96 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i ” frimaire an il L J (7 décembre 1793 PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCÈS - VERBAL, MAIS QUI SE RAPPORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAPPORTER A LA SÉANCE DU 17 PRI¬ MAIRE AN D (SAMEDI 7 DÉCEMBRE 1793). I. Une députation de la commune de Paris PRÉSENTE A LA CONVENTION LE CITOYEN PiCAULT, POSSESSEUR D’UN SECRET POUR RESTAURER LES TABLEAUX (1). Suit le texte de l'adresse de la commune de Paris d'après un document des Archives natio¬ nales (2). A la Convention nationale. « Le 17 frimaire l’an II de la République française. « Citoyens législateurs, « Nous ne venons point vous entretenir de l’excellence des beaux-arts chez les Urées et les Romains, ni de la nécessité de les conserver parmi nous; ce que vous avez déjà fait pour eux prouvera à toute la terre que la République française, qui doit être le modèle de toutes celles à établir, sera aussi leur maîtresse dans les sciences et les beaux-arts. Leur conserva¬ tion est assurée, leur temple est solidement élevé sur la Montagne et les bras de ses cou¬ rageux habitants le défendront contre les at¬ taques de la cupidité et de la barbarie. « La commune de Paris nous députe vers vous, citoyens représentants, pour vous pré¬ senter le citoyen Picault, artiste restaurateur des ouvrages de peinture menacés d’une mort prochaine si d’habiles médecins ne leur pro¬ longent la vie. Pils d’un artiste célèbre dans l’art précieux qui conserve l’existence aux chefs-d’œuvre des siècles passés, il joint son expé¬ rience à celle de son père, qui le premier a fait passer sur la toile les fruits du génie des Mignard, des Lebrun, des Yan der Maulen qui n’existaient que sur des murailles périssables et même des morceaux de fresque, qui le premier nous a conservé les immortels tableaux des Léonard de Vinci, du Corrège et de Raphaël. « Aussi bon républicain qu’il est savant, il ne va pas vous demander le privilège exclusif de la restauration des tableaux de la Répu¬ blique menacés d’une ruine prochaine qui mettrait tous les artistes dans le deuil; mais il va vous prier, pour ce grand œuvre, d’ouvrir un concours qui conserve parmi nous l 'Hercule des Juifs, le Fort Samson, les Diogène, les Marsias chrétiens, la Madeleine comparable à V Ariane de la fable et autres qui, après avoir longtemps inspiré le fanatisme, instruiront dans leur art les jeunes artistes qui se pro-(1) L’adresse de la commune de Paris et la péti¬ tion du citoyen Picault ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 17 frimaire; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par divers journaux de l’époque. (2) Archives nationales, carton F47 1008*, dos¬ sier 1374. posent de faire triompher parmi nous la Raison, la Liberté, l’Egalité et toutes les vertus répu¬ blicaines. Daignez, citoyens législateurs, écouter attentivement le pétitionnaire. « Vive la République ! « Gérome ; Renard; Beauvallet ». Extrait du registre des délibérations du conseil général. Commune de Paris, le 13 frimaire de l’an II de la République française, une et indivisible. Sur la représentation d’un citoyen que Paris possède dans son sein une immense quantité de tableaux de grands maîtres, et qu’une très grande partie de ces tableaux ont besoin d’être restaurés, mais que cette opération ne peut être confiée indifféremment et qu’il importe à l’intérêt de la République que cette richesse nationale ne soit remise que dans des mains habiles; Le conseil général arrête qu’il sera fait une pétition à l’Assemblée nationale pour lui demander qu’elle suspende par un décret toute restauration commencée et qu’elle décrète ensuite qu’un concours public sera ouvert pour cette restauration dans la forme qui sera indiquée par le comité d’instruction publique, et nomme quatre commissaires à l’effet de por¬ ter ladite pétition à la Convention nationale. Les commissaires sont ; Grepin, Beauvallet Gérome et Renard. Signé : Lubin, vice-président ; Doràt-Cubié-res, secrétaire-greffier adjoint. Pour extrait conforme : Mettot, secrétaire-greffier. Pétition. « Ce 17 frimaire an II de la République, une et indivisible. « Représentants du peuple, « Je vous prie de faire attention que c’est un artiste qui se présente à vous et non un orateur; la liberté, sa patrie et les arts sont les divinités qu’il adore; il ne respiro que pour elles et c’est pour les servir qu’il existe et qu’il jure de mourir en les défendant. « Mandataires du souverain, qui peut vous répondre qu’il naîtra dans notre siècle, un Raphaël, un Corrège, un Guide, un Poussin, un Lesueur, un Yernet, un second David? « Eh bien, je viens vous offrir un talent que je dois à la nature et à l’art, pour sauver la mémoire et les ouvrages des grands hommes que je viens de vous nommer des ravages du temps, et conserver à ma patrie les chefs-d’œuvre qu’elle possède en peinture. « C’est pour parvenir à ce but que je me suis présenté au conseil général de la commune, et c’est de son aveu et sous ses auspices que je vous demande, législateurs, un concours public. « Picault, rue du Faubourg du Temple, r*° IL » ;