[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 171)0.] 4 qu’ils nous ont fait communiquer : nous sommes Disposés, et noos le serons dans tous les temps, à seconder de notre empressement et de nos moyens, ce qui pourra être favorable à la chose publique; mais arrêtés par les décrets qui nous ont interdit toute création nouvelle de billets, nous avons besoin d’une décision de l’Assemblée nationale, qui autorise la caisse d’escompte à faire ce que le commerce demande. Nous nous reposons sur sa sagesse, pour concilier l’intérêt général avec la liberté et les droits qui appartiennent essentiellement aux actionnaires de la caisse d’escompte. La totalité des billets de cette caisse, qui sont aujourd’hui en circulation, représente la créance que le gouvernement doit acquitter par leur échange contre assignats nationaux. L’échange étant garanti aux porteurs des billets de caisse, il était juste, pour ne point induire ceux-ci en erreur, et pour ne pas exposer le gouvernement à rembourser au delà de ce qu'il devait à la caisse d’escompte, que toute nouvelle émission de billets fût interdite. Aujourd’hui, pour remplir l’objet de la pétition, sans s’écarter du double but que l’Assemblée nationale paraît s’être proposé dans son décret, il paraît nécessaire : 1° que les nouveaux billets à émettre soient de même forme, et susceptibles du même échange que les anciens ; 2° que leur création soit précédée d’une soumission par la caisse d’escompte, de remettre au gouvernement après le retrait des 170 millions qui doivent être échangés pour libérer l’Etat avec la caisse d’escompte, une quantité d’assignats égale à celle des billets à créer. Une pareille soumission est déjà sous-entendue pour les billets de caisse qu’on pourrait présenter à l’échange chez le trésorier de l’extraordinaire, après l’acquittement de la dette nationale envers la caisse d’escompte. Ainsi il n’y aurait à cet égard, d’autres mesures à prendre, que d’exiger de la caisse d’escompte, de conserver en société un capital qui réponde à la nation de l’engagement résultant de l’échange des nouveaux billets, c’est-à-dire, 20 ou 30 millions, suivant la quantité qui sera décrétée pour l’émission qu’on sollicite. Ces dispositions paraissent donner à l’Etat la garantie qu’il a droit de prétendre, procurer au commerce les facilités et les ressources qu’il désire, et n’imposer aux actionnaires de la caisse d’escompte aucune entrave onéreuse dont ils puissent se plaindre; caria création dont il s’agit sera autorisée, et non ordonnée ; et ce sera aux actionnaires à déterminer l’usage que les circonstances pourront rendre convenable ou nécessaire d’en faire. Leur patriotisme et leur intérêt personnel sont de sûrs garants de leur aquiescement à une opération utile pour le public, et qui peut le devenir à eux-mêmes. Nous n’avons pu prendre leur vœu à cet égard, en assemblée générale, parce que la convocation des actionnaires ne nous a paru ni prudente ni sans inconvénients, lorsqu’il règne parmi eux beaucoup de mécontentement et de fermentation à l’occasion du retard du dividende, et de l’incertitude de sa fixation sur le pied de 6 0/0 par an, comme il avait été garanti de la part du roi, et comme les actionnaires ont tant de raisons de l’espérer, après les sacrifices multipliés et les efforts généreux qu’ils ne cessent de faire depuis dix-huit mois. Nous sommes avec respect. Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les administrateurs de la caisse d’escompte : De Vandueil, Duruey, Boscary et Perregaux. Projet de décret présenté par le comité DES FINANCES. L’Assemblée nationale, prenant en considération la pétition qui lui a été présentée par le commerce de Paris, à l’effet d’obtenir des secours qui lui sont nécessaires dans l’état actuel des choses, en augmentant les moyens d’escompte qui lui étaient donnés par la caisse d’escompte, et particulièrement par une grande quantité de petits billets, a décrété : Art. 1er. Que la caisse d’escompte est autorisée à mettre en émission, pour son propre compte, une somme de 30 millions, en billets de caisse, valeur de 300 et de 200 livres, lesquels billets seront entièrement à la charge de ladite caisse. Art. 2. Que la caisse d’escompte sera tenue d’acquitter à présentation lesdits billets montant à la somme de 30 millions, au moment où la nation lui aura rendu les 170 millions qu’elle lui doit en ses propres billets, qui doivent être retirés par la caisse de l’extraordinaire contre les assignats. Art. 3. Que les commissaires, chargés de suivre les opérations de la caisse d’escompte, surveilleront ladite émission, qui ne pourra pas excéder la somme susdite de 30 millions. M. d’AIIarde demande l’impression et l’ajournement de la discussion sur le projet de décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur le mode de liquidation de la dette publique. (Cette proposition est adoptée.) M. Lebrun, rapporteur du comité des finances, reprend la suite de ses rapports sur toutes les parties de la dette publique. Il propose de décréter que les receveurs de districts payeront sur les premiers deniers qui se trouveront entre les mains des -receveurs des décimes, les oblats (contribution levée sur le clergé pour les Invalides), jusqu’à concurrence de 210,000 livres. M. Martineau observe que la dépense des Invalides doit être à la charge de la nation et demande que la somme demandée soit prise dans le Trésor public, jusqu’à ce qu'on ait décrété l’organisation des Invalides, dont il presse le rapport. M. Lebrun, rapporteur , accepte l’amendement. En conséquence, le décret est rendu ainsi qu’il suit : • « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera payé par le Trésor public à la caisse des invalides la somme de 210,000 livres, pour la prestation des oblats provisoirement, et pour l’année 1790 seulement, à raison de 52,500 livres par quartier, et que les trésoriers de district percevront les oblats et en tiendront compte au Trésor public. » M. de La Rochefoucauld. Je prie l’Assemblée d’ouvrir la discussion sur le rapport que je lui ai présenté au nom de son comité de l’imposition, et qui a pour objet la contribution foncière. Les bases de l’impôt sont la plus importante des opérations qui nous restent à faire, et cette partie est, sans contredit, d’un intérêt très pressant. M. Rrlllat-Savarin. Par deux de vos décrets vous avez ordonné que la totalité du travail du comité de l’imposition vous serait présentée, 5 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1790.] avant de vous occuper définitivement d’aucune de ses parties. Ces décrets, dont la sagesse est évidente, s’opposent à la proposition qui vous est faite. M. Rœderer. Les principes du préopinant sont très justes, la conséquence qu’il en tire ne l’est pas. Sans doute, vous ne pouvez décréter séparément aucune partie de l’impôt; elles doivent toutes être subordonnées à des bases communes : mais il faut décréter ces bases. M. de La Rochefoucauld ne propose pas autre chose. L’Assemblée décide que la discussion sera ouverte sur les bases générales du système de l'impôt. M. Pierre Delley ( ci-devant d'Agier )_ (1). Messieurs, vous êtes parvenus à la partie la plus importante de vos travaux, le mode et la quotité de l’impôt : il vous sera présenté, dans cette tribune, des plans neufs, brillants, ingénieux : ce que je vais avoir l’honneur de vous soumettre n’a aucun de ces caractères : j’ai voulu gagner un gîte après une orageuse journée : le chemin le plus court, le plus sûr, est celui que que j’ai préféré. Les hommes réunis en société, malgré la diversité de leurs gouvernements, se sont accordés sur un point : la nécessité de sacrifier une portion de chaque revenu individuel, pour former un revenu public. L’on peut donc regarder ce sacrifice comme une des premières bases de toute association politique , et lorsque les lois qui fixent la quotité de ce sacrifice, et la manière dont il sera perçu, ont été constitutionnellement promulguées, elles sont celles dont l’exécution est la plus impérieusement commandée. Représentants de frères égaux en droits, et nés le même jour à la liberté, le Corps législatif, délibérant sur ces lois, doit surtout oublier ces anciennes dénominations, ces anciennes démarcations des provinces ; il n’en est plus d’étrangères ou de conquises, d’exemptes ou a’asservies : dans l’enceinte de cet empire, il n’existe que des Français. L’uniformité dans les modes de perception de l’impôt sur tous les départements et la quotité proportionnelle pour chaque contribuable sont donc des bases aussi justes qu’indispensables. Examinons quels sont les moyens d’arriver à ce grand but, en conciliant les intérêts généraux de l’empire, et ceux de chaque citoyen, avec la nécessité d’un impôt proportionné à nos immenses besoins. Si la France, se suffisant à elie-même, pouvait se soustraire à l’influence active ou passive de tout ce qni l’environne ; si la France, purement agricole, voyait ses domaines également divisés ; si elle ne comptait parmi ses enfants que des propriétaires laboureurs, cette simplicité d’organisation déterminerait celle de la perception de l’impôt. Une légère portion des récoltes suffirait aux besoins publics, bornés dans cette hypothèse à une surveillance intérieure. Plus nous sommes loin de cette position, qui ne peut convenir qu’à des contrées ignorées, et plus nous allons être forcés de compliquer la perception de l’impôt. (1) Nous reproduisons le discours de M. JDelley-d’Agier d’après l’impression ordonnée par l’Assemblée nationale. La version du Moniteur n’est pas tout à fait complète. La différence des propriétés, autant que l’inégalité de leur quotité, dans les mêmes mains, nécessitent divers modes de perception; car, dans un état où ces propriétés sont aussi variées, l’on ne peut amener tous les propriétaires à un juste concours aux contributions, qu’en appropriant, pour ainsi dire, un mode particulier à chacune de ces propriétés. Ainsi, les propriétés visibles, légalement connues, dont le propriétaire ne peut dissimuler la valeur qu’il ne saurait soustraire à l’inspection publique, ces propriétés, que je nommerai immobilières, seront l’objet d’un genre d’impôt appelé direct ; car il sera véritablement appliqué sur la chose même , d’après une connaissance exacte de son produit. Les propriétés, au contraire, dont le possesseur peut dissimuler la valeur et la quotité; ces propriétés, pour ainsi dire, en dehors de la surveillance publique, qui peuvent s’accroître, s’anéantir ou changer de mains, sans la participation et la protection des lois; ces propriétés que l’on a pu jusqu’ici faire participer à la contribution que d’une manière éloignée, et qu’on nomme mobilières, seront l’objet des impôts indirects. Ces premières définitions nous présentent d’abord deux manières bien distinctes d’imposer, directement et indirectement. Mais une grande question reste à résoudre : quelle doit être la proportion entre les impôts directs et les impôts indirects? Ce problème, présenté sous cette forme ainsi généralisée, a été et sera toujours insoluble; chaque peuple, eu égard à sa situation politique, aura des résultats différents sur la proportion qu’il doit adopter dans les divers modes d’impôts qui lui conviennent. Je pense donc qu’il faut changer les termes de la proposition, et que, l’appliquant à notre existence politique, nous devons nous demander : quelles sont les propriétés mobilières et immobilières qu’il convient de ménager dans la répartition des impôts directs et indirects, relativement à nos voisins et relativement à nous-mêmes? Relativement à nos voisins : On nous assure que nous avons un avantage dans la balance du commerce .-avantage précieux qu’il est bien intéressant de conserver. Nous le devons à la partie productive de notre sol et à notre industrie, source de toutes richesses ; A la partie productive de notre sol qui fournit des objets de nécessité ou de luxe, que l’étranger ne trouve point ailleurs ou qu’il préfère de prendre chez nous; A notre industrie, par nos manufactures, soit qu’elles s’exercent sur nos propres productions de manière à les faire rechercher de nous ou de l'étranger , soit que, travaillant sur les matières premières, fournies par nos voisins, elles s’approprient ces matières par la perfection de la main-d’œuvre. Ainsi tout impôt qui pèserait trop sur notre industrie ou sur la partie productive de notre sol, si intimement liée au produit de cette industrie, deviendrait impolitique; les aides et la partie des droits de traites, relatifs à l’exportation en général et à l’importation des matières premières, doivent donc être très ménagées; l’impôt sur les terres productives de denrées ne doit pas l’être moins, afin que le prix des combustibles ne force point à un surhaussement dans le prix de main-d’œuvre, surhaussement qui détruirait les avantages de notre balance commerciale. Si nous considérons notre position intérieure,