480 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 octobre 1789.] lettre du Roi aux évêques, et pense qu’il doit exciter la reconnaissance des Français. M. l’abbé de Pradt demande qu’avant de porter un décret, l’évêque de Tréguier soit mandé. L’Assemblée décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport, décrète que M. le président écrira une lettre-circulaire aux municipalités du diocèse de Tréguier pour les inviter à la paix, les prémunir contre les insinuations que les ennemis du bien public répandent dans les provinces, et les rappeler à la confiance due au zèle et aux décrets de l’Assemblée nationale ; « Que M. le président se retirera auprès du Roi, pour lui faire connaître les troubles qui peuvent régner dans quelques parties de la Rretagne, et prier Sa Majesté de donner les ordres les plus précis aux agents du pouvoir exécutif dans les provinces, pour procurer l’ordre et la tranquillité publique, contre les projets de gens mal intentionnés. « L’Assemblée nationale décrète également que le mandement de M. l’évêque de Tréguier, ensemble les pièces et informations qui y sont jointes, seront remis au tribunal chargé provisoirement de juger les affaires qui ont pour objet des crimes de lèse-nation. » M. le Président a levé la séance, et l’a fixée à demain neuf heures du matin. ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 22 octobre 1789. M. Duport (1). Messieurs, j’avais proposé, il y a deux mois, de commencer notre travail par l’organisation des assemblées provinciales et des municipalités. Ma motion, qui a été imprimée et distribuée contient mes motifs à cet égard. L’Assemblée nationale a pensé différemment. Il faut, sans jeter d’inutiles regards sur le passé, partir du point où nous sommes, pour voir à ce qu’exigent les circonstances présentes et le temps qui doit les -suivre. Votre comité, Messieurs, vous a proposé un plan d’organisation des assemblées provinciales ; je ne m’explique point sur le mérite des combinaisons qu’il renferme, je le trouve impraticable et dangereux dans quelques circonstances. On ne sentira que trop aisément les difficultés des 80 divisions. Il serait à désirer sans doute que la France entière soit partagée, sans avoir égard aux anciennes divisions qui maintiennent l’esprit des provinces, et fortifient contre l’esprit ublic les intérêts particuliers et locaux. Il serait eureux que les habitants de l’empire oubliassent toutes ces dénominations qui les distinguent entre eux, pour ne plus se rappeler que celles qui les unissent. En un mot, qu’au lieu de Bretons et de Provençaux, il n’y ait plus que des Français. (1) La motion de M. Duport, qui est comme une suite de celte qu’il a développée le 30 septembre précédent n'a pas été insérée au Moniteur. Sans doute un gouvernement énergique (1), placé dans une Constitution libre et forte, un gouvernement, dont les peuples auraient déjà éprouvé la douceur et la bonne foi, pourrait se livrer à cette grande et brillante entreprise; mais au moment où, dans la dissolution de tous les pouvoirs, les hommes sont, comme malgré eux, entraînés vers les anciennes liaisons, qu’ils s’y rattachent plus fortement que jamais; lorsque le gouvernement n’a pas la force de les rallier à lui, et qu’il ne sait pas offrir à leurs yeux l’imposant spectacle d’une seule patrie, d’un seul intérêt, d’une grande et majestueuse association; vouloir alors rompre les seuls liens qu’ils aient entre eux, ne serait-ce pas augmenter dans tout le royaume le trouble et la confusion, fournir aux mécontents des prétextes et des occasions, et aux malintentionnés des moyens pour empêcher l’ordre de se rétablir, et cette heureuse liberté après laquelle on soupire si fortement, et dont on ne jouit qu’en vivant sous des lois justes et populaires? On peut atteindre par des moyens plus simples à une partie des avantages que présente le plan qui est proposé. Pour rendre l’administration plus facile et la rapprocher davantage des peuples, il convient sans doute de diviser quelques provinces en plusieurs chefs-lieux d’administration. Il est des provinces où ces divisions sont indiquées par la différence du sol et de la culture ; plusieurs le désirent déjà, et dans un comité composé de membres de chaque généralité, il sera aisé d’en convenir. Ce plan est simple à concevoir et simple à exécuter ; il prévient également et le retour à d’anciens privilèges et l’aristocratie des grands corps. L’on verra par la suite qu’il a l’avantage d’être réalisé dans toute la France, en peu de temps. Je passe aux véritables inconvénients du plan proposé, et aux dangers dont il menace notre liberté politique. Je les réduis à trois principaux. Le premier et le plus grand de tous, est d’avoir établi trois degrés d’élection, soit pour l’Assemblée nationale, soit pour les assemblées provinciales. Dans tous nos calculs politiques, revenons souvent, Messieurs, à l’humanité et à la morale. Elles sont aussi la base de toutes les combinaisons utiles à la société, que le fondement de toutes les affections bien ordonnées. Rappelons-nous ici le grand principe trop tôt oublié, que c’est pour le peuple, c’est-à-dire pour la classe la (1) Je suis contraint de l’avouer, parce qu’un plus long silence serait criminel. Jamais l’Etat ne pourra se relever, ni reprendre aucune énergie avec la conduite faible et équivoque des ministres actuels, remplis des anciennes idées de ministère et d’autorité, occupés à en rassembler quelques parties, au lieu de la puiser tout entière dans la Constitution même. Cherchant à augmenter les fautes de l’Assemblée nationale, exécutant avec négligence ses décrets, au lieu de ramener sur elle-le respect et la vénération des peuples, voulant se faire une sorte d’autorité morale pour l’opposer ensuite à l’Assemblée. D’autre part, ne prenant aucun parti sur les hommes et sur les choses, laissant ignorer en cela aux peuples s’ils approuvent qu’ils soient libres, ou plutôt n’attribuant leur consentement à la Constitution qu’aux circonstances qui les y obligent; en un mot, laissant par faiblesse ou par calcul le gouvernement sans force et sans couleur, afin de le tenir près de toutes les circonstances qui peuvent arriver. Le royaume, je le répète, est prêt à se dissoudre et à périr par le relâchement de toutes les parties, si au plus tôt le ministère ne change pas de conduite, ou si on ne change pas de ministère. r [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 octobre 1789.] 481 plus nombreuse de la société, que tout gouverne-[ ment est établi ; le bonheur du peuple en est le but, il faut donc qu’il influe, autant qu’il est possible, l sur les moyens de l’opérer. 11 serait à désirer qu’en France, le peuple pût choisir lui-même ses représentants, c’est-à-dire les hommes qui n’ont d’autres devoirs que de * stipuler ses intérêts, d’autre mérite que de les défendre avec énergie. � On calomnie le peuple en lui refusant les qualités nécessaires pour choisir les hommes p. publics. Les talents et les vertus qui embellissent l’humanité ne peuvent au contraire se développer, sans affecter le peuple; il est comme le terme auquel aboutissent la justice, la généro-k sité, l’humanité. Il est à portée d’apprécier ces rares qualités, non par des notions abstraites, mais par l’épreuve plus sûre de l’expérience et ' d’un sentiment personnel. Il est pourtant comme impossible, je l’avoue, * de faire concourir tous les hommes d’un pays au choix de leurs représentants, et dans les pays où la représentation immédiate est en usage, comme en Angleterre et en Amérique, on a restreint, au moins en très-grande partie, aux seuls propriétaires, la faculté d’y concourir. Cette con-v dition semble être une garantie de la bonté du choix. Nous ne sommes pas dans le cas de l’adopter pour nous, puisque l’on est généralement disposé à admettre un degré dans rélection. Là les choix s’épurent, et les reproches que l’on fait aux élections tumultuaires n’ont plus lieu. », Mais vouloir établir trois degrés pour la représentation nationale ou administrative, c’esl, à mon sens, dénaturer la Constitution qui va s’éta-r blir, en bannir tout l’esprit populaire, y substituer l’aristocratie des riches, favoriser les intri-* gués secrètes, les seules dangereuses, puisqu’elles ont pour base l’intérêt particulier. Les mandataires du peuple cessant d’être responsables de leurs choix au peuple, cessent aussi d’être mus par ces motifs d’espérance et de crainte qui les portent à le bien traiter, à être justes et bons, - généreux et humains. Et 'pour tant, lorsqu’on considère que des hommes honnêtes et éclairés diffèrent entièrement dans leurs combinaisons politiques, on se sent quelquefois moins porté à � s’y attacher, on en détourne comme involontairement ses idées ; mais il est un point où les âmes énergiques et sensibles se retrouvent, je veux dire la noble et sublime entreprise de res-k tituer au peuple ses droits, et d’améliorer le sort des campagnes. Les peuples y seront plus heureux, si les hommes riches, qui y vivent avec • eux, y sont plus humains, plus justes, plus généreux, s’ils sont forcés de leur plaire et d’en #■ être considérés. Ils seront forcés de leur plaire et d’en être considérés, si leur existence politique, les places qui permettent de figurer dans la société sont données par le peuple, et sont le * prix des soins que l’on aura pris pour s’en faire aimer. Que notre Constitution, Messieurs, ait une � base populaire, que ses principaux éléments soient calculés sur l’intérêt constant du peuple; p assez tôt comme toutes les autres, elle tendra à favoriser les riches et les hommes puissants. Le peuple dans nos sociétés modernes n’a pas le temps de connaître ses droits, il s’en remet à des k riches du soin de les défendre, et il continue à travailler pour les faire vivre. Si nous n’avions fait que changer d’aristocratie, si je voyais s’évanouir ces espérances auxquelles j’ai sacrifié mon repos, mon état, ma fortune, plus encore peut-� être. . . . 1,r* Sème, T. IX. Le second défaut du plan ne me paraît devoir être relevé que parce que quelques bons esprits m’ont semblé n’en être pas frappés. C’est à mon gré donner beaucoup de consistance à une plaisanterie, que d’obliger la nation entière d’élire nécessairement de nouveaux membres à chaque législature. Je ne parle pas ici des assemblées d’administration, car tout le monde convient qu’il est sans danger, qu’il est utile même qu’elles puissent se renouveler par tiers ou par moitié. Ainsi il n’est pas besoin de s’étendre sur cet article, je me borne à ce qui regarde les Assemblées législatives. On s’exagère beaucoup le nombre d’hommes qui dorénavant se mettront sur les rangs pour être élus et jouir deux ans seulement de l’honorable mais pénible fonction de représentant. Avant tout, l'intérêt national exige qu’il se forme des hommes publics, de ces hommes disposés à sacrifier leur repos, leur fortune, leur réputation même; qui sachent rester indépendants au milieu des séductions, préférer l’intérêt général non-seulement au leur propre, mais à celui de leur province et de leur canton. La législature autrement sera formée d’hommes indifférents, qui verront le choix qu’on a fait d’eux comme un moment heureux de leur vie, où ils quittent leur pays pour se mêler aux grands intérêts de l’empire. Cet instant ne se liera dans leur esprit ni avec leurs travaux passés, ni avec leurs occupations futures. Etrangers à la suite des affaires, n’en connaissant pas l’origine, n’en devant pas suivre les conséquences, ils ne se sentiront pas responsables du destin de la France, après avoir exercé une si courte, si faible influence ; et que peut-on attendre d’hommes pour lesquels il n’y a point de récompenses, ni de motifs de bien agir, sur lesquels l’opinion n’a pas le temps d’asseoir un jugement sain et dont les actions n’ont ni liaison, ni moralité? Dans une sage Constitution, le ministère est nécessairement uni (l). Quelle force n’aura-t-il pas contre des nouveaux individ us qui viendront sans cesse s’essayer avec eux à une lutte aussi inégale que dangereuse sans être préparés à combattre, sans être prémunis contre les dangers de la séduction et les détours de l’intrigue, sans intérêt, sans motif de les approfondir, et privés de cette confiance que donne une longue estime, l’habitude de la résistance et l’appui de l’opinion qui seules peuvent faire entreprendre des travaux importants et s’opposer avec courage aux entreprises du despotisme : le ministère commencera ses entreprises au moment où une législature lui paraîtra favorable à ses projets par sa faiblesse, et il attendra d’être délivré de ces hommes rares qu’on trouve disposés toujours à défendre les droits des peuples, et qui n’ont d’autre ambition que celle de résister à l’autorité. Ces hommes ne peuvent jamais être dangereux, puisque le peuple (lj L’espèce de liberté, dont on jouissait en France avant l’heureuse Révolution, était en grande partie fondée sur la division du ministère, comme le repos de la terre sur la guerre des tyrans entre eux. Dans une Constitution forte et libre, tout doit être ordonné pour un même but, tout doit concourir à former la même volonté. En Angleterre, les ministres sont tellement unis, que le roi est obligé de les renvoyer tous, quand il veut en renvoyer un : c’est une société d’hommes rassemblés par les mêmes vues et dans les mêmes principes. 11 n’y a point d’accord, point d’énergie, point de liberté, point de responsabilité, surtout dans une monarchie où cette maxime n’est pas | en vigueur, 31 {�2 octobre 1780.] [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. reprend si souvent le pouvoir de les juger et de les élire, ou de les rejeter. Le plan de votre comité contre le vœu de plusieurs de ses membres et l’intention de tous fortifie ainsi le ministère contre la nation. 11 ôte à celle-ci ses meilleurs défenseurs, il la prive encore de la faculté d’exprimer un vœu approbatif de la conduite de ses réprésentants, dans le cas duueto suspensif du monarque (J). Enfin, il tend à rabaisser la qualité de représentant, et en affaiblissant les motifs qui doivent la faire désirer, il détruit dans sa source l’esprit public. Ou je me trompe fort, ou si l’on est réélu alternativement, il s’établira entre tous les candidats une sorte d’arrangement et de convention tacite calculée d’après Tâge et les affaires personnelles, afin que chacun puisse à son tour, et une fois dans sa vie, être représentant, et l’on prendra des rangs comme pour une cérémonie. La législation, fruit de cette combinaison, sera continuellement variable, disparate, changeante, incapable de donner à la nation un caractère grave et posé, et de lui imprimer ces habitudes profondes qui seules dénotent un véritable esprit national et le vrai sentiment de la liberté. L’aristocratie des hommes puissants, que l’on semble vouloir éviter par ce projet, n’est point à craindre lorsque la représentation sera égale et les élections fréquentes. Je vois au contraire avec plaisir des hommes considérables parmi les représentants de la nation, mais je veux que choisis par le peuple, ils en aient toujours les intérêts devant les yeux et les droits dans le cœur. Je ne dirai qu’un mot sur le troisième défaut que je reproche au plan du comité de Constitution. C’est d’avoir attaché au payement d’un impôt direct une des conditions de l’éligibilité. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit plus haut. Je pense que si la représentation était immédiate, il faudrait, pour être électeur, non-seulement payer un impôt direct, mais jouir d’une propriété. Cela n’est pas nécessaire lorsqu’il y a deux degrés dans l’élection. Cette observation me paraît d’une grande importance. En voici une à laquelle je ne vois point de réponse. On exige pour être électeur et éligible de payer un impôt direct. La capitation est un impôt direct, chaque législature pouvant changer le mode de l’impôt, créer ou détruire la capitation, peut par conséquent donner ou ôter à son gré à une partie des citoyens le droit d’élire des représentants. Il est pourtant évident que ce droit étant constitutionnel ne peut être changé par une simple législature, et que d’ailleurs Je droit politique le plus précieux, le seul qui appartienne vraiment au peuple, ne peut pas être remis aux hasards ou aux calculs des combinaisons économiques. Au nombre des défauts du plan proposé, je n’ai point parlé de la difficulté, je dirais presque de l’impossibilité de le mettre à exécution. Il faut bien néanmoins s’y arrêter puisque inutilement le projet serait-il excellent, s’il ne pouvait pas être rempli. Je m’explique et je demande un moment d’attention. Il faut établir promptement des assemblées provinciales; il faut dans les distributions des cantons, des municipalités, se prêter à toutes les convenances qui ne gênent point la marche générale des affaires et l’esprit national. Pour arriver (1) Cette observation mérite d’être méditée avec ut tention ; puisque la réélection des représentants paraît être un des principaux ressorts de la Constitution. à ce double but, ii faut, ce me semble, se borner aux divisions les plus simples et les plus faciles. Ainsi je propose, qu’après avoir réglé toutes les conditions de l’éligibilité, l’on nomme un grand comité composé de membres de toutes généralités, où l'on détermine les divisions qui se sont jugées possibles ; que l’on décrète l’établissement de ces divisions ; que chaque village ou paroisse soit chargé de nommer trois membres indistinctement, pour se rendre à un certain point d’arrondissement qui sera désigné; que là, on nomme un député sur quarante, pour composer l’assemblée provinciale que j’appellerai constituante, et qui sera effectivement divisée eu deux sections; une première pour l'administration provisoire de la province, et l’autre pour constituer les municipalités et régler les districts, selon les règles que nous leur fournirons. Le pouvoir exécutif serait chargé de ces dispositions provisoires, à peu près dans la forme par laquelle nous avons été nommés. Lorsque vous aurez, Messieurs, des assemblées provinciales, alors vos décrets pourront recevoir leür exécution, et l’organisation des municipalités pourra non-seulement s’opérer, mais encore recevoir toute la perfection possible. Les règles principales d’après lesquelles elles doivent être formées, me paraissent celles-ci : li convient, je pense, d’établir 240 districts, lesquels seront répartis inégalement entre les assemblées provinciales qui seront formées, et ce à raison de la population seulement ; chaque district enverrait 3 députés à l’Assemblée nationale et 15 à l’assemblée provinciale. Au-dessous de chaque district, il y aurait autant de municipalités formées qu’il y aurait de citoyens votants environ, de telle sorte qu’aucune municipalité ne pût être de moins de 800, ni de plus de 1,600 votants. En supposant, ainsi que les auteurs du plan de la Constitution, environ 4,400,000 votants, cela ferait 1,000 par municipalité, l’envoi d’un individu sur 25, ferait dans chaque district environ 800 votants , nombre qui me paraît convenable pour avoir une élection libre et populaire. Quant aux villes elles ne formeraient qu’une seule municipalité, quel que soit le nombre de leurs citoyens votants ; mais comme elles ne représentent jamais, relativement aux campagnes, qu’un seul et unique intérêt, il serait juste d’affaiblir un peq la proportion dans laquelle elles devraient fournir à la représentation du district. J’omets ies détails, parce que je n’ai pas le loisir de ies développer, et parce que je neveux m’occuper que de ce qui distingue ce projet de celui du comité. L’idée fondamentale, comme on le voit, la seule vraiment différentielle, est, qu’après avoir déterminé ici le nombre des assemblées provinciales, ainsi que le nombre des districts qu’elles doivent renfermer, suivant ies tables exactes dépopulation que le ministère a rassemblées depuis longtemps, je laisse tout le reste ï faire aux provinces, en leur prescrivant seulemen les règles suivant lesquelles elles doivent se conduire. Paria, j’abrège infiniment le travail, avantage précieux en ce moment; je ne crains poin de choquer des convenances topographiques ou mo raies ; enfin, j’use d’uu moyen plus analogue à h disposition présente des esprits, qu’il faut subjuguer quand le salut public l’exige, mais auque il faut savoir subordonner des vues qui ne tiennent qu’à l’idée abstraite de la perfection. Vous réglerez ensuite, Messieurs, et j’ose dire à votre aise, les fonctions diverses et tes rela lions de toutes ces assemblées entre elles ; mais [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 483 vous ne pouvez trop vous hâter, déjà des moments précieux sont perdus. i - * ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU. ; Séance du vendredi 23 octobre 1789 (1). > La séance a commencé par la lecture du procès-y verbal de la séance d’hier, et par celle de diverses adresses de villes et de communautés qui adhèrent aux différents décrets de l’Assemblée nationale. Adresse de la compagnie des volontaires de Chinonen Touraine, qui présentent à l'Assemblée leur hommage respectueux, et un zèle toujours " actif pour le maintien de l’ordre et de l’exécution jm de ses décrets ; de quelques religieux bénédictins P de l’abbaye de Cluny, qui adhèrent aüx offres faites par plusieurs de leurs communautés d’abandonner à l’Etat les biens qu’elles possèdent; des marches-communes de Poitou et de Bretagne, qui font en conséquence l’abandon des privilèges pécuniaires dont elles jouissent, mais supplient l’Assemblée de leur conserver leur existence indépendante du Poitou et de la Bretagne, offrant V de se conformer avec respect à la forme d'administration qu’elle établira pour les assemblées - provinciales et les municipalités; de la communauté de Beaumen en Périgord, contenant son adhésion aux décrets de l’Assemblée, des observations sur les inconvénients que lui présente le projet de l’ancien comité de Constitution sur un nouvel ordre judiciaire, la demande d’une justice royale et d’une brigade de maréchaussée; de la communauté de Saint-Etienne Roqueversière de Valfrancesque, diocèse de Mende en Languedoc, contenant remerciement et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale ; et de la ville d’Issoire en Auvergne, où elle adhère avec empressement anx décrets de l’Assemblée, qui soumettent chaque citoyen à donner à l’Etat le quart de son revenu d’une année, et invitent les églises à porter à la -, monnaie le superflu de leur argenterie. Elle annonce qu’elle a déjà nommé des commissaires � pour dresser le procès-verbal de l’argenterie qu’elle va envoyer à l’hôtel des monnaies de la ► ville de Paris. Elle demande une justice royale de second ordre. M. Camus fait un rapport sur l’organisation des bureaux de l’Assemblée. * L’Assemblée nationale occupait trente-huit . commis; par esprit d’économie, M. Camus propose � d’en retrancher onze. Chaque -commis est aux appointements de 200 livres par mois : il propose de réduire les plus utiles et les plus intelligents à 150 livres, et de diminuer graduellement les appointements des autres, à raison de leurs •talents et de leur intelligence. ► Ces dispositions éprouvent quelques critiques. On oppose la justice à l’économie, le bien du * service à la parcimonie des réductions . Néanmoins le décret est adopté. Les commis seront dans la dépendance de deux inspecteurs tirés du sein de l'Assemblée, et qui .seront nommés demain. Les huissiers sont réduits à 120 livres, au lieu de 150 livres, et le nombre fixé à huit. On lit une lettre du comité d’Alençon relative à l’affaire de M. le vicomte de Garaman. Elle est ainsi conçue : « Nosseigneurs, s’il est possible que l’empressement à remplir ses devoirs puisse jamais occasionner des regrets* nous osons dire que dans cet instant nous éprouvons la peine la plus sensible de n’avoir pas cru pouvoir différer à vous envoyer une procédure que les circonstances nous avaient forcés de faire contre le vicomte de Caraman et les chasseurs de Picardie. Un événement malheureux ayant fait naître des inquiétudes sur le compte de cette troupe, l’alarme étant devenue générale, on a suivi peut-être trop promptement le parti d’une défiance mutuelle ; on a cru devoir approfondir des soupçons que les apparences changeaient en réalité ; les précautions les plus sérieuses ont précédé les informations; mais des explications, que l’agitation des esprits n’a pu permettre qu’après un certain temps, nous avons passé à cette estime réciproque que nous devions toujours conserver ; il ne nous reste plus qu’un vœu, et nous sommes persuadés que vous daignerez l’exaucer. « Tous les jours il arrive quë les amis les plus étroitement unis se trouvent malheureusement compromis, et plus on s’est estimé, plus les sentiments opposés succèdent promptement. Quand on croit avoir été dans l’erreur les uns vis-à-vis des autres, n’est-il pas naturel, lorsque la vérité paraît, de revoir ces sentiments antérieurs reprendre plus de force que jamais, et de n’éprouver que le désir de pouvoir effacer jusqu’à la moindre trace de désunion? « Telle est la position de la ville d’Alençon et des chasseurs de Picardie. La réconciliation la plus touchante, les plus tendres effusions ne nous laissent plus d’autres impressions que celles de la plus tendre amitié et de la plus parfaite estime. « Nous espérons que la France ne verra pas sans édification que nous regretterions amèrement qu’on pût connaître quels ont été les torts des uns et des autres. « Faits pour maintenir cette paix et cette concorde, les plus fermes appuis des lois qui occupent tous vos moments précieux, nous espérons que le paquet que nous vous avons envoyé, et qui contient la procédure, sera entièrement anéanti, et qu’il ne sera plus question que de faire connaître l’heureux accord qui règne parmi nous. « Encore une fois, si quelques-uns de nous sont tombés dans l’erreur* si cette erreur est la cause de nos malheurs, nous désirons que le sujet en soit ignoré ; c’est la plus grande preuve que nous puissions donner de l’estime et de l’amitié réciproques qui doivent garantir pour toujours d’un événement aussi funeste. La ville comme la troupe se réunissant pour vous adresser cette prière, elle ne peut manquer d’être accueillie. « Nous sommes, avec un très-profond respect, vos très-humbles et très obéissants serviteurs. Lesmembres composant le district d’Alençon, etc.» Cette lettre sera imprimée, et M. le président est autorisé à écrire à la ville d’Alençon une lettre de félicitations. M. le coukte de Dortaii rappelle lâ motion ajournée de M. de Castellane relativement aux prisonniers actuellement détenus par lettres de cachet, et représente que puisque l’Assemblée ne peut s’en occuper en ce moment, il serait à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.