166 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE g [ Les officiers publics et employés de l’état civil de Paris aux représentants du Peuple ] (41) Vous avez arraché le crêpe funèbre qui cou-vroit la République, vous avés anéanti ces êtres féroces qui vouloient régner sur des monceaux de cendres et des fleuves de sang; vous avés fait tomber le masque hypocrite de moeurs et de justice dont se couvroient les chefs de cette secte impie. A la lecture de votre adresse sublime, de cet oracle de paix, la République triste et désolée, fumante dans son sang, a reçu un nouvel être et renait consolée. Ses premiers élans sont ceux de la reconnoissance, et se portent vers leurs bienfaiteurs. Les officiers publics et employés de l’état civil ont partagé l’enthousiasme générale. A la lecture de ce code de vertu, ils ont vu le développement des principes dont ils sont pénétrés ; ils y ont vu leurs voeux accomplis, et vous auraient déjà porté l’expression de leurs senti-mens, si les fonctions dont ils sont chargés n’exigeoient qu’ils restent à leur poste pour le service public. Recevés, représentans du Peuple, le tribut de reconnoissance que toutes les parties de la République vous doivent et vous présentent à l’envi. Ce voeu prononcé par vos commettants, leur donne droit d’espérer que vous consom-merés votre ouvrage, le bonheur du Peuple; il est un besoin pour votre coeur. Suivi d’une page de signatures. 19 GARRAN-COULON : Votre comité de Législation, en s’occupant de compléter l’organisation des corps administratifs et des tribunaux, a été arrêté par plusieurs difficultés qui se sont présentées sur les incompatibilités. Les règles générales de cette matière sont assez souples, quoiqu’elles soient répandues dans diverses lois, faites à des époques différentes, par les assemblées nationales qui se sont succédé ; mais leur application aux cas particuliers n’est pas toujours aussi aisée, surtout quand il s’agit de les faire porter sur des fonctions qui n’appartiennent pas d’une manière bien déterminée à cette principale division de l’ordre public, les administrations et les tribunaux. La contrariété des décisions qui ont été rendues sur plusieurs points par les autorités constituées chargées d’y statuer, et l’incertitude de ces autorités sur le parti qu’elles doivent prendre dans divers autres cas, ont fait sentir à votre comité la nécessité d’une loi nouvelle, qui, en rappelant les principes déjà décrétés, (41) C 322, pl. 1354, p. 12. en dirigeât l’application de manière à lever toutes les difficultés. Les premières règles à cet égard ont été tracées par l’Assemblée constituante : elles dérivent toutes de ce grand principe, que la séparation des pouvoirs est le plus sûr garant de la liberté et de la justice. On a conclu de là que les fonctions administratives et les fonctions judiciaires devaient être exercées par des mains différentes, et que, dans l’ordre de chacune de ces fonctions, celles du même genre, qui étaient subordonnées les unes aux autres, ne pouvaient pas non plus être exercées par les mêmes personnes. Enfin, comme les fonctions publiques ne doivent pas être un objet de cupidité pour les citoyens, et que le traitement attaché aux plus assujettissantes n’est que la juste indemnité du temps que des hommes laborieux devraient employer à se procurer leur subsistance ou celle de leur famille, on a encore établi l’incompatibilité de deux traitements trop considérables, ou même celle des fonctions auxquelles ces traitements sont attachés. Lorsque ces motifs d’incompatibilité n’ont pas existé, on n’a pas trouvé d’inconvénient à la cumulation de diverses fonctions dans la même personne. C’est l’application de ces différentes règles qui a présenté dans l’usage plusieurs difficultés que les législateurs, qui sont les modérateurs des différents pouvoirs, ont seuls le droit de résoudre. Il semble d’abord qu’elles pourraient être levées par un seul article de décret qui déclarerait absolument incompatibles toutes les fonctions que la loi a cru devoir séparer, en en faisant des places particulières. Mais on ne doit jamais oublier, dans la pratique des institutions purement sociales, qu’on ne doit pas les pousser au-delà du but, en leur donnant une trop grande étendue. Ce but est le bien public : lorsqu’on s’en écarte, en étendant à toutes ses conséquences le principe qui paraît d’ailleurs le mieux fondé, il doit être alors modifié. Ainsi, par exemple, quoique la séparation des divers pouvoirs soit en général la sauvegarde de la liberté, comme cette séparation n’est qu’une institution politique, puisque les pouvoirs administratifs et judiciaires ne sont rien autre chose que l’autorité nationale appliquée à l’exécution des lois dans leurs deux principales branches, si, dans l’une et l’autre de ces deux grandes divisions, il se trouve des fonctions publiques qui ne donnent à celui qui les cumulait qu’une faible autorité sur les personnes et sur les choses, il n’y a aucun inconvénient à la cumulation. Il y aurait même de l’inconvénient à l’incompatibilité, si la difficulté de trouver des hommes instruits pour exercer ces fonctions diverses faisait craindre qu’en prononçant la nécessité de leur séparation on ne fût souvent exposé à les voir plus mal remplies. Ce danger est surtout à craindre pour nous, dans un temps où, à peine sortis de la barbarie produite par l’oppression du despotisme et l’ignorance de l’esclavage, tous les citoyens français ne peuvent encore avoir acquis les lumières qu’une bonne éducation leur donnera sans