[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1789.[ AH la formule n’est pas plus pur en principe qu’heureux en rédaction . Jamais les forces militaires ne doivent être subordonnées aux forces civiles, ou bientôt il n’y aurait plus d’armée, surtout si dans le régime actuel elles étaient soumises à la volonté des municipalités, qui ne sont que des établissements monstrueux de despotisme. J’ai bien entendu parler de l’aristocratie militaire, judiciaire, de i’aristocratiede l’église ; mais je n’ai jamais connu une plus cruelle, une plus tyrannique autorité que celle usurpée par les officiers municipaux, et ce serait la porter à son comble que de mettre encore dans leurs mains le dernier moyen de l’oppression. Les citoyens seraient sans cesse sous le joug de leur pouvoir, si le mépris dont sont couvertes les municipalités ne servait quelquefois à les en affranchir. Je le prouverai, moi qui appartiens à une province dont le chef municipal a fan tirer le premier coup de fusil sur le peuple, ce qui a allumé le leu de la guerre; j’en entretiendrai l’Assemblée en temps et lieu. Maintenant revenons au comité militaire. Tout ce qui a rapport à l’armée appartient incontestablement à l’Assemblée; elle en a le droit, et elle doit en connaître. Je ferai une distinction. Si l’auteur eût voulu fixer votre attention sur des détails qui vous auraient éloignés de la Constitution, il faudrait rejeter sa motion ; elle eût été prématurée. S’il ne fait que porter vos regards sur le rapport que l’armée peut avoir avec le corps social, elle n’est pas prématurée, et l’on doit délibérer. 11 est décidé que les changements proposés par M. de Virieu et par M. de Clermont-Tonnerre seront faits, et qu’à la place de ces mots: ès-mains des officiers municipaux, ou mettra: à la tête de leurs troupes, en présence des officiers municipaux. La seconde correction sera faite de la manière suivante : on remplacera les mots: sur la réquisition des officiers civils et municipaux , par ceux-ci : officiers civils ou municipaux. M. le Président lève la séance à midi pour se rendre à la tête de l’Assemblée, chez le Roi, lui présenter les arrêtés du 4 août, l’adresse qui les accompagne et pour assister ensuite au Te deum. Séance du soir a sept heures. M. le Président a annoncé que le recensement des scrutins, pour la formation du nouveau comité composé de cinq membres destinés à recevoir les plans de Constitution, ayant été fait, la pluralité s’était réunie en faveur de M. Desmeuniers, de M. l’évêque de Langres, de M. Tronchet, de M. le comte de Mirabeau et de M. Rhédon. M. Tronchet a observé que le règlement ne permettait pas de nommer membre d’un comité, celui qui i’était déjà d’un autre; mais l’Assemblée ne s'est point arrêtée à l’observation, attendu que ces cinq personnes doivent finir leur travail pour lundi, jour auquel l’Assemblée demande qu’on lui soumette uiï pian choisi parmi ceux qui ont été offerts ou recueillis, et formé des différentes vues combinées et rapprochées M. le président a rendu compte de la réponse faite ce matin par le Roi à l’adresse de l’Assemblée nationale. (Voyez plus haut le texte de celle adresse — séance du 12 août). Sa il a j esté a dit: « J’accepte avec reconnaissance le titre que vous me décernez; il répond aux motifs qui m’ont guidé, lorsque j’ai rassemblé autour de moi les représentants de la nation. Mon vœu maintenant est d’assurer avec vous la liberté publique, par le retour si nécessaire de l’ordre et de la tranquillité. Vos lumières et vos intentions m’inspirent, une grande confiance dans le résultat de vos délibérations. Allons prier le ciel de nous accorder son assistance, et rendons-lui des actions de grâces des seutimcnts généreux qui régnent dans votre Assemblée. » M. le Président a ensuite soumis à l’Assemblée la décision du point de savoir comment on ferait la nomination des membres des deux comités composés de quinze membres chacun, chargés l’un des matières ecclésiastiques, et l’autre de la liquidation des offices de judicaturo. L’Assemblée a décrété qu’il serait nommé trois membres par bureau, et que les quatre-vingt-dix personnes ainsi nommées se réduiraient à trente, lesquelles se partageraient en deux bureaux de quinze chacun. M. de Clermont-Tonnerre a soumis ses doutes sur la rédaction de l’article des dîmes, qui est le cinquième de l’arrêté porté au Roi ce malin. 11 a observé que ces mots, jusqu’à ce que les anciens possesseurs fussent entrés en jouissance de leur remplacement , pourraient présenter une autre idée que celle qui a été réellement adoptée par l’Assemblée, et que plusieurs membres lui ayant communiqué la même remarque, il croyait devoir soumettre à l’Assemblée la manière d’obvier à l’incertitude que cette rédaction laissait dans l’esprit de plusieurs députés, et qu’elle pourrait occasionner dans 1 esprit des peuples. M. de Lally-Tollendal, un de MM. les secrétaires , a rendu compte de l’état de la minute qui se trouvait conforme à l’épreuve de l’imprimeur, signée par celui qui avait tenu la plume dans la séance du onze, ainsi que par M. le président. M. Tréteau, un de MM. les' secrétaires, a attesté avoir lu plusieurs fois à l’Assemblée l’art. 5 parfaitement conforme à l’imprimé, et il a produit la première minute paraphée à tous les articles et à tous les renvois, tant antérieurs que subséquents au paragraphe contesté. M. Desmeuniers et d’autres membres en grand nombre, ont déclaré se rappeler parfaitement qu’ils avaient entendu plusieurs fois la lecture de l’art. 5, conforme en tout à la rédaction des deux minutes et de l’épreuve signée. Alors la délibération a changé d’objet, et plusieurs membres ont proposé des rédactions plus claires. Messieurs du clergé ont déclaré qu’ils n’avaient jamais entendu par le mot de remplacement, ni celui de rachat de la dîme, ni celui d’équivalent, et que leur objet avait été de laisser la nation entièrement maîtresse du sort des ministres du culte qui avaient renoncé à leur possession, sauf les égards qu’il lui plairait d’avoir pour l’aisance dont ils avaient joui, pour leur âge, et pour l’ancienneté de leurs services. U a été proposé alors de décréter qu’attendu [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [li août 1789.] 43a qu’il a été reconnu dans l’Assemblée que par le mot de remplacement énoncé dans l’article 5, on n’a point entendu le rachat de la dîme ni un équivalent, mais seulement un traitement convenable, il n’y avait lieu à délibérer sur une autre rédaction ; et cet avis a été adopté., M. le Président a remis la séance à demain, neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHAPELIER. Séance du vendredi 14 août 1789. Lecture a été faite des procès-verbaux des 5, 6, 7, 8, 9, et 11 de ce mois. On a rendu compte ensuite des adresses : 1° de la municipalité de Dourdao ; 2° des électeurs et notables de Douai; 3° des communes de la Guerche en Bretagne ; 4° des citoyens de Gravelines ; 5° des citoyens de Chaumont en Bassigny ; G0 de Bellac en Basse-Marche ; 7° de Moulins en Gilbert; 8° du pays de Foix ; 9° de Rhuis en Bretagne; 10° delà communauté de Saint-Omer; 11° de Saint-Gauden ; 12° de l’université de Caen ; 13° d’Airvault en Poitou ; 14° des Chanoines de Brioude, et d’une délibération du bureau intermédiaire du district de Colmar ; 15° de Luze ; 16° du bureau delà ville de Saint-Florentin; 17° du comité provisionnel, et de la commune de la même ville; 18° de la ville et communauté de Vézenobre, diocèse d’Alais ; 19° de l’ordre de la noblesse, et de celui des communes de la ville de Lavaur. Le chapitre de cette ville a adhéré à la délibération ; 20° de la ville de Bar-sur-Seine. M. Turben, membre des Académies royales de Nancy, de Caen, et de la société patriotique Bretonne, a dédié à l’Assemblée nationale un ouvrage qui a pour titre : Des devoirs des Français. M. de Ladebat, membre de l’Académie royale des sciences, lettres et arts de Bordeaux, a également dédié à, l’Assemblée un discours sur la nécessité et les moxjens de détruire l’esclavage dans les Colonies , et une déclaration des droits de l’homme. M. d’Hillerin a fait aussi hommage à l’Assemblée, d’un ouvrage sur la procédure criminelle, traduit de l’italien. M. Duquesnoy demande la parole pour faire une motion. M. Duquesnoy. S’il faut discuter l'opinion de tel ou tel individu, s’il faut nous livrer à toutes les opinions que l’on nous soumettra pour le travail important de la Constitution, il est évident qu’il durera longtemps. C’est pour prévenir ces inconvénients que vous avez nommé un comité de Constitution ; ce comité ne vous a présenté jusqu’ici aucun plan, si ce n’est l’ouvrage de M. l’archevêque de Bordeaux, qui encore n’offre que la distribution et la division des matières. Ce comité nous laisse donc aujourd’hui au même point où nous étions lorsque nous l’avons créé ; les membres qui le composent ont donné divers plans ; mais ce n’est pas le plan général, celui de toutes les opinions du comité, mais bien des plans individuels. Ainsi nous allons retomber dans l’inconvénient que nous voulions éviter, et c’est pour nous en éloigner une seconde fois que j’ai l’honneur de vous offrir un moyen de prévenir ce danger. Personne d’entre nous n’a accepté de projet. Cependant personne n’est pas sans avoir quelques idées particulières sur la Constitution. Il faudrait donc avant tout fixer celles qui sont générales. Ainsi, par exemple, il est clair que l’Assemblée ne veut qu’une ou deux Chambres. Il conviendrait de faire cette question, et alors elle servirait de base au comité ; ce serait un point douné dont le comité se rapprocherait pour en tirer toutes les conséquences nécessaires, et son travail serait conforme parla aux vues de l’Assemblée. Cette idée est facile à saisir. Ainsi je proposerai sur-le-champ l’ordre que je croirai devoir être adopté. Je distingue les objets de la Constitution en deux classes. La première, qui tient à des choses pressantes, et qui par leur nature doivent être traitées sur-le-champ ; la seconde, celles qui doivent faire l’objet d’un travail plus éloigné. La première classe présente des questions qui sont sans doute très-importantes ; elles fixeront les rapports et l’étendue du pouvoir de l’Assemblée. Ainsi, je demanderais que l’on s’occupât d’abord d’une proposition annoncée dans bien des cahiers. L’Assemblée sera-t-elle permanente ou périodique? Sans doute la nécessité d’empêcher les progrès de la puissance exécutrice, d’arrêter son extension prodigieuse, semble avoir frappé tous les esprits. La seconde est celle qui est relative aux élections ; ainsi je demanderais quelles sont les qualités nécessaires dans ceux qui doivent être éligibles, soit pour l’Assemblée nationale, soit pour les Assemblées secondaires. Vous déciderez si l’Assemblée nationale sera composée des représentants de la nation ou des représentants des corps, s’il n’y aura plus qu’un seul intérêt ou différents intérêts opposés, enfin l’intérêt de la nation ou l’intérêt des corps. Je vous supplie, Messieurs, d’observer qu’en décidant les formes et les qualités de l’élection, vous hâtez le moment des assemblées provinciales. Vous rendez aussi à la puissance exécutrice le moyen de rétablir l’ordre ; car ces assemblées seules pourront, par la confiance qu’elles inspireront, opposer une barrière insurmontable à la sédition. Les autres questions ne sont point aussi importantes pour le moment, mais elles le sont autant pour l’avenir. Quelle sera l’influence de l’autorité royale sur la législation? Le Roi aura-t-û le droit de veto'i Ce droit sera-t-il limité ou non ? Y aura-t-il deux chambres? quelles seront leurs fonctions, leur influence? Telles sont les questions que l’on devrait, ce me semble, traiter d’avance, pour ramener le comité à des points déjà avoués par l’Assemblée; vous éviteriez par là une fouie de projets particuliers qu’il faudrait discuter. Voici mon projet d’arrêté : L’Assemblée nationale, considérant que pour hâter le moment de l’établissement de la Constitution, il est nécessaire de fixer les bases de cette Constitution ; A arrêté, avant tout examen sur la Constitution