’accusateur public, auraient bien mieux fait de s’occuper à nous rendre le compte que nous leur avons demandé de la procédure qui doit avoir été instruite contre les fabricateurs de faux assignats. Le ministre de la justice m’a envoyé une lettre de M. Polverel ; voici ses propres expressions : Les procès-verbaux, pièces de procédure et renseignements du comité des recherches, ont été réunis successivement, au greffe, les 26, 27 et 31 mai derniers. Le 3 juin, le tribunal a reçu une plainte; les 5 accusés ont subi un interrogatoire le 9 juin; on a continué le 16 et le 18 et fini le 20 juin. L’événement de la nuit du 20 au 21 et ce qui s’en est suivi ont fait laisser l’instruction de cette affaire en souffrance pendant environ trois semaines. » A mes yeux, Messieurs, voilà le véritable crime et du tribunal et de l’accusateur public, c’est d’avoir suspendu, ne fut-ce que d’une heure, l’information; pour tout bon citoyen, pour tout accusateur public, l’événement du 21 juin était une raison de plus pour accélérer le cours de la justice; des fonctionnaires constitutionnels ne devaient pas dire : il faut voir ce qui arrivera. On ajoute : « l’information n’a commencé que le 16 juillet, présent mois. » , C’est là un tort très grave, parce que, si les interrogatoires avaient été subis le 31 mai, il fallait que l’accusateur çnblic présentât les témoins tout de suite et les témoins n’étaient pas équivoques. Le comité des recherches avait reudu public son travail sur les faux assignats et on savait à qui il fallait s’adresser pour avoir des témoins. « Depuis le 16 jusqu’au 27, dix-sept témoins ont été entendus; il en reste un essentiel à entendre, c’est le graveur qui est absent. » Mais lors du commencement de la procédure il était à Paris 1 « Restent encore les opérations des experts, graveur et papetier, qui ont éprouvé du retard. » C’est là le dernier tort de l’accusateur public; c’est à lui à requérir que ces opérations d’experts soient faites, et il peut bien le requérir avant même que tous les témoins soient entendus. Je vois donc là une négligence grave. Votre décret est donc juste. Il ne faut ici ni grâce ni clémence. Un grand exemple est nécessaire. Tous les accusateurs publics doivent savoir qu’il est de leur devoir le plus rigoureux de faire rendre promptement justice à tous les citoyens. Si les accusés sont coupables, il importe qu’ils soient punis lorsque le souvenir de leur crime est encore récent. S’ils sont innocents, c’est un crime de les priver de leur liberté, plus longtemps qu’il n’est nécessaire. Il y a en ce moment des arrestations arbitraires, et cependant les personnes ainsi arrêtées, sont aussi détenues jusqu’à ce qu’à la suite des instructions préliminaires, il puisse être reudu des décrets de prise de corps ; tant qu’il n’y a pas de décret, tout accusé a le droit de demander que son affaire soit instruite, et qu’il soit élargi, et peut-être à cet égard on vous fera un jour des plaintes très sérieuse-. Je demande donc que l’accusateur public, qui a négligé ses fonctions d’une manière aussi dangereuse, ne soit pas entendu, parce que vous l’avez déjà jugé. Je dis que vous ne devez pas recevoir la requête et la recommandation des juges du tribunal, parce qu’ils sont eux-mêmes coupables, pour n’avoir pas fait avancer l’accusateur public. Je dis que votre décret étant juste étayant été rendu, l’Assemblée nationale est faite pour rendre justice et le faire exécuter ; je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’entrer dans de plus grands détails à cet égard, et j’avoue que je suis surpi is qu’on fasse une autre proposition. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. Gaultier-Bianasat. Il est impossible que vous n’entendiez pas l’accusateur public ; je demande qu’il soit entendu. Je dois d’ailleurs instruire l’Assemblée d’un fait : c’est que M. Polverel a passé un long temps à faire des extraits au comité des recherches sur l’affaire du 21 juin. M. Bouche. L’Assemblée ne doit pas se laisser émouvoir par une fausse pitié; je demande l’ordre du jour. M.Ooupil-Préfeln. Messieurs, vous voulez faire un exemple de sévérité : eh bien! Messieurs, vous irez directement contre votre but en n’entendant pas le sieur Polverel. En effet, ou il est innocent ou il est coupable; ou il est repro-chable ou il ne l’est pas : s’il est innocent, s’il n’est pas reprochable, sa justification vous convaincra, vous l’absoudrez, vous lui rendrez justice; 3i, au contraire, il est reprochable, il ne faut pas lui donner le droit de dire qu’il a été opprimé, qu’il a été jugé sans être entendu. Je demande donc que, conformément à la demande qu’il en a faite, le sieur Polverel soit entendu par l’Assemblée. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 jnillet 1791.] M. Bouche. J’insiste pour que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. de Saint-Martin. On ne flétrit pas un homme saûs l’entendre. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. le Président. Deux motions sont faites : l’une de passer à l’ordre du jour; l’autre d’entendre M. Polverel. M. Regnaud (de Saint-Jean -d'Angêly). Je demande la priorité pour la motion qui tend à entendre M. Polverel. M. Bouche. Il vous dira qu’il a été occupé. (L’Assemblée, consultée, décrète que M. Polverel sera entendu.) M. Polverel, accusateur public du tribunal du îet arrondissement de Paris, est introduit à la barre. M. le Président. Monsieur, vous avez demandé à l’Assemblée d’être entendu ; elle se rend à vos désirs. Vous avez la parole. M. Polverel. Monsieur le Président, Messieurs, j’ai été proclamé hier par l’Assemblée nationale, dans tout l’Empire, comme un magistrat coupable d’une négligence assez grave pour le rendre suspect de prévarication dans ses fonctions. C’est dans la poursuite de l’affaire contre les fabricants de faux assignats que j’ai été accusé de cette négligence. Je vais vous dire simplement, Messieurs, ce que j’ai dû. faire, et d’après cet exposé, vous jugerez si j’ai pu faire plus ou mieux que je n’ai fait. Trois fabrications de faux assignats ont été renvoyées au tribunal du 1er arrondissement pour instruire ces trois affaires : L’une avait été commise ou commencée à Paris, et les prévenus avaient été arrêtés à Paris ; Une deuxième avait été commencée à Londres, et les prévenus avaient été arrêtés à Londres, et transférés à Paris; Une troisième avait été commencée à Limoges, et l’accusé avait été arrêté à Limoges. Je parlerai de la première,; car il me paraît que c’est dans celle-là principalement qu’on m’inculpe. Les pièces de conviction et les pièces de procédure dans cette première affaire de Paris ont été remises au greffe du tribunal successivement le 26, le %1 et le 31 mai dernier. Comme ces pièces étaient la base unique de la plainte que je devais rendre, je n’ai pas pu m’occuper de la rédaction de cette plainte avant l’apport de ces pièces, par conséquent avant le 31 mai, époque de la dernière remise qui a été faite au greffe des pièces de conviction et de procédure. Ma plainte a été rendue au tribunal du 1er arrondissement le 3 juin. Jusque-là, je ne pense pas qu’on puisse m’accuser de négligence. Depuis cette époque, s’il y avait quelque négligence, pourrait-elle être de mon fait ? C’est ce que j’expliquerai dans un instant, mais je continue à vous rendre compte de la marche de l’instruction. La plainte reçue le 3, les interrogatoires très longs et très volumineux ont commencé le 9, et ont fini le 20 juin, vous savez tout ce qui a pu ralentir la marche, je ne dis pas la mienne, mais celle du tribunal. Le fâcheux événement du 20 au 21 juin a mis, pendant plusieurs jours, dans uu état d’inaction tous Jes tribunaux de la capitale, et entre autres, celui chargé de l’instruction de l’affaire des faux assignats ; il a été jusqu’au, 28, dans cet état d’inaction, et moi-même qui, dans ce temps-là, voyais que je ne pouvais plus rien faire dans mes fonctions publiques, j’ai cru devoir reprendre mon poste de citoyen-soldat, et j’ai monté la garde pendant 96 heures sans interruption. A l’époque du 28, le tribunals’est trouvé chargé de faire une information préparatoire sur le malheureux événement de la nuit du 20 au 21, et sur tous les faits qui pouvaient y être relatifs. A cette époque, chargé par ma place de donner toute l’activité qui dépendait de moi à cette instruction, dont l’Assemblée nationale avait chargé mon tribunal, j’ai passé 4 jours à travailler le matin et le soir enfermé au comité des rapports et des recherches. Plusieurs membres de ces comités pourraient attester au besoin mon assiduité dans leurs cabinets, pour y faire le dépouillement de toutes les pièces indicatives de cette affaire. Ge travail fait ne suffisait pas encore, il fallait chercher à recueillir des preuves d’autres faits que je soupçonnais, sur lesquels j’avais quelques notices, faits qui n’étaient indiqués ni par le comité des recherches et des rapports, ni par les pièces de la municipalité ; faits, en un mot, que j’ai indiqués seul, dont j’ai seul administré et recueilli les preuves ; faits cependant assez graves, assez importants pour avoir dû être recherchés et recueillis avec empressement; cela, Messieurs, m’a donné du travail ; ie m’y suis livré avec d’autant plus de confiance que je savais que mon intervention était absolument inutile dans ce moment pour l’instruction des faux assignats. Voici comment elle l’était ; Ma plainte rendue, l’ordonnance qui en donnait acte portait en même temps que les prévenus seraient interrogés, et qu’il me serait permis de faire informer des faits contenus dans la plainte, J’ai donné le nom, la note et la demeure du témoin qui devait être assigné, U ne dépend pas de moi de presser chaque jour, chaque minute, le commissaire instructeur : c’était à lui à entendre les témoins dans tous les moments dont il pouvait disposer pour cette instruction. Il ne dépendait pas de moi de lui dire : Monsieur, un tel jour, à telle heure, vous entendrez tel témoin. Tout ce que je pouvais faire, c'étajt de lui faire des représentions, de le prêcher pour accélérer, autant qu’il était possible, la marche de cette instruction. Je l’ai fait plusieurs fois, et le commissaire instructeur est trop loyal pour le nier. Voilà mon travail ou mon inaction depuis le 28 juin jusqu’au 16 juillet; le résultat démon travail a été l’information de 38 témoins sur l’affaire de la nuit du 20 au 21 juin ; mais mon inaction dans l’affaire des assignats a été ab o-lument nulle, parce que, encore une fois, ce n’était pas moi qui devais instruire ; je ne connaissais, ni dans les lois nouvelles ni dans les anciennes, aucune loi qui me donnât une force coercitive pour forcer les commissaires-instruc-teurs à faire marcher l’instruction ; je ne pouvais donc pas être responsable de la lenteur qui a eu lieu dans cette affaire, si cette lenteur avait pour cause une négligence quelconque. Mais,