[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « brumaire an U 227 L J (3 novembre 1793 quoique beaucoup plus fromenteux, éprouve aussi déjà des besoins; les halles ne s’approvi¬ sionnent point, et le peuple demande du pain. Il sera donc très difficile, pour ne pas dire presque impossible, de pourvoir à la subsistance de l’armée qui va se réunir sur les côtes du dé¬ partement de la Seine-Inférieure, par des réqui¬ sitions, si elles sont bornées à ces deux dépar¬ tements. La ville de Rouen est enfin aux abois. De¬ main, elle manquera de pain, si on ne vient pas à son secours. L’arrivée et le séjour d’une armée dans le département de la Seine-Inférieure va augmenter sa population, ses besoins, et dimi¬ nuer ses ressources. ■ Jusqu’à présent, nous n’avons pu parvenir à faire vivre le peuple, qu’en forçant les laboureurs à porter aux halles et marchés. Les mesures salutaires, les seules qui ont eu du succès parce qu’elles étaient révolutionnaires et commandées par la faim du peuple, ont été dénoncées comme des vexations ; et ces lâches accapareurs ont trouvé des défen¬ seurs dans nos comités, et des soutiens dans la Convention nationale. Nous avons été dénoncés à la République, par un de nos collègues, comme favorisant le commerce des grains et l’acca¬ parement sous le prétexte d’approvisionner des magasins militaires qui, suivant lui, n’ existent pas. Si ce laboureur malveillant est écouté et soutenu quand il se plaint, que pouvons-nous faire? Rien. Quel effet produiront nos réquisi¬ tions et nos ordres de les exécuter militaire¬ ment en cas de refus d’y déférer, lorsqu’on nous met en question dans la Convention, si nous avons excédé nos pouvoirs? Quel bien pouvons-nous opérer, si l’on pro¬ pose à la Convention de nous demander compte de l’emploi des grains qui ont dû être versés en vertu de nos réquisitions dans les magasins militaires, quand il est vrai que nous n’avons fait aucune réquisition pour les subsistances militaires, et quand il est vrai qu’il n’en a été fait en notre nom, que pour garnir les mar¬ chés? Citoyens, vous sentez comme nous le danger d’un pareil système qui a été suivi avec une persévérance qui tient de la déraison ou de la perfidie, et nous vous le déclarons, la triste posi¬ tion de la ville de Rouen, le dénûment absolu où elle se trouve, le dégarnissement de ses halles et marchés proviennent de ce qu’on n’a cessé de répéter, à la Convention et aux jaco¬ bins, que cette ville contenait des approvision¬ nements énormes et des magasins considé¬ rables. Ces calomnies s’accréditent; les jour¬ naux les répètent dans toute la République, et les laboureurs se disent : « Ne portons point de blé aux halles de Rouen et des environs, cette ville en regorge et le laisse gâter. » On voiüait sans doute réduire la ville de Rouen à la famine, on a réussi; la disette la plus affreuse la menace; elle est à la veille d’éclater, et les moyens d’alimenter cette grande cité dont la population est immense, sont nuis et presque impossibles, après des impressions fâcheuses répandues contre elle. A Dieppe, le 8e du 2® mois de l’an II de la République française une et indivisible. Legendre; Delacroix; L. Louchet. Compte rendu du Moniteur universel (1). Barère. Les représentants du peuple envoyés dans le département de la Seine-Inférieure pour s’occuper des subsistances, ont trouvé des obstacles dans la ville de Rouen. Ceux qui con¬ naissent l’esprit de cette ville n’en doivent pas être surpris ; mais il faut dire aussi que nos col¬ lègues n’ont pas fait assez d’attention à l’éten¬ due des pouvoirs qui leur sont confiés; s’ils savent qu’à tel endroit il y a un magasin de blé, ils peuvent le prendre et l’envoyer à l’endroit qu’ils sont chargés d’approvisionner. Legendre est venu nous demander des moyens. Le comité vous propose de passer à l’ordre du jour, motivé sur ce que, dans les pouvoirs illimités qui leur sont délégués, est nécessairement compris le droit de réquisition et de préhension. Cette proposition est décrétée. Un membre Clauzel (2)] observe à l’Assem¬ blée que les représentants du peuple envoyés dans les départements pour la levée des citoyens de première réquisition étant rappelés, les pouvoirs des commissaires civils doivent cesser. « Cette motion est adoptée avec l’amendement que l’insertion au « Bulletin » servira de notifica¬ tion pour les délégués des représentants du peuple, ainsi que pour tous les agents du comité de Salut public, à l’exception des quatre dénom¬ més dans le décret, l’un pour les villes maritimes, l’autre pour le département de la Gironde, les deux autres pour les départements de l’inté¬ rieur (3). » Compte rendu du Moniteur universel (4). Clauzel observe que les représentants du peuple envoyés dans les départements pour la première levée étant rappelés, les pouvoirs des (1) Moniteur universel [n° 45 du 15 brumaire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 182, col. 2]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 411, p. 190) rend compte du rapport de Barère dans les termes suivants \ « Barère. Les représentants du peuple, qui sont dans le département de la Seine-Inférieure, s’oc¬ cupent essentiellement des subsistances. Ils n’ont pas trouvé à Rouen les moyens qu’ils devaient y trouver pour s’en procurer. Ils y ont plutôt rencontré des obstacles, êt vous le concevez facilement, quand vous connaissez le mauvais esprit que le commerce a manifesté durant la Révolution. Ils avaient cepen¬ dant un moyen sûr en leur pouvoir, mais dont ils ne connaissent pas assez la force. « Ce moyen est dans le droit de préhension, qui consiste à dire : Voilà un magasin; je le marque pour la République. Je donne à son propriétaire des res-criptions sur le Trésor national, et je fais passer ce qu’il renferme aux armées ou dans les départements qui en ont besoin. « Votre comité de Salut public vous propose, en conséquence, de passer à l’ordre du jour sur la de¬ mande faite à cet égard par plusieurs représentants commissaires, et de le motiver sur le droit de préhen¬ sion établi par vos lois, et dont l’exercice est compris dans les pouvoirs illimités qui leur sont confiés. « Décrété dans les termes suivants : (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal. ) (2) D’après le Moniteur, dont nous reproduisons ci-dessus le compte rendu. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 299. (4) Moniteur universel [n° 45 du 15 brumaire