[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1791.) disant que je vous parle au nom de Mmc de La Peyrouse, je suis bien sur de votre indulgence et de votre attention. L’Assemblée a prouvé qu’elle prenait le plus vif intérêt au sort de M. de La Peyrouse, par un décret qui a honoré aux yeux de l’Europe entière la nation qui l’a rendu par l’organe de ses représentants. M. de La Peyrouse, en partant pour la longue et trop périlleuse campagne du tour du monde, dut pourvoir aux besoins d’une jeune épouse dont il se séparait pour le service de la nation. En conséquence, il fut convenu que le ministre de la marine ferait compter ses appointements à sa femme pendant tout le temps de son absence. Le ministre a exécuté les dispositions de M. de La Peyrouse jusqu’au 31 décembre 1789; mais, sous le prétexte de la responsabilité, il ne s’est pas cru autorisé à continuer le payement des appointements; il a refusé constamment de comprendre M. de La Peyrouse dans l’état des appointements des officiers de la marine. Je ne vous ferai pas remarquer, Messieurs, le contraste de la conduite des ministres qui refusent constamment le payement des dettes les plus sacrées, par un scrupule qu’ils savent devoir faire la plus grande impression, avec cette facilité avec laquelle ils autorisent des dépenses considérables, illégales ou au moins douteuses, et sans que cette responsabilité qu’ils invoquent puisse les arrêter. Si je pensais comme le ministre qu’on pût mettre en doute si les appointements de M. de La Peyrouse seront payés à sa femme, je vous dirais : Messieurs, examinez la situation d’une femme qui sans secours dévore dans le silence les larmes les plus constantes et les plus amères sur les dangers trop réels d’un époux sacrifié au service de la nation ; examinez si vous serez plus durs que la loi qui, en laissant son état suspendu pendant dix ans, n’o-e prononcer si elle est veuve ou non ; examinez votre décret qui ordonne l’armement de deux bâtiments pour aller à la recherche de M. de La Peyrouse ; et dites-moi si votre cœur ne se refuse pas à déclarer veuve Mrao de La Peyrouse? Et, dans ce cas même, vous refuseriez-vous à décréter à l’instant une pension en sa faveur? Mais, Messieurs, l’espoir nous est encore permis ; et quelque faible qu’il puisse être, nous aimons tous à nous flatter de quelque succès. Le ministre ne peut vous proposer en ce moment des grâces particulières sur la tête de Mmc d-La Peyrouse. En conséquence je finis par une réflexion qui entraînerait votre détermination, si je faisais l’injure à vos cœurs de ne pas être convaincus qu’ils ont prononcé dès qu’ils ont pu connaître l’objet de ma réclamation. Si les bâtiments qui ont été à la recherche de M. de La Peyrouse reviennent dans un an ou deux et vous amènent ce navigateur, s’il se présente à la barre, et que, après vous avoir raconté ses malheurs et ses souffrances, il vous dise : Messieurs, une pensée adoucissait mon sort; je savais que ma femme existait au milieu d’une nation généreuse qui sait récompenser dignement ceux qui se sacrifient pour elle-, je savais que, par les précautions que j’avais prises avec le gouvernement, elle recevait sa subsistance: mais quelle n’a pas été ma surprise et ma douleur, en apprenant que, par une suite de la plus belle Révolution, ma femme s’est trouvée privée du plus absolu nécessaire depuis 3 ans. Oui, Mes-251 sieurs, je ne crains pas de le dire, je vois à ces mots la rougeur monter sur votre front. Mme de La Peyrouse pourrait demander les appointements de son mari, pendant tout le temps que la loi n’ose prononcer sur son état; mais, modeste dans ses réclamations comme dans sa conduite, elle se borne à solliciter le salaire de son mari, jusqu’au retour des bâtiments que vous avez envoyés à sa découverte. Et si, par un malheur qu’il serait trop cruel de prévoir, vous n’avez aucune connaissance du sort de ce navigateur, elle remetlra entièrement le sien dans vos mains; et quel qu’il soit, dans la triste et cruelle situation où elle se trouvera, elle ne pourra qu’v être très sensible. Je vous propose d’ajouter l’article suivant au décret : « M. de La Peyrouse restera porté sur l’état de « la marine jusqu’au retour des bâtiments envoyés « à sa recherche, et ses appointements conti-« nueront à être payés à sa femme, suivant la « disposition qu’il en avait faite avant son défi part. » ( Applaudissements unanimes .) M. Defermon, rapporteur. Avec l’article additionnel présenté par M. Millet de Mureau le projet de décret serait ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète que les relations et cartes envoyées par M. de La Peyrouse, de la partie de son voyage jusqu’à Botany-Bay, seront imprimées et gravées aux dépens de "la nation, et que cette dépense sera prise sur le fonds de 2 millions ordonnés par l’article 14 du décret du 3 août 1790 ; « Décrète que, aussitôt que l’édition sera finie, et qu’on en aura retiré les exemplaires dont le roi voudra disposer, le surplus sera adressé à Mmo de La Peyrouse, avec une expédition du présent décret, en témoignage de la satisfaction du dévouement de M. de La Peyrouse à la chose publique, et à l’accroissement des connaissances humaines et des découvertes utiles; « Décrète que M. de La Peyrouse restera porté sur l’état de la marine jusqu’au retour des bâtiments envoyés à sa recherche, et que ses appointements' continueront à être payés à sa femme, suivant la disposition qu’il en avait faite avant son départ. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Mefermon, rapporteur . Nous passons maintenant à l’autre projet de décret. M. d’Estonrmel. 11 était dans l’intention de l’Assemblée de conserver une fonction et un traitement quelconque aux ci-devant intendants. Le seul tort que je connaisse dans la décision de M. de Fleurieu, relativement au payement des 4 intendants de la marine, est de n’y avoir pas mis le mot provisoirement . En conséquence je demande la question préalable sur le projet du comité, et qu'on y substitue un article qui porte que les sommes payées à MM. Granchin, Devaivres, Poujet et Le Brasseur leur soient accordées provisoirement, jusqu’à ce qu’après l’organisation des bureaux on sache dans quel état ils resteront. Pluricurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. d’Estourmel. M. Prieur. 11 n’y a rien de plus simple à juger que la question qui nous est soumise : il suffit de rapprocher les articles du décret de la décision même du ministre.