543 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juin 1790.1 L’ordre du jour est un rapport du comité de commerce et d' agriculture sur le commerce au delà du Cap de Bonne-Espérance ou commerce de l'Inde (1). M. de Fontenay, rapporteur . Messieurs, vous avez décrété, le 3 avril, que le commerce au delà du Cap de Bonne-Espérance est libre à tous les français, et vous avez chargé votre comité d’agriculture et de commerce d’examiner, de concert avec celui des impositions, les articles qui doivent en fixer le régime. C’est le résultat de leur travail que j’ai l’honneur de vous présenter. La plupart des marchandises qui composent les retours de ce commerce étant destinées à la consommation du luxe, offrent à l’impôt une matière convenable. A cette considération nous en joindrons une autre encore plus importante; c’est la faveur qui est due à nos manufactures. Celles de l’Inde doivent à des circonstances locales des avantages dont il est important, soit de prévenir l’effet par des prohibitions, soit du moins de le balancer par de forts droits d’entrée. Les manufactures sont, après l’agriculture, l’emploi du capital le plus avantageux à l’Etat. Tout ce que leurs travaux ajoutent de valeur à la matière première, se partageant en profits et en salaires, est pour le corps de la nation un accroissement de revenu. Lorsque la concurrence étrangère réduit à l’inaction une de nos manufactures, ses entrepreneurs perdent au moins cette portion de leur capital qui était employée en ateliers et en instruments de travail, et cette perte est une diminution du capital national. Un grand nombre d’individus devaient à cette manufacture tous leurs moyens de subsistance ; et que deviendront-ils, si le travail auquel ils sont habitués, le seul auquel ils soient propres, vient à leur manquer? Entre ces deux inconvénients, celui d’interdire ou de faire payer un peu plus cher quelques objets dont la jouissance n’est pas essentielle au bonheur, et celui de compromettre l’existence des ouvriers que l’industrie nationale fait subsister, il n’y a pas à balancer. Mais si, en adoptant ces mesures, on ne prenait pas en même temps toutes les précautions convenables pour rendre la fraude, sinon impossible, du moins très difficile, on manquerait le but que l’on se propose ; on favoriserait la cupidité qui se laisse tenter par les gains d’un commerce illicite, et l’on serait injuste envers les citoyens honnêtes qui regardent, avec raison, toute espèce de fraude comme une transgression coupable aux lois de leur pays. Au surplus, ce que ces précautions ont de plus gênant pour le commercé au delà du Cap de Bonne-Espérance, nous ne vous le proposerons que comme une mesure provisoire et qui deviendra moins nécessaire, à proportion que, sous un régime plus favorable à la prospérité publique, notre industrie se sera perfectionnée. Vous n’oublierez pas, Messieurs, que l’expérieuce de ces dernières années ne nous a que trop appris combien il est imprudent de mettre l’industrie nationale aux prises avec l’industrie étrangère, avant qu’elle soit en état de combattre à armes égales. C’est d’après ces principes qu’a été rédigé le décret que nous vous proposons, et dont les dispositions les rapportent à quatre points princi-(1) Le Moniteur se borne à reproduire le projet de décret. paux : 1° l’armement et les retours ; 2° les marchandises prohibées, ou qui ne doivent être reçues qu’en entrepôt; 3° les droits qu’acquitteront les marchandises qui pourront être importées ; 4° enfin quelques dispositions relatives à l’association connue sous le nom de Compagnie des Indes. Des armements. Il n’y a aucun inconvénient, et, par conséquent, il est juste de laisser au commerce, au delà du Cap de Bonne-Espérance, la liberté de faire les armements dans tous les ports ouverts à notre commerce avec nos colonies d’Amérique. Il a paru juste encore d’accorder la franchise des droits d’entrée sur quelques objets tirés de l’étranger, et qui font ordinairement partie des cargaisons. Les motifs qui ont fait imposer ces droits sur ces marchandises, lorsqu’elles sont destinées pour la consommation intérieure, n’existent plus, lorsqu’il s’agit d’un commerce où nous avons des rivaux ; et l’effet de ces droits serait de priver nos armateurs d’un moyen d’échange avantageux. Mais il nous a paru que la restitution de ces droits, au moment de l’embarquement, avait moins d’inconvénients que leur exemption à l’entrée du royaume. Nous vous proposerons encore d’accorder aux cuivres de fabrication nationale, lorsqu'ils seront expédiés pour l’Inde, une prime équivalente aux droits que les cuivres bruts pavent à l’entrée du royaume. Cette fabrication mérite des encouragements, et celui que nous proposons est moins une prime que ce que les Anglais appellent un drawback , et doit être regardé plutôt comme un acte de justice, que comme une faveur. Des retours. Votre comité vous a proposé d’ordonner provisoirement que les retours continueraient d’être faits au port de Lorient. Quelques personnes ont cru voir dans cette disposition une faveur particulière accordée à cette ville et contraire à vos principes. Nous persistons à penser que c’est une mesure digne de votre sagesse. Cette disposition, qui ne peut être gênante que pour les armateurs, leur est néanmoins convenable, en ce que, par la réunion des acheteurs, elle leur procure une vente assurée. Elle est surtout convenable aux acheteurs, à qui la réunion des retours dans un seul port donne les moyens de compléter leurs assortiments, de régler les prix d’après la proportion connue entre la demande et les quantités mises en vente, et enfin de faire leurs achats par eux-mêmes, avantage inappréciable lorsqu’il s’agit de marchandises qui, sous la même dénomination, offrent dans les qualités des différences sensibles. Mais ces raisons de convenances, d’après lesquelles le commerce pourrait se déterminer librement à préférer le port de Lorient, ne vous sembleraient peut-être pas suffisantes pour lui en imposer l’obligation, si vous n’étiez détermiüés par un motif plus décisif ; l’impossibilité d’assurer, par un autre moyeu, la perception des droits, de ces droits qui sont la sauvegarde de nos manufactures. Il serait dangereux que les retours pussent se faire à Marseille, si, comme il y a lieu de le croire vous vous déterminez à conserver la franchise de son port. La plupart des autres ports du royaume offrent au versement frauduleux des