286 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Le conseil général de Commune-Affranchie à la Convention nationale, le 9 vendémiaire au III] (73) Egalité Liberté Citoyens représentons La république avoit triomphé des royalistes sous les murs de Lyon. Précy et ses satellites avaient disparu : et les restes impurs du fédéralisme étoient tombés sous le glaive de la loi. Mais le génie impie de la domination veilloit encore pour le malheur de cette cité. Robespierre et Cou-thon l’avoient choisie pour un des principaux foyers de la révolution qu’ils méditoient contre la souveraineté du Peuple ; et tandis que nos concitoyens essayoient de rappeller votre sollicitude et juroient de vous faire oublier leurs fautes à force de vertus, un nouveau genre de persécution s’éta-blissoit à Commune-Affranchie sous le masque hypocrite et trompeur du patriotisme. Telle a été notre position jusqu’au neuf thermidor. A cette époque, citoyens représentans, vous avez fait votre révolution, vous vous êtes montrés les dignes mandataires du Peuple fran-çois. Votre mâle énergie a déjoué tous les complots liberticides. Vous avez encore une fois sauvé la république. Eh bien, citoyens représentans, sauvez aussi la grande commune dont nous sommes les organes. Soyez aussi généreux que la vengeance nationale a été sévère ; effacez jusqu’à la dernière trace de la colère; rendez à cette cité malheureuse ses baisons commerciales avec la République ; rendez-lui son ancien lustre avec son nom. Votre clémence donnera une nouvelle vie à cent mille individus qui, rentrant dans la famille commune, en seront les plus fermes appuis; et tandis que les pères embrasseront avec reconnoissance l’autel de la Patrie, les en-fans iront verser leur sang pour sa défense. Il nous reste encore un voeu à exprimer, citoyens représentans, c’est celui de tous les républicains. Achevez votre ouvrage; restez à votre poste; le bonheur du Peuple l’exige impérieusement ; restez-y jusqu’à ce que la République soit assise sur des bases inébranlables. Pour nous, magistrats du peuple, placés plus près de lui, témoins chaque jour de ses vertus et de son ardent amour pour la Répubbque, nous jurons en son nom et entre vos mains, citoyens représentans, de poursuivre sans relâche les aristocrates, les intrigans, les désorganisateurs, les dilapidateurs du bien de la Répubbque, les amis de Robespierre et de Couthon, tous ces hommes pervers qui, voulant régner par la terreur, n’auroient laissé sur le sol de la liberté que des cadavres et des ruines ; nous jurons, et notre serment ne sera pas vain, de ne fléchir devant aucun homme, devant aucune réputation, de ne connoître que la Convention nationale et la Répubbque une, indivisible et démocratique. Vive la répubbque! Vive la Convention! Suivi d’une demi-page de signatures. (73) C 321, pl. 1345, p. 7. Moniteur, XXII, 152 ; Débats, n“ 744, 220-221. 51 Un membre [FOUCHÉ] observe que la masse des citoyens de Commune-Affranchie est aujourd’hui pure, mais qu’il existe encore 400 brigands qui s’engraissent de la fortune publique, exercent un infâme agiotage et discréditent nos assignats; il demande que les brigands et dilapidateurs soient mis en état d’arrestation. Un autre membre appuie cette proposition, mais dit qu’il suffit d’en mettre seulement vingt-cinq en arrestation; il offre d’en donner la liste. Ces propositions sont renvoyées au comité de Sûreté générale (74). FOUCHÉ (de Nantes) : Il y a déjà longtemps que j’ai demandé que la Convention nationale décrétât que Commune-Affranchie n’est plus en état de rébellion, mais il est des mesures préalables à remplir. Quatre ou cinq cents brigands dominent encore cette cité, et la révolte s’est réfugiée dans leurs coeurs; si vous rendiez le décret qu’on vous demande sans des mesures préalables, il tournerait tout entier au profit d’une poignée d’intrigants ; car, n’en doutez pas, ils se comptent pour tout, et le peuple pour rien. Qu’avez-vous fait jusqu’à ce jour contre les voleurs? Rien. Ils promènent cependant une tête audacieuse dans toute l’étendue de la répubbque, et leur impunité vous brave jusque dans le sanctuaire des lois. Vous semblez reculer devant leur tréteaux; vous ne saisissez que d’une main tremblante la massue qui doit les écraser. Soyez forts, citoyens; soyez d’une sévérité inflexible contre la faction des brigands; elle est la plus dangereuse et la plus exécrable de toutes. Arrachez lui jusqu’à l’espérance, si vous voulez rétablir la sécurité de la justice dans les âmes, si vous voulez satisfaire promptement les coeurs qui se montrent avides de recréer les moyens du commerce et de lui donner toute sa force et sa puissance. C’est en vain qu’on pourrait espérer d’obtenir cet avantage si nécessaire à la répubbque, si on laissait plus longtemps impunie cette horde de dilapidateurs qui menacent la vertu et le courage de l’industrie répubbcaine qui les a dénoncés à l’opinion pubbque, et qui craint justement que, dans une réaction possible, elle soit de nouveau immolée à leur rage et à leur vengeance. Je demande donc, citoyens, que tous les dépositaires des deniers publics qui n’ont rendu aucun compte soient mis sur le champ en état d’arrestation; ils sont intéressés au désordre; vous ne devez pas balancer à exercer contre eux cette mesure commandée par le salut public. Je propose qu’une commission extraordinaire soit chargée de les poursuivre et de les faire punir. Je demande qu’ensuite vous décrétiez que Commune-Affranchie n’est plus en état de rébellion. REVERCHON : J’appuie la proposition de Fouché; mais je demande que provisoirement (74) P.-V., XL VI, 273. SÉANCE DU 13 VENDÉMIAIRE AN III (4 OCTOBRE 1794) - N° 52 287 on fasse arrêter vingt-cinq individus qui sont les chefs. Lorsque j’eus fait part à Couthon de l’état de Commune-Affranchie, il me répondit : « Vas le pas de charge ; arrache le masque ; tu as la confiance de la Convention et du comité. » J’avais désigné alors ces fripons; mais au moment où j’allais exécuter contre eux les mesures que j’avais méditées, Couthon me récrivit qu’il fallait rétablir tous ceux qui avaient été destitués. On exila mes collègues Laporte et Méaulle à l’armée et dans les départements voisins, et l’on me laissa à Commune-Affranchie ; mais je ne voulus pas accomplir cet ordre infâme, et je me retirai dans les départements de la Loire et l’Isère. Charlier et Pocholle arrivèrent à Lyon, et ils ne tardèrent pas à reconnaître que ces gens étaient des scélérats (75). On demande le renvoi du tout au comité de Sûreté générale. FOUCHÉ : Pour en faire un rapport séance tenante. Un membre : Pour statuer sur-le-champ. REVERCHON : Ces scélérats qu’on nous avoit demandé de remettre en place, qui avoient avili, outragé la Convention, Robespierre et Couthon les ont nommés au tribunal révolutionnaire : c’est ainsi qu’ils composoient leur juré. Un membre : Il ne faut ni fausse pitié, ni terreur ; il faut que la justice règne seule : nous poursuivrons sans relâche les intrigans, les fripons, tous les coupables ; mais je m’oppose à la création d’une commission : qu’on les livre à la justice établie. Applaudissemens. CLAUZEL : Je m’oppose aussi à la création d’une commission : mais Reverchon vous demande l’arrestation de vingt-cinq fripons; je vais vous faire part d’un fait qui vous prouvera la nécessité de vous prononcer, de poursuivre avec vigueur tous les fripons (76). Quand la Convention mit Chrétien en arrestation, ce fut pour empêcher qu’il conspirât avec une foule d’intrigants comme lui. Il se présenta, pour empêcher son arrestation, un adjudant de l’armée du Nord, nommé par Robespierre, et qui recevait ici les émoluments de sa place, sans avoir jamais paru à l’armée. Cet homme était accompagné de trois ou quatre coupe-jarrets à moustache, à grands pantalons et à gros bâtons. La vue des bons citoyens fit fuir ces fripons ; mais ils menacèrent en disant qu’ils reviendraient en plus grand nombre (77). Plusieurs voix : L’arrestation de ces gens-là. REVERCHON : Le renvoi de ma proposition pour statuer sur-le-champ. (75) Moniteur, XXII, 153. (76) Débats, n' 744, 222. (77) Moniteur, XXII, 153 ; Débats, n° 744, 221-222 ; Ann. Patr., n” 642; Ann. R. F., n° 13; C. Eg., n° 777; F. de la Ré-publ., n” 14; Gazette Fr., n" 1007 ; J. Fr., n° 740; J. Mont., n° 159; J. Paris, n° 14; J. Perlet, n“ 741; J. Univ., n’ 1775; Rép., n" 15. RICHARD : Je ne m’oppose pas au renvoi; mais je demande que la Convention ne se borne pas à des mesures partielles (78). 52 Un secrétaire donne lecture d’une lettre de l’agent national du district de Mor-tagne, département de l’Orne, à laquelle est jointe la copie de celle du citoyen Cailly, résidant à La Corbière, qui fait don de 10 L pour les frais de la guerre; à la suite est la quittance de cette somme, payée au receveur du district. Mention honorable, insertion au bulletin (79). [L’agent national du district de Mortagne au président de la Convention nationale, le 26 fructidor an II] (80) Citoyen, Je t’adresse ci-jointe copie de la lettre du citoyen Cailly de ce district contenant don de 10 L pour les frais de la guerre. Tu voudras bien en faire la mention honorable et l’insertion au bulletin. Je joins aussi quittance de cette somme payée au receveur de ce district. Salut et fraternité. Gohyer. [Copie de la lettre de Cailly, de La Corbière, canton de Maurice-le-Bon-Air, le 2 fructidor an II] Citoyen, Je crois devoir te prévenir qu’il s’est présenté chez moi il y a quelques jours trois particuliers dont deux revêtus de l’uniforme de canonniers accompagnés du maire et d’un officier municipal de la commune de La Corbière dans laquelle je demeure, qu’ils sont entrés chez moi avec audace capable de troubler des citoyens paisibles. Ma femme enceinte de huit mois a été si saisie d’une telle démarche qu’elle en a été très incommodée; ces particuliers m’ont demandé mes armes, je leur ai déclaré que j’étois prest de leur remetre, si ils avoient le droit de me les demander et des motifs. Je leur ai demandé qui ils étoient et les pouvoirs de leurs missions, l’un d’eux feignÿ de me montrer leurs pouvoirs mais il n’en fit rien. Je demandai au maire qui les accompagnoit s’il connoissait ces gens là et si il avoit vu leurs pouvoirs, il me dit en leur présence qu’ils avoient été requis par eux mais (78) Débats, n° 744, 222-223. Voir la suite de cette discussion, n° 53. (79) P. V., XLVI, 274. (80) C 321, pl. 1340, p. 27.