[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.] 143 a les qualités prescrites par la Constitution pour lès exercer. » (Ce décret eit adopté.) M. Rœderer. Vous avez rendu avant-hier un décret portant que les commissaires de Ici trésorerie ne pourraient être destitués qu’avec l’autorisation du Corps législatif. Ëier ce décret a été révoqué. Par une suite de cet exemple, je pourrais me croire autorisé à demander aujourd’hui la révocation du décret d’hier; mais je ne me prévaudrai pas de cet exemple, parce qti’on pourrait encore révoquer demain lé décret que Ton rëü-drait aujourd’hui. Je proposerai donc un moyen intermédiaire, moyen qui conciliera la sagesse de l’Assemblée nationale d’avant-hier, avec la sagesse de l’Assemblée nationale décrétant hier le contraire de ce qu’elle avait décrété la veille. Ge moyen est de supprimer du procès-verbal ce qui a été fait hier* et ce qui a été fait avant-hier, afin que ia question reste intacte pour être soumise à la décision de la législature prochaine. {Murmures.) M. Dnporl. L’Assemblée ne peut rien rayer du procès-verbal. M. Rœderer. Je prie Monsieur Duport particulièrement, et les personnes qui. ont obtenu la révocation du décret d’hier, de vouloir bien m’accorder un mordent d’attention sur l’importance de ce décret, et sur la méprise qui a occasionné la révocation prononcée hier. Gette question a été renvoyée par l’Assemblée nationale* il y a 8 semaines, non pas seulement au comité de Constitution, mais aux comités de Constitution et des contributions publiques réunis. Nous avons discuté sur cette matière et nous avons été* noüs, comité deë contributions publi-ues, dans un dissentiment total avec le comité e Constitution. Messieurs, le principe sur lequel vous avez révoqué hier le décret d’dvànt-hier, est qu’on vous à fait cbhfohdfe l’administration de la trésorerie nationale avec l’administration du ministère, l’administration des deniers publics dvécles fonctions du pouvoir exécutif; et comme il est de l’essence de la. royauté de pouvoir révoquer quand il lui plaît ses ministres, ort en a conclu par analogie que les Commissaires de la trésorerie doivent être révocables par le roi. G'èst là une méprise très grave. L’administration des deniers publics n’ëàt pas üiie fohction royale; elle n’est pas déléguée par vous au pouvoir exécutif; c’est, au cohtralrë, une fonction mise en réserve entre les mains d’üne administration particulière, ious l'inspection immédiate dd Corps législatif. Votre principe exposé partout, daiis la Constitution même, est, que les deniers publics appartiennent à la nation jusqu’au payement final des dépenses pour lesquelles ils ont été votés; jUS-que-là, il Sont en dépôt entre les hiains des dépositaires dë la nation, c’eSt-à-dife, des administrateurs de la trésorerie, contre les entreprises du pouvoir exécütif; et, Si vous avez voulu que ces administrateurs soient nommés parie roi, ce n’a été uniquement que parce que vous avez cru nécessaire de constituer le roi électeur à votre place ; voüS l’avez fait à regret, mais vous l’avez fait uniquement parce que vous avez vu ou parce que vous avez cru qu’il était impossible d’établir au sein du Corps législatif, un mode d’élection raisonnable pour ces administrations ; c’est parce que Vous àtéz craint que la législature agitée par des factions, üe se divise en partis au gré des ambitions particulières des concurrents. Mais, de même que Ce ne Sont pas ded agetits du pouvoir exécutif, mais des agents de la nation qui perçoivent lës déhiers publics, de même, Ce ne sdtit pas des admihistrateürs royaux biais dés administrateurs hatiohdux, quoique élxis par le roi, qüi doivent en avoir lé dépôt; et leurs fonctions sont si bien nàtibnaies et non royales, que c’est à vous qti’ils comptent, que c’est volts qüi exercez sur ëüx une inspection immédiate et particulière que vous n’âVez pas sur les autres ministres. Les agents du pouvoir exécutif,, én effet, né ressortissent à vdüs que pdr là vdie de Ja rèë-ponsabilité; les commissaires dë la trésorerie, au contraire, réssortis-ent à vous, par la voie de là comptabilité, qüi voüs dobbë sur eux uhê inspection, Une autorité directe, immédiate et individuelle; ils ne Sont hoümtëS par le foi qü’eh votre tiom, et c’est un pouvoir populaire qui doit concourir à leur révocation; vbilà lé principe. Quant aux ihcoHVéniehts de la clidse eb ellë-rhëme, toüt le monde sait quels abus 11 est pds� sible de Commettre avec le pouvdiP de l’afgéhtj comment, avec la disposition des deniers publics, on peut corrompre et même emporter d’assaut les autorités constituées. S’il est tibe responsabilité qui soit illusoire, c’est celle qu’on prétend exercer eh üiàtière de finances : celui qui a su dilapider les deniers publiés sait élildèr la responsabilité. On corrompt les accusateurs, les juges; ùn corrompt, j’oserai le dire, ét l’exemple de l'Angleterre rn’y àutorise, on corrompt la Jëgislaturë, et alors qiie devient la responsabilité ? Il faut donc biëh se garder dë mëttre les dépositaires dés derniers publics dans la dépendance absolue du ministère. Je tèrtnihe, MësSiéufS, pâr Une réflexion ; M» Lë Chapelier s’est fait bief tlbë objèctiob qüi lui a paru sériëtise àibsi qu’à vous et qui cependant n’est qu’üne purë illusion. : << Lë roi sera donc obligé, vous à-t-ll dit, de plaider devant le Corps législatif Contré les administitttéürs de la Trésorerie?» C’est donner la forme avilissante d’ttdë objection spécieuse à une nécessité à laquelle le roi a toujours été soumis, non seulement contre tel ou tel administrateur, mais encore contre tout citoyen. Et en effet, Messieurs, sous l’ancien régime même, toutes les accusations contre tes citoyens étaient portées devant les tribunaux aü nom du roi, par des officiers publics qu’on appelait procureurs du roi et qui plaidaient au nom du roi contre le particulier accusé. Il n’y aura donc aucune dérogation pour iè foi à exposer ses motifs devant le Gorps législatif, pour rejeter tel ou tel commissaire de la Trésorerie; ces commissab res, je le répète en finissant, étant les dépositaires des deniers publics, né peuvent pas être destitués sans le concours des pouvoirs publics. Autrement, Messieurs, d’après le décret qu’on voué a enlevé hier, on pourrait destituer arbitrairement tous les administrateurs honnêtes et l’on n’aurait pas de peine à trouver 6 fripons, entre les mains desquels on remettrait le dépôt de la fortune nationale, pour détruire l’aütorité nationale elle-Uiêmè et cofrdmpfe !a nation jusque dans ses mandataires. Je demande donc qüë le décret d’avam-hiér et le décret d’hier qui l’a révoqué, soient supprimes l’un et l’autre du procès-verbal, afin que rien ne soit préjugé sur la question. M. d’André. Monsieur le Président, je demande à rapporter lés faits tels qu’ils se Sont pasfeé3 444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. hier; il n’y a point de discordance eutre M. Rœ-derer et moi, et, quoique j’aie demandé la révocation du décret d’avant-hier, je crois que nous sommes du même avis sur la question actuelle ; il suffit de se rappeler ce qu’on a dit. Il a été dit hier que le décret qui admet l’intervention du Corps législatif pour la révocation des commissaires de la Trésorerie ayant été plusieurs fois ajourné et toujours appuyé et combaltu par de très fortes raisons pour ou contre, il était à regretter qu’il eût été adopté avant-hier sans discussion. Nous n’avons pas demandé qu’on révocât dans son entier le décret concernant les commissaires de la Trésorerie, mais seulement que la dernière disposition adoptée à leur égard fût retranchée; c’est ce qui a été fait et, comme i n prenant cette décision, l’Assemblée n’a pas décrété le principe contraire, la question reste dans son entier, et la prochaine législature conserve toute liberté de prononcer à cet égard ce que bon lui semblera. Nous demandons aujourd’hui qu’on ne nous jette pas dans la discussion sur le fond dans laquelle nous sommes très divisés et qu’on se borne à ce qui a été fait hier : c’est ce que demande M. Rœderer. Plusieurs membres: L’ordre du jour I M. Prieur. Je demande la parole pour combattre MM. Rœderer et d’André. M. le Président. Le procès-verbal d’hier ne doit pas porter un décret exprimant le rapport ou la révocation du décret rendu la veille, car je ne l’ai pas prononcé; la discussion s’est terminée par dire que l’on retrancherait de l’article la dernière disposition qui énonce le droit du roi à la destitution , après en avoir fait connaître les causes à la législature et les avoir fait vérifier et approuver par elle. On se réduisit à cette opinion parce qu’elle ne préjugeait rien et ne faisait le décret ni pour, ni contre. C’est en cet état que doit être le procès-verbal. ( Marques d'assentiment.) On a demandé l’ordre du jour?... (Oui! oui!) Je vais le mettre aux voix. M. Prieur. Monsieur le Président, vous n’avez pas le droit de m’empêcher de parler; je demande à prouver que le décret doit être rétabli. M. Rœderer. Nous sommes d’accord. L’Assemblée a voulu hier que la question ne fût pas préjugée. Je demande qu’elle ne le soit pas aujourd’hui, et que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. le Président met aux voix la motion de l’ordre du jour. (L’Assemblée décide dépasser à l’ordre du jour.) M. Prieur. Non, Monsieur le Président, vous n’aviez pas le droit de m’ôter la j arole. Je de-demandais que le décret d’avant-hier fût rétabli, et vous m’avez coupé la parole en mettant aux voix la motion de l’ordre du jour. ( Murmures prolongés.) (M. Prieur insiste pour avoir la parole, et enfin quitte la tribune.) M. Goupil-Préfeln. Je demande à l’Assemblée un moment d’attention. Dans les circonstances que tout le monde connaît, il a été décrété que l’Assemblée procéderait à la nomination d'un [28 septembre 1791.] gouverneur au prince royal; je crois que vous devez décider, d’une manière ou d’une autre, si vous entendez procéder à cette nomination. (Murmures.) M. d’André. Ce décret-là n’était que provisoire; il tenait à des circonstances qui n’existent plus; il n’a eu et ne peut avoir aucune exécution. M. Gaultier-Biauzat. Je demande qu’on passe à l’ordre d ; jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Buzot. Messieurs, lorsque vous avez décrété Y amnistie pour les faits relatifs à la Révolution , vous avez voulu que ce décret fût exécuté à l’instant. Cependant, j’ai reçu de divers militaires déserteurs de mon pays, qui sont en prison ici, des lettres par lesque les ils se plaignent qu’à leur égard cette amnistie n’est pas exécutée. Il me semble que ceci est assez pressé pour que les soldats qui ont pu se livrer à quelques mouvements, jouissent à l’instant même de l’amnistie qui, je crois, comprend les déserteurs. M. Emmery. Oui ! oui ! M. Buzot. Je demande donc que Monsieur le Président soit chargé de se retirer vers le roi pour le prier de faire exécuter l’amnistie générale. M. Emmery. Comme plusieurs personnes pourraient n’avoir pas saisi les termes du décret, je demande qu’il soit mis dans le procès-verbal, que, sur l’amnistie, il a été déclaré que la désertion y était comprise. (La motion de M. Emmery est adoptée.) En conséquence, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale décrète que la désertion, depuis le commencement de la Révolution, est comprise dans l’amnistie. » (Ce décret est adopté.) Un membre fait une motion tendant à ce que les soldats du régiment de Châteauvieux qui, pour des faits relatifs à la Révolution, subissent actuellement la peine des galères, bénéficient de l’amnistie accordée par l’Assemblée nationale. Cette motion est mise aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que les commissaires nommés pour porter les décrets à la sanction seront chargés de prier le roi d’ordonner à ses ministres d’exécuter incessamment le décret qui le prie de négocier avec les puissances helvétiques, pour que les soldats du régiment de Châteauvieux qui, pour des faits relatifs à la Révolution, subissent maintenant la peine des galères, soient aussi l’objet du bienfait accordé à tous les Français accusés ou jugés pour des délits qui tiennent a la Révolution. » (Ce décret est adopté.) M. l’abbé Afaury. Je demande la parole sur l’ordre du jour. (Murmures à gauche.) A droite : Oui ! oui ! M. le Président. L’ordre du jour appelle un rapport très court sur l’admission au service mi-