393 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] perdrix, transporte ses élèves dans des boîtes avec des poules, dans les pièces de grains des particuliers, et malgré eux, depuis la mi-juillet jusqu’au jour indiqué pour la première chasse de Sa Majesté qui ignore cette vexation, ce transport et les soins qu’exige ce gibier qui ne vit pendant ce temps qu’aux dépens des cultivateurs, exposent leurs grains à être foulés et mangés ; et après la moisson, les légumes des marais et jardins sont la proie d’une quantité prodigieuse de faisans et perdreaux. Le cultivateur n’a point la liberté de nettoyer ses grains, à cause de l’intervalle prescrit par l’ordonnance de la capitainerie. Cet intervalle, fixé pour les blés d’hiver jusqu’au 1er mai , est toujours insuffisant, et surtout dans les années tardives, et fait le plus grand tort à l’agriculture, la première richesse de l’Etat. Tandis que dans les autres lieux situés hors la capitainerie, les propriétaires peuvent faucher et récolter leurs luzernes au moment de leur maturité, les habitants de Chambourcy sont forcés, par les ordonnances, d’attendre au 15 de juin pour faucher lesdites luzernes qui, à cette époque, sont à moitié brûlées ou gâtées, si le temps a été trop sec ou trop pluvieux. Enfin le territoire de Chambourcy, se trouvant situé entre deux forêts et deux vignobles considérables, nourrit toute l’année dans ses deux plaines une quantité prodigieuse de pigeons qui viennent des forêts voisines et de tous les colombiers des autres villages; le dégât qu’ils causent, soit durant la semence, soit avant la récolte des grains, est très-considérable ; il est encore augmenté par une quantité prodigieuse de toute espèce, que le propriétaire est obligé de souffrir, n’ayant pas la liberté de se servir des moyens employés dans les autres provinces pour la destruction de ces oiseaux qui font aux moissons et aux fruits un tort infini. Cette malheureuse paroisse étant donc exposée aux dégâts du gibier et autres animaux nuisibles, privée de la liberté dont on jouit dans les autres provinces, soit de clore les terres, soit de les façonner et récolter dans les temps convenables, paye encore 4,036 livres pour sa taille et impositions accessoires; cette contribution est d’autant plus au-dessus de ses forces, que le produit de ses terres dévastées par le gibier est très-modique. Tous les habitants assemblés demandent unanimement le redressement des griefs différents exposés ci-dessus, et qui forment le présent cahier de leurs plaintes et doléances, qu’ils ont signé pour valoir ce que de raison, à Chambourcy, ce 16 avril 1789. Signé Frichot, syndic ; Bourgeois ; Gallois ; Terrier; Jean-Louis Bourgeois; J. -G. Arnoult; L. Mignot; J. -B. Feret; J. Lamy; Saturnin Prunier; J. Lucas; Jacques Richard; S. Rousselle; Jean-Baptiste Philipart; Philippe Rousselet; Saturnin Fournier; Barbier; J. Prunier; Fleury; Jean-Louis Lamy; Louis Arnoult Bourgoin; de Nogent, et Rimbault, procureur fiscal. Plus, en notre présence, les habitants ont ajouté à leurs doléances ce qui suit : « Que leurs députés feront parvenir aux Etats généraux la demande qu’ils font que, vu le prix énorme du blé, l’exportation en soit absolument interdite à l’avenir, à moins que lesdits Etats généraux ne soient instruits que le prix de celte denrée précieuse n’excède pas 24 livres le setier. » Signé De Nogent. CARIER Des doléances et demandes des habitants de la paroisse de Notre-Dame de Champcueil, dans le duché de Villeroy , en exécution de la lettre du Roi et règlement y annexé pour la convocation des Etats généraux ; ledit cahier fait en l’assemblée desdits habitants, tenue le jeudi 16 avril 1789 (l). Les habitants de la paroisse de Champcueil, sensibles aux vues bienfaisantes du Roi, regardent l’extinction des privilèges comme une époque heureuse pour les cultivateurs, si, comme il y a tout lieu d’espérer, on s’occupe des moyens qui peuvent conduire à une répartition juste de l’impôt unique qu’ils demandent; ils pensent que,' pour y parvenir, l’arpentage inglobo , provenant de l’intendance, ne pouvant être d’aucune utilité, il sera indispensable d’en ordonner un bien fait et détaillé, avec un plan où chaque pièce numérotée indiquerait à la table le nom de propriétaire, lequel plan, déposé au greffe de la municipalité, serait consulté en cas de discussion et éviterait des procès qui ne sont que trop fréquents en pareille circonstance. Ils croient encore qu’il serait convenable que des laboureurs honnêtes et connaisseurs accompagnassent l’arpenteur dans chaque chantier, pour les distinguer par les qualités bonnes, médiocres et mauvaises, en estimant même quel peut être, année commune, le produit de chacun d’eux. Il y en a plusieurs qui sont exposés au délit du gibier, mais ils espèrent que leurs représentants aux Etats généraux s’occuperont des moyens d’abolir ce fléau de l’agriculture, d’autant plus à charge aux pauvres cultivateurs, qu’ils n’ont pas le moyen d’obtenir, en justice réglée la restitution des” dommages qu’ils éprouvent. La paroisse, située dans une plaine dominée par des montagnes, est très-exposée aux inondations lors de la fonte des neiges ou d’un orage considérable. Malgré les précautions que les habitants prennent alors en élevant les terres devant leurs demeures, l’eau a monté dans leurs maisons jusqu’à leurs lits, et plusieurs familles auraient péri cet hiver, si la fonte des neiges eût été accompagnée d’une grosse pluie ; il ne faudrait, pour parer l’accident dont ils sont menacés par leur situation, que l’établissement d’une vidange qui ferait couler l’eau dans une autre vidange au-dessous du village ; mais comme elle ne peut se faire que sur le terrain du seigneur, ils n’ont pas le pouvoir de l’y établir. Les habitants du hameau de Beauvais, composé de cinquante-six feux, situé dans cette paroisse, au penchant d’une montagne, n’ont qu’un puits très-profond -et manquent souvent d’eau pour abreuver leurs bestiaux. Il serait facile d’v remédier en rétablissant en bon mortier de chaux et de ciment les murs d’une mare qui contiendrait beaucoup d’eau ; si, en faisant cette réparation, on établissait au fond un lit de glaise bien corroyée, revêtu d’un bon pavé qui empêcherait les eaux de filtrer dans les terres, cette réparation peu coûteuse leur serait de la plus grande utilité. Dans le cas où le gouvernement ne pourrait s’occuper en détail des besoins de cette paroisse, aussi essentiels, il pourrait lui abandonner l’argent que les habitants payent pour les corvées, à l’effet d’opérer sous les'yeux d'un préposé des ouvrages si indispensables. Les gros et petits laboureurs de cette paroisse ont fourni par corvées leurs voitures, à l’effet (1) Archives de l’Empire. 394 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs. ] d’approcher les matériaux qui ont servi à l’établissement d’un chemin pour le débouché du Gâtinais à Paris. Ce chemin est fait depuis Men-necy jusqu’à Chevannes, distant d’une demi-lieue de Champcueil ; on ignore encore la direction future de ce chemin. Elle serait plus courte si on le faisait passer par Champcueil, Loutteville et Beauvais, hameaux de cette paroisse; et l’on rendrait un grand service à tous les habitants par le débouché facile qu’on procurerait à la vente de leurs denrées. Ils espèrent que le gouvernement voudra bien favoriser leurs vœux pour un objet aussi utile. La milice est un des plus grands fléaux de la campagne; la classe la plus malheureuse, qui souvent ne peut payer une faible taille, lorsqu’il est question de faire tirer ses enfants au sort, emprunte, vend même une grande partie de son nécessaire, pour faire mettre dans la bourse destinée au milicien environ 10 écus à chacun de ses enfants. Cette loterie, qu’aucune autorité ne peut empêcher, est si à charge aux gens de la campagne, qu’il n’est point de garçon en état de tirer au sort, qui ne donnât volontiers au gouvernement 3 livres tous les ans pour s'en affranchir; avec le produit de cette taxe, le Roi aurait des soldats de bonne volon té et n’épuiserait point les campagnes de gens qui, dès leur enfance, sont voués aux travaux les plus pénibles et les plus utiles. Le prix excessif auquel les blés sont portés cette année font désirer que cette nourriture de première nécessité soit fixée dans des années de disette à un taux au-dessus duquel on ne pourrait la vendre. Mais pour cette opération il ne faudrait admettre dans tout le royaume que les mômes poids et les mêmes mesures. Les bontés du Roi pour les gens de la campagne sont si manifestes, qu’ils croient répondre à ses vues paternelles, en exposant aux yeux du gouvernement le sort des mères qui, dans des accouchements difficiles, sont si vivement enlevées à leurs familles, par l’ignorance des sages-femmes, ou qui, si elles ne le sont pas, restent estropiées, infécondes et incapables de travailler. On pense qu’il serait possible de remédier à des pertes si importantes en choisissant dans chaque paroisse une femme ou une fille qui se sentirait disposée à l’état de sage-femme, pour lui faire faire, aux dépens de gouvernement, un apprentissage de six mois à l’Hôtel-Dieu de Paris; après quoi elle gagnerait sa vie en exerçant ses fonctions dans son pays. Il existe encore dans les villages un abus énorme dans ce genre, par l’impéritie des chirurgiens. Il serait bien important que des gens instruits dans cette partie voulussent indiquer les moyens de remédier à un abus dont les conséquences sont si funestes. Depuis plusieurs années les gens de la campagne n’ignorent pas un projet essentiel à leur bonheur, émané de la bonté du Roi, pour opérer une diminution considérable dans le prix du sel ; les habitants de cette paroisse espèrent qu’il ne tardera pas à se réaliser, et demandent avec instance que leurs représentants fassent sentir toute l’importance de cet objet, tant pour eux que pour leurs bestiaux. Les droits des aides pèsent tellement sur tous les citoyens des villes et des villages, qu’il n’est qu’un vœu pour en demander la suppression; et Ton pense que, si la nouvelle forme des impositions n’était pas suffisante pour se passer du produit d’un droit si odieux et si contraire à la liberté des citoyens et du commerce, il serait convenable d’en imposer l’équivalent sur tous les fonds, et non pas, comme quelques-uns l’ont pensé, sur les vignes seulement, qui, chargées d’un impôt trop considérable, deviendraient à charge aux propriétaires, lesquels adopteraient une autre culture, d’où il résulterait les plus grands inconvénients. Les habitants de cette paroisse, témoins des efforts de leur pasteur pour secourir les malades et ceux qui manquent de pain, voient avec peine que son revenu ne peut suffire pour donner à tous les secours nécessaires. Quelques-uns l’ont aidé à procurer les plus indispensables, et font des vœux pour que le gouvernement s’occupe des moyens de diminuer les revenus immenses du haut clergé et de bonifier ceux des curés, qui, connaissant les besoins de leurs paroissiens, gémissent souvent de ne pouvoir donner que des larmes à des êtres infortunés qu’ils regardent comme leurs enfants. Cette classe du clergé, si utile et si respectable par ses fonctions, pourrait être encore plus respectée et plus chérie si l’on arrangeait les choses de manière que les curés n’eussent point de dîme à lever sur leurs paroissiens, aucuns droits à recevoir d’eux pour les fonctions de leur ministère. Ils seraient alors des pères de grandes familles qui n’auraient rien à demander et tout à donner au besoin. Les habitants de Champcueil ne peuvent ajouter à ce cahier que l’expression des vœux les plus ardents pour la prospérité du Roi et de l’Etat, et adressent par leurs représentants aux Etats généraux, les plus vifs remercîments à M. Necker, le génie tutélaire de la France. Signe Jean Menet, syndic ; Millon; Hautefeuille; Chapuis ; Courrié ; Maréchal ; Pierre Gourlin ; Brierre; Charpentier ; Leroy ; Jauvin ; Goyard, greffier; Blanchard de Boismursas; Louis Millon; Blanchard, curé, et Aubin. CAHIER De représentations et doléances de la paroisse de Champigny-sur-Marne (1). Art. 1er. Supplier Sa Majesté d’établir dans ses finances et dans les charges de l’Etat une administration fixe et économique, afin que son peuple, et particulièrement les cultivateurs et gens de la campagne y trouvent, le plus tôt qu’il sera possible, un soulagement sur les impositions multipliées dont ils sont surchargés sous différents titres, comme tailles, ustensiles, vingtièmes, corvées, droits d’aides, gabelles et autres. Art. 2. S’en rapporter à la sagesse des Etats généraux, pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, la prospérité du rovaumeet le bien de tous et de chacun de ses sujets. Art. 3. Demander que la contribution que chaque paroisse sera obligée de fournir annuellement par la voie d’une seule imposition, soit répartie sur la totalité des biens qui en dépendent, sur le commerce et sur ceux qui vivent de leurs revenus, sans aucune exception, soit à titre de privilège ou autrement, ces privilèges étant au détriment de la classe la plus malheureuse du peuple, particulièrement des cultivateurs et des gens de la campagne. Art. 4. Demander aussi qu’à l’effet de la perception de la somme qui sera imposée sur chaque paroisse, pour tenir lieu de tous droits quelconques, il soit fait une nouvelle et juste réclamation par les propriétaires des biens dont ils sont possesseurs. (1) Archives de l’Empire ,