98 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou des Lannes.] Art. 38. Qu’il soit pris des mesures efficaces pour la suppression de la mendicité, et pour l’exécution des règlements concernant l’administration des hôpitaux. Art. 39. Qu’en exécution des articles 20 et 24 de l’édit de 1771, les conservateurs des hypothèques soient tenus de donner des extraits des oppositions avec les noms des opposants, avant et après l’expédition des lettres de ratification, lorsqu’ils en seront requis; que Jesdites lettres ne puissent être expédiées qu’après quatre mois depuis l’affiche du titre translatif de propriété, faite à l’auditoire et à la porte de l’église de la situation des biens rendus, et la prise de possession de fait. Art. 40. Que Sa Majesté rentre en la possession des domaines de la couronne , aliénés sans avoir rempli les formes prescrites, ainsi que de ceux qui ont été engagés, à la charge de remboursement des prix d’acquisition et d’engagement, pour mettre ces fonds dans le commerce, les vendre et en employer le produit à l’extinction de la dette nationale. Art. 41. Qu’une représentation juste et proportionnelle aux Etats généraux, étant la base d’une bonne constitution, il paraît que la sénéchaussée des Lannes, composée des trois sièges de Dax, Saint-Sever et Bayonne, bornée à une seule députation , est insuffisamment représentée , en raison de son étendue, de ses contributions et de sa population, qui passe trois cent mille âmes; et que, d’après ces considérations, elle doit obtenir, dans les proportions admises pour base de la convocation aux Etats généraux, au moins trois députations. Art. 42. Que tous les privilèges, franchises et exemptions accordés au pays des Lannes, et qui ont été confirmés successivement par tous les rois, depuis Charles VII, à raison de la fidélité inviolable de ses habitants et la stérilité notoire de son sol, soient maintenus, ainsi que les privilèges particuliers des villes et communautés; en observant que les peuples dudit pays ne renoncent momentanément à ceux relatifs aux impôts pour les besoins de l’Etat, qu’au-tant que tous les autres pays, villes, corps et communautés de la nation feront le même sacrifice. Finalement, l’ordre du tiers-état du pays des Lannes s’en remet, sur les objets qui n’auraient pas été prévus au présent cahier, et ceux des instructions et demandes particulières qui seront remis à ses députés, à ce que lesdits députés estimeront, en leur honneur et conscience, pouvoir contribuer à la gloire du Roi, à la prospérité du royaume et au bonheur de ses peuples. Fait et arrêté en l’assemblée générale du tiers-état , par nous , commissaires soussignés, le trente et unième de mars 1789. Ainsi signés Dulos, avocat, commissaire ; Ramonbordes, avocat, commissaire ; Forsans, avocat, commissaire; V erges, commissaire , Lamarque, commissaire ; Lafitte, commissaire; Dusault, commissaire ; Mericamp, commissaire ; Ducournau , commissaire; Hirigoyen, commissaire ; Poydenot, commissaire ; et Tausin, commissaire. Ne varietur.' Ainsi signé de M. de Neurisse, lieutenant général. CAHIER Des délibérations proposées par les trois ordres réunis de la ville de Bayonne , assemblés le 21 mars 1789, pour procéder à Vélection de leurs députés aux Etats généraux ; précédé d'un discours de M. le maire de la ville de Bayonne , à l’ouverture de Vassemlée (1). Ce jour luit enfin, Messieurs, où. tous les vrais Français vont être libres de discuter leurs droits de propriété, depuis longtemps tombés en désuétude et envahis par l’injuste autorité que la tyrannie s’était arrogée sous les deux règnes précédents. Notre auguste monarque Louis XVI, digne. descendant d’Henri-le-Grand, comme lui se dispose à ouvrir à tous ses sujets un libre accès jusqu’aux pieds de son trône ; il vient enfin de briser la chaîne fatale que la flatterie et l’ambition avaient forgée depuis plus d’un siècle pour en défendre les approches a la partie la plus intéressante de la nation. Que d’obstacles Louis XVI n’a-t-il pas eus à surmonter pour rendre à la nation qui le chérit, sa constitution primitive, où chaque citoyen avait le droit de réclamer auprès de son souverain, lorsqu’il était opprimé ! Il vient enfin de rendre à tous ses sujets le droit de s’assembler (droit qu’ils réclamaient depuis longtemps), pour délibérer sur la réforme des abus qui se sont introduits dans l’administration de toutes les parties du gouvernement français, depuis les derniers Etats tenus en 1614, à Paris. La France a eu une constitution dans l’origine de sa monarchie ; mais depuis sa pureté primitive, cette constitution a éprouvé une multitude de révolutions. Peut-être parviendra-t-on à la dégager de tous les obstacles qui ont ralenti ou obstrué ses ressorts ; mais que pour ce grand ouvrage tous les intérêts se reunissent, que les divisions cessent, que les opinions se rapprochent, que le bien général soit le point de ralliement de tous les citoyens, sans quoi le despotisme ministériel conservera tous ses avantages. Que la noblesse reconnaisse qu’il est de son intérêt de faire le sacrifice de ses exemptions pécuniaires, parce que l’équité des contributions est nécessaire à la prospérité générale; parce qu’on ne peut obtenir de bonnes lois qu’en rendant hommage aux lois primitives et fondamentales du contrat social ; parce qu’avec de bonnes lois la noblesse verra prospérer ses possessions ; parce qu’avec de bonnes lois la noblesse verra cesser un accroissement illégitime des fortunes, qui l’éclipse et l’entraîne dans un accroissement de dépenses contraires à la vraie félicité ; parce qu’avec de bonnes lois elle recevra la récompense de ses services. Que le tiers-état ne cherche point à détruire les distinctions auxquelles il a droit d’aspirer; que, satisfait des sacrifices pécuniaires de la noblesse, il n’aspire point à envahir la puissance législative par une majorité que le hasard pourrait souvent lui procurer, s’il avait exactement la moitié des votants dans une assemblée nationale et qu’on y votât par tête; que les distinctions de la naissance soient le prix d’une suite de vertus perpétuelles dans les familles ; que la vertu et la distinction du soldat ne soient point confondues dans l’opinion avec la vertu et la distinction du grenadier; que la vertu et la distinction du grenadier ne soient pas confondues avec la vertu et la distinction du général; que le magistrat soit (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou des Lannes.i 99 distingué du pâtre, et que les hommes qui ont rendu des services à la patrie puissent transmettre à leur postérité les distinctions qu’iïs ont acquises ; que le tiers-état, en portant ses vœux vers l’éclat des richesses, ne perde pas de vue qu’une ambition légitime peut porter ses vues vers l’éclat de ses discussions. Qu’aucun de ces ordres ne l’emporte sur l’autre relativement à la puissance législative; que le consentement du Roi, que le consentement des nobles, que le consentement du tiers-état soient tous les trois nécessaires pour donner force de loi à une motion quelconque, et que les ecclésiastiques se rangent dans l’ordre où leur naissance les a placés. Mais ne nous occupons pas plus longtemps à discourir ; mon but n’est point de vous instruire sur vos devoirs, Messieurs; dans ce moment où toute l’Europe a les yeux fixés sur nous tous, d’après l’exemple magnanime que les trois ordres de la province du Dauphiné viennent de donner à la France entière, nous devons oublier tout intérêt particulier, pour ne nous occuper que de celui de l’auguste souverain qui nous gouverne, de la gloire du nom français et du bonheur général. Nous allons proposer les articles principaux dont les cahiers des Etats nous paraissent devoir être composés, ou les lois que la nation paraît devoir demander pour la prospérité générale. Nous joindrons à quelques articles des observations qui en contiendront les motifs ou l’interprétation. 1. La puissance législative appartient au Roi et à la nation. Déjà on ne met plus en question le droit qu’a la nation de consentir les lois qui peuvent attaquer le droit naturel de la propriété. Si la volonté du prince faisait la loi, ses ministres auraient le droit d’attenter aux propriétés des particuliers ; le monarque serait un despote ; ce serait donc contre le droit naturel. Le contrat social des Français a été établi sur la condition du consentement aux lois : si la volonté du prince faisait la loi, ce serait donc contre le droit positif. 2. Chaque ordre a la puissance de refuser les lois qui le concernent. Si un ordre pouvait l’emporter sur l’autre dans la balance des intérêts opposés par une majorité facile ù obtenir, ou par d’autres moyens imaginables, cet ordre aurait sur l’autre un empire contraire aux lois du contrat social : le gouvernement tendrait vers le despotisme, vers l’aristocratie ou vers la démocratie, suivant l’ordre qui aurait l’avantage, et l’on aurait manqué le but d’établir une bonne constitution monarchique. Donc aucune loi positive ne doit exister sans le consentement du Roi, de la noblesse et du tiers-état. 3. Toute la puissance exécutrice appartient au roi de France. S’il s’agissait d’élire un roi dans une nouvelle association déterminée pour le gouvernement monarchique, on pourrait mettre en question quelles seront les branches du pouvoir exécutif qui seront remises au nouveau roi ; et en examinant bien cette question, on reconnaîtrait que le pouvoir exécutif s’exerce avec plus d’avantage par une subordination monarchique que par des portions d’assemblées populaires, pourvu que toute la partie subordonnée au monarque soit comptable. Mais en France, depuis plusieurs siècles, nos rois jouissent de cette puissance ; il est bien étonnant que quelques systématiques aient cherché à altérer cette subordination, en confiant à des assemblées des branches du pouvoir exécutif, tandis qu’on leur ôtait les pouvoirs législatifs qui appartiennent de droit aux assemblées, et qu’un projet aussi contraire aux bases du contrat monarchique ait réussi (1). Le pouvoir exécutif consiste dans ce que l’on appelle en France les droits régaliens. Le roi a le droit de faire la paix ou la guerre, de faire avec les puissances étrangères des traités qui ne soient point contraires aux lois nationales, de commander les troupes de terre, de mer et de milices, de convoquer et dissoudre les Etats, de faire rédiger les lois, de refuser ou consentir les lois proposées par la nation, de nommer tous les officiers chargés des branches du pouvoir exécutif, de rendre la justice, de la faire rendre par ses mandataires, de faire exercer la police, de faire poursuivre les délinquants ou criminels, de commuer leurs peines, d’administrer les dépenses publiques, de distribuer des récompenses, de naturaliser les étrangers, de faire des nobles, d’ériger des ordres de chevalerie, de légitimer des bâtards, de fonder des universités et écoles, de diriger et faire diriger les travaux publics, savoir: les édifices des villes, bourgs et villages, les monuments, les routes, les canaux, les dessèchements, les ports de mer, les fortifications; d’administrer et faire administrer les hôpitaux ; de former des établissements utiles aux mœurs; de protéger les sciences et les arts. 4. La nation aura le droit de s'assembler à terme fixe. On a déjà remarqué qu’en Angleterre la puissance nationale est illusoire, si le roi est assez riche pour ne point convoquer le parlement. Supposons qu’une conquête le rende assez riche pour se passer d’impôts, il est despote par la constitution. Pour assurer la puissance nationale, il est donc nécessaire qu’elle soit confirmée dans le droit de s’assembler à termes fixes. Il paraît qu’on pourrait assembler la nation tous les neuf ans, et les provinces tous les trois ans ; ces assemblées étant très-coûteuses, il paraît important de ne pas les rendre plus fréquentes qu’il ne le faut pour la conservation de la liberté nationale. Cependant, comme tous les abus ne pourront pas être réformés à l’assemblée de 1789, la première assemblée qui doit suivre celle-ci ne devrait pas avoir un si long terme. 5. Il ne sera point établi de commissions intermédiaires ni par l'assemblée nationale , ni par les assemblées provinciales. Si l’on assemble des commissions intermédiaires, ce ne peut être que pour exercer le pouvoir exécutif ; car on ne peut confier à des commissions intermédiaires des branches du pouvoir législatif. Or, si le Roi a de droit le pouvoir exécutif dans toute son étendue, les commissions intermédiaires sont des surcharges pour le peuple. Les anciens Etats provinciaux se détacheront (1) Voyez ce que nous avons dit des administrations provinciales dans une addition à la suite du Traité des richesses en 1780, dans un plan de banque nationale en 1787, et dans le canevas des délibérations des Etats généraux en 1788. Le canevas des doléances est le résumé des conséquences que nous tirons de ces trois ouvrages. 100 [Étals gcn. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARI sans doute très-difficilement de leurs commissions intermédiaires; mais s’ils conservent leur droit périodique de s’assembler, si ce droit est assuré aux provinces, non -seulement par leurs anciens Sriviféges, mais encore par la sanction générale e la nation, et qu’elles soient confirmées dans la puissance législative, les provinces sont intéressées à abandonner au monarque le pouvoir exécutif, pourvu que ses officiers soient comptables ; les commissions intermédiaires ont beaucoup trop de rapport avec les gouvernements aristocratiques. 6. Le Roi aura le droit de convoquer les Etats généraux et provinciaux pour ressources extraordinaires. Ce droit est incontestable. 7. La nation assemblée aura le droit de juger les officiers du Roi. Ce droit ne peut être accordé aux Etats provinciaux, à cause des désavantages que les intérêts particuliers donneraient aux accusés ; mais 1’assemblée nationale, qui est le juge primitif de toutes les contraventions faites au contrat social, doit juger l’officier d’une province accusé par les députés, si le monarque ou ses mandataires n’ont pas sévi avec une rigueur proportionnée au délit. 8. La loi de propriété est la loi primitive et constitutive du contrat social. Tous les biens deviennent propres par le travail, par don, par échange ou par héritage ; le bien de chaque propriétaire ne peut être abandonné ou employé que pour son avantage particulier, ou pour un avantage public auquel il participera. Si vous attaquez ces principes, une fois la première atteinte étant portée, les progrès vers la destruction n’auront point de bornes. De tous les principes, c’est celui qui est le moins susceptible d’exceptions et de modifications. 9. Les opinions religieuses n'influeront point sur l’état civil. Cette loi, que notre monarque a publiée l’année dernière , ne peut manquer d’être sanctionnée par la nation dans l’état 'actuel de l’opinion publique. Cet acte de bienfaisance est un de ceux pour lesquels la nation présentera sans doute au souverain une adresse de remercîment. 10. Lapresse sera libre , pourvu que le nom de chaque auteur soit au moins sur son manuscrit, et qu’il soit puni s'il contrevient aux lois rendues contre les libelles ou contre les calomniateurs. 11. La justice civile sera séparée de la justice criminelle ; les juges civils seront chargés de la vérification des lois civiles , et les juges criminels seront chargés de la vérification des lois criminelles. Si aucune motion n’a force de loi qu’après avoir été consentie par les trois puissances dont nous avons parlé, et que ce principe soit passé en loi, les juges n’auront plus aucune puissance législative, et leur vérification ne consistera plus qu’à reconnaître le caractère de loi fondé sur cette condition, dans les édits qui leur seront adressés. Si l’on propose la séparation des justices civiles et criminelles, c’est pour éviter une trop grande étendue de pouvoir dans les corps chargés de l’administration de la justice : c’est pour que les corps chargés d’un même objet et d’une même K EM1 AIRES. [Sén. de Dax ou des Lamies. ] étude, soient moins détournés par d’autres objets, par d’autres études. 12. La vénalité des charges sera abolie ; les charges seront remboursées. Cette demande est celle des derniers Etats, qui prévoyaient déjà combien un tel abus serait préjudiciable à la monarchie. 13. Les motifs des juges seront rendus publics par leurs sentences et par leurs arrêts. Cetteloi rendra nécessairement les juges circonspects sur leurs opinions, et contribuera à mettre les parties à l’abri de l’arbitraire. 14. Les accusés seront protégés par la loi tant qu'ils ne seront pas jugés coupables, et dédommagés lorsqu'ils seront reconnus innocents. 15. La sûreté des personnes non coupables est une des bases du contrat social. ] 6. Il sera rédigé une déclaration des droits nationaux, assez brève et assez claire pour former le catéchisme des citoyens les moins propres à l'étude et les moins lettrés. 17. Les lois civiles qui attaquent les droits naturels de la propriété , ou qui favorisent le monopole, doivent être réformées. Nous ne citerons ici que la loi des substitutions, suivant laquelle une famille se met à l’abri de ses créanciers, par laquelle les immeubles restent indivis, et par laquelle des villes se trouvent exposées aux abus du monopole. C’est aux Etats provinciaux à consentir la réforme des lois civiles ; c’est par les différences qui se trouvent entre les lois et coutumes des provinces, qu’une commission royale doit concerter entre les différents Etats le rapprochement qui tendra à l’uniformité des lois. C’est de cette manière que les lois tendront à l’uniformité autant que le consentement des provinces le permettra, et c’est par cette réforme que l’étude des lois deviendra plus facile. Dans la réforme des lois, on distinguera celles qui ont conservé leur pureté première, de celles qui sont nées de ces lois. 18. Les formes de procédure et les tribunaux seront réduits à leur plus grande simplicité ; les degrés de juridiction seront limités. Rien n’est plus contraire à l’intérêt des citoyens, que la complication des formes de procédure, et que l’excès des degrés de juridictions : le travail à faire pour réformer ces abus dépend de la puissance souveraine. 19. L’arbitraire sera interdit aux juges. C’est par là qu’on détruira le colosse de la jurisprudence et le fatras des commentaires. 20. Les parlements jouiront du droit de représentations, mais ils ne jouiront jamais du droit d'oppositions. Les parlements, n’ont jamais reçu d’aucune puissance le droit de refuser les édits : cela est porté dans les cahiers du tiers-état des Etats de Blois ; mais une proposition avancée dans des représentations d’un des ordres de l’Etat pendant des temps de trouble et defactions, pour appuyer des prétentions que l’on n’accordait pas même alors au tiers-état et sur laquelle il n’y a pas eu de loi, n’est point une transmission de pouvoirs [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou de3 Lannes.] |Q4 surtout lorsque les fastes de la monarchie déposent le contraire. Les parlements, dit-on, sont des portions émanées de la cour des pairs, et la cour des pairs est une des portions principales de l’assemblée nationale : donc les parlements sont le raccourci des Etats généraux. Mais dans une assemblée nationale, les membres y assistent, ou comme citoyens propriétaires, ou comme officiers du Roi, ou avec ces deux qualités réunies ; l’officier du Roi n’a pas en cette qualité les pouvoirs qu’il a comme citoyen propriétaire. Le pair siég;e aux Etats généraux comme citoyen propriétaire ; le conseiller du parlement a siégé dans les placités comme officier du Roi. Le citoyen propriétaire a droit de concourir à former la majorité pour refuser un édit; prétendre qu’un officier du Roi adroit de résister à ses volontés, c’est confondre toutes les idées de la subordination monarchique. 21 . Les bureaux des finances et les chambres des comptes seront réunis , sous le nom de Chambre des comptes. Art. 22. Les officiers de la chambre des comptes seront élus par la nation. Si les officiers du Roi sont comptables, ce ne peut être par-devant des officiers du Roi. Si la nation a droit d’exiger des comptes, c’est par-devant des commissaires de la nation qu’ils doivent être rendus ; mais comme la nation ne sera point toujours assemblée, elle pourra désigner des surnuméraires pour remplir les places, lorsqu’elles vaqueront dans les intervalles. 23. Les cours des aides et élections seront maintenues dans leurs droits, relativement à l’impôt. . Ou l’on supprimera les cours des aides et élections, ou l’on supprimera les administrations provinciales. Les premières, établies depuis plusieurs siècles par les Etats généraux, ont plus de droit à être conservées ; la conservation de ces deux corps serait une surcharge pour le peuple : le but de leur établissement est le même ; pourquoi compliquer les ressorts du gouvernement ? Les cours des aides et les élections étaient, dans l’origine, des administrations provinciales et des assemblées de district. 24. La police , chargée des peines correctives , sera distinguée de la police chargée des peines effectives. Ces deux polices sont distinctes dans quelques lieux de la France ; elles doivent l’être partout. 11 est contraire à la bonne police que, pour une dispute, on ne puisse obtenir justice qu’en prenant les formes juridiques. 25. Les maires de villes auront le pouvoir d'infliger des peines correctives ; les peines correctives seront limitées et distinguées suivant les personnes. 26. Les gouverneurs des provinces seront censeurs de la noblesse ; les peines qu'ils pourront infliger pour exercer cette censure seront limitées. 27. Toutes les villes jouiront des droits des villes municipales ; la commune aura le droit de nommer ses officiers. 28. Les justices seigneuriales seront supprimées. Le consentement des seigneurs est sans doute nécessaire pour cette suppression ; mais ces justices leur sont souvent plus à charge qu’à profit. Elles sont honorifiques, mais elles écrasent les vassaux; elles n’ont point de police en activité, et les procédures criminelles sont à la charge des seigneurs ; les seigneurs sont intéressés à l’impunité. Les seigneurs ont des amendes ; mais ordonnées par le juge royal, sur le procès-verbal du garde seigneurial, elles peuvent tourner au profit au fief. L’esprit philosophique, s’étendant sur tous les possesseurs de fiefs, ne leur fera-t-il pas apercevoir des distinctions plus désirables et plus flatteuses que celles de nommer un bailli, un procureur fiscal, et de faire rendre une justice souvent ridicule en leur nom ? Les titres de fiefs sont les dénominations des anciens offices; c’est contre les lois de l’ordre monarchique que ces offices sont devenus héréditaires, sans d’autres fonctions publiques que celle de nommer un substitut; c’est contre les lois de cet ordre que le droit de rendre la justice s’est réparti entre les principaux propriétaires de la monarchie. Celui des Etats de France qui est le plus intéressé au rétablissement de l’ordre général, c’est la noblesse : si la noblesse tient à des privilèges dont on puisse lui démontrer l’incohérence avec les lois générales de l’ordre monarchique, comment réclamera-t-elle les lois fondamentales qui doivent redresser ses principaux griefs ? Si les lois de la propriété sont soumises à l’arbitraire des ministres, qu’est-ce qui en souffre plus que la noblesse? Si les peuples sont accablés d’impôts, les principales propriétés n’en éprouvent-elles pas les plus grands préjudices? Si les capitaux épargnés annuellement sont détournés des grandes entreprises de la culture, de l’industrie et du commerce, pour satisfaire les dispositions ministérielles, n’est-ce pas la base fondamentale des droits de la noblesse qui en est altérée? Si le désordre engendre l’accroissemeut le plus illégitime des fortunes pécuniaires, n’est-ce pas la noblesse qui en est écrasée? Si le crédit des grands a souvent contrebalancé le pouvoir des fortunes pécuniaires, n’est-ce pas au détriment du corps général de la noblesse? C’est contre les lois de l’ordre que les salaires des offices, connus sous le nom de bénéfices, sont devenus héréditaires. L’ensemble de ces bénéfices formait le domaine public inaliénable, sacrum patrimonium. Le temps a confondu les bénéfices avec les alleux pour la propriété ; le temps a acquis aux terres féodales le droit de propriété particulière ; mais le droit de rendre la justice, que la faiblesse des anciens monarques a abandonné avec l’inaliênabilité des terres féodales, est imprescriptible. Ce droit ne peut être héréditaire par sa nature dans les officiers chargés de l’exercer. Le droit de nommer les officiers de justice ne peut être réparti entre les principaux propriétaires de district ; ce droit est et doit être entre les mains du Roi ; il est insubdivisible et inaliénable. Mais il ne faudrait pas conclure de nos raisonnements, que les terres féodales, ayant fait partie du domaine public inaliénable, devraient aussi rentrer dans ce domaine : d’abord la propriété en est acquise par une prescription de plusieurs siècles; mais une observation qui en assure encore la propriété d’une manière plus inattaquable, c’est que, par un accord qui est un des phénomènes les plus extraordinaires que l’on puisse rencontrer dans les abus de l’ordre social, les alleux ou pro-; priétés libres ont été convertis en fiefs, en si grande quantité, qu’il serait impossible de reconnaître, dans la multitude des fiefs qui existent, 102 [Etats gén, 1789. Cahiers.] les bénéfices primitifs, ou le patrimoine sacré de la république, et les alleux qui ont acquis les privilèges des fiefs. C’est par cet accord singulier que, les rois ayant abandonné des droits de souveraineté, et les sujets ayant abandonné des droits de propriété libre, il s’était fait une espèce d’échange de ees droits, dont il résultait que le Roi était censé propriétaire général des terres, et que les sujets jouissaient des droits de souveraineté. Nous avons exposé, dans le plus grand détail, des recherches philosophiques sur les révolutions que les pro-riétés ont éprouvées en France, dans notre Traité es richesses. Pour juger la cause du système féodal, on ne peut se dispenser de se rendre compte de ces révolutions ‘qui forment un des objets les plus curieux de l’histoire philosophique et politique des peuples. 29. Les tribunaux des eaux et forêts seront supprimés. Leur juridiction sera réunie aux bailliages et sénéchaussées, et leur administration sera réunie à celle des domaines. Pour décharger les peuples de l’excès des juridictions. 30. Le domaine du Roi sera déclaré aliénable. La maxime de l’aliénabilité du domaine du prince dérive de la loi romaine, par laquelle le domaine de la république était inaliénable. Ce domaine de la république était distingué du domaine du prince; il était destiné à former des bénéfices pour les serviteurs de la patrie ; c’était ce domaine public dont la république avait assuré l’inaliénabilité par la loi ; mais il est contre les principes fondamentaux de la société que le premier citoyen ne puisse aliéner sa propriété. Le principe de l’inaliénabilité est contraire à la prospérité territoriale et favorise le monopole des bois. 31. Le contrôle des actes sera réuni aux greffes des bailliages. Le contrôle est actuellement une opération fiscale ; il faut en faire un monument de la protection souveraine 32. La loi de 1771 sur les hypothèques sera abrogée. Cette loi, qui est encore une émanation du génie fiscal, au lieu de favoriser la sûreté dos hypothèques, suivant son objet apparent, expose les créanciers à la perte de leurs droits. Les lettres de ratification des contrats de vente sont l’invention du despotisme. Qu’il y ait un registre où les créanciers feront enregistrer leurs hypothèques spéciales sur les immeubles dans les greffes du bailliage ou de la sénéchaussée où ces immeubles sont situés, ou leur hypothèque générale dans les greffes du bailliage ou de la sénéchaussée où les propriétaires sont domiciliés ; les acquéreurs, pour acheter avec sûreté, consulteront ces registres, et l’hypothèque n’aura lieu qu’en vertu de cet enregistrement. 33. Les rapports entre les officiers royaux et les officiers nationaux seront déterminés. Les officiers municipaux des villes étant électifs, ainsi que les officiers de la chambre des comptes, il sera nécessaire de déterminer leurs rapports avec les officiers du Roi, surtout ceux des officiers municipaux avec les chefs de l’administration. De même que les officiers du Roi seront comptables à la chambre des comptes, de [Sén. de Dax ou des Lan des.] même les villes peuvent être comptables au commissaire du Roi. 34. Il sera mis des bornes a l’usage des lettres de répit. 35. Il sera pris des mesures pour abroger les formes qui favorisent les banqueroutes frauduleuses, et les contrats d' atermoiement des créanciers simulés. 36. La police des alignements des rues des villes sera confiée aux officiers municipaux des villes, et celle des traverses des villes et des grandes routes aux intendants. 37. L’ordonnance pour la formation des classes des matelots sera révoquée. C’est un monument de la servitude et du despotisme ; c’est une gêne pour le commerce qui ne produit pas de meilleurs matelots que s’ils étaient enrégimentés pour la marine, et occupés pendant la paix, soit en mer, soit aux travaux des ports. 38. Il sera accordé des défenseurs aux accusés quelconques. Cette noble fonction peut être remplie par ceux qui sont destinés à être juges criminels, et exercée jusqu’à l’âge de trente ans. Ils auraient seulement à cet âge voix délibérative. 39. Les recherches des procureurs du Roi s'étendront plus loin que sur les crimes capitaux. L’impunité tient souvent aux dangers d’entreprendre une dénonciation où l’on puisse succomber. Mais il faut éviter en même temps l’impunité des faux dénonciateurs. 40. Les innocents seront dédommagés sur les fonds publics. 41. L’exécution des arrêts des juges criminels sera suspendue au moins pendant quinze jours. Cette loi avait déjà été demandée par les Etats en 1626 pour les nobles ; sans elle le droit de faire grâce est illusoire. 42. Les biens-fonds des bénéfices ecclésiastiques, à la nomination royale ou ecclésiastique, seront déclarés former le domaine public. Cette loi, qui choquera sans doute les parties intéressées, est cependant conforme au droit primitif des bénéfices. Les bénéfices ont été, depuis l’origine de la monarchie, des terres publiques concédées à vie pour des services publics. C’est d’après cette loi que le Roi jouit de ceux qui sont à sa nomination pendant la vacance. Il ne faut pas juger des bénéfices ecclésiastiques ainsi que des bénéfices laïcs ; les bénéfices ecclésiastiques ont conservé leur nature primitive, relativement à l’inaliénabilité ; il semble seulement que la partie destinée aux églises est affectée exclusivement aux églises. Mais si des parties d’un domaine public sont destinées au salaire d’un service public, et que ce service devienne nul par la succession des temps, la nation et le Roi ont le droit de se réunir pour employer le domaine public à récompenser des services utiles. Au fait, à quoi servent les grands bénéfices à la nomination royale? Ils servent à récompenser des familles utiles, en la personne d’un membre qui prend un état souvent contraire à ses mœurs particulières, pour satisfaire le vœu de sa famille ou le désir de participer aux récompenses ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dcax ou des Lannes.] 103 publiques, d’un membre qui quelquefois étend les avantages de ses bénéfices sur sa famille, quelquefois en abuse en faveur de la corruption des mœurs. Pourquoi ne récompenserait-on pas les membres utiles des familles utiles par une distribution équitable des parties du domaine public? 43. Les dîmes seront éteintes au profit des propriétaires des terres à mesure que les titulaires des bénéfices mourront. C’est un impôt accablant que la dîme il surpasse dans quelques endroits les contributions publiques. Si le but de son établissement est rempli d’une autre manière, il faut qu’il cesse de nuire à la reproduction annuelle. 44. La nation rentrant dans la propriété des bénéfices , à mesure que les usufruitiers mourront , les bénéfices à charges utiles seront donnés à des ecclésiastiques avec un dédommagement de la dîme qui sera supprimée , et les bénéfices sans charges utiles seront concédés dans toutes les classes de la société , ainsi que les pensions sur ces bénéfices , pour récompenses de services utiles. 45. Le domaine de ces bénéfices sera déclaré inaliénable , suivant sa nature primitive. 46. Les honoraires des évêques et grands vicaires, des curés et vicaires , seront réglés d'après les revenus qui leur resteront , déduction faite de la dîme, 47. Les associations non utiles seront supprimées ; les moines seront pensionnés , et leurs fonds rentreront dans le domaine public. 48. Les ecclésiastiques se rangeront aux assemblées nationales , dans les ordres où leur naissance les aura placés. 49. Les fondations faites dans les églises supprimées seront reportées aux paroisses sur le territoire desquelles ces églises seront situées. 50. Les évêques seront autorisés à faire des réunions de paroisses dans tous les lieux où le bien et l'économie du service V exigeront. 51. Il sera interdit aux officiers de police des villes de taxer la viande. 52. Les octrois sur les viandes dans les villes seront supprimés. Les habitants des villes sont foulés par la taxe de la viande et par les octrois sur les viandes ; cette taxe n’est nécessaire que pour l’octroi, et la liberté de tuer et de vendre, sans être assujettie à un droit, diminuera le prix de la viande dans les villes. Les habitants des villages espèrent échapper aux poursuites, en vendant la viande dans les villes, même au-dessous du prix taxé, déduction faite de l’octroi. 53. Les banalités seront abolies , les propriétés étant remboursées. Les lieux sujets aux banalités sont exposés à toutes les vexations du monopole. 54. Les péages seront abolis, les propriétaires ' étant remboursés. La loi existe ; elle n’a pas été exécutée. 55. Les droits de bichenage et de mesurage des blés seront abolis, les propriétaires étant remboursés. Ces droits font déserter les marchés et procurent plus de désavantage dans les villes que les propriétaires n’en tirent d’avantage. 56. Il sera établi une commission du conseil, chargée défaire un état de tous les rembourse ments à faire pour charges et droits à supprimer , lequel état sera rapporté à la première assemblée des Etats, après celle de 1789. 57. Le taux des monnaies , et le bénéfice du souverain sur cet objet , seront déterminés de manière que les ministres ne puissent y contrevenir. Depuis longtemps l’opinion publique a interdit les hausses et les baisses arbitraires des monnaies ; mais pour que l’envie n’en reparaisse pas, il est nécessaire d’y pourvoir par une loi. 58. Les communes seront déclarées aliénables pour la prospérité de l’agriculture, pourvu néanmoins que le contrat soit homologué par le Roi. 59. Toute loi en faveur des prohibitions du commerce sera abrogée. Nous avons traité fort au long de la théorie dont cette loi est une conséquence ; nous l’avons établie sur deux principes : celui du droit de propriété et de l’équité à établir dans la balance des intérêts du producteur et des intérêts du consommateur, et le principe suivant lequel le revenu disponible doit être plus grand qu’il soit possible, relativement à la somme des frais dans la reproduction générale ou suivant lequel la somme des jouissances doit être la plus grande qu’il soit possible, relativement à la somme des frais. La liberté du commerce s’étendra à toute importation et toute exportation quelconques. Dans la discussion des intérêts du commerce, il sera réconnu sans doute que le plus grand gain du commerçant n’est pas toujours le plus grand gain du commerce, que le plus grand avantage du commerçant n’est pas toujours le plus grand du commerce. On reconnaîtra que si les ministres se sont trouvés quelquefois obligés d’employer des ressorts pour contrebalancer les abus, ibne faut pas en conclure que ces ressorts ne sont point abusifs dans la supposition du bon ordre. 60. Les privilèges exclusifs, les maîtrisés et jurandes seront abolis ; il sera établi un ordre dans les villes pour les maîtres ; mais le nombre n'en sera jamais limité, et les colporteurs de marchandises qui n'intéressent point la vie des citoyens jouiront de la liberté de vendre. C’est aux acheteurs à se prémunir contre l’infidélité des marchands colporteurs et forains ; mais leur concurrence est indispensable pour établir les prix a leur juste mesure. 61. La population sera favorisée par la protection accordée au plus grand accroissement possible des richesses. 62. Les ports, les passages et les marchés seront libres et ouverts à tous les négociants nationaux et étrangers en temps de paix, et n'auront d'autres gênes en temps de guerre que celles que la sûreté de la nation et ses intérêts, relativement aux ennemis de l'Etat, exigeront. 63. Il ne sera jamais établi de commission pour les approvisionnements, de blé , si ce n'est en faveur des armées de l'Etat. 64. Toute clôture fiscale, toutes barrières dans l'intérieur du royaume et aux frontières seront détruites , 104 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou des Lannes.] 65. Tous les offices de mesureurs , jaugeurs , con-trôleurs , marqueurs de denrées et marchandises seront supprimés. 66. Les officiers municipaux des villes seront chargés ae veiller à l'exactitude des mesures, des jauges , des contrôles el des marques. 67. Toute loi somptuaire sera abolie. Le Roi sera supplié d’encourager ou de favoriser, soit par l’exemple, soit par son influence, les fabriques nationales, la modération dans les dépenses, la considération pour les arts utiles, Pafïluenee des étrangers, la résidence des capitalistes, les dépenses foncières, les épargnes sur la reproduction annuelle. 68. La sortie des métiers et instruments des manufactures sera permise. Cette loi paraîtra peut-être au premier coup d’œil impolitique ; mais d’un côté, elle est conforme aux principes fondamentaux de la propriété et de la liberté ; de l’autre, on observera que c’est par la protection et par le bien-être qu’il faut retenir les ouvriers utiles, et non pur des gênes que dictent des ordres arbitraires. 69. Le revenu des messageries étant abandonné par le souverain , elles ne seront plus autorisées k interdire aux routiers le port des paquets quelconques , et aux voyageurs Vusage des voitures quelconques. La gêne que l’on propose d’abolir est un des plus grands obstacles nuisibles au commerce, ou contraires à la liberté des citoyens. 70. Le produit des postes aux lettres sera suffisant pour le service, et n'entrera point dans les coffres publies. Le commerce lucratif et les correspondances utiles et agréables en tireront un grand avantage. 71. Tous les citoyens jouiront de la liberté d’avoir des étalons et de se faire payer par les propriétaires de juments. L’intérêt personnel et les spéculations produiront sans doute la perfection des races avec plus d’avantage qu’une direction à revenus fixes. 72. Les privilèges des charges et emplois publics n'attenteront point aux droits des citoijens. 73. Les nobles auront la liberté de commercer sans déroger. 74. Le tiers-état ne sera exclu d'aucun emploi public, ni d’aucun grade , lorsque ses qualités personnelles Py auront appelé. 75. Le tiers-état sera rétabli dans le droit d’acquérir des biens sans payer des droits avilissants. 76. Tous les propriétaires jouiront de la liberté de faire dans leurs terrains toute espèce de culture quelconque. 77. Tout citoyen jouira de la liberté de faire des approvisionnements de toute espèce de denrée quelconque. 78. Le gouvernement ne favorisera, par des primes et récompenses, aucune espèce de production préférablement à une autre. C’est aux besoins des demandeurs et aux moyens de payer, à attirer les quantités de productions qui leur conviennent. 79. Les officiers publics seront tenus de résider au lieu de leur destination. 11 serait à désirer, par exemple, que les gouverneurs résidassent pendant six mois, et les évêques et intendants pendant les trois quarts de l’année. 80. Il sera établi une banque nationale pour toutes les villes du royaume. Cette banque servira de caisse générale des deniers publics et particuliers; nous en avons présenté et détaillé le plan (1). Elle a pour ressort principal des banques particulières de dépôt: une banque de correspondance, qui, sans être dépositaire, sera débitrice et créancière par compensation de toute les banques de dépôt. 81. Il sera dressé un état général des dépenses publiques pour asseoir l’impôt. 82. Le terme de l’impôt sera fixé à P époque de la convocation des Etats généraux. Pour la réforme des abus qui naissent de l’impôt. 83. On abolira les-ventes exclusives du souverain. 84. On abolira les droits sur les services publics. 85. On abolira les droits sur les consommations. 86. On abolira les impositions arbitrées sur V opinion que Pon a de la fortune des particuliers. 87. On abolira les impôts sur les charges ou sur les salaires de P administration. 88. On abolira les droits sur V administration de la justice et sur le sceau. 89. On abolira les impôts sur les successions ou mutations. 90. On interdira pour jamais les affaires extraordinaires. Les ventes exclusives du souverain sont contraires à la dignité d’un monarque, et elles sont injustes, vexatoires et contraires à la reproduction annuelle. C’est pourquoi la gabelle a été jugée; mais on n’a pas jugé la vente du tabac, la vente de la poudre à canon que l’on pourrait faire venir de l’étranger, par exemple, de Suisse, à meilleur marché, et pour laquelle on fait des perquisitions dans l’intérieur des maisons. Les services les plus utiles de la souveraineté, tels que les postes, les messageries, les contrôles. deviennent a charge par les revenus que le Roi en tire, et par les gênes auxquelles on est assujetti pour produire ces revenus. Les droits sur les consommations portent des entraves au commerce, sont contraires à la liberté des citoyens, ou sont injustes par les dispositions irrégulières des barrières. Si l’on croit qu’en reculant toutes les barrières aux frontières, on reportera l’impôt sur les étrangers, c’est une grande erreur. Pourquoi donc n’y aurait-il que Jes marchandises consommées par les étrangers qui payeraient l’impôt ? 91. Les exemptions pécuniaires seront abolies pour tous les ordres. Savoir : les exemptions personnelles et les exemptions réelles, ou les exemptions à raison des personnes, et les exemptions à raison de la nature des biens. (1) Voyez Plan de banque nationale. Jersey, 1787. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou des Lannes.] 105 92* Usera établi au greffe des élections des registres pour le cens ou dénombrement général de tous les propriétaires ou chefs d'entreprise de culture , d'industrie ou de commerce par villes ou communautés. 93. Dans les pays d'Etats, qui sont actuellement distingués par ce nom , il sera établi un tribunal semblable à celui des élections pour l'établissement du cens. 94. Tout propriétaire ou chef d'entreprise de culture , d'industrie ou de commerce , sous peine de ne pas jouir des avantages delà société pour la conservation des proprié té s, sera tenu de déclarer et faire inscrire sur le registre du cens un état de ses propriétés productives ou richesses foncières , de leurs qualités et de leurs quantités , réglées suides mesures communes, avec un état des salariés ou fermiers qu'il emploie pour la production, et des domestiques qu'il emploie pour son service , dans tous les greffes des élections sur le territoire desquelles il aura une proprié té, les richesses pécuniaires n’étant pas comprises dans les richesses foncières et productives , 95. Il sera remis une expédition du cens de chaque ville, bourg et village aux officiers municipaux , syndics ou échevins des bourgs ou villages, aidés d’un commissaire répartiteur et d'un expert vérificateur, qui auront la liberté de vérifier les déclarations. 96. Les officiers municipaux des villes, les syndics ou échevins des bourgs ou villages, aidés d'un commissaire répartiteur et d’un expert vérificateur, auront la liberté de vérifier les déclarations. Ils seront chargés de joindre à l’article de chaque propriétaire les observations propres à en estimer la valeur, savoir : les terres seront divisées en trois, cinq ou sept classes, suivant leur nature. Les maîtres des arts et métiers seront classés suivant leur vogue. Les chefs des manufactures seront classés suivant le nombre de métiers; les négociants, suivant le nombre de vassaux ou voitures employés; les chefs de roulage, suivant le nombre de leurs chevaux; les propriétaires d’usines surntat leur produit; en un mot, en raison composée de tous les agents de production qu’ils emploient. 97. C'est d'après ce cens que sera réparti un impôt unique sur tous les propriétaires ou chefs d’entreprise de culture, d'industrie ou de commerce, non en raison du produit total, mais en raison de ce produit, déduction faite des frais de production, par les officiers municipaux des villes et les commis répartiteurs des paroisses. 98. Les créanciers de l'Etat ne seront pas compris dans ce cens, à raison de leurs rentes, parce qu’on leur fera payer l'impôt par une réduction sur l’intérêt. 99. Les rentiers hypothécaires payeront Vimpôt par une retenue au propriétaire , laquelle sera dans le même rapport que Vimpôt. 100. Les banquiers et négociants de spéculation ne seront point tenus de justifier dans le cens l'état des fonds qu'ils emploient, soit à la banque, soit dans le commerce etranger. Ils seront imposés à raison des richesses foncières connues s'ils en ont, tels que des vaisseaux, des magasins, des boutiques. Pour les richesses employées à la banque ou au commerce de spéculation, ils seront imposés à raison de la déclaration pure et simple qu'ils feront, c’est-à-dire, la nation recevra sans recherche le tribut qu'ils offriront à la république. Suivant notre plan de banque nationale, les banques particulières seront nécessairement très-réduites, et la nation aurait peu de tributs à tirer des banquiers. Quant aux négociants occupés du commerce étranger, ce sont des capitalistes que la moindre gêne peut rendre errants, et qu’on est trop heureux de fixer chez soi par les épargnes qu’ils finissent par employer en dépenses foncières et productives. Ce n’est, dans tous les cas, que lorsqu’ils se déterminent à dépenser sur les lieux leurs revenus qu’ils n’échappent plus à l’impôt. On peut donc établir l’impôt sans faire une in-uisition injuste et dangereuse dans les cabinets es négociants. Pour le commerce et l’industrie, on mettra dans le cens les fonds productifs réels et ostensibles, et non les capitaux représentatifs ou pécuniaires. On distinguera donc dans le commerce et l’industrie deux espèces : L’une comprendra les négociants et manufacturiers qui ont des immeubles ou des meubles productifs, tels que les magasins, les vaisseaux, les voitures, les bateaux, les métiers ; l’autre comprendra les marchands et artisans dont le détail des marchandises ou des outils n’est pas propo-sable : ces derniers seront rangés par classes, et il est présumable que dans ces états, le désir de la vogue engagera ceux qui seront dans les dernières classes à se rapprocher de la première, en sacrifiant un peu plus d’impositions. 101 . L'impôt sera donc perçu sur toutes les richesses disponibles de la culture, de l’industrie et du commerce dans une même proportion. C’est l’impôt le plus juste et le plus simple à percevoir. On a proposé un impôt territorial en nature, mais cet impôt a deux causes d’exclusion : la première, c’est qu’il est perçu en raison de tout le produit et non en raison du produit, déduction faite des frais ; d’où il suit qu’il est injuste ; la seconde, c’est qu’il crée une classe de fermiers publics, attirant une somme énorme de denrées de première nécessité et bien exposés à la tentation du monopole.D’ailleurs, pour faire payer l’impôt au commerce et à l’industrie, il a fallu imaginer un projet de timbre injuste et vexatoire. Le projet des économistes sur l’impôt n’est pas soutenable : ils croient que si l’on percevait l’impôt sur les productions de la terre, il en résulterait des changements de prix qui feraient payer l’impôt par les salariés et capitalistes. Aucun de leurs ouvrages ne prouve cette proposition, sans laquelle le système s’écroule promptement ; mais on peut leur prouver qu’elle est fausse. L’impôt proposé, en produisant une diminution de frais de perception de plus de cent millions, doit réparer le désordre des finances et établir par la suite une source de prospérité, si les mesures sont bien prises pour que le désordre ne renaisse point. 102. Il sera pris des mesures pour procurer des revenus aux villes qui n'en ont pas, surtout pour leurs pavés, pour leurs ponts, pour leurs lanternes, pour les auditoires, les hôtels de ville, les fontaines et les édifices publics qui leur conviennent, suivant leur rang et leur population. 103. Les emprunts publics seront interdits, si ce n'est dans des besoins extraordinaires et imprévus, et en prenant des mesures pour qu'ils soient promptement remboursés. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 106 [États gén. 1789. Cahiers.] 104. La dette nationale sera répartie entre les provinces en raison de leurs contributions , ainsi que l'état des remboursements des rentes perpétuelles , et il sera créé à cet effet des billets provinciaux au porteur 105. Il sera destiné des fonds pour les encouragements pécuniaires à accorder aux inventions dans les arts et métiers, dans les sciences et dans les projets de travaux publics. 106. Il sera destiné des fonds pour procurer annuellement des secours aux avariés , pourvu que les incendiés n'y soient compris que lorsqu’ils V auront été par le feu du ciel ou par leurs voisins. 107. Il sera destiné des fonds pour former des ateliers de charité. Ces fonds ne seront point accordés constamment dans le même lieu, (le peur d’y former une ressource assurée à la paresse ou à la dissipation, et d'enlever des ouvriers aux richesses foncières. Ils seront accordés suivant les besoins dont les circonstances seules déterminent la nécessité. Ils ne seront point accordés sur des contributions de seigneurs, qui entraînent une influence quelquefois contraire au bien public. 108. Il sera destiné des fonds pour préserver les vallées des inondations. 109. Il sera pris des mesures législatives pour que les lits des rivières h moulins ne s'élèvent pas insensiblement au-dessus du fond des vallées , par l'élévation des soles-gravières des meuniers ou propriétaires d'usines . 110. Il sera statué que tous les comptes publics et toutes les répartitions devront être mis sous les yeux des citoyens qui demanderont à les vérifier eux-mêmes, ou publiés par l’impression. 111. Le Roi sera confirmé dans le droit d'acquérir les terrains nécessaires pour les travaux publics utiles à la nation ou aux villes , bourgs et villages , pourvu que ces terrains soient remboursés. 112. Les travaux neufs des grandes routes, des canaux navigables, des digues , les dessèchements des marais seront exécutés par le tiers des troupes d' infanterie , et par les chevaux et voitures propres au service de l'artillerie en temps de guerre. 113. Il sera établi des écoles d’administration et de droit des gens, pour former des administrateurs et des membres du corps diplomatique. INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES Pour les députés du tiers-état de la sénéchaussée des Larmes qui seront nommés pour aller à l’assemblée des Etats généraux du royaume, convoqués par la lettre de Sa Majesté du 24 janvier 1789 et fournies par les différentes villes et communautés du siège de Saint-Sever (I). 1° Les députés demanderont qu’il soit accordé aux colons partiaires des avantages capables de relever leur courage et les attacher à leur état, comme exemption de collecte et séquestration, et qu’attendu que la milice dépeuple la campagne par l’émigration que cause cette loterie de (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Emnire. [Sén. de Dax ou des Lannes.] malheur , ils proposent de faire entretenir le même nombre d’hommes par les communautés qui, engageant pour six ou huit années, à raison de dix écus par année, comme cela se pratique dans la châtellenie de l’Isle, formeraient des troupes plus belles et procureraient la tranquillité des familles. 2° Qu’il soit procédé incessamment au partage des landes communes; conformément à l’arrêté. du conseil de 1771, et que, dans les lieux où elles ont été aliénées, il soit permis aux communautés de les racheter. 3° Que, dans les lieux où les seigneurs sont en droit ou possession de nommer les maires et ju-rats, les communautés soient autorisées à leur présenter chaque année et au jour d’usage un certain nombre de sujets parmi lesquels seulement le seigneur aura le choix; que cette présentation soit faite quinze jours avant l’époque fixée pour la nomination, et dans le cas où le seigneur ne ferait pas la nomination, que le choix soit dévolu à la communauté quinze jours après cette époque. 4° Les députés se réuniront aux autres députés du même ordre s’ils réclament l’abolition de la féodalité, et dans le cas contraire, ils offriront de racheter à prix d’argent, par convention ou à dire d’experts, les droits insolites mais justifiés de corvée, banalité, banvin et autres semblables. 5° Que les seigneurs ne pourront exiger des reconnaissances qu’à chaque mutation de seigneur, et que les emphytéotes soient autorisés à les consentir par une reconnaissance générale. 6° Que les juges des seigneurs ûe puissent connaître des causes où les seigneurs seront intéressés directement ou indirectement, quoiqu’il s’agisse de droits seigneuriaux non contestés. 7° Les députés observeront qu’indépendamment de la dîme, on exige dans certaines paroisses un droit appelé prémice, qui se prend sur les propriétaires cultivateurs ; que ce droit s’est introduit dans les siècles d’ignorance et s’est accrédité par les bulles des papes qui disaient que la prémice, tout comme la dîme, était de droit divin; que les gros décimateurs ne laissant rien aux curés desservants, pour leur subsistance, ceux-ci se sont attachés à maintenir les prémices, et que par ce moyen, plusieurs paroisses les ayant payées tandis que d’autres les ont refusées et d’autres en ont été affranchies par les arrêts des epurs souveraines, il est par conséquent de toute justice de les supprimer, et qu’il en soit fait une loi générale. 8° Les députés demanderont la confirmation et le maintien des parlements comme des corps antiques et nationaux, sans qu’il leur soit permis d’enregistrer, même par provision, les édits bur-saux et en corrigeant les abus qui peuvent s’être glissés dans l’administration et expédition de la justice. 9° Que les privilèges particuliers de la ville de Geanne soient confirmés et maintenus ainsique ceux de la ville de Bonne -Garde. 10° Les députés demanderont qu’il soit ordonné qu’on-multipliera les aqueducs dans les grandes routes et surtout dans les levées portées à une certaine hauteur, afin d’empêcher la submersion des terres. 11° Les députés demanderont que dans la ville de Saint-Sever, où, faute de palais, les audiences se tiennent dans une maison particulière, qu’il en soit construit un assorti de pièces nécessaires pour la distribution de la justice. 12° Que, dans la même ville, où les anciennes