[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [20 novembre 1790. J 557 Regard, officier municipal, président ; Pascal, secrétaire-greffier. Collationné: Pascal, secrétaire-greffier. On reçoit à la barre une députation des administrateurs du département de la Haute-Garonne. M. Pérès de Lngesse porte la parole: « Nous venons dénoncer à l’Assemblée nationale une lettre incendiaire de M. l’évêque de Mirepoix, qui prêche ouvertement la rébellion contre vos décrets. Le chapitre de Toulouse, auquel cette lettre a été envoyée, a déjà fait entendre des protestations. On emploie tous les moyens pour provoquer la désobéissance du peuple contre vos décrets sur laGonstitution civile du clergé. Si l’Assemblée le désire, nous lui lirons la lettre de M. l’évêque de Mirepoix, etc. » Plusieurs membres demandent le renvoi au comité des recherches. M.Treilhard. Les comités ecclésiastique, des rapports et des recherches sont déjà saisis de cette affaire. Je demande que vous les chargiez de vous en faire incessamment le rapport. (L’Assemblée ordonne le renvoi aux comités réunis des recherches, des rapports etecclésiastique.) II est donné lecture d’un arrêté du département de la Gôte-d’Or sur la déclaration de l’évêque de ce département, en réponse à la lettre que le directoire du district de Dijon lui avait adressée, relativement à l’organisatiou civile du clergé, ainsi qu’à la nouvelle circonscription du diocèse et au placement du séminaire; déclaration de laquelle il résulte que ledit sieur évêque se refuse d’exécuter les décrets de l’Assemblée, et, par ce refus, retarde et enchaîne l’activité du corps administratif. (L’Assemblée renvoie le tout au comité des recherches.) Ensuite sont introduites et reçues successivement à la barre différentes députations. La première, de la commune de Pontoise, qui prononce le discours suivant : « Messieurs, les citoyens de Pontoise, réunis pour la nouvelle élection des officiers municipaux, et la société des amis de la Constitution de cette ville, instruits que, par une suite de ces complots ténébreux qui se trament tous les jours contre la Constitution, la vie de ses défenseurs se trouve menacée, et que dernièrement encore le sang d’un de ses plus généreux soutiens a coulé, viennent, dans leur douleur profonde, réclamer la justice et la sévérité des lois contre le duel, cette production monstrueuse de la féodalité et de l’ancienne barbarie. Quoique prévenus dans l’expression de notre vœu par nos frères de Paris, nous ne craignons pas, en l’exposant, de faire perdre à l’Assemblée le temps qu’elle consacre au bonheur de la France. Que deviendraient ces droits sacrés que vous avez rendus à l’homme, si l’on pouvait impunément attaquer sa personne, et que deviendrait le bel édifice de la Constitution, si les ennemis du bien public pouvaient à leur gré saper ses principales colonnes? « Convaincus, Messieurs, de la sagesse qui dicte vos décrets, nous attendons avec confiance qu’une loi constitutionnelle réprime cette fureur, qui, plus que jamais, fait gémir la patrie. Ce sera un droit de plus à la reconnaissance éternelle que vous ont méritée vos immortels travaux. Signé : La Croix, prêtre , président de la section de Notre-Dame; M. Barré Saint-Ange, secrétaire de la section de Notre-Dame. Threillier, président de la section de Saint-Maclou ; Prolin, secrétaire de la section de Saint-Maclou. » (Cette députation dépose sur le bureau des secrétaires son discours, ensemble l’arrêté de la commune dudit Pontoise.) M. le Président répond : « L’Assemblée nationale reçoit fréquemment des pétitions semblables à celle que vous venez lui offrir ; mais, loin d’en être attiédie, son attention n’en fait qu’augmenter. L’objet sur lequel vous arrêtez ses regards est de la plus haute importance. C’est avec une vraie satisfaction qu’elle voit le même esprit se propager, et préparer d’avance une loi qui doit influer autant sur l’opinion que sur les actions. Elle prendra en considération votre demande: elle vous permet d’assister à sa séance. » La seconde députation de la garde nationale de Sèvres, qui, après avoir protesté de son respect et de son dévouement pour l’Assemblée nationale, et de sa résolution de verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le maintien de la Constitution, dépose sur le bureau des secrétaires une somme de 273 liv. 4 sols, pour être distribuée aux veuves et orphelins des malheureuses victimes qui ont péri sous les murs de Nancy. « C’est le denier de la veuve, dit cette députation, mais il est offert de bien bon cœur. » M. le Président répond: « L’Assemblée nationale ne peut qu’applaudir au dévouement et à la générosité de la garde nationale de Sèvres ; elle vient de vous en convaincre par des expressions non équivoques, et elle vous offre les honneurs de la séance. » (L’Assemblée ordonne d’ailleurs que ladite somme de 273 livres 4 sols sera remise aux députés du département de Nancy, pour, par les administrateurs de ce département, être distribuée suivant sa destination.) La troisième députation, du département de Seine-et-Oise : elle sollicite des secours pour ce département, dont les besoins sont on ne peut plus multipliés et très pressants. L’orateur de la députation dit : « Sur cinq cent mille âmes qui forment la population de notre département, nous avons aujourd’hui cinquante mille citoyens sans travail par la cessation des dépenses que les dilapidations de la cour permettaient autrefois aux riches. Ces infortunés attendent de vous des secours dans la misère où les ont réduits les pertes momentanées que leur a fait essuyer la Révolution : ils ont votre humanité, ils ont vos décrets pour garants du succès de leurs demandes. Notre département entier offre le spectacle de la détresse la plus profonde. Chaque jour nous sommes accablés de réclamations, nos séances sont troublées par les lamentations des malheureux; ils meurent de faim. La sûreté publique, l’achèvement de la Constitution exigent impérieusement que vous leur donniez des secours. Il est dans notre département une infinité de travaux utiles à l’agriculture qu’on pourrait entreprendre, des grandes routes, des canaux, des établissements publics, et l’intérêt général et l’intérêt particulier se réunissent pour en faire apercevoir l’utilité. C’est à des travaux de ce genre que doivent être désormais employées les sommes que les dilapidations du Trésor public faisaient autrefois servir à des tra-