316 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. année qu’en prêtant ce serment, tel que M. l’abbé Grégoire, mon cher confrère, l’a prêté à la tribune. Je vous prie, Monsieur le Président, d’en convaincre l’auguste Assemblée par la copie de mon serment, extraite des registres de la municipalité du Coudray, que j’ai l’honneur de vous envoyer avec l’enveloppe du paquet que j’ai reçu, qui vous prouvera la vérité de ce que j’avance. « Je crois devoir .vous avertir que vos décrets nous parviennent fort tard ; car de tous ceux que j’ai reçus cette semaine, le plus récent est du 19 novembre. Nous ne sommes cependant qu’à neuf lieues de Paris et de Versailles. « J’ai l’honneur d’être, etc., « Signé: Blanc, curé et procureur syndic de la commune du Coud ray/ » Il est ensuite fait lecture des adresses suivantes : Adresse de la municipalité de Choisy-le-Roi, contenant le procès-verbal de prestation de serment des curé, vicaires et aumônier de la garde nationale dudit Ghoisy, ensemble le discours, vraiment patriotique, prononcé par le curé, avant son serment. Adresse de la municipalité de Gourdon, qui annonce que les commissaires civils, ordonnés par l’Assemblée, sont arrivés dans cette ville, et y ont ramené la paix; qu’ils y ont replacé, avec pompe et solennité, les administrateurs du district, que la crainte tenait dispersés depuis plus d’un mois. Adresse des officiers municipaux de la communauté de Grornas; ils font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. Procès-verbal de la prestation de serment, faite par le clergé de la paroisse de Saint-Médard de Paris, et discours de M. Dubois, curé, après cette prestation, dans lequel il fait éclater les sentiments du patriotisme le plus pur et de la piété la plus vraie. On y lit ces paroles remarquables : « Qu’il me soit permis, mes frères, de former ici « un vœu qui doit être celui de tout bon citoyen ; « c’est de voir cesser cet esprit de parti, qui « fomente les animosités, et qui, depuis trop « longtemps, trouble la tranquillité des citoyens, « en perpétuant une dangereuse agitation. Puis-« siotis-nous, en recueillant les fruits précieux « de cette liberté que nous nous félicitons d’a-« voir recouvrée, goûter les douceurs de la con-« corde, de cette union fraternelle qui, en faisant « le bonheur de chaque citoyen en particulier, « l'ail celui de la société ! » Adresse des juges du tribunal de Varennes, district de Clermont, département de la Meuse, par laquelle ils lui .émoignent leur profonde reconnaissance, leur dévouement absolu à la Constitution, leur soumission entière aux lois judiciaires qui l’affermissent, et leur attention sévère à ne pas eu dépasser les bornes. M. Defermon. Messieurs, je viens vous dénoncer une pièce absolument fausse et qui ne peut avoir pour objet que d’égarer les citoyens qui avaient eu le patriotisme que vous désirez; on a distribué dans le département de i’Ilie-et-Vilaine un prétendu bref du pape, qui annonce que Sa Sainteté a répondu au roi des Français que l’Assemblée nationale avait outrepassé ses pouvoirs, que ceux qui prêteraient leur serment ou qui l’avaient prêté étaient schismatiques, qu’ils ne [18 janvier 1791.] pouvaient adhérera la constitution civile du clergé sans se rendre coupables du crime d’hérésie. Une voix à droite : Bravo 1 M. Gaultier de Biauzat. Je demande que l’on recherche quel est le membre qui approuve ce prétendu bref. M. Defermon. Je vous dénonce encore que le secrétaire qui est à côté de moi a reçu de sa province une copie d’une semblable pièce. Il est visible que c’est d’un centre commun que sont parties ces pièces fausses pour tout le royaume. Une voix à droite: Elles sont bien dénoncées si elles sont fausses. M. Babey. Le bon esprit percera partout. M. Defermon. J’ajoute, Messieurs, que cette pièce n’a pas été comme des membres du département de l’llle-et-Viluine, qui se sont empressés de la dénoncer au tribunal de district; et je suis convaincu qu’il prendra toutes les mesures pour punir les auteurs et la distribution de pareilles pièces.Mais comme il est extrêmement intéressant que le peuple ne soit pas trompé par de pareilles distributions et que le moyen de la faire reconnaître et d’annoncer à la France la supposition de cette pièce est de faire connaître l’opinion qu’en prend l’Assemblée , je demande qu’elle veuille bien charger son président de témoigner au département de i’Ille-et-Vilaine sa satisfaction des mesures qu’il a prises pour empêcher la distribution de cette pièce et qu’en même temps elle renvoie au comité des recherches la pièce même que je dépose sur le bureau. M. Bouche. L’ordre du jour ! M. Gaultier de Biauzat. Messieurs, j’appuie la motion qui vient de vous être faite par M. Defermon; je trouve cependant que la mesure n’est pas suffisante. Il est de la connaissance de plusieurs membres que les ennemis de la Constitution emploient tous les moyens pour retarder les heureux effets de vos travaux. Ils ont maintenant recours à la fourberie; ils supposent l’existence d’un bref qui serait indifférent en soi, quand bien même il existerait, mais qui cependant pourrait encore surprendre quelques esprits faibles. Il est donc essentiellement nécessaire de faire punir les auteurs de semblables libelles. Ainsi, j’ajoute aux dispositions delà motion de M. Defermon que M. le Président soit chargé de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner ordre d’informer, dans tous les départements où ce prétendu bref aurait ôté distribué, contre ceux qui fout et répandent de semblables imprimés. ( Applaudissements .) M. Bouche. Aux voix ! M. Maïouet. Je conviens que ceux qui ont répandu cette pièce veulent incendier les esprits et exciter à la révolte contre une loi quelconque; mais je conjure l’Assemblée de ne point prendre à cet égard de mesures partielles. (. Murmures à gauche.) Je suis étonné du mouvement que cause dans l’Assemblée une observation très conforme aux principes qu’elle établit; jamais par les mesures [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.] 3J 7 partielles, vous n’obvierez à tous ces malheurs qui résultent de la licence affreuse de la presse. (. Murmures ironiques.) Je dis, Messieurs, que vous ne pouvez pas raisonnablement ni décemment donner une information contre une pièce et tolérer l’existence de cent autres. Je vous conjure donc, Messieurs, de vous souvenir que vous avez donné des ordres à votre comité de Constitution, il y a trois mois, de vous présenter une loi sur la licence de la presse; cette loi a été réclamée très fréquemment dans cette Assemblée. M. Cottin. Voilà trois fois que M. Malouet revient à la charge. M. Malouet. J’observe à M. Cottin que je ne suis point accoutumé à me rebuter. Il n’y a ni murmure, ni huée, ni improbation qui puisse me faire renoncer à ce que je crois être juste et nécessaire. Ainsi, Messieurs, je vous annonce que si vous n’y mettez ordre, tous b s jours je répéterai cette motion. Je demande donc, Messieurs, qu’il soit présenté un projet de décret (Murmures.) contre les auteurs et distributeurs de pièces incendiaires, des libelles les plus sanglants, les plus atroces, les plus infâmes.... M. Alexandre de Lameili. Contre nous. M. Malouet. Donnez à votre décret le caractère d’une loi qui s’applique à tous les délits d’un même genre, qui se délibère d’après des principes et non d’après des circonstances particulières. Je demande que les informations soient ordonnées contre tous auteurs de libelles et que le comité de Constitution soit tenu de donner son projet incessamment. S M. Barnave. Messieurs, il me paraît qu’il ne peut y avoir aucune espèce de relation et de comparaison entre le délit qui vous est actuellement dénoncé et la liberté même la plus indéfinie d’écrire, et d’imprimer sur les opinions et sur les personnes. Le délit qui vous est textuellement dénoncé est un faux évident; c’est la simulation, c’est l’imitation mensongère d’un acte public et légal ; car un tel acte chez tous les peuples du monde, et chez ceux même qui respectent le plus la liberté de la presse, a toujours été un délit public et punissable. Cet acte doit donc être poursuivi et puni sévèrement. Gela n’a même aucune espèce de rapport avec la loi demandée au comité de Constitution sur la liberté ou plutôt sur les limites de la liberté de la presse, loi dont la confection, selon moi, doit être encore retardée; car je pense et j’observe par les faits que chaque jour l’opinion se forme à cet égard, que chaque jour, si chacun se persuade que si les calomnies privées doivent être réprimées, l’opinion, la liberté de s’énoncer et d’imprimer même, et sur les choses et sur les personne? publiques, doit avoir la plus grande latitude possible. Mais enfin, par un cours d’événements je ne sais comment dirigés, il arrive qu’aujourd’hui c’est presque exclusivement sur les personnes les plus attachées à la liberté que la calomnie se dirige ; et comme j’aime à croire ces personnes toujours plus attachées à la chose publique qu’à elles-mêmes, malgré les inconvénients et tous les nuages nécessairement passagers que la liberté de la presse peut attirer sur leurs personnes, j’espère qu’à la fin les uns, conduits par leur intérêt, les autres par la vérité, nous nous réunirons à cette grande maxime, qu’il doit être permis de tout dire, de tout écrire, de tout imprimer concernant les hommes publics, parce que l’homme qui a accepté l’emploi imposant, l’emploi honorable, mais délicat, de gérer la chose publique, s’expose ce jour-là volontairement à la censure de ses concitoyens. U n’y a pas de comparaison entre les maux qui résulteraient pour la chose publique de la gêne la plus légère à la liberté de cette censure, et les maux qui peuvent résulter pour les individus des calomnies toujours repoussées surtout par cette puldicité d’actions et d’opinions qui est à la fois la sauvegarde de la liberté pour la nation et la sauvegarde de la réputation. (Applaudissements à gauche.) Je demande donc qu’on adopte la motion de M. Defermon et qu’on passe à l’ordre du jour sur celle de M. Malouet. (Applaudissements.) M. de Rois-Rouvray. Je demande la même loi contre le faux bref qui ordonne aux ecclésiastiques de prêter le serment. (Rires à gauche.) Monsieur le président, il y a un bref faux. M. Malouet. Je demande au moins la proscription de libelles qui conseillent l’assassinat. (Huées et murmures). Nous en sommes inondés. Je demande enfin que l’on mette un terme aux conseils donnés par la voie de l’impression de brûler, de massacrer, d’exterminer tous ceux qu’on prétend désigner par ennemis du bien public; et ceux-là sont sans doute exceptés de la tolérance que demande M. Barnave. Une voix : Dénoncez ces écrits 1 M. Dubois-Crancé. Tout homme qui écrit en faveur de la Révolution pour déterminer le peuple à obéir aux décrets n’est point un libelliste ; mais tout homme qui écrit contre est uu coquin; voiià ce qu’il fallait dire. La motion de M. Defermon est adoptée avec l’amendement de M. Gaultier de Biauzat dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que la copie du prétendu bref du pape, qui a été représentée à l’instant et déposée sur le Bureau, sera remise au comité des recherches. « Elle charge son président de se retirer vers le roi, pour le prier de donner des ordres à l’effet qu’il soit informé contre les auteurs et distributeurs de ce prétendu bref, dans tous les départements où il a été distribué, et d’écrire à la commune de Rennes, pour lui témoigner sa satisfaction de son zèle et de sa surveillance. » M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, la municipalité de Paris doit installer vendredi prochain ses nouveaux juges dont plusieurs sont membres de cette Assemblée. En vertu d’un décret prudent, il n’est pas permis aux membres de cette Assemblée nommés juges de se faire installer pendant la session. Vous n’avez usé de cette précaution que pour ne pas priver l’Assemblée de leurs lumières pendant le temps qu’ils seraient obligés de s’absenter pour leur installation. Mais ici ce n'est plus la même chose : l’installation des juges de Paris prendra infiniment