[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] 3«[ imprescriptibles que les nations sont souveraines. C’est ce gue fait le peuple d’Avignon; il a usé d’un droit que vous avez consacré; il vous a prouvé sa majorité ; vous ne pouvez donc vous refuser à le recevoir comme Français. D’après cela, comme ces maximes ne peuvent être contestées; comme elles décident la question, je demande que la discussion s’ouvre sur-le-champ. M. de Crillon le jeune. Ce que M. Robespierre vous a présenté comme une décision provisoire, n’est qu’une précaution qu’il me paraît que la prudence et l’humanité prescrivent. Des hommes s’entr’égorgent; ils demandent votre médiation. Il s’agit, non pas d’envoyer des troupes pour agir, comme les premières, à la réquisition de la municipalité, c’est-à-dire pour les soumettre à un parti, mais il faut envoyer des commissaires civils, qui, seuls, auront le droit de requérir, et leur donner un nombre de troupes suffisant, non pas pour dominer le pays, mais pour empêcher les habitants de s’égorger. C’est pour que le retard de votre décision ne fasse pas couler le sang des citoyens; c’est comme protecteur de l’humanité, que je demande que vous envoyiez des commissaires civils avec des troupes, comme l’a demandé M. de Clermont-Lodève. M. Legrand. Je crois que cet envoi de troupes est inutile dans les circonstances, en même temps que dangereux en politique. Si vous commencez par occuper le pays par des troupes, par vous emparer des postes, et que vous incorporiez ensuite Avignon à la France, ne pourra-t-on pas dire que le vœu des habitants a été violenté, que vous vous êtes emparés de ce pays par la force? La justice, la politique exigent donc que vous laissiez les choses in statu quo, jusqu’au moment de votre décision. La mesure proposée me paraît ensuite inutile, puisque vous pouvez, presque sur-le-champ, prononcer. M. Pétlon de Villenenve. Personne n’est plus convaincu que moi de la nécessité de prononcer sans délai sur la pétition du peuple avi-gnonais et comtadin ; mais le rapporteur ne peut faire son rapport que samedi. Il s’agit de savoir si, lorsque vous pouvez prononcer d’une manière définitive dans 48 heures, vous devez prendre des mesures provisoires inutiles ou dangereuses. Je crois que vous ne devez envoyer ni troupes, ni commissaires civils ; la première fois que vous avez envoyé des troupes dans ce pays, elles ne devaient que protéger nos établissements publics, et vous avez été obligé de les rappeler. Cependant combien il est différent d’envoyer des troupes seulement pour protéger des établissements nationaux, ou de les envoyer sous le prétexe d’apaiser le3 troubles? Vous ne devez, vous ne pouvez envoyer des troupes chez une nation étrangère qui n’a pas requis votre puissance. Les Avigno-nais demandent leur réunion à la France; ils ne demandent pas votre médiation ; et la France ne peut, sans une extrême injustice, envoyer des troupes chez ses voisins, parce qu’ils se battent. Supposez que chez une autre nation quelconque il se passât des scènes aussi désastreuses, pourriez-vous y envoyer des troupes, et les nations étrangères pourraient-elles en envoyer chez vous? Ne pourrait-il pas arriver que les troupes avigno-naises et comtadines se tournassent contre les vôtres qu’elles n’auraient pas demandées. Le seul moyen que vous ayez de pacifier ce pays, est donc de le réunir à la France, et c’est le seul qui vous donne le droit d’y envoyer des troupes. Croyez-vous d'ailleurs que ces troupes pussent être rassemblées, qu’elles pussent se porter à Avignon avant que vous ayez pris les mesures définitives qu’on attend de vous? Jedemande donc que, sur la motion qui a été faite, l’on passe à l’ordre du jour, et que cependant les pièces sur cette affaire soient lues samedi sans délai. M.de Clermont-Tonnerre. M. le rapporteur ayant écrit qu’il serait prêt samedi, c’est un ajournement pur et simple qu’il s’agit de prononcer. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète que le rapport de l’affaire d'Avignon sera fait samedi matin sans autre délai, et que dans le cas où la santé du rapporteur actuel ne lui permettrait pas de présenter son travail au jour indiqué, il serait invité, par une lettre du Président, à remettre les pièces au comité diplomatique.) M. Buzot. Je demande que le décret qui vient d’être rendu soit notifié à l'instant à M. de Menou, afin qu’il puisse donner une réponse avant la fin de la séance et que nous sachions enfin s’il veut rendre ce rapport; car, à la fin, cela scandalise. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation des gardes nationales (1). M. Robespierre. J’ai établi hier les principes fondamentaux de l’organisation de la garde nationale. J’ai prouvé que tous les citoyens devaient y être admis, si l’on ne voulait diviser la nation en 2 classes dont l'une serait à la discrétion de l’autre. J’ai prouvé qu’il fallait soustraire la garde nationale à l’influence du pouvoir exécutif, puisqu’elle doit servir au besoin pour nous défendre contre la force militaire dont ce pouvoir exécutif est armé. Maintenant il faut déterminer les fonctions des gardes nationales d’une manière plus précise. Cette théorie peut se réduire à deux ou trois questions importantes : 1° Les gardes nationales doivent-elles être employées à combattre les ennemis étrangers? Dans quel cas et comment peuvent-elles l’être? 2° Les gardes nationales sont-elles destinées à prêter main-forte à la justice et à la police? Ou dans quelles circonstances et de quelle manière doivent-elles remplir ces fonctions? 3° Dans tous les cas où elle doivent agir, peuvent-elles le faire de leur propre mouvement? Ou quelle est l’autorité qui doit les mettre en activité? Pour résoudre la première de ces questions, il suffit de l’éclairer. Toutes les fois qu’il s’agit d’un système militaire, nous ne devons jamais perdre de vue, ce me semble, la situatioii où nous nous sommes placés, et où nous devons rester, à l’égard des autres nations. Après la déclaration solennelle que nous leur avons faite des principes de justice que nous voulons suivre dans nos relations avec elles ; après avoir renoncé à l’ambition des conquêtes, et réduit nos traités d’alliance à des termes purement défensifs, nous devons d’abord compter que les occasions de guerre seront pour nous infiniment plus rares, à moins que nous u’ayons la faiblesse de nous laisser entraîner hors des règles de cette vertueuse politique par les perfides suggestions des éternels ennemis de notre liberté. Mais, soit qu’il faille fournir à no3 alliés (l) Voy. ci-dessus, séance du 27 avril 1791, p. 364 et suiv.