SÉANCE DU 27 THERMIDOR AN II (14 AOÛT 1794) - N°s 28-30 73 quoi la Convention rend le décret suivant : La convention nationale, sur la pétition de la commune de Vénizy, département de l’Yonne, convertie en motion par un membre, décrète le renvoi de cette pétition au comité des domaines, et le sursis jusqu’au rapport, à l’expédition du jugement du tribunal du district de Mont-Armance, qui condamne cette commune en 2 000 liv. d’amende (1). 30 En exécution du décret prononcé dans la présente séance, portant renvoi au comité de salut public de la lettre du citoyen James Monroe, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique, Un membre de ce comité [ESCHASSE-RIAUX aîné] monte à la tribune et fait un rapport sur le mode d’admission de ce ministre plénipotentiaire; il donne lecture de ses lettres de créance (2). ESCHASSÉRIAUX : Citoyens, le ministre d’un peuple libre se présente devant vous et vous demande de faire reconnaître son caractère auprès de la nation française. Vous avez renvoyé à votre comité de salut public pour vous présenter ses idées sur le mode de le recevoir. Citoyens, nous n’avons trouvé d’autre mode que celui de l’amitié et de la fraternité, qui est le caractère d’une nation libre. La chute du trône du tyran a entraîné dans ses décombres la vieille diplomatie et la tradition de toutes ces cérémonies, ridiculement fastueuses, qu’avoit inventées l’orgueil des courtisans : la véritable diplomatie des peuples est dans leur défense réciproque et dans les communications et les bienfaits du commerce. Laissons les despotes mettre toute leur gloire et leur grandeur dans une vaine représentation. La majesté d’un peuple libre est simple et fière comme la liberté. Le premier aspect qui se présentoit autrefois à un ministre étranger envoyé en France étoit une cour corrompue et d’orgueilleux esclaves : il étoit environné aussitôt de tout ce qui rampoit aux pieds du maître. Un tyran caressoit en sa personne l’orgueil d’un autre tyran. L’amitié, la franchise, un peuple libre et ses représentans, voilà le spectacle que nous devons offrir au plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique. Une place publique où étoient les citoyens, le temple des lois où siégeoit le sénat, étoient les endroits où l’on recevoit les ambassadeurs chez un grand peuple : telles doivent être nos idées républicaines sur l’admission d’un ministre. C’est en vain que les despotes se coalisent; un pacte d’amitié et de puissance va commencer entre les peuples libres; la fraternité va se rapprocher pour le bonheur du monde. Que le ministre des Etats-Unis vienne donc jurer au milieu des représentans de la nation française la confirmation de cette alliance fraternelle qui doit faire triompher la liberté; qu’il soit admis (1) P.V., XLIII, 224-225. Rapport signé de Jeannest. Décret n° 10 399. M.U., XLII, 461. (2) P. V. , XLIII, 225. au milieu de nous comme un ami; que toute orgueilleuse cérémonie disparoisse dans un moment où les âmes de deux peuples républicains se correspondent et s’unissent; que l’amitié soit le seul introducteur; qu’au sein de la Convention nationale, après avoir exposé sa mission, il reçoive du président l’expression des sentimens fraternels de la nation française et du désir de former une alliance qui soit le commencement de l’affranchissement du genre humain. Voilà, citoyens, ce que votre comité de salut public vous propose (1). [Vifs applaudissements ] On demande une nouvelle lecture de la lettre du ministre plénipotentiaire; elle est relue, on en ordonne l’insertion au bulletin. ESCHASSÉRIAUX donne ensuite lecture de la lettre de créance du président des Etats-Unis. On en demande également l’insertion au bulletin; on observe que ce ministre doit présenter lui-même cette pièce à la Convention (2). MATHIEU propose d’ajouter que le rapport d’Eschassériaux sera inséré dans ce procès-verbal. - Adopté. On demande ensuite que le jour et l’heure de l’admission du ministre des Etats-Unis soit fixée (3). Sur ce rapport, la Convention nationale décrète : ART. I. Le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis sera introduit au sein de la Convention nationale; il présentera l’objet de sa mission : le président lui donnera l’accolade fraternelle, en signe de l’amitié qui unit le peuple américain et le peuple français. ART. IL Le président de la Convention écrira au président du Congrès américain, en lui envoyant le procès-verbal de la séance. Ensuite, sur la proposition faite de fixer le jour et l’heure de l’admission du ministre plénipotentiaire des Etats-Unis, La Convention nationale décrète que le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique sera admis au sein de la Convention demain à deux heures (4). [ Vifs applaudissements ] La séance est levée à 4 heures et demie (5). Signé, Mollevaut, Delecloy, Delaunay, Poisson, Derazey. (1) B ", 27 therm; Moniteur (réimpr.), XXI, 496; Débats , n° 694, 488-489. (2) F.S.P. , n° 406; J. Fr., n° 690; Rép. , n° 238; J. univ. , n° 1726. (3) Rép. , n° 238; Audit, nat. , n° 690. (4) P.V. , XLIII, 225. Décret n° 10 400 (portant que le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis sera introduit à la Convention), rapporteur : Eschassériaux l’aîné. Décret n° 10 401 (précisant l’heure), rapporteur : Le Vasseur (de la Meurthe). Reproduit dans Bm , 27 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 496; Débats, n° 693, 482; J. Fr., n° 689; J. Mont., n° 107; J. Sablier, n° 1500; Ann. patr. , n° DXCI; J. Perlet, n08 691, 692; C. Eg., n° 726; J. Paris, n° 592; Ann. R.F., n° 256. (5) P.V., XLIII, 225. P.-V. rédigé en exécution du décret du 3 brumaire an IV. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372.