I Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 avril 1791.J 145 mu au grade de second lieutenant, il prendra rang parmi les officiers de ce grade, en datant de son premier brevet d’officier; et, d’après cette disposition, il suivra son avancement au grade de premier lieutenant, dans lequel il prendra rang de la date de ce nouveau brevet. (Adopté.) Art. 4. « Les lieutenants en troisième qui peuvent ou pourront par la suite justifier par l’examen d’usage qu’ils possèdent les connaissances théoriques exigées pour l’admission de l’artillerie, prendront rang, même parmi les premiers lieutenants, suivant la date de leur premier brevet d’officier. (Adopté.) Art. 5. «. Ceux gui sont ou seront dans le cas du précédent article obtiendront des, lettres d’examen pour jouir de cet avantage, dès le moment de la présente organisation, ou aux époques des examens réglés pour les élèves de l’artillerie. (Adopté.) Art. 6. <« Les officiers de tous grades du corps de l’artillerie ayant plus de 20 ans de service, qui à l’instant de la nouvelle organisation voudront ne pas continuer leur service, seront libres de se retirer, et obtiendront pour ce moment seulement les deux tiers de leurs appointements pour retraite, à moins que leurs services, d’après les règles fixées par le décret du 3 août dernier, ne leur donnent droit à un traitement plus considérable : Ceux de ces officiers ayant au moins 15 ans de service, et au-dessous de 24, qui voudront également ne pas continuer leur service, conserveront néanmoins leur activité pour la décoration militaire. (Adopté.) Art. 7. « Le premier choix des neuf inspecteurs généraux de l’artillerie sera fait par le roi parmi tous les officiers généraux de ce corps. Ceux desdits officiers généraux qui ne seront pas choisis pour remplir les places d’inspecteurs généraux recevront des pensions suivant le décret du 3 août dernier; néanmoins ils seront susceptibles de rentrer en activité, comme inspecteurs généraux, dans le nombre de ces places laissé au choix du roi. » (Adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation de la marine (1). M. de Sillery, rapporteur. Messieurs, les articles que vous avez décrétés hier n’ont encore rien préjugé sur l’adoption du projet de décret qui vous est présenté par le comité. La question est encore eiiiière, et les opinions restent flottantes entre le projet qui vous est présenté par votre comité et ceux qui vous ont été successivement offerts par MM. Gualbert, de La Galisson-nière, de La Coudray, de Vaudreuil, Malouet et de Champagny ; car je ne fais de différence entre leurs opinions que par la manière dont elles vous ont été présentées. MM. Malouet et de Champagny ont souvent obtenu vos applaudissements : et, quoique je sois entièrement opposé au résultat de leur système, c’est avec les raisons qu’ils ont alléguées que je me confirme dans l’opinion où je suis, que vous serez inconséquents aux principes que vous avez adoptés, si vous prononcez, de la manière dont on vous le propose, la démarcation entre la marine militaire et la marine marchande. Je vous avais annoncé que le projet de séparer les deux marines vous serait présenté sous toutes les formes possibles. J’avais prévu que l’on chercherait à jeter l’Assemblée dans l’incertitude par la multiplicité des plans ; mais je conserve l’espoir que vous ne vous laisserez pas abuser par tous ces détours proposés pour vous faire prononcer une séparation si désirée et si contraire aux lois constitutionnelles de l’Etat. Dans une question aussi étrangère à la plupart des membres de cette Assemblée, je conçois que ce n’est que par des discussions contradictoires qu’ils peuvent être éclairés. Chaque opinion doit trouver des approbateurs et des opposants. C’est de ce chaos que la vérité doit luire à vos yeux, la voici tout entière. Le moment est décisif, vous allez prononcer sur le sort de plus de 100,000 citoyens. 5 ou 600 d’entre eux réclament un décret que le reste réprouve. Examinons les raisons respectives, et si le bien de l’Etat exige une décision contraire à la majorité des vœux, prononcez-la sans balancer. Nous traitons des intérêts de la patrie et non de ceux de quelques individus. L’opinion de M. de Champagny vous a expliqué, d’une manière franche, un vœu qui paraît être celui du corps de la marine. Il désire que le nombre des aspirants soit fixé ; il admet au concours avec eux tous les capitaines de navire, et il fixe le premier grade entretenu de la marine à celui d’enseigne. Il ne faut pas se dissimuler que, le mode d’admission décrété, l’organisation est faite; car c’est cette admission au service de la marine qui va consacrer irrévocablement l’égalité politique de ceux qui se dévouent au service de la mer, ou rétablir cette barrière dont je ne croyais plus voir rassembler les débris dans cette Assemblée. Il est évident que la majeure partie des officiers sera choisie dans le corps des aspirants, objet de la prédilection du corps de la marine. Qu’il me soit permis de faire une question très simple à M. de Champagny, zélé défenseur de ce système. M. de Champagny a répété qu’il ne regardait pas les aspirants comme faisant partie de la marine, qu’ils n’étaient que des objets d’espérance pour la patrie. Cependant il les admet au concours pour le grade d’enseigne, avec tous les capitaines de navire. Il est aisé d’apercevoir que cette faveur qu’il veut bien leur accorder mest que par respect pour le principe. Je lui représenterai qu’ordinairement un concours n’a d’objet que de choisir entre des citoyens de même classe les plus instruits, pour parvenir au grade qui en est l’objet. Je dois donc en conclure qu’il met entièrement sur la même ligne les aspirants qu’il a déclarés ne pas faire encore nombre dans le corps de la marine, et les capitaines de navire, qui déjà ont prouvé leurs talents, et ont reçu des marques d’estime et de confiance de leurs concitoyens en commandant leurs vaisseaux. Je crois de mou devoir de vous répéter que si vous fixez le nombre des aspirants, que ce sera sans cesse parmi eux que tous les choix seront faits, et vous éla-blirez sur l’Océan une classe de privilégiés qui, ne pouvant plus exister parmi nous, auront trouvé le secret d’avoir un asile au séjour de la tempête. Je ne puis croire que vous prononciez un tel décret. On vous présente, Messieurs, sans cesse là 40 (1) Yoy. ci-des9us, séance du 15 avril 1791, p. 104. 1" SÉRIE. T. XXV. 146 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 avril 1791.] même idée. Il est indispensable d’avoir un corps militaire permanent. Avons-nous même à contredire une vérité aussi démontrée que l’est la différence du plan du comité et ae celui qu’on vous propose. Elle n’existe que dans l’admission; car nous voulons également des lieutenants, des capitaines, des contre-amiraux, des vice-amiraux. Nous voulons que ces différents grades soient toujours entretenus, et que l’officier qui parviendrait au grade de lieutenant abandonne toutes les spéculations commerciales pour se livrer entièrement aux manœuvres guerrières. Peut-on craindre que ce corps ne soit pas com posé d’officiers expérimentés, puisque nous vous proposons de choisir parmi tous les marins ceux dont les talents seront les plus reconnus. Je pourrais, ainsi que M. Malouet, me servir de l’élégante comparaison qu’il a employée, mais dans un sens différent. Je comparerai, comme lui, la marine commerçante à cetie mine abondante que vous pouvez exploiter. Elle vous offre pour composer le corps de la marine, sans frais d’exploitation, ses métaux épurés, et vous voulez préférer au lieu de l’argent pur qui nous est offert, une mine brute dont vous ne connaissez pas la valeur et qui trompera peut-être votre espérance. ( Applaudissements .) En admettant le concours au grade d’enseigne, vous allez juger vous-mêmes, et ce décret rendu, la séparation de la marine militaire et de la marine marchande est irrévocablement prononcée. Pouvez-vous prévoir les suites d’un pareil décret? Il est évidemment contradictoire à la conscription militaire que vous avez établie. Quoique vous ayez applaudi à la métamorphose que M. Malouet a faite des capitaines de vaisseaux, tantôt en guerriers redoutables, tantôt en juges de paix de leurs vaisseaux, je lui répondrai que ce n’est pas avec un rameau d’olivier qu’on couronne les guerriers triomphants, et je ne cesserai de combattre l’injustice qu’on veut leur faire éprouver. Ceux qui soutiennent une telle opinion, peuvent-ils oser dire de bonne foi que la marine cessera d’être instruite, en admettant le concours à une époque où l’instruction et la pratique auront mûri et démontré les connaissances théoriques que nos marins auront acquises? Non, ie ne puis le croire. En accordant au contraire le grade d’enseigne à tous les navigateurs qui, après avoir subi des examens, ont quatre années de navigation, croyez-vous manquer de sujets fiour le remplacement de trente ou quarante ieutenants de vaisseau qu’il faudra chaque année? Croyez-vous que tous auront la prétention de concourir, et dans le nombre des marins, n’en existera-t-il pas en grand nombre qui préféreront le service paisible du commerce aux hasards de la guerre? N’êtes-vous pas également assurés que tous ceux qui se présenteront au concours seront instruits? et peut-être ne serez-vous embarrassés que sur le choix? ( Applaudissements . ) Ce n’est plus le moment des faveurs et des prédilections, on ne croit plus qu’au véritable talent et, lorsque la carrière des hommes sera également ouverte à tous les citoyens, que ne doit-on pas attendre de leur émulation? ( Applaudissements. ) Si de nombreux armements exigent i le secours de quelques officiers de commerce, ils se jetteront avec transport dans nos arsenaux pour partager les dangers de leurs camarades; mais s’ils y sont appelés, même par un décret du Corps législatif, ainsi qu’on nous l’a proposé et qu’ils y soient traités comme dans la dernière guerre, je doute que des hommes libres supportent une telle humiliation. Votre comité, Messieurs, a discuté pendant plus de deux mois tous ces points intéressants. Nous vous présentons la vérité telle que nous l’avons aperçue, et malgré l’ironie et le sarcasme latin qu’il a plu à un des préopinants de nous appliquer, si nous n’avons pas ses talents et ses connaissances, au moins nous ne jugeons pas aussi sévèrement que lui lu marine commerçante, et nous sommes sans inquiétude sur le génie commercial que les officiers de la marine marchande apporteront au service. Ils sauront qu’ils doivent, au moment de leur admission dans le corps, abandonner toute spéculation de commerce, et ils seront fidèles observateurs du décret qui en prescrira l’obligation ( Murmures à droite.). Je pourrais, ainsi que M. de La Coudray, citer aussi des passages latins et je lui dirais : Et ego Arcadiam vidi. C’est parce que j’ai été le témoin des humiliations sans nombre dont on accablait cette classe estimable de citoyens que j’ai cru qu’il était de mon devoir de les défendre et de les aider à vaincre les obstacles qu’on leur oppose. ( Applaudissements à gauche, murmures à droite.) Si vous prononcez, Messieurs, cette démarcation entre la marine militaire et la marine marchande, je plaindrai mes concitoyens de ne pas s’élever à la hauteur de la Révolution, et de se contenter d’un état subordonné lorsque nos décrets ont prononcé l’égalité politique entre tous les hommes. Je conclus au rejet de tous les plans qui ont été proposés et à l’admission des articles présentés dans le plan du comité. (Applaudissements.) M. Blin. Je me présente pour défendre le projet de décret proposé hier par M. de Champa-gny. On a prétendu qu’il tendait à établir une ligne de démarcation qui existait dans l’ancien système entre la marine marchande et la marine militaire : et ce n’est qu'en forçant ou en déguisant ses expressions qu’on peut trouver dans son projet de décret une pareille démarcation. M. de Ghampagny n’établit, à bien dire, qu’une classe d’aspirants pour tous les navigateurs qui n’ont point encore obtenu un grade militaire; mais, comme il craint qu’il ne se présente pas un assez grand nombre d’officiers pour suffire au service, il propose d’avoir un certain nombre d’aspirants destinés à ce service militaire. J’observe que le comité ne nie point cette ob-jectiou-là, puisqu’à l’instant M. de Sillery vient de dire, en parlant des capitaines qui se présenteront aux concours, que le nombre en serait peut-être fort petit. S’il est fort petit, il peut être inférieur aux besoins que l’on aura en temps de guerre. En conséquence, je crois que nécessairement le bien public, l’utilité du service exigent que l’on s’assure d’une pépinière de sujets. Je pense donc qu’il faut adopter l’article de M. de Champagny. Vient ensuite, Messieurs, l’article des enseignes. M. de Champagny ne diffère du comité que dans ceci : Le comité veut que le titre d’enseigne soit donné indistinctement à tous les navigateurs qui auront obtenu le commandement d’un navire. M. de Ghampagny, au contraire, veut qu’ils viennent au concours, et qu’il n’y ait à porter le titre d’enseigne que ceux qui l’auront obtenu en en remplissant Jes fonctions. Sur {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {16 avril 1791.1 147 cela on vous dit que les principes de la Constitution s’opposent absolument à une pareille admission. J’avoue que je suis étonné de voir le comité dispenser ces capitaines de navire du concours pour les places d’enseigne de la marine militaire. Je ne sais comment ils peuvent être enseignes de l’armée navale lorsqu’ils n’auront jamais fait que le service des vaisseaux marchands et n’auront pas même monté à bord d’un vaisspau de guerrp. Pourquoi donner des grades sans fonctions? On n’a pas assez insisté sur une raison péremptoire. Il n’est personne de nous qui n’ait vu toutes les gardes nationales du royaume, et particulièrement celle que nous avons sous nos yeux, faire un service infiniment pénible et assidu ; cependant personne n’a encore dit que le service de garde nationale fut un titre pour prétendre aux grades de l’armée de ligne. La garde nationale aurait peut-être plus de motif à élever des prétentions, que n’en a la marine commerçante, qui fait un service lucratif. On vous a toujours demandé : Faut-il une marine militaire? Mais moi, je puis demander aussi : Faut-il une marine commerçante? Car il est impossible, non pas d’effacer des lignes de démarcation odieuses qui existaient entre les différentes classes de citoyens, mais de détruire par un décret, une ligne de démarcation qu’à faite la na'ure même des choses, c’est-à-dire vous ne pouvez pas faire que celui qui s’adonne à l’art du commerce soit guerrier, et celui qui s'adonne à la guerre soit commerçant. Il faut donc, pour le moins, que les officiers de la marine marchande ne sobmt admis aux grades de l’autre qu’en se présentant au concours et qu’un capitaine de navire ne puisse pas franchir le concours pour passer sur-le-champ au grade d’enseigne dans l’armée navale. Je crois que les articles de M. de Champagny sont fondés sur la plus exacte raison, la plus exacte vérité. L’article des aspirants ne découle d’aucun principe contraire à la Constitution; ainsi, je demande que les articles de M. de Champagny aient la priorité sur le projet du comité. Un membre : L’ancien régime ministériel avait établi, dans plusieurs villes du royaume, différentes écoles de marine où des professeurs, payés par le Trésor public, enseignent les mathématiques, l’hydrographie, le dessin, le pilotage, enfin tout ce qui est nécessaire d’apprendre quand on se destine au grand art de la navigation et au terrible métier des combats de mer. Il n’est personne, sans doute, qui conteste l’utilité de pareils établissements. Aussi n’est-ce pas cet établissement en lui-même que je critique, mais seulement les abus. Un des plus criants dans l’ancien ordre de choses, c’était de n’y admettre que des sujets privilégiés; mais une Assemblée qui a conservé les droits impresciptibles de l’homme et des citoyens, qui a do mé une patrie à tous les Français, doit les appeler tous également à la servir, selon la mesure de leurs talents. Et combien cette loi d’égalité devient précieuse aujourd’hui et est propre à former de grands marins; On dous a souvent parlé des corps à talents; le corps de la marine est certainement un corps à talents. 11 n’est point de service à la fois qui exige plus de théorie soutenue d’une longue pratique et de plus vastes connaissances. Il est donc nécessaire d’ouvrir cette brillante et laborieuse carrière au plus grand nombre possible de concurrents. Il faut, pour être conséquent à tous ces principes, que l’Assemblée nationale ordonne que, dans les différentes écoles de marine aujour d’hui établies, des professeurs salariés et dont le nombre sera augmenté, s’il est nécessaire, donneront des leçons publiques à tous les citoyens qui se présenteront pour être admis dans la marine. M. de Sillery, dans une opinion bien raisonnée et dont vous avez ordonné l’impression, a démontré non seulement la justice, mais encore la nécessité de cette loi. Je suis absolument de son avis à cet égard. Il nous reste à examiner, Messieurs, la grande question de savoir s’il est nécessaire d'entretenir une marine militaire; je me bornerai à vous faire remarquer que c’est ici qu’on peut invoquer l’exemple d’une nation voisine et rivale. On nous a souvent parlé ici des Anglais, de leurs lois, de leurs mœurs, de leurs usages. Or, il me semble que l'on peut eu parler encore, quand il s’agit de marine. Les Anglais ont une marine militaire; ils en ont donc senti la nécessité. Les nations savantes dans l’art de l’économie et de la politique, et dans l’art sublime des gouvernements, ont compris qu’une marine, uniquement destinée au commerce, ne pouvait remplir leurs vastes vues; elles ont compris que pour la conservation de leur marine marchande elles avaient besoin d’un corps d’officiers militaires constamment entretenus par l’Etat; et toujours prêts à combattre les puissances ennemies, au premier signal qui leur en est donné. Mais ce peude, fier de son ancienne liberté, a compris en même temps que, dans un art si vaste, il fallait ouvrir la carrière au plus grand nombre possible de concurrents; que rien n’était plus capable d’étouffer l’émulation si nécessaire dans ceté'at, que de concentrer les emplois honorables du service de mer parmi les citoyens d’une classe privilégiée. Les talents, les grandes vertus guerrières, voilà les titres que l’on exige en Angleterre de ceux qui aspirent à servir la patrie; voilà les degrés par lesquels on parvient aux premiers honneurs militaires; et si l’Angleterre a donné cet exemple aux autres nations, celui-là est sans contredit un des meilleurs. Je crois que c’est celui que nous devons le plus imiter. Plusieurs personnes ont observé que la marine militaire ne rendait pas a-sez justice à la marine marebande, et que ses prétentions sont trop exa-g"rées; qu’elle est trop enorgueillie de son ancienne organisation, qui tant ne fois l’a rendue indépendante, même de l’autorité royale, dans un temps où tou> les autres citoyens respectaient jusqu’à ses caprices. Car, Messieurs, on a beaucoup parlé du despotisme ministériel, et cependant il est bon que vous sachiez que même les mieux intentionnés n’ont jamais pu mettre à la raison ce qu’on appelait alors le grand corps de la marine; le fameux conseil de guerre de Lorient en est une preuve convaincante. Le comité de marine a évité les deux extrêmes : il a pris le juste milieu, ce sage tempérament si convenable aux constitutions politiques. Convaincu de cette grande vérité que l’Assemblée nationale doit une protection égale à tous les citoyens, et que l’un des principaux devoirs de la p’atrie envers ses enfants est : 1° de leur procurer l’instruction nécessaire pour les mettre eu état de la servir un jour utilement ; 2° de leur offrir, dans le genre de service auquel ils se sont fixés, tous les avantages, tous les encouragements 448 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 avril 1791.] qui font les grands hommes, le comité a appelé tous les Français à servir la patrie, suivant la mesure de leurs talents. 11 a confondu les deux marines là où elles peuvent être réunies avec activité en leur donnant une commune origine. Il les a distinguées là où des fonctions plus importantes exigent une plus grande réunion de talents et une expérience des opérations militaires, qui ne peuvent être le partage de tous. Enfin punir, sans exception de personnes, ceux qui manqueraient à leur devoir, récompenser le mérite partout oùil se rencontre, certes, voilà la base d’un bon gouvernement. J’adopte dans son entier le plan d’organisation de la marine militaire proposé par le comité. M Moreau de Saint-Méry. Je suis persuadé, et la plus grande partie de l’Assemblée l’éprouve comme moi, que la prolongation de cette discussion n’offre plus d’idées nouvelles et ne peut faire aucun progrès pour la détermination que l’Assemblée doit prendre. Il me paraît qu’il y a deux points principaux qui forment seuls la difficulté qui subsiste entre les différentes opinions ouvertes. Une de ces difficultés est celle-ci : Le nombre des aspirants sera-t-il limité ou illimité? La seconde est celle-ci : le brevet d’enseigne sera-t-il accordé à tous les capitaines mariniers non entretenus ? Je crois, lorsque ces deux points auront été éclaircis, qu'il sera infiniment facile de se déterminer sur les détails. Il est indifférent de savoir à quel système on accordera la priorité. En conséquence, je fais Ja motion que les deux questions soient ainsi posées et présentées à la discussion de l’Assemblée. M. Malouet. Il ne peut y avoir et depuis hier il ne devrait pas y avoir d’autres questions. Je me réduis donc très volontiers aux deux questions simples qui vous sont présentées. (L’Assemblée adopte l’ordre de délibération proposé par M. de Saint-Méry.) M. Malouet. Je bornerai mon opinion à la proposition qui vient d’être énoncée, telle que je l’ai énoncée moi-même hier, et je serai court. Si l’on ne s’attache qu’aux principes généraux dont on fait une application si arbitraire, la question ne sera jamais éclaircie; car, en adoptant tous les principes généraux proposés par le comité, je n’adopte aucun de ses résultats. Une des graudes difficultés provient de ce qu’on transporte les vices de l’ancien régime, que nous laissons tous au nouvel ordre de choses. S’il était question de soumettre encore l’admission aux grades de la marine à des privilèges, ce serait une idée insoutenable aujourd’hui. La Constitution a trop nettement, trop sagement prononcé sur cette question pour que l’Assemblée puisse se prêter sur ce point à aucune déviation. Si le dissentiment de l’Assemblée ne porte que sur ce seul point, que tous les navigateurs puissent, à certaines conditions de navigation et d’instruction, être considérés comme aspirants, et se présenter au concours pour le premier grade d’officier, je suis de cet avis. Je n’en suis pas moins convaincu qu’il est nécessaire d’avoir une classe particulière d’élèves aspirants qui seront reçus dans des écoles militaires, par la raison que vous avez tous reconnus la nécessité d’entretenir un corps militaire dans tous les grades, non seulement d’officier, mais d’officier marinier, de canonnier, etc. On a voulu considérer comme armée navale le corps des gens de mer qui se vouent au commerce ; ils en sont une partie essentielle ; mais ce que j’ai appelé avec justesse le camp de l’armée, c’est le noyau de l’armée qui est composée non seulement d’officiers de tous les grades mais d’officiers mariniers, de matelots entretenus, de soldats de mer; il y a dix mille soldats de mer entretenus. C’est là le noyau de l’armée navale. Que vous admettiez ensuite au concours, pour le grade d’officier, tous les navigateurs qui s’en trouveront capables, et qui voudront se présenter ; c’est ce qui n’était pas dans le régime des privilèges, et c’est ce qu’il est raisonnable d’établir aujourd’hui. Mais n’excluez point le principe que nous vous présentons comme un bon système militaire naval. Ayez des jeunes gens qui seront élèves, aspirants, qui seront admis au concours, qui n’auront pas plus de privilèges que les capitaines de navire qui viendront leur disputer un grade d’officier au concours. Vous avez des écoles d’instruction, dont je demande la conservation dans les grands ports. On vous a dit à cela, c’est rétablir l’ancien régime de la marine. Mais il n’y a rien de plus opposé. Les grades de la marine reçus sur les certificats de mer et sur un examen, aucun navigateur ne pouvait entrer en concurrence avec eux pour avancer dans l’armée navale. Il n’est plus question de tout cela. On vous propose d’admettre tous les navigateurs qui n’auraient pas voulu se présenter comme élèves, mais qui viendront au concours pour disputer les grades. Ou s’est attaché à combattre cette idée-là par l’ancien avilissement des officiers auxiliaires. On vous a dit : « Les officiers de commerce seront donc soumis aux humiliations qu’on leur faisait éprouver autrefois. Je sais que c’était une véritable corvée pour les officiers de la marine marchande que d’être admis à servir ainsi ; mais il ne s’agit plus de cela. Les navigateurs qui entreront maintenant, par le concours, dans le corps de la marine, n’y seront plus regardés comme intrus. Il s’agit de savoir si vous voulez qu’il y ait toujours un corps d’armée navale entretenu et recruté d’après des vues purement militaires. Il s’agit de savoir si vous voulez concilier ces vues très raisonnables. {Murmures.) Je demande, comme le dernier opinant, le système naval de l'Angleterre, de la Hollande. Chez tous ces peuples vous trouverez des écoles navales et des marines instruites; vous trouverez ensuite ce que nous vous proposons chez les Anglais, chez les Hollandais, chez les Suédois ; c’est que tous les marins commerçants qui se distinguent, et qui veulent entrer dans la marine militaire, y sont admis. Voilà comment vous pouvez concilier l’égalité des droits politiques, les principes de la Constitution, avec les conditions raisonnables d’un système militaire; mais si vous ne limitez pas le nombre des élèves aspirants, il en résultera des inconvénients effroyables : c’est que d’une part vous aurez une très grande quantité d’élèves; qu’il sera conséquemment impossible de veiller à leur instruction : de l’autre, c’est encore une vue politique, que celle de ne pas multiplier inutilement l’accès aux grades dans tous les états. 11 me semble qu’autant qu’il est utile que le peuple ait connaissance de ses droits et de ses devoirs, autant il est important qu’il connaisse la nécessité d’arriver à un grade, pour être considéré. Je ne pense pas qu’il a fallu multiplier les arguments; car enfiD, si toute la nation voulait [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 avril 1191.) 449 être employée au service de la marine, que deviendrions-nous ? Pourquoi vouloir ouvrir un accès illimité à tous ceux qui voudront débuter dans la marine ? Il est juste et sage que ceux qui débuteront comme mousses puissent devenir amiraux; mais il est impossible de donner à tous, indistinctement, la facilité et les prétentions d’aspirants et d’élèves. Outre que vous auriez une multitude d’aspirants, vous ne pourriez pas les employer. Je propose donc de décréter : « Que le nombre des élèves aspirants soit limité à trois cents; « Qu’il y ait des écoles militaires navales dans les grands ports ; « Que tous les capitaines de navire et les navigateurs qui auront cinq ans de navigation, et qui auront commandé ou servi comme seconds sur les navires de commerce, au long cours, soient admis en concurrence, avec les élèves aspirants pour le grade d’enseigne de vaisseau. » M. Defermon. Que vous propose le préopinant? Il demande que vous limitiez le nombre des hommes qui pourront se présenter au concours sous le nom d’aspirants et sous le nom de capitaines de navire marchand. Je demande quel serait le résultat de cette destination. Je crois que les uns et les autres ne doivent avoir qu’une seule dénomination ; que le concours seul doit décider entre eux ; qu’il faut des preuves de capacité et d’expérience pour y être admis. Les trois cents individus, qui seraient admis au rang d'aspirants sur leurs simples études, deviendraient ceux qui, dans l’ancien régime, formaient la classe des élèves de la marine. Ils se croiraient infiniment supérieurs à ceux qui n’ayant pas subi l’examen de navigation d’aspirant, auraient commencé par naviguer dans la marine du commerce, et se présenteraient au concours sous le nom d’officiers du commerce. Il est absolument contraire à vos principes et à l’intérêt public de vouloir faire une classe particulière d’aspirants. J’aimerais autant qu’on nous dît qu’il faut éloigner les citoyens du concours que de dire qu’il ne faut pas élever les prétentions du peuple en lui donnant trop de facilité à être utile. Je ne conçois pas comment le préopinant, étant aussi éclairé qu’il l’est, a pu faire une pareille proposition. ( Murmures à droite.) M. nialouet. Vous ne m’avez pas entendu. Je vous ai présenté des vues simples, et vous en faites une idée impopulaire et malhonnête. J’ai parlé d’après une autorité que vous ne récuserez pas, c’est celle de Jean-Jacques Rousseau; et ce que me fait dire le préopinant serait digne d’un vizir de Turquie. J’ai dit au contraire qu’aucune classe du peuple ne devait être éloignée. M. Defermon. Je crois que plus les hommes se réuniront pour rechercher l’instruction, plus vous aurez d’hommes instruits. Je crois qu’il y aurait beaucoup d’inconvénients dans la limitation du nombre; car il arriverait de là qu’il se présenterait moins de concurrents quand le concours serait ouvert. Or, le moyen de faire le meilleur concours est d’y appeler le plus grand nombre de concurrents possible. C’est là que la rivalité est permise; c’est là qu’il faut l’exciter, l’encourager par tous les moyens et surtout en y appelant le plus grand nombre. En conséquence, je demande que le nombre des aspirants ne soit pas limité. M. de Noailles. La question est de savoir s’il y aura un nombre d’aspirants fixe, ou s’il sera illimité. On a dit que déclarer ce nombre fixe, ce serait un désavantage pour les pauvres. On n’a donc point observé que c’est un concours où tous les citoyens indistinctement auront droit, et qu’assez généralement dans les concours ce ne sont pas les plus riches qui obtiennent les prix. Je trouve, moi, que ce concours est d’une grande utilité, surtout pour l’éducation ; et je pense que le projet doit être décrété dans ce sens. M. Mue Chapelier. Il y aurait les plus grands inconvénients à créer un corps d’aspirants qui finiraient par croire qu’ils ont le droit exclusif d’obtenir les grades d’officiers et qui regarderaient comme des intrus les navigateurs marchands qui parviendraient à s’y introduire. M. de Champagny. Je demande la parole. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (L’Assemblée décrète que M. de Champagny 3era entendu.) M. de Champagny. Mon opinion a éprouvé de la défaveur dans cette Assemblée, parce qu’on a confondu l’acception générale du mot aspirant avec l’application particulière qui en a été faite par le comité. Il ne s’agit ici que d’une classe d’élèves à qui la nation doit donner une éducation maritime et militaire. On ne peut en attendre ni F adresse des matelots, ni les lumières d’un officier; mais seulement des talents dont l’Etat pourra un jour recueillir les fruits. Si vous avez un très grand nombre d’aspirants, il en résultera qu’il s’écoulera plus de dix années avant que chacun ait pu faire une seule campagne; ainsi l’éducation sera nulle. Pour avoir voulu élever trop de sujets, l’Etat n’en aura formé aucun. On se rappelle qu’en fixant le nombre des aspirants j’ai aussi fixé le temps pendant lequel on pourra rester à ce grade. Ainsi ce ne sera qu’une école passagère, et après une époque déterminée on rentrera dans la foule des navigateurs. Ma proposition ne choque donc pas les principes d’égalité. En un mot, il faut limiter le nombre des aspirants ou renoncer à en avoir. M. Duquesnoy. En limitant le nombre des aspirants ne donnez-vous pas une préférence à ceux qui seront élevés aux dépenses de l’Etat, sur ceux qui auront été élevés par leur famille? On a dit que l’éducation était pénible et que l’Etat devait profiter des dépenses qu’il aura faite. Mais ne doit-il pas profiter aussi des talents de ceux pour l’instruction desquels les parents auront fait de la dépense? ( Applaudissements .) M. Gninebaud de Saînt-Mesme. Je demande que l’on décrète comme principe constitutionnel que nul ne pourra être admis aspirant, qu’après avoir subi l’examen proposé par le comité et qu’après avoir navigué pendant 12 mois sur quelques vaisseaux et en quelque qualité que ce soit. M. Arthur Dillon. Prétend-on qu’il faut armer sur-le-champ des vaisseaux de guerre pour l’éducation des aspirants, ou que les propriétaires des vaisseaux marchands auront la bonté de les recevoir. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 116 avril 1791.] ISO M. Moreau de Saint-Méry. L’Assemblée a décrété tout à l’heure qu’elle bornerait la discussion aux deux questions que je lui ai présentées. Je demande que la délibération soit actuellement ramenée à la première de ces deux questions : « Y aura-t-il un nombre déterminé d’aspirants? » (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président. Trois propositions ont été faites : La première que le nombre des aspirants soit illimité; La seconde que nul ne soit admis dans la marine militaire qu’après un examen et 12 mois de navigation ; La troisième de M. de Champagny, rédigée par M. Malouet, est ainsi conçue : Le nombre des élèves aspirants est limité à 300. Il y aura des écoles militaires navales dans les grands ports. Tous les capitaines de navires et les navigateurs qui auront 5 ans de navigation, et qui auront commandé ou servi comme seconds sur les navires de commerce au long cours, seront mis en concurrence avec les élèves aspirants pour le grade d’enseigne de vaisseau. M. de Champagny. Cette proposition n’est pas la mienne. Il est uans mon intention de faire entrer en concurrence tous les navigateurs. Sans répéter les moyens dont je me suis servi pour appuyer ma proposition, je me contenterai de vous la rappeler. Je demande que le nombre des aspirants soit limiié, et que le temps pendant lequel on sera aspirant soit déterminé de manière que, si vous adoptez 3UÜ aspirants, on ne puisse être aspirants que 3 ans. Il en résultera que, chaque année, il y aura des aspirants qui quitteront ce titre pour rentrer dans la masse des navigateurs, et d’autres navigateurs qui arriveront au titre d’aspiiant. Ce sera une navette à laquelle vous appellerez successivement tous les navigateurs, en les appelant par ordre de talents et de connaissances; et cette institution n’est pas seulement pour la marine militaire à laquelle je ne songe pas dans ce moment-ci : elle est pour toute la marine, pour tous les navigateurs. Je soutieus encore qu’il n’y a que celle manière de rendre utile l’instruction des aspirants. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. de Sillery. Messieurs, vous allez prononcer la démarcation de la marine militaire et de la marine marchande. M. le Président. Je vais poser ainsi la question : Y aura-t-il un nombre déterminé d’aspirants ? M. Prieur. Il faut poser différemment la question. M. de Champagny. Messieurs, ce n’était point pour rendre obscure la question, mais pour l’éclaircir, que j'ai cru devoir séparer les aspirants de la marine, de la constitution de la marine. Vous établirez, dans tous les ports, des écoles où tous les marins seront admis chaque année. Dans les marins sortis de ces écoles, seront choisis un nombre quelconque, 3 ou 400 élè-| ves, qui obtiendront l’avantage de faire leur apprentissage sur les vaisseaux de l’Etat, et cet apprentissage aura un temps déterminé. ( Murmures.) Plusieurs membres. La question préalable! M. Emmery. Il est bon de donner d’abord à ce mot d’aspirant sa juste signification. Si par aspirant ou élèves vous entendez un jeune homme qui travaille, qui étudie pour se rendre digne d’obtenir une place dans la marine, alors je dis que le nombre de ces élèves ou aspirants doit être parfaitement illimité. Mais, si c’est un degré dans le corps de la marine, il faut bien que ce degré soit limité. Je conclus à ce que le nombre des élèves soit illimité ; et quand vous ferez la conscription de la marine, alors vous verrez ce que vous aurez à faire pour le premier degré. (. Applaudissements .) Ainsi, d’après les principes que le comité a lui-même posés, nous devons tous être d’accord, que la porte de la marine militaire doit être ouverte, non seulement à tous les navigateurs, mais a tous les citoyens. M. d’André. Selon la première interprétation donnée par M. Emmery, tous les citoyens français sont aspirants. Ce poi ut-là est déclaré par la conscription de la marine ; mais il y a équivoque, parce que le comité a substitué de fait le mot aspirant à celui d’élève. Il nous a beaucoup parlé de la crainte qu’il avait de voir renom eler les privilèges ; mais lorsque lui-même il vous propose d’établir une classe de citoyens qui parviendront au grade d’olficier marinier par des travaux moindres que ceux du reste des navigateurs, n’établit-il pas aussi dans son sens un privilège? Que l’on cesse de s’effrayer de ces mots répétés tant de fois avec succès. Si le nombre des aspirants dans le sens proposé par le comité ri’est pas limite, vous accordez une véritable préférence aux gens riches ; car, comme vous ne pourrez point entretenir ceux qui iront dans les écoles, vous exclurez tous les eulants de ceux qui n’auront pas assez de fortune pour les y envoyer. D’un autre côté, vous faites tout l’avantage des départements maritimes aux dépens des autres, par la même raison que le citoyen peu aisé ne pourra soutenir à ses frais un enfant dans des écoles qui ne seront établies que dans Jes grands ports. Je demande donc que l’on détermine le mode par lequel on parviendra au grade d’élève, que ce soit par le concours, et que pour aspirer ensuite au grade d’enseigne, il faudra encore un concours. ( Applaudissements .) M. le Président. Voici une nouvelle rédaction de M. Champagny : « Parmi ceux qui se destinent à la marine, il sera pris un nombre déterminé d’élèves pour faire, sur les vaisseaux de l’Etat, l’apprentissage de la navigation. » Plusieurs membres à gauche demandent l’ajournement de cette nouvelle rédaction. M. Eavenue. Je demande le renvoi de cette proposition au comité. Plusieurs membres à droite : La question préalable sur l’ajournement. (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 avril 1791.J 45I Plusieurs membres à gauche : Le renvoi au comité. Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi au comité. M. le Président. Je mets aux voix la question préalable sur la demande d’ajournement. (Ui)h première épreuve paraît douteuse’, il est procédé à une seconde épreuve.) M. le Président. L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande d’ajournement. ( Vives réclamations.) Plusieurs membres : La question a été mal posée. Un membre :0n n’a pas demandé l’ajournement mais seulement le renvoi au comité, pour que la question y soit examinée par lui à nouveau et proposée demain à l’Assemblée d’une façon plus claire. M. le Président. Je vais faire une nouvelle épreuve et consulter l’Assemblée sur la question préalable réclamée contre la demande de renvoi au comité. (L’épreuve a lieu.) M. le Président. Je consulte le bureau sur le résultat de la délibération. M. I>neas. S’il y a doute, le renvoi est de droit. M. le Président. L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande de renvoi au comité. {Vives réclamations à V extrême gauche. ) Plusieurs membres à l'extrême gauche : L’appel nominal! 11 y a doute. Un grand nombre de membres : Non ! non ! (Bruit.) M. Incas. Que risque-t-on de renvoyer au comité? ( Applaudissements à l’extrême gauche et dans les tribunes.) M. lie Bois-Desguays. Je demande que la séance soit levée. M. le Président. Je vais consulter l’Assemblée pour savoir s’il y a eu doute dans le vote qu’elle vient d’émettre. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas eu doute.) M. lie Bois-Desgnays. J’insiste pour que la séance soit levée; ma motion est appuyée, vous devez la mettre aux voix, Monsieur le Président. Plusieurs membres : La question préalable! M. de la Rochefoucauld-liancourt. Il ne faut pas rompre la séance sans avoir jugé la question. Quand un certain parti dans l’Assemblée a la minorité, il fait lever la séance. ( Applaudissements :.) M. de Rostaing. Je demande que la question soit jugée sans désemparer. Plusieurs membres : Oui ! oui ! oui ! M. le Président. Je vais consulter l’Assemblée pour savoir si je dois lever la séance. (L’Assemblée décide que la séance ne sera pas levée.) Plusieurs membres à l'extrême gauche : L’appel nominal! Il y a doute 1 M. Cottin. Nous demandons l’appel nominal parce que nous ne voulons pas participer au déshonneur du nom français auquel vous allez concourir. ( Applaudissements à l’extrême gauche et dans les tribunes.) M. d’André. Rien ne déshonore l’Assemblée, rien ne tend à la dissoudre, que l’insurrection scandaleuse de la miuorité contre la majorité. (. Applaudissements .) M. d’Estonrmel. Pour terminer des débats aussi indécents, il faut faire l’appel nominal; il est de droit. Un membre à l'extrême gauche : Monsieur le Président, vous devez faire l’appel nominal. Dix membres ont le droit de le demander et nous sommes cent. M. Mathieu de Montmorency. Je réponds au préopinant par l’usage constant de l’Assemblée nationale, usage invoqué avec véhémence par ceux qui réclament aujourd’hui contre lui. Il est arrivé plusieurs fois que le Président, après deux épreuves douteuses, a été sommé par ces mêmes messieurs ..... ( Applaudissements sur certains bancs ; murmures à l'extrême gauche) ..... de soumettre à l’Assemblée la question de savoir s’il y avait doute. Cette marche a été suivie. M. le Président n’a donc fait que se conformer à l’usage constant en prononçant, d’après le vœu de la majorité, qu’il n’y avait pas doute. M. Rewhell et plusieurs membres à l'extrême gauche : Nous n’avons pas entendu. M. Mathieu de Montmorency. Ce serait se jouer des décrets de l’Assemblée nationale que de permettre à la minorité de réclamer ainsi contre la majorité. (Applaudissements.) Je demande que la délibération soit continuée. Il m’est impossible de ne pas ajouter une observation à ce que je viens de dire. Après avoir écouté avec calme une longue discussion, quand la délibération approche de sa fin et qu’on peut entrevoir l’opinion de la majorité, on substitue les déclamations à la place des raisons, et l’on ne cherche plus qu’à capter les applaudissements des tribunes. (Applaudissements prolongés.) M. Prieur. Je demande la parole. M. Dubois-Crancé. L’agitation de cette Assemblée est sans doute très affligeante. Oui, s’est-on écrié, il est très affligeant de voir la violence de la minorité contre la majorité. (Murmures sur certaines bancs ; applaudissements à l'extrême gauche.) Au moins ne dira-t-on pas que c’est nous qui interrompons. M. Salles. Dix des vôtres ont parlé tant qu’ils ont voulu et vous nous interrompez. M. Dubois-Crancé. Je demande comment cette agitation pourrait ne pas exister, quand il s’agit de la conséquence à tirer de l’opinion de 152 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 avril 1791.) l’Assemblée actuelle contre la Constitution. ( Murmures prolongés , applaudissements dans les tribunes.) Nous oublions trop aisément le curactèreque nous a donné le peuple. Il est aisé de traiter de factieux ceux qui ne sont pas de votre avis. Quelle espèce de faction formons-nous donc? Nous désirons maintenir la Constitution, voilà notre faction. (Murmures prolongés ; applaudissements dans les tribunes.) Je ne sais pourquoi ces rumeurs s’élèvent, c’est sans doute l’effet de la chaleur de la contradiction. Nous sommes tous du même avis ; nous voulons achever la Constitution, lais-sez-nous donc prouver que nous sommes de bons citoyens et non des factieux. (Murmures.) M. le Président. Vous n’êtes pas dans la question. M. Dnbois-Crancé. Monsieur le Président, je n’ai pas fini, et je dois avoir la liberté de dire mon opinion. La France entière a les yeux sur nous. C’est parce que je sens que notre dissentiment peut lui coûter des larmes de sang, que je veux que nous délibérions paisiblement. Une partie de l’Assemblée a demandé l’appel nominal ; c’était un appel à la raison, à la réflexion. Quand il a été question du renvoi des ministres, une partie de l’Assemblée qui savait être en minorité a demandé l’appel nominal, et la majorité n’a pu lui refuser cette satisfaction. Eh bien, aujourd’hui une autre partie de l’Assemblée, convaincue qu’il s’agit d’attaquer les principes de la Constitution et de recréer les privilèges... (Murmures.) Nous nous estimons tous. Ce sentiment est nécessaire au bonheur du royaume, et ceux qui croient quelapropositiondeM.de Champagny est inconstitutionnelle, jugent les choses d’après leurs principes. Une opinion peut être une erreur, mais non pas un crime. On ne peut pas regarder comme coupables les moyens qu’on emploie pour la défendre. Je persiste donc à demander l’appel nominal. M. Ic Président. Je vais consulter l’Assemblée. M. Prieur. J’ai demandé la parole. Je veux d’abord vous dire un mot de la situation de Vks-semblée.(il/ttmttr£s.)L’embarrasde l’Assemblée... (Nouveaux murmures.) M. Moreau. Je demande que la discussion soit fermée sur cet incident. M. Prieur. Il y a depuis trois jours, à l’examen de l’Assemblée, une question intéressante, que nous aurions déjà jugée, si elle n’avait changé de face, et si tout à coup elle ne se trouvait pas remplacée par une question nouvelle très compliquée et très embarrassante. Il s’agissait d’abord de savoir si les aspirants seraient en nombre illimité. M. de Champagny a mis au lieu du mot aspirant , le mot élève . On a demandé si ces élèves seront des officiers de marine ; on n’a pas répondu à cette question, et par la manière d’établir la délibération on avait voulu faire décider qu’ils seraient des officiers de marine. Je demande l’ajournement à demain. M. d’André. M. Defermon a fait une proposition qui me paraît devoir faire cesser le trouble dont tout le monde a gémi, c’est de renvoyer la délibération à demain, en chargeant le comité de la marine de lui présenter l’état actuel de la question, ainsi que des projets de décrets conformes aux diverses opinions soutenues dans la délibération de ce jour. (Applaudissements.) (L’Assemblée adopte la motion de M. d’André.) M. le Président annonce qu’il n’y aura pas de séance du soir et lève la séance à quatre heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHABROUD. Séance du dimanche 17 avril 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Duhart, député du département des Basses-Pyrénées, qui s’était absenté par congé, annonce son retour à l’Assemblée. M. le Président. Voici une lettre très courte que je reçois : « Paris, 20 mars 1791. « Monsieur le Président, « J’ai exécuté, à la gloire de Louis XVI et des « Français, l’illumination ornée de différentes « inscriptions relatives aux circonstances. J’en ai « formé” un dessin. J’ai été en présenter l’hom-« mage au roi et à la reine ; Leurs Majestés ont « eu la bonté d’y applaudir. J’ai l’honneur de « demander la même grâce à l’Assemblée na-« tionale. Si elle daigne me l’accorder, ce jour « sera le plus beau de ma vie, et j’obtiendrai la « plus belle récompense à laquelle peut prétendre « un citoyen libre, qui chérit sa patrie, sa légis-lature et son roi. » « Signé : PoCHON, « Homme de loi et volontaire de la garde nationale. » (L'Assemblée témoigne sa satisfaction à M. Po-chon en lui accordant les honneurs de la séance.) M. le Président fait lecture d’une lettre de la dame Scott, supérieure du couvent des religieuses de Saint-Cloud. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous prévenir que, jeudi « 14 du présent mois, nous avons déclaré à MM. les « officiers municipaux que toute la commu-« nauté, au nombre de 20 religieuses du choeur « et 4 sœurs converses, désiraient profiter de la « liberté que la loi leur donne pour se retirer « dans le sein de leur famille. J’ose vous sup-« plier, en conséquence, de vouloir nous com-« prendre dans le nombre de celles à qui les dé-« crets de l’Assemblée nationale accordent des « pensions. « Veuillez, Monsieur, être persuadé de notre (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.