[16 janvier 1790.] [Assemblée nationale.] M. l’abbé Maury poursuit : Je ne demande pas grâce pour ceux qui refuseraient d’exécuter vos décrets, mais je demande que les bénéficiers, qui se seront mis en règle pour obtenir les déclarations, soient à l’abri de toute poursuite. Mous nous y mettons tous, mais vous ne pouvez pas ordonner l’impossible. Lorsque mon fondé de procuration s’est présenté à la municipalité. d’Amiens, pour y faire sa déclaration, on lui a répondu que les officiers seraient occupés pendant plus de deux mois. — Je demande que le délai soit prorogé de trois mois. M. Treilhard. Le délai de deux mois n’expire qu’à la fin de celui-ci ; les déclarations peuvent donc encore être faites ; il en est arrivé chaque jour un grand nombre au comité des finances, aussi il n'est pas concevable que les municipalités et les juges royaux ne suffisent pas à les recevoir. Je requiers donc que le nouveau délai demandé n’excède pas un mois, c’est-à-dire qu’il n’aille pas au delà du 1er mars prochain. M. Emmery. Je propose de comprendre dans ce délai même les ecclésiastiques présents à l'Assemblée. Cet amendement est adopté. Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale a décrété que le délai de deux mois pour la déclaration des biens ecclésiastiques, prescrit par le décret du 13 novembre dernier, sera prorogé jusqu’au 1er mars prochain, et que même les ecclésiastiques membres de l’Assemblée seront tenus de satisfaire à ce décret dans ledit délai. » M. le Président. M. Naurissart, membre du comité des finances, chargé du rapport sur la fabrication des monnaies de billon, qui vient d’être ajourné à lundi prochain, m’annonce qu’il est prêt à faire ce rapport sur le champ. Je demande à l’Assemblée si elle consent à entendre le rapporteur. L’affirmative est prononcée. M . laurissart, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des finances va vous rendre compte des divers projets de fonte de billon qui vous ont été présentés. Plusieurs n’onfd’autre base que la fonte des cloches. Cette opinion est si généralement accueillie qu’il est indispensable de vous en entretenir un instant. D’anciens préjugés, et la ressemblance dans la couleur, ont sans doute persuadé les hommes qui n’ont aucune connaissance monétaire et métallurgique, que la matière des cloches était la même que celle qui compose les pièces de billon ou sols marqués ; alors ils ont cru entrevoir un numéraire immense dans la quantité des cloches qui sont en France. Cette erreur est si répandue et se propage encore avec tant de succès, qu’il est du devoir de votre comité des finances de la dissiper. Le métal des cloches est composé de cinq sixièmes de cuivre, et d’un sixième d'étain mêlé avec un peu d'antimoine. Ce mélange rend ce métal très cassant, et jusqu’à présent les artistes les plus habiles n’ont pu trouver aucun moyen de le rendre ductile et malléable. La monnaie de billon est composée d’environ (1) Le Moniteur ne donne qu’un extrait de ce rapport. 1er SÉRIE. T. XI. 225 quatre cinquièmes de cuivre et d’un cinquième d’argent, ce qui donne à ce métal une valeur intrinsèque d’environ onze livres dix sols le marc, tandis que celle du métal des cloches n’est que de dix sols. Le public, mieux instruit, verra donc qu’il est impossible de faire des sols marqués avec la matière des cloches. D’autres projets mieux conçus pour la fonte des cloches proposent, si l’on ne peut pas en faire des sous marqués, de les vendre comme métal, et pensent que leur valeur peut être portée à vingt sols la livre. Cette évaluation n’est point exagérée : peut-être n’est-il pas aussi facile d’approuver leur aperçu sur la quantité. Le sieur Pasquier, qui a fourni à votre comité les détails les plus étendus à cet égard, suppose, d’après des bases qui, quoique raisonnées, peuvent donner des résultats erronés, que les cloches du royaume, qui resteront inutiles, doivent peser 184 millions de livres, qui, au prix ci-dessus de 20 sols, formeraient une somme de 184 millions. Cette somme, dit le sieur Pasquier, pourrait servir d’hypothèque et de remboursement à une somme par-reille de papier-monnaie ; mais votre comité ne croit pas devoir vous parler de cet objet, puisque vous avez déjà prononcé à cet égard et qu’il ne doit vous entretenir que d’une fabrication de billon. Le sieur Naudier vous a proposé un projet imprimé, qui est établi sur des principes plus monétaires. Il substitue au cuivre rouge, qui a jusqu’à ce moment servi à la formation du billon, un métal qui paraît, et qu’on ose assurer être composé de cuivre rouge et d’une portion d’arsenic. Ce mélange produit une couleur moins rouge ; et en y ajoutant la quantité d’argent nécessaire pour donner à cette monnaie une valeur intrinsèque, il est naturel de croire que la couleur serait un peu grise. Mais, Messieurs, le sieur Maudier vous propose de fournir ce métal aux directeurs des monnaies, à raison de quarante sols la livre, tandis que le cuivre rouge ne leur est payé que vingt-cinq sols, ce qui fait une augmentation de 60 0/0, à quoi il faut ajouter plus de difficultés pour la fabrication ; et il est évident qu’en travaillant des métaux dans lesquels l’arsenic est incorporé, il existe nécessairement une espèce de danger pour les ouvriers. Un projet de fabrication sur les anciennes bases est donc celui auquel votre comité donne la préférence. Ces bases sont du cuivre rouge et de l’argent dans une proportion à peu près la même que celle du billon qui est aujourd’hui en circulation. Il est sans doute nécessaire de frapper des piècesde plusieurs valeurspour la commodité des paiements. Avec des pièces de 5 sols, de 2 sols, et de 18 deniers, on ferait tous les appoints. La pièce de 5 sols paraît convenable par ses rapports avec la livre de France ; et peut-être trouverez-vous, Messieurs, qu’il conviendra tôt ou tard de frapper des pièces de 10 sols, de 20 sols et de 30 sols ; mais votre comité ne doit pas encore vous entretenir de cet objet. Il est indispensable de fixer la quantité qui en sera frappée, le titre et la valeur du marc. C’est de ces deux derniers objets que résultera le poids de chaque pièce. Le nouveau billon sera composé d’un sixième d’argent et de cinq sixièmes de cuivre. C’est-à-dire à deux deniers de fin, valant, au lo ARCHIVES PARLEMENTAIRES.