ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 27g [Assemblée nationale.] M. le Président annonce que M. de Lafayette lui a mandé que Paris était calme dans ce moment ; mais que la sécurité n’y est pas parfaitement rétablie, et qu’on soupçonne des étrangers de fomenter tes troubles. Les bureaux sont invités à s’assembler ce soir. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE DUC DE LIANCOURT. Séance du lundi 27 juillet 1789. Il a été-rendu compte des adresses envoyées à l’Assemblée nationale, par les villes de Mâcon, de la Ferté-sous-Jouarre; par les communes de Mon-treuil-sur-Mer ; par les trois ordres de la ville de Montélimart ; par les communes de Louhans et par celle de Saint-Claude ; par les officiers municipaux du Havre, et par ceux de Gap, d’Orléans et de Châlons en Champagne. lia été décerné acte aux députés de ces divers endroits de la présentation de toutes ces adresses, qui contiennent des félicitations et des hommages à l’Assemblée nationale, et d’adhésion à tous ses arrêtés, notamment à celui du 17 juin ; et il a été ordonné qu’elles seraient déposées et enregistrées. Un des secrétaires a également rendu compte de plusieurs lettres et réclamations adressées à l’Assemblée nationale. Il a été arrêté que la requête du clergé et des communes du bailliage de Bouzonville en Lorraine, tendant à attaquer les élections faites dans celte partie du royaume les 13 et 14 mars dernier; et la requête des officiers municipaux de la ville de Metz, qui demandent une décision de l’Assemblée nationale, sur quelques difficultés qui se sont élevées entre eux et les corporations, au sujet de l’éleclion du nouveau député direct qui doit remplacer celui dont l’élection a été déclarée irrégulière par l’Assemblée nationale, seraient renvoyées au comité de vérification des pouvoirs, pour qu’il fasse incessamment le rapport de ces deux requêtes. Il a été arrêté que toutes les autres requêtes, lettres et mémoires seraient déposés au secrétariat, pour être remis successivement aux divers comités qui s’occuperont des objets auxquels ces lettres et mémoires peuvent être relatifs. M. le Président dit qu’il s’est retiré hier devers le Roi, pour iui exprimer le vœu de l’ Assemblée sur le crime affreux commis auprès de Yesoul ; que Sa Majesté lui a répondu qu’elle partageait l'indignation générale, et qu’elle donnerait ordre à ses ambassadeurs dans les cours étrangères d’empêcher qu’aucun asile fût accordé aux auteurs d’un si grand délit. M. le Président annonce que M. de Mont-morin lui a fait parvenir une lettre écrite par M. Necker. On fait lecture de cette lettre que nous transcrivons : « Messieurs, sensiblement ému par de longues agitations, et considérant déjà de près le moment où il est temps de songer à la retraite du monde et des affaires, je me préparais à ne plus suivre que de mes vœux ardents le destin de la France et le bonheur d’une nation à laquelle je suis at-[27 juillet 1789.] taché par tant de liens, lorsque j’ai reçu la lettre dont vous m’avez honoré, il est hors de mon pouvoir, il est au-dessus de mes faibles moyens de répondre dignement à cette marque si précieuse de votre estime et de votre bienveillance ; mais je dois au moins, Messieurs , vous aller porter l’hommage de ma respectueuse reconnaissance. Mon dévouement ne vous est pas nécessaire ; mais il importe à mon bonheur de prouver au Roi et à la nation française que rien ne peut ralentir un zèle qui fait depuis longtemps l’intérêt de ma vie. » Les plus vifs applaudissements suivent la lecture de cette lettre. On reproduit les motions faites dans la séance de samedi , relatives au dépôt des papiers suspects, pour être examinés par un comité secret. M. le Président dit qu’ayant appris samedi au soir que le vœu des bureaux était ou pouvait être de réclamer les papiers qu’il avait envoyés à l’Hôtel-de-Ville, il avait écrit à M. Bailly pour le prévenir de la demande qui pourrait lui être faite, et qu’il a chargé M. Guillotin de la lettre d’avis. M. Guillotin. N’ayant trouvé ni M. le maire, ni M. le commandant, j’ai remis cette lettre au comité permanent, à une heure après minuit ; j’ai appris que les papiers étaient au greffe, à la disposition de l’Assemblée nationale. M. Blin. J’ai appris, et c’est M. Bailly qui me l’a dit, que la seule lettre qui peut intéresser l’Assemblée est celle que M. de Castelnau a déchirée au moment de son arrestation, et dont on a rassemblé les morceaux ; il est intéressant de l’envoyer chercher de sùite. M. Fréteau observe que l’Assemblée ayant fait déposer à la ville toutes les pièces de conviction que l’on a pu rassembler, il ne faut pas en diviser celle-ci. Un membre de la noblesse, développant la rigidité des principes, regarde cette discussion comme un acte de violation du secret des lettres ; il dit qu’il ne faut pas suspendre le moment de la constitution. Cette discussion est interrompue par la lecture d’une lettre de M. de Castelnau. La voici : * A Versailles, le 26 juillet. ♦ Monsieur le président, dès que j’ai appris que l’on avait mis sous vos yeux les lettres que l’on a prises sur moi, j’ai écrit à M. le comte d’Orsay pour qu’il vous engage lui-même à ouvrir les lettres. « En recevant les ordres du ministre, lors de mon départ, je lui ai demandé un délai de douze jours ; mon dessein était, dans cet intervalle, de passer par le Hainaut, et de me rendre ensuite auprès de Mgr le comte d’Artois, auquel je suis attaché par ma charge et par les liens, de la reconnaissance. « Les lettres ne contiennent que des compliments de la part deM. le comte d�Orsay, etc., etc. « P. -S. M. le comte d’Orsav a demandé un rendez-vous à M. le président il ne s’v est pas rendu. > Un membre fait la récapitulation de différentes motions tendant à ce que les papiers ne soient point renvoyés, et prétend qu’on n’en doit écouter aucune. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1789.] 279 L’orage est encore sur nos têtes, dit-il ; les dangers augmentent tous les jours. Doit-on prendre des ménagements avec des individus qui ont tramé la perte de la nation ? Tous les fléaux nous poursuivent et nous menacent ; et ils amèneront, si l’on ne prend toutes les précautions nécessaires, la dissolution de l’Assemblée nationale. Je conclus donc qu’il faut que le paquet soit renvoyé à l’Assemblée nationale. M. Robespierre. L’Assemblée peut-elle et doit-elle refuser des pièces dénoncées par l’opinion publique, envoyées par le maire de la capitale comme des pièces essentiellement intéressantes et nécessaires aux éclaircissements de la plus fatale conspiration qui fut jamais tramée? Je ne le crois pas. Les -ménagements pour les conspirateurs sont une trahison envers le peuple. M. **\ Le premier principe et le principe fondamental de tout intérêt social est l’intérêt des peuples. Quelle est la conséquence que l’on en doit tirer? La voici : Le premier et le plus grand des devoirs d’une assemblée de législateurs,' est de l’assurer, ce salut. Toute autre considération doit être subordonnée à celle-ci. Quoique le vœu unanime de nos cahiers soit que le secret de la poste soit inviolable, nous ne pouvons et ne devons croire que l’intention de nos commettants soit qu’il faille respecter cette inviolabilité aux dépens de leur salut et de leur liberté. Le plus impérieux de nos devoirs est donc de les leur assurer. Ne serait-il pas ridicule et absurde , en effet, de croire que nos commettants ne pensent et ne veulent pas faire marcher avant toute autre considération tout ce qui intéresse le salut et la liberté commune et individuelle? En vain me dirait-on qu’il n’est pas de la loyauté de la nation de pousser les choses plus avant ; en vain me dirait-on que nous jouissons du calme. Qui peut répondre que la conspiration est étouffée? Qui peut répondre des suites? Peut-être le mal est-il plus grand que jamais. Rappelez-vous, d’ailleurs, que vous avez promis la punition des coupables. Eh! comment y parvenir si vous vous ôtez tous les moyens d’instruction ? Or, n’est-ce pas de gaieté de cœur vous en priver, que de renoncer à des papiers qui peuvent vous en donner? M. de Clermont-Tonnerre. De tous ces papiers il n’y a que la lettre lacérée dont on pourrait tirer quelque induction. Occupons-nous d’objets plus essentiels : examinons les causes des désordres actuels. Les tribunaux nous envoient des députations, nous font présenter leur hommage ; mais que font-ils pour coopérer au bien public , et remettre tout dans l’ordre ? Ils gardent le silence ! Que ce silence est coupable, que ce silence est alarmant! Enfin l’on va aux voixj et cette question se termine par décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. On fait lecture d’un procès-verbal et d’une lettre des officiers municipaux de Nogent-sur-Seine, qui instruisent l’Assemblée de l’arrestation de M. l’abbé de Galonné à son passage dans cette ville. Voici en substance ce qu’ils apprennent : « M. l’abbé de Ca�nne, suppléant du clergé du bailliage de Melun, passait par Nogent. Il avait changé de costume. Arrêté par la milice nationale, il a déclaré s’appeler de Héraut, et aller aux eaux de Spa. « La milice a reconnu M. l’abbé de Calonne sous son double déguisement. Pressé vivement, il a déclaré son véritable nom, et a dit qu’il n’avait changé d’habit qu’à cause des circonstances, et pour n’ètre pas insulté dans sa route. Il a été arrêté. On a trouvé sur lui plusieurs lettres à son adresse, en français et en anglais, et quelques chansons. Dans ces circonstances, la milice et les habitants de Nogent ont jugé convenable de retenir M. l’abbé de Calonne jusqu’à ce que l’Assemblée nationale se fût expliquée sur son sort. » M. de Clermont-Tonnerre. Il est certain que M. l’abbé de Calonne a été arrêté légalement ; il était sans passeport ; il était dans un déguisement; enfin il porte un nom qui prête à la suspicion. C’est aux juges à décider du sort de M. l’abbé de Calonne. Un membre prétend qu’il faut faire avant tout la constitution ; qu’on ne doit songer à M. l’abbé de Calonne que quand elle sera arrêtée et déterminée. Un autre membre propose, attendu le caractère de M. de Galonné, attendu qu’il est suppléant aux Etats généraux, de lui rendre la liberté; que d’ailleurs tout citoyen doit être accusé pour être arrêté. Cette question allait se terminer lorsqu’elle a été suspendue par une motion de M. de Volney. M. de Volney. Vous avez dû observer que depuis huit jours nous ne nous occupons point des affaires de l’Etat. Pendant trois jours on s’est occupé du tumulte de Paris ; après, de celui de Saint-Germain; enfin, de la proclamation. Il me semble que, pour ne pas nous transformer ici en lieutenants de police du royaume, pour ne pas nous jeter dans un dédale immense, il convient d’établir un comité auquel seront renvoyées toutes les affaires d’administration et de police. Le même parti a lieu dans le parlement d’Angleterre , dans le congrès d’Amérique. J’irais peut-être encore plus loin, en observant que j’ai pris des renseignements sur les alarmes que nous donne l’Angleterre. Une personne qui en arrive m’a assuré qu’il n’y a qu’une flotte dans la Baltique pour maintenir Ja balance entre la Suède et le Danemarck. Dans ce moment-ci le parlement d’Angleterre ne s’occupe que d’un déficit d’un million sterling, d’après la déclaration de M. Pitt, ce qui équivaut à 25 millions de notre monnaie. M. tle Bouftlers propose une autre motion : celle de déclarer à toutes les municipalités l’incompétence de l’Assemblée pour reconnaître toute affaire de police et d’administration. M. Garat. Je félicite l’Angleterre de n’être pas assez immorale pour profiter des circonstances malheureuses où nous nous trouvons. Un membre lit le projet de lettre suivant qui est adopté : « Quoique l’Assemblée nationale ne doive pas s’occuper de la police et de l’administration judiciaire du royaume, elle me charge, M. le président, de voùs dire que la détention de M. l’abbé de Calonne ne peut être continuée à moins qu’il ne soit accusé d’un délit. » Plusieurs membres réclament contre cette dernière phrase, qu’ils disent dangereuse, en ce