68 [Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | ” la patrie 15,000 paires de souliers, qu’on évalue à plus de 40,000 francs. « Je dois observer que ces souliers étaient depuis six mois dans les magasins de la Répu¬ blique, sous le titre de rebut, parce qu’ils se trouvaient en effet d’une qualité inférieure aux échantillons. « Mais je vous observerai aussi qu’ils n’étaient pas tellement mauvais qu’on ne pût leur donner une valeur et s’en servir. « Nous avons été trop heureux, dans la pénurie absolue de chaussures où nous sommes depuis près de deux mois, de les offrir à nos braves défenseurs qui, presque tous, faisaient le service nu-pieds. « Les citoyens qui se sont désintéressés dans cette occasion en renonçant au prix qu’ils avaient droit d’exiger pour cette pacotille de rebut, ont donc bien mérité de la patrie. « J’espère que leur générosité trouvera des imitateurs dans la ville de Lille : elle stimulera les dispositions que manifestent déjà les citoyens aisés de ne pas laisser plus long¬ temps exposés à la rigueur de la saison nos braves frères placés aux avant-postes, chargés de la défense de leurs personnes et de leurs propriétés. Bientôt, suivant toute apparence, l’intérêt personnel autant que le civisme, déterminera les hommes à portefeuille à ne pas regretter, et même à offrir spontanément ee que la loi pourrait, mais n’a pas encore exigé d’eux. « Je vous demande pour les citoyens Derenty et Frioud la mention honorable. « Salut et fraternité. « Châles. « P. -S. — Voici une nouvelle preuve de la loyauté de nos ennemis. « Dans la dernière action, un de nos cava¬ liers a trouvé dans la poche d’un soldat autri¬ chien des cartouches d’un nouveau genre. « La balle sabottée est enveloppée d’un linge trempé d’une liqueur dont l’effet est tel, que le cavalier, l’ayant approchée de ses lèvres, a éprouvé à l’instant une cuisson très vive et une démangeaison insupportable. On ne doit pas être surpris, d’après cela, que beaucoup de nos soldats, légèrement blessés en apparence, éprouvent les accidents les plus graves. « Ces hommes qui nous combattent avec de pareilles armes, continuent à brûler, à piller nos villages environnants; ces jours derniers ils ont égorgé de sang-froid et mis en pièces, avec une atrocité inexprimable, une mal¬ heureuse femme occupée des soins de son ménage (1). » Labbé, commissaire de V habillement, etc., au citoyen Châles, représentant du peuple (2). République d’environ 15,000 paires de sou¬ liers, qui se trouvaient dans nos magasins. Je t’observe que c’est un objet de plus de 40,000 livres. Je te prie, en faisant connaître cet acte de civisme à la Société révolutionnaire de Lille, de lui faire la demande de l’extrait du procès-verbal qui en fera mention, afin que je puisse prouver à ces citoyens que j’ai rempli leur mission. Je t’avoue que je voudrais bien t’apprendre tous les jours de pareilles nouvelles. « Salut et fraternité. » Au citoyen Labbé (1). « Paris, 6 frimaire, an II de la République-française une et indivisible. « Nous avons réfléchi, oitoyen, sur le trans¬ port que tu as ordonné pour Lille, des souliers que nous avons versés il y a plus de six mois à Arras. « En conséquence de l’offre que nous en avions faite à l’administration, de l’habillement le 12 avril dernier, et que nous avons rede¬ mandée au ministre de la guerre dans le cou¬ rant d’octobre dernier (vieux style), nous avons pensé : 1° que les souliers ont dû néces¬ sairement se détériorer davantage depuis plus de six mois qu’ils sont renfermés dans des tonneaux et qu’ils ont peut-être été exposés à l’injure du temps; « 2° Que malgré l’intention pure que nous avons manifestée, en déclarant qu’ils avaient été rebutés par nous-mêmes et que quoique nous les ayons offerts à l’estimation, simple¬ ment comme ayant été jugés propres à rendre quelques services dans une saison sèche, nous avons pensé, dis-je, qu’avec les senti¬ ments les plus irréprochables, il n’y avait qu’un moyen, en satisfaisant notre amour pour la patrie, d’empêcher que la mauvaise qualité de ces souliers pût compromettre notre civisme. « Le moyen, citoyen, est de les offrir en don à la République dans un moment où tous les bons citoyens se font gloire de faire des offrandes à la patrie, nous nous félicitons de pouvoir lui offrir des souliers qui, quoique d’une mauvaise qualité, pourront encore être utiles à nos braves frères d’armes dans les garnisons ou dans les hôpitaux. Notre regret même est que les souliers ne soient pas meil¬ leurs. Nous vous prions en conséquence, citoyens, de vouloir bien nous répondre et de nous donner acte de l’offrande que nous donnons à la patrie. « Nous sommes vos frères républicains, « Signé : Durenty et Frioud. « Pour copie : Labbé. » « Je te remets ci-joint copie d’une lettre qui m’a été adressée par les citoyens Derenty et Frioud, négociants de cette ville, rue des Malades. Tu y verras qu’ils font cadeau à la (1) Ce posl-scripium est reproduit en entier dans le Moniteur universel [n° 79 du 19 frimaire an II (lundi 9 décembre 1793), p. 319, col. 2], et dans le Bulletin de la Convention du 7e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (samedi 7 décembre 1793). (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 812. La Société populaire de Loches déclare qu’elle ne veut plus de prêtres, parce qu’elle les con¬ sidère comme les plus puissants ennemis de la liberté et de l’égalité; comme intéressés, par leurs documents mensongers, à tenir l’homme dans l’avilissement et l’esclavage. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). (1) Archives nationales, carton C 283, dossier 812. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 40. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ” SXen*3 65 Suit la lettre du président de la Société popu¬ laire de Loches (1). La Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité, séant à Loches, ci la Convention nationale. « Loches, le 11 frimaire de l’an II de la République uue et indivisible. « Citoyens représentants, « Plus la philosophie fait de progrès, plus la raison s’empare de l’empire des despotes; il est des conquêtes en morale comme il en est en physique. La Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité séant à Loches en fait preuve par l’arrêté qu’elle vous adresse. « Cette Société ne veut plus de prêtres, parce qu’elle les considère comme les plus puissants ennemis de la liberté et de l’égalité, comme intéressés par leurs futiles instructions, par leurs documents mensongers à tenir l’homme dans l’avilissement et dans l’esclavage, pour l’empêcher d’être ce qu’il doit être : révo¬ lutionnaire. « Tels sont les sentiments des sans-culottes réunis en Société populaire à Loches. « Gabot, président. » Société des Amis de la LAberté et de l'Egalité séant à Loches. Extrait du registre des délibérations de la Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité, séant ci Loches (2). Séance du 30 brumaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. Le président a annoncé l’ordre du jour, il s’agissait de savoir si les prêtres sont néces¬ saires ou non. La Société ayant senti que la position de la question n’offrait qu’un objet vague et abstrait, a décidé que la question serait portée ainsi : La Société veuf -elle des prêtres ou n’en veut -elle plus? Plusieurs orateurs ont successivement dé¬ veloppé leur opinion, après quoi la Société se trouvant en état de délibérer, a arrêté d’abord que l’on irait aux voix par appel nominal. Sur cent dix-sept membres présents, cent quatorze ont voté pour la négative. Pour extrait : Gabot, président; Polliek, secrétaire; Paulquin, secrétaire. La Société populaire et les autorités constituées d’Abbeville expriment le même vœu. « Ces fre¬ lons, disent-elles, consommaient le travail pré¬ cieux des abeilles. Ils dévoraient tout et ne pro¬ duisaient rien; ils parlaient de charité et ils étaient intolérants; ils prêchaient les vertus et commettaient tous les crimes. » Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). ( 1 ) Archives nationales, carton G 286, dossier 835. (21 Ibid. (3) Procès-verbaux de la Convenlion, t. 27, p. 40. Suit la lettre d'envoi de l'adresse (1). André Dumont, représentant�du�peuple dam les départements de la Somme et du Pas-de-Calais, à la Convention nationale. « Le 3e jour de la 2e décade du 3e mois frimaire de l’an II de la République française, une, indivisible et impéris¬ sable. « Je vous adresse, citoyens collègues, une adresse de la Société populaire et des autorités constituées d’ Abbeville; son contenu vous donnera une idée de l’esprit public dans cette cité. « Salut et fraternité. « Dumont. » Adresse (2). La Société populaire d'Abbeville, départ emen de la Somme, à la Convention nationale. « Citoyens représentants, « Les Français sont mûrs à la philo ;ophier ils ne veulent plus d’autre culte que celui de la raison ; ce culte n’a pas besoin de prêtres, ils n’ont fait que troubler le repos des nations î le flambeau de la vérité a éclairé la terre et le règne de l’imposture est passé. « Ces frelons consommaient le travail pré¬ cieux des abeilles, ils dévoraient tout et ne produisaient rien; ils prêchaient les vertus et commettaient tous les crimes. « Hâtez-vous, augustes représentants, ex¬ tirpez jusqu’aux racines l’arbre empoisonné qui, depuis tant de siècles, couvre l’univers de son ombre mortelle. « Plus de prêtres, plus d’églises; il ne faut à des républicains que des vertus, et votre exemple nous les inspire. « Nous demandons, citoyens représentants, que dans l’une de nos églises il soit élevé un autel de la patrie et que ce temple soit con¬ sacré à la raison; nous irons dans ce temple auguste nous exciter à la pratique des vertus républicaines. (Suivent 35 signatures.) « Les autorités constituées de la commune d’Abbeville, réunies en la chambre du conseil de la maison commune, d’après l’invitation faite par le procureur syndic du district d’Abbe¬ ville, approuvent à l’unanimité la pétition ci-dessus faite par la Société populaire de c.Ate commune, et tous les membres présents ont signé. « A Abbeville, le 8 frimaire de la deuxième année de la République française une et indi¬ visible. » (Suivent 41 signatures.) Les commissaires du représentant du peuple dans le département de la Meurthe, réunis à la Société populaire et au conseil général de la com¬ mune de Toul, ont célébré, la 3e décade de bru¬ maire, une fête civique dans le temple, ci-devant (1) Archives nationales, carton G 283, dossier 800* (2) Ibid.