SÉANCE DU 16 VENDÉMIAIRE AN III (7 OCTOBRE 1794) - N° 60 383 délivrance du certificat, et signer le registre, présentera ses motifs au directoire du district, qui les jugera d’après les observations de la municipalité de la résidence actuelle. Art. XXII. - Si la réclamation est reconnue légitime, la municipalité, sur présentation de l’arrêté qui l’aura admise, délivrera au réclamant une attestation d’impossibilité de transport, qui contiendra, avec son signalement, ses nom, prénom, ci-devant qualité ou profession, et l’indication de son domicile actuel. Elle sera signée par le réclamant et inscrite sur le registre de la municipalité. Art. XXIII. - Cette attestation sera présentée, l’identité affirmée, et le certificat de résidence délivré ainsi qu’il est prescrit par les articles XIX et XX du présent titre. Le nombre des attestans sera dans la proportion indiquée par l'article II ou IV de ce même titre, selon que le réclamant sera ou non prévenu d’émigration. Art. XXIV. - A l'égard des détenus, l’extrait de leur écrou, auquel sera joint leur signalement, signé par eux et le concierge, et visé par la municipalité du lieu de détention, suppléera à l’attestation prescrite par l’article XXII (93). 60 On discute quelques articles sur les pères et mères des émigrés ci-devant nobles, auxquels on demande qu’on assimile les pères et mères des émigrés non-nobles; cette question excite des débats; on propose de renvoyer le tout à un nouvel examen de la commission, qui en fera son rapport. Adopté (94). ESCHASSERIAUX jeune, au nom de la commission chargée de la révision de la loi sur les émigrés : Je vais soumettre à votre discussion un sujet dont vous connaissez trop l’importance pour que vous ne le jugiez pas susceptible de toute votre attention. Il s’agit de fixer le sort des pères et mères des émigrés, et vous savez qu’il tient au principe que vous avez décrété le 17 frimaire dernier. Je ne m’étendrai point sur la difficulté de préciser le mode d’exécution de ce principe qui, pris dans son sens littéral, ne laisse presque aucune latitude au développement. Je me bornerai à vous observer que la commission, en traitant un sujet aussi délicat, n’a peut-être pas donné à ses vues toute l’étendue nécessaire, et qu’il devient essentiel d’expliquer d’une manière plus positive ce qu’elle n’a présenté qu’en aperçu. Il est d’ailleurs une observation très-impor-(93) P.-V., XLVII, 18-26. C 321, pl. 1332, p. 4, minute de la main de Eschasseriaux jeune, rapporteur. J. Fr., n° 744; J. Perlet, n° 746; M. U., XLIV, 285-287, 302-303. (94) P.-V., XLVII, 26. tante à faire relativement au mode de prononcer définitivement sur les réclamations des pères et mères d’émigrés : c’est que ce mode, qui pouvait peut-être convenir s’il eût été décrété il y a quelques mois, par la Convention nationale, me paraît offrir dans ce moment les plus graves inconvénients, dans le retard qui résulterait, pour ces mêmes pères et mères d’émigrés, de la longueur des formes à remplir avant que la décision qu’ils attendent depuis longtemps pût être portée. Vous avez décrété, le 6 de ce mois, qu’après la discussion du titre 1er du projet de loi sur les émigrés, vous vous occuperiez de la liquidation des créances sur les propriétés. Cet objet assurément est de la plus grande importance, et vous ne pouvez trop promptement vous livrer au soin de procurer aux créanciers un payement après lequel un grand nombre soupire depuis si longtemps. Mais, citoyens, votre intention sans doute n’est pas que la discussion sur la partie du projet qui concerne le personnel des émigrés reste suspendue jusqu’à ce que celle sur la liquidation des créances soit entièrement terminée, car il en résulterait pour une infinité de citoyens les retardé les plus fâcheux. Je ne dois pas vous taire que la partie du projet pour laquelle je solbcite surtout ici votre attention, et qui a trait aux certificats de résidence et aux listes, est celle qui présente en ce moment le plus d’urgence. De toutes parts des citoyens se trouvent portés et le sont journellement sur les listes d’émigrés, quoiqu’ils aient constamment résidé sur le territoire de la République, parce que les dispositions de la loi ne sont pas assez clairement énoncées, ou sont extrêmement difficiles à remplir. Il en est un grand nombre dont les biens sont séquestrés depuis plus d’un an, et qui, ayant obtenu la radiation de leurs noms sur les listes, d’après les arrêtés des corps administratifs, ne peuvent cependant rentrer dans la possession de leurs biens, parce que, depuis la suppression du ci-devant conseil exécutif, aucune autorité ne lui a été légalement substituée pour juger définitivement les réclamations des prévenus d’émigration. Pour vous faire connaître où en sont les choses à cet égard, il me suffira de vous dire que dans une commune, celle de Villenauxe, département de l’Aube, plus de cinquante citoyens ont été portés sur la liste des émigrés d’un département voisin, parce qu’ils y possédaient quelques arpents de terre et qu’ils n’avaient pas, en raison de cette propriété, justifié de leur résidence à l’administration de ce département ; mais le moindre malheur de ceux portés sur les listes des émigrés n’est pas d’être signalés comme ennemis de la patrie; ils ont encore la douleur de voir en beaucoup d’endroits leurs propriétés spoliées, pendant que, privés de tous moyens, ils sont ainsi que leur famille dans la détresse. On peut ajouter ici que ce ne sont pas les individus seuls qui souffrent de cet état de choses; il en résulte encore un préjudice très-sensible pour la République ; ses ressources en subsistances sont atténuées, parce qu’il est certain que les domaines provisoirement séques- 384 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE très sont en général mal cultivés. L’industrie et le commerce languissent, parce qu’une immense quantité de fonds qui les alimenteraient, restent inutiles sous le séquestre; enfin toutes les parties de l’administration relatives à la gestion des propriétés devenues nationales, et la comptabilité qui les concerne, sont tellement entravées, par la multitude d’opérations qu’exigent les biens provisoirement séquestrés, que ceux qui les dirigent ne sont presque plus à même de suffire à leurs travaux, ou ne peuvent les exécuter que très imparfaitement. Vous jugerez sans doute, d’après ces motifs, qu’il est de votre justice de faire cesser des circonstances aussi fâcheuses, et de venir le plus promptement possible au secours de cette multitude de citoyens, sur lesquels on ne doit pas laisser peser plus longtemps la rigueur de la loi. Je demande donc que, dans les jours où la discussion sur la liquidation n’aura pas lieu, celle sur le personnel des émigrés soit continuée. Nous passons à la discussion de cette partie de la loi sur les émigrés, dont l’exécution a fait connaître sans doute les plus grands ennemis de la Révolution, mais a été en même temps pour une infinité de bons citoyens l’objet des plus grands embarras, et a donné lieu pour un très-grand nombre aux suites les plus fâcheuses. Je veux parler des certificats de résidence sur lesquels les lois antérieures n’ont pas déterminé un mode, sinon assez précis, au moins assez peu compliqué pour que les corps administratifs ne fussent pas à cet égard dans le cas de suivre une marche très souvent incertaine et quelquefois arbitraire. Il a donc fallu rectifier les formes anciennes, et ajouter à ce qui leur manquait pour que les citoyens connussent d’une manière plus particulière les obligations qu’ils ont à remplir. Nous ne devons pas nous dissimuler que la mesure de sûreté générale qui exige que les citoyens justifient de leur résidence nécessite des dispositions qui doivent paraître vexatoires; mais s’il est un moment où elles peuvent être ramenées à un terme moins rigoureux, c’est sans doute dans celui où il est démontré que l’émigration, sinon arrêtée, ne sera au moins par la suite que peu fréquente, et que par conséquent cette modification ne peut présenter ni danger ni inconvénient. Car, il faut le dire ici, ce ne serait pas contre les émigrés, mais contre nous-mêmes, que nous dirigerions-le but de la loi, si le système qui a précédé était conservé dans toute sa rigidité. La commission dans le projet qu’elle vous présente a tâché, autant qu’il était en elle, de remplir cet objet; mais, en laissant subsister l’obhgation de justifier de la résidence, au lieu de la situation des biens, avec des formes à la vérité moins gênantes, elle ne paraît pas cependant avoir encore fait tout ce que les circonstances peuvent permettre à cet égard. C’est pour y suppléer que je crois devoir vous proposer ici de dispenser les citoyens de cette dernière obligation; mais, en modifiant ainsi le projet de la commission, ou plutôt la loi existante, je n’entends pas pour cela qu’on doive négliger les mesures accessoires d’après lesquelles la résidence des citoyens sur le territoire de la République doit être sans cesse surveillée et constatée, ni que ces mesures ne soient toujours telles que les traîtres qui souilleraient le territoire de la République ne puissent échapper à la justice nationale qui les poursuit. Au reste, les dispositions qui vont vous être soumises, et qui consistent dans des modifications qui rentrent, à très-peu de choses près, dans l’ordre établi par le projet de la commission, prouveront par leur résultat qu’en soulageant d’une manière très-sensible les citoyens, elles ne peuvent préjudicier à la sûreté ni à l’intérêt de la République. Le rapporteur lit un projet de décret conforme aux bases qu’il vient d’établir (95). DUHEM : Je m’oppose à l’admission des articles proposés par le rapporteur. Quoi qu’il ait pu dire pour les appuyer, il n’en reste pas moins vrai, dans mon opinion, qu’il faut, comme l’avait demandé Lejeune, faire une distinction entre les pères et mères d’émigrés nobles, et ceux des émigrés non nobles. C’est parce que l’aristocratie lève une tête audacieuse, c’est parce qu’on semble s’attacher à détruire l’égalité, que j’insiste pour qu’on punisse sévèrement tous ceux qui ont favorisé les complots des ennemis de la Révolution. Je demande donc qu’on fasse la distinction proposée par Lejeune, et qu’on n’accorde aux pères et mères des émigrés nobles que des pensions alimentaires. Leurs biens sont la trop juste indemnité de l’exécrable guerre qu’ils nous ont occasionnée ; c’est une trop légère punition des maux qu’ils ont faits à la République en portant les armes contre elle. BENTABOLE : Il me sera facile de prouver que la proposition du préopinant est contre toute justice, car il y a eu plus d’émigrés non nobles que d’émigrés nobles. Et certes, si le crime de ces derniers est atroce, impardonnable, comment caractériser celui d’hommes en faveur desquels la Révolution était faite : qui, loin d’accepter, de bénir les bienfaits qu’elle répandait sur eux, sont allés fomenter chez les étrangers la haine du nom français et augmenter le nombre des assassins de la liberté? Je demande que les articles présentés par le rapporteur soient adoptés. ROUX (de la Haute-Marne) : Je pense, comme Bentabole, qu’il y a eu plus d’émigrés non nobles que d’émigrés ci-devant nobles. Je pense qu’il est temps que la justice soit égale pour tous. Pourquoi rappeler toujours des castes que la loi a détruites? Est-ce que nous connaissons encore des nobles et des prêtres? Non, la France ne veut plus de ces distinctions inju-(95) Moniteur, XXII, 179-180; Ann. Patr., n” 645 ; Ann. R. F., n" 16; C. Eg., n° 780; F. de la Républ., n" 17; Gazette Fr., n° 1010; J. Fr., n° 742; J. Mont., n° 161; J. Paris, n° 17; J. Perlet, n 744; J. Univ., n 1778; Mess. Soir, n° 780; M. U., XLIV, 249; Rép., n" 17.