SÉANCE DU 10 MESSIDOR AN II (28 JUIN 1794) - N° 42 247 42 La section Lepeletier se présente en niasse [et défile dans la salle au bruit des tambours] (1), accompagnant les citoyen Geffroy, entouré de sa famille et des officiers de santé qui ont pris soin de lui. Les applaudissemens les précèdent, les accompagnent, et les suivent par-tout, jusques au sein même de la Convention (2). L’orateur de la députation : Citoyens représentants, la section Lepeletier s’empresse de vous présenter le brave Geffroy, qui vient témoigner à la Convention sa reconnaissance pour la vive sollicitude qu’elle a témoignée en sa faveur. Le voilà ! (Les applaudissements redoublent) (3). Après avoir obtenu la parole, [Geffroy] a dit: Législateurs, Si je n’avois consulté que le besoin le plus vif, le plus pressant de mon cœur, je me serois fait transporter devant vous le jour où vous daignâtes donner des éloges à ma conduite, et répandre sur moi et ma famille vos bienfaits et les plus honorables récompenses. Hors de tout danger, je viens, pénétré d’attendrissement, de respect et de reconnoissance, vous exprimer ces sentimens que je ne rendrai jamais aussi bien qu’ils sont gravés dans mon cœur. Qu’ai-je donc fait, me disois-je, pour inspirer tant d’intérêt ! une action bien simple, que tout bon citoyen eût faite comme moi. J’ai osé ordonner à un représentant du peuple, échappé aux coups d’un assassin, d’éviter le danger qui le menaçoit encore: je n’ài fait en cela que remplir mon serment de défendre la représentation nationale; et si Collot-d’Her-bois, n’écoutant que son courage, eût reçu le coup qui m’a frappé, il auroit oublié son devoir et j’eusse manqué au mien. A quelle cause dois-je donc attribuer votre tendre sollicitude ? Je crois, sages législateurs, en avoir apperçu le but. Tous vos décrets me l’ont fait voir; vous voulez fonder la République sur les bonnes mœurs; et voilà pourquoi vous donnez un si grand éclat aux actions louables, afin que tous les citoyens apprennent que ce que vous chérissez le plus, c’est la vertu (4). [Nouveaux applaudissements]. A ces applaudissements se joignent les cris mille fois répétés de vive la République (5). Le Président répond: Brave Citoyen, Lorsque le royalisme expirant veut éteindre ses fureurs dans le sang des défenseurs de la liberté; lorsque les tyrans, de leurs trônes ébranlés, lancent au milieu de nous des mons-(D Mon., XXI, 84. (2) F.V., XL, 249. (3) Mon., XXI, 84. (4) PX., XL, 249. (5) Mon., XXI, 84. très pour désoler la République par le meurtre, le poison et l’incendie, le peuple forme un rempart inaccessible à tous leurs forfaits. C’est sous l’égide de la vertu courageuse, intrépide Geffroy, que les jours d’un représentant du peuple ont été conservés. Tu as reçu le coup que vouloit lui porter le parricide, et ton sang a coulé pour sauver Collot-d’Herbois. Tant de vertus ne sont pas sans-récompense, généreux citoyen : sur tous les points de la République, le concert honorable des hommes libres a payé ton magnanime dévouement, le tribut touchant des acclamations que tu as méritées. Les beaux siècles de Rome et de Sparte n’offrirent jamais un plus sublime spectacle que celui d’un citoyen qui se précipite sur le coup qui devoit atteindre un courageux défenseur de son pays. Les applaudissemens universels que ton apparition vient d’exciter dans cette enceinte, et dans le peuple des tribunes, prouvent assez la satisfaction que nous avons tous de voir hors de danger, et conservé à la République, un nouveau Dé-cius qui a voulu s’immoler courageusement pour en conserver un des plus fermes soutiens. La Convention nationale t’appelle, avec transport, aux honneurs de sa séance, (les applaudissements recommencent et se prolongent)). Un membre [COLLOT-d’HERBOIS], demande que le président de la Convention donne l’ac-collade fraternelle à cette intéressante famille. Collot-d’Herbois la conduit vers le fauteuil, tenant son libérateur par la main; et là, Geffroy et sa famille reçoivent successivement l’accollade; Collot-d’Herbois, à son tour, serre étroitement dans ses bras le citoyen Geffroy, et dit : Citoyens, Je craindrois de parler de Geffroy devant lui; je craindrois de lui faire sentir cette gêne dont tout bon républicain ne peut se défendre, quand il reçoit les éloges même les mieux mérités; j’hésiterois à vous retracer ce que m’a fait observer l’habitude de le voir dans le sein de sa famille depuis que j’y suis entré, ou plutôt depuis que j’en fais partie: mais en disant ce qui m’a frappé, je rends hommage aux vertus communes à tous les patriotes, et c’est un devoir que je remplis. Il est utile en effet d’observer que là où se trouvent la haine vigoureuse du crime, l’horreur profonde que tous les républicains ont pour les scélérats, le dévouement pour la patrie, et toutes les vertus publiques, là se trouvent aussi les vertus privées, l’amour et l’activité du travail, le désintéressement, la fraternité loyale et franche, les époux heureux, les parens dignement respectés, des enfans qui brûlent de venger les jeunes héros morts en combattant pour la liberté, et des enfans plus jeunes encore, dont la langue est à peine déliée, et qui lèvent leurs tendres mains vers le ciel, et semblent l’adjurer qu’ils ne vivront que pour la République. Voilà ce que j’ai vu chez Geffroy ;Ie révéler, c’est dire ce qui se rencontre chez tous les républicains. (Nouveaux applaudissements) . Oui, citoyens, il y a des millions de familles dans la République qui pensent et qui agissent de la même manière. H y a dans la République des millions de familles vertueuses, de famiÛes SÉANCE DU 10 MESSIDOR AN II (28 JUIN 1794) - N° 42 247 42 La section Lepeletier se présente en niasse [et défile dans la salle au bruit des tambours] (1), accompagnant les citoyen Geffroy, entouré de sa famille et des officiers de santé qui ont pris soin de lui. Les applaudissemens les précèdent, les accompagnent, et les suivent par-tout, jusques au sein même de la Convention (2). L’orateur de la députation : Citoyens représentants, la section Lepeletier s’empresse de vous présenter le brave Geffroy, qui vient témoigner à la Convention sa reconnaissance pour la vive sollicitude qu’elle a témoignée en sa faveur. Le voilà ! (Les applaudissements redoublent) (3). Après avoir obtenu la parole, [Geffroy] a dit: Législateurs, Si je n’avois consulté que le besoin le plus vif, le plus pressant de mon cœur, je me serois fait transporter devant vous le jour où vous daignâtes donner des éloges à ma conduite, et répandre sur moi et ma famille vos bienfaits et les plus honorables récompenses. Hors de tout danger, je viens, pénétré d’attendrissement, de respect et de reconnoissance, vous exprimer ces sentimens que je ne rendrai jamais aussi bien qu’ils sont gravés dans mon cœur. Qu’ai-je donc fait, me disois-je, pour inspirer tant d’intérêt ! une action bien simple, que tout bon citoyen eût faite comme moi. J’ai osé ordonner à un représentant du peuple, échappé aux coups d’un assassin, d’éviter le danger qui le menaçoit encore: je n’ài fait en cela que remplir mon serment de défendre la représentation nationale; et si Collot-d’Her-bois, n’écoutant que son courage, eût reçu le coup qui m’a frappé, il auroit oublié son devoir et j’eusse manqué au mien. A quelle cause dois-je donc attribuer votre tendre sollicitude ? Je crois, sages législateurs, en avoir apperçu le but. Tous vos décrets me l’ont fait voir; vous voulez fonder la République sur les bonnes mœurs; et voilà pourquoi vous donnez un si grand éclat aux actions louables, afin que tous les citoyens apprennent que ce que vous chérissez le plus, c’est la vertu (4). [Nouveaux applaudissements]. A ces applaudissements se joignent les cris mille fois répétés de vive la République (5). Le Président répond: Brave Citoyen, Lorsque le royalisme expirant veut éteindre ses fureurs dans le sang des défenseurs de la liberté; lorsque les tyrans, de leurs trônes ébranlés, lancent au milieu de nous des mons-(D Mon., XXI, 84. (2) F.V., XL, 249. (3) Mon., XXI, 84. (4) PX., XL, 249. (5) Mon., XXI, 84. très pour désoler la République par le meurtre, le poison et l’incendie, le peuple forme un rempart inaccessible à tous leurs forfaits. C’est sous l’égide de la vertu courageuse, intrépide Geffroy, que les jours d’un représentant du peuple ont été conservés. Tu as reçu le coup que vouloit lui porter le parricide, et ton sang a coulé pour sauver Collot-d’Herbois. Tant de vertus ne sont pas sans-récompense, généreux citoyen : sur tous les points de la République, le concert honorable des hommes libres a payé ton magnanime dévouement, le tribut touchant des acclamations que tu as méritées. Les beaux siècles de Rome et de Sparte n’offrirent jamais un plus sublime spectacle que celui d’un citoyen qui se précipite sur le coup qui devoit atteindre un courageux défenseur de son pays. Les applaudissemens universels que ton apparition vient d’exciter dans cette enceinte, et dans le peuple des tribunes, prouvent assez la satisfaction que nous avons tous de voir hors de danger, et conservé à la République, un nouveau Dé-cius qui a voulu s’immoler courageusement pour en conserver un des plus fermes soutiens. La Convention nationale t’appelle, avec transport, aux honneurs de sa séance, (les applaudissements recommencent et se prolongent)). Un membre [COLLOT-d’HERBOIS], demande que le président de la Convention donne l’ac-collade fraternelle à cette intéressante famille. Collot-d’Herbois la conduit vers le fauteuil, tenant son libérateur par la main; et là, Geffroy et sa famille reçoivent successivement l’accollade; Collot-d’Herbois, à son tour, serre étroitement dans ses bras le citoyen Geffroy, et dit : Citoyens, Je craindrois de parler de Geffroy devant lui; je craindrois de lui faire sentir cette gêne dont tout bon républicain ne peut se défendre, quand il reçoit les éloges même les mieux mérités; j’hésiterois à vous retracer ce que m’a fait observer l’habitude de le voir dans le sein de sa famille depuis que j’y suis entré, ou plutôt depuis que j’en fais partie: mais en disant ce qui m’a frappé, je rends hommage aux vertus communes à tous les patriotes, et c’est un devoir que je remplis. Il est utile en effet d’observer que là où se trouvent la haine vigoureuse du crime, l’horreur profonde que tous les républicains ont pour les scélérats, le dévouement pour la patrie, et toutes les vertus publiques, là se trouvent aussi les vertus privées, l’amour et l’activité du travail, le désintéressement, la fraternité loyale et franche, les époux heureux, les parens dignement respectés, des enfans qui brûlent de venger les jeunes héros morts en combattant pour la liberté, et des enfans plus jeunes encore, dont la langue est à peine déliée, et qui lèvent leurs tendres mains vers le ciel, et semblent l’adjurer qu’ils ne vivront que pour la République. Voilà ce que j’ai vu chez Geffroy ;Ie révéler, c’est dire ce qui se rencontre chez tous les républicains. (Nouveaux applaudissements) . Oui, citoyens, il y a des millions de familles dans la République qui pensent et qui agissent de la même manière. H y a dans la République des millions de familles vertueuses, de famiÛes 248 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE révolutionnaires; car, citoyens représentons, vous avez amené un tel état de choses, que la révolution n’est plus que la pratique simple et journalière des vertus austères et fécondes (on applaudit). Un peuple qui possède des millions de familles aussi généreuses, est bien fort; et les tyrans et leurs infâmes satellites ne doivent en attendre que la mort (on applaudit). Collot-d’Herbois reprend : Le cœur des tyrans est sans doute un abyme inépuisable de scélératesse et de crimes; mais le cœur des bons citoyens, le cœur des millions de Geffroy qui peuplent notre république, est une source inépuisable des vertus qui régénèrent l’espèce humaine, et préparent le bonheur des générations futures (les applaudissements se prolongent) . Les tyrans sont entourés d’assassins, d’empoisonneurs et d’incendiaires. Les tyrans les accueillent; ils leurs prodiguent l’or et d’avilissantes récompenses. Les tyrans les embrassent; et la nature frémit de ces embras-semens sacrilèges. Pour nous, citoyens, quel autre spectacle n’avons-nous pas sous les yeux? Un citoyen vertueux se présente : tous les cœurs volent au devant de lui, un concert d’éloges unanimes et justes s’élève autour de lui. Le digne président des représentons d’un peuple libre l’embrasse aux acclamations de tous les citoyens qui voudroient, comme lui, le serrer dans leurs bras, et qui sont prêts à l’imiter : la nature se réjouit de ce sublime enthousiasme, car elle est la source de tout ce qui est bon, de tout ce qui est utile; et il n’y a de vraiment bon, de vraiment utile, que les hommes vertueux. Indépendamment des secours de l’art et des soins de l’amitié, n’en doutez pas, citoyens, c’est le vif intérêt des cœurs vertueux, c’est le témoignage de l’estime publique, qui ont le plus contribué à guérir la blessure de Geffroy. Ceci n’est point une chimère, ce n’est pas non plus une exagération. Chaque jour il s’opère dans nos camps de pareils miracles. La paix délicieuse de l’ame, cette satisfaction si douce d’avoir rempli son devoir, rend toutes les cures faciles, et conserve à la Patrie un grand nombre de républicains; mais l’esclave au contraire, l’esclave est toujours blessé à mort (les applaudissements redoublent) . Oui, je me plais à contempler, dans cet événement particulier, ce qui doit nécessairement caractériser tous ceux qui intéressent la Patrie. Le crime avoit combiné toutes ses ressources; et par une sorte d’excès et de scrupule impie, il s’étoit donné de la sécurité. Eh bien ! l’œil de la providence a veillé. Les scélérats sont à l’échafaud, Geffroy est conservé. Ainsi il en sera de tout ce que tenteront nos ennemis. Les blessures les plus envenimées guériront, et le peuple sera fort, vigoureux et invincible. [Les applaudissements recommencent et accompagnent Collot d’Herbois jusqu’à la Montagne, où il fait asseoir le brave Geffroy (1). [[L]es représentans du peuple... s’empressent à l’envi de lui donner les témoignages les plus sensibles de leur reconnoissance et de leur admiration (2). (1) Mon., XXI, 85. (2) J. Lois, n°638. La Convention décrète l’insertion au bulletin du discours de Geffroy, de la réponse du président et du discours de Collot-d’Herbois. Un membre [Brival] propose d’accorder aux officiers de santé de Geffroy une récompense digne de ceux qui ont sauvé les jours d’un zélé défenseur de la représentation nationale, et de leur fournir une nouvelle occasion de prodiguer leurs soins à l’humanité souffrante, en les plaçant à la tête des hospices de santé (1) . Brival : La plus douce récompense de celui qui a fait son devoir est d’entendre la Convention décréter qu’il a bien mérité de la patrie. Geffroy vous a dit qu’il avait fait son devoir, il ne vous demande rien pour lui; vous avez assuré une pension à sa femme et à ses enfants. Si, sous l’ancien régime, on accordait des pensions aux chirurgiens qui faisaient accoucher heureusement les tigresses royales qui donnaient de nouveaux monstres à la France, que ne doit-on pas faire pour des chirurgiens qui ont conservé à la vie un vertueux républicain ? (On applaudit). Je connais le désintéressement des deux citoyens qui ont sauvé Geffroy; ils se nomment Rufin et Legras. L’un a déjà, par ses connaissances dans son art, rendu de grands services à l’humanité; l’autre, moins connu parce qu’il est plus jeune, peut en rendre d’aussi grands; il combattit à la Bastille et au 10 août. Je ne demande point pour eux de récompense pécuniaire : ils sont au-dessus de cela; mais comme ils peuvent être utiles à la république, je demande que le comité de salut public soit chargé de les employer à la tête des hôpitaux ou des armées. (On applaudit) (2). « La Convention nationale décrète que les citoyens Ruffin et Legras, chirurgiens, qui ont traité le brave et vertueux Geffroy, ont bien mérité de la patrie; charge le comité de salut public de leur procurer promptement des places dans lesquelles ils puissent employer journellement leurs soins et leurs talens au service de l’humanité souffrante. » Collot-d’Herbois observe qu’une partie des vœux du préopinant a été remplie (3). Collot d’Herbois : Le vœu de la Convention nationale est déjà rempli en partie; car hier au soir le comité de salut public a nommé le citoyen Ruffin administrateur des hôpitaux. (Nouveaux applaudissements) (4). (1) P.V., XL, 250. Minute de la main de Gou-pilleau de Montaigu. Décret n° 9711. (2) Mon., XXI, 84. (3) P.V., XL, 253. Minute de la main de Gou-pilleau de Montaigu. Décret n°9710. Reproduit dans Bin, 10 mess.; Mess. Soir, n° 678; Ann. patr., n° DXXXXIV; J. Lois, n°638; J. univ., n08 1678, 1679; Débats, n° 646; Rép., n08 191, 192; J. Sablier, n° 1405; Audit nat., n08 643, 644; J. Mont., n° 63; M.U., XLI, 172; F.S.P., n°359; C. Eg., n08 679, 681; J. Paris, nos 545, 547; Ann. R.F., n» 211; J. Fr., n° 642; J. Perlet, n° 644; J.-S. Culottes, n° 499; C. univ., n° 910. (4) Mon., XXI, 85. 248 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE révolutionnaires; car, citoyens représentons, vous avez amené un tel état de choses, que la révolution n’est plus que la pratique simple et journalière des vertus austères et fécondes (on applaudit). Un peuple qui possède des millions de familles aussi généreuses, est bien fort; et les tyrans et leurs infâmes satellites ne doivent en attendre que la mort (on applaudit). Collot-d’Herbois reprend : Le cœur des tyrans est sans doute un abyme inépuisable de scélératesse et de crimes; mais le cœur des bons citoyens, le cœur des millions de Geffroy qui peuplent notre république, est une source inépuisable des vertus qui régénèrent l’espèce humaine, et préparent le bonheur des générations futures (les applaudissements se prolongent) . Les tyrans sont entourés d’assassins, d’empoisonneurs et d’incendiaires. Les tyrans les accueillent; ils leurs prodiguent l’or et d’avilissantes récompenses. Les tyrans les embrassent; et la nature frémit de ces embras-semens sacrilèges. Pour nous, citoyens, quel autre spectacle n’avons-nous pas sous les yeux? Un citoyen vertueux se présente : tous les cœurs volent au devant de lui, un concert d’éloges unanimes et justes s’élève autour de lui. Le digne président des représentons d’un peuple libre l’embrasse aux acclamations de tous les citoyens qui voudroient, comme lui, le serrer dans leurs bras, et qui sont prêts à l’imiter : la nature se réjouit de ce sublime enthousiasme, car elle est la source de tout ce qui est bon, de tout ce qui est utile; et il n’y a de vraiment bon, de vraiment utile, que les hommes vertueux. Indépendamment des secours de l’art et des soins de l’amitié, n’en doutez pas, citoyens, c’est le vif intérêt des cœurs vertueux, c’est le témoignage de l’estime publique, qui ont le plus contribué à guérir la blessure de Geffroy. Ceci n’est point une chimère, ce n’est pas non plus une exagération. Chaque jour il s’opère dans nos camps de pareils miracles. La paix délicieuse de l’ame, cette satisfaction si douce d’avoir rempli son devoir, rend toutes les cures faciles, et conserve à la Patrie un grand nombre de républicains; mais l’esclave au contraire, l’esclave est toujours blessé à mort (les applaudissements redoublent) . Oui, je me plais à contempler, dans cet événement particulier, ce qui doit nécessairement caractériser tous ceux qui intéressent la Patrie. Le crime avoit combiné toutes ses ressources; et par une sorte d’excès et de scrupule impie, il s’étoit donné de la sécurité. Eh bien ! l’œil de la providence a veillé. Les scélérats sont à l’échafaud, Geffroy est conservé. Ainsi il en sera de tout ce que tenteront nos ennemis. Les blessures les plus envenimées guériront, et le peuple sera fort, vigoureux et invincible. [Les applaudissements recommencent et accompagnent Collot d’Herbois jusqu’à la Montagne, où il fait asseoir le brave Geffroy (1). [[L]es représentans du peuple... s’empressent à l’envi de lui donner les témoignages les plus sensibles de leur reconnoissance et de leur admiration (2). (1) Mon., XXI, 85. (2) J. Lois, n°638. La Convention décrète l’insertion au bulletin du discours de Geffroy, de la réponse du président et du discours de Collot-d’Herbois. Un membre [Brival] propose d’accorder aux officiers de santé de Geffroy une récompense digne de ceux qui ont sauvé les jours d’un zélé défenseur de la représentation nationale, et de leur fournir une nouvelle occasion de prodiguer leurs soins à l’humanité souffrante, en les plaçant à la tête des hospices de santé (1) . Brival : La plus douce récompense de celui qui a fait son devoir est d’entendre la Convention décréter qu’il a bien mérité de la patrie. Geffroy vous a dit qu’il avait fait son devoir, il ne vous demande rien pour lui; vous avez assuré une pension à sa femme et à ses enfants. Si, sous l’ancien régime, on accordait des pensions aux chirurgiens qui faisaient accoucher heureusement les tigresses royales qui donnaient de nouveaux monstres à la France, que ne doit-on pas faire pour des chirurgiens qui ont conservé à la vie un vertueux républicain ? (On applaudit). Je connais le désintéressement des deux citoyens qui ont sauvé Geffroy; ils se nomment Rufin et Legras. L’un a déjà, par ses connaissances dans son art, rendu de grands services à l’humanité; l’autre, moins connu parce qu’il est plus jeune, peut en rendre d’aussi grands; il combattit à la Bastille et au 10 août. Je ne demande point pour eux de récompense pécuniaire : ils sont au-dessus de cela; mais comme ils peuvent être utiles à la république, je demande que le comité de salut public soit chargé de les employer à la tête des hôpitaux ou des armées. (On applaudit) (2). « La Convention nationale décrète que les citoyens Ruffin et Legras, chirurgiens, qui ont traité le brave et vertueux Geffroy, ont bien mérité de la patrie; charge le comité de salut public de leur procurer promptement des places dans lesquelles ils puissent employer journellement leurs soins et leurs talens au service de l’humanité souffrante. » Collot-d’Herbois observe qu’une partie des vœux du préopinant a été remplie (3). Collot d’Herbois : Le vœu de la Convention nationale est déjà rempli en partie; car hier au soir le comité de salut public a nommé le citoyen Ruffin administrateur des hôpitaux. (Nouveaux applaudissements) (4). (1) P.V., XL, 250. Minute de la main de Gou-pilleau de Montaigu. Décret n° 9711. (2) Mon., XXI, 84. (3) P.V., XL, 253. Minute de la main de Gou-pilleau de Montaigu. Décret n°9710. Reproduit dans Bin, 10 mess.; Mess. Soir, n° 678; Ann. patr., n° DXXXXIV; J. Lois, n°638; J. univ., n08 1678, 1679; Débats, n° 646; Rép., n08 191, 192; J. Sablier, n° 1405; Audit nat., n08 643, 644; J. Mont., n° 63; M.U., XLI, 172; F.S.P., n°359; C. Eg., n08 679, 681; J. Paris, nos 545, 547; Ann. R.F., n» 211; J. Fr., n° 642; J. Perlet, n° 644; J.-S. Culottes, n° 499; C. univ., n° 910. (4) Mon., XXI, 85.