SÉANCE DU 7 PRAIRIAL AN II (26 MAI 1794) - N° 44 41 leur conversation cannibale retentissait à l’oreille des républicains fidèles. Ma voix est fatiguée de dénombrer les crimes de l’Angleterre; j’aime mieux vous présenter un trait récent, digne des républicains; il exprime le sentiment que j’ai essayé de faire passer dans l’âme de mes concitoyens; il prouve qu’il vaut mieux mourir que d’être leur prisonnier, et qu’il ne faut point de grâce à l’exécrable anglais. [Extrait de la lettre du citoyen Pourcel, sous-chef des bureaux civils de la marine, à la commission de la marine; Villefranche, 26 flor. II]. « Le capitaine Pierre Bertrand, ci-devant commandant la felouque de la République La Révolutionnaire, est arrivé ici avec 17 personnes de son équipage. Poursuivi le 14 de ce mois sur le cap de Noli par un vaisseau anglais, il préféra de chavirer sous voile à se rendre à l’ennemi. 4 républicains de son bord eurent le malheur de périr lors de cet accident. Il est parti de suite pour Nice ». Signé : Pourcel. P.c.c. : Dalbarade. Voilà, (continue BARERE), les sentiments de tout français parce qu’il sait qu’il appartient à une nation révolutionnaire comme la nature, puissante comme la liberté, et ardente comme le salpêtre qu’elle vient d’arracher aux entrailles de la terre. Il me suffit maintenant de m’adresser aux républicains qui combattent pour la liberté, et le langage sanctionné par les représentants du peuple sera bientôt entendu des armées. Le rapporteur termine en donnant lecture d’une adresse aux armées de la République ! La Convention nationale aux armées de la République. «Soldats de la liberté, l’Angleterre est coupable de tous les attentats envers l’humanité et de tous les crimes envers la République. Elle attaque les droits des peuples, et menace d’anéantir la liberté. Jusqu’à quand laisserez-vous exister sur nos frontières les esclaves de George, les soldats du plus imbécile des despotes et du plus atroce des tyrans ? Il forma le congrès de Pil-nitz et le marché honteux de Toulon; il massacra nos frères à Gênes et brûla nos vaisseaux et nos magasins dans les villes maritimes; il corrompit nos cités et voulut détruire la représentation nationale; il affama nos capagnes et acheta des trahisons sur les frontières. « Quand la disposition des combats vous offrira des anglais ou des hanovriens (1), portez votre souvenir sur les vastes contrées que les émissaires anglais ont dévastées; portez vos regards sur la Vendée, Toulon, Lyon, Landrecies, la Martinique et Saint-Domingue. Ces lieux fument en-fl) Dans le texte reproduit par Mon., XX (p. 587) il n’est question que des anglais; il s’agit d’une omission sans doute, puisque le décret mentionne les hanovriens, comme le font les journaux ci-après, qui ont reproduit l’adresse in extenso : J. Fr., n° 613; Rép., n° 161; C. Eg., n° 650; Audit, nat., n° 614. core du sang que l’atroce politique des Anglais a fait répandre. « Quand la victoire vous présentera des anglais ou des hanovriens, frappez; il ne doit en revenir aucun, ni sur les terres liberticides de la Grande-Bretagne, ni sur le sol libre de la France. Que les esclaves anglais périssent et l’Europe sera libre. « Ne croyez pas à leur astucieux langage; c’est un crime de plus de leur caractère perfide et de leur gouvernement machiavélique; ceux qui se vantent d’abhorrer le gouvernement de George peuvent-ils donc combattre pour lui ? » (1). Le discours de Barère a souvent excité le plus vif enthousiasme. Le cri de « guerre à mort aux soldats de Pitt et du tyran imbécile qu’il gouverne » a été répété par tous les citoyens dont la salle était remplie en ce moment, et a longtemps retenti au milieu des applaudissements et des cris répétés : Vive la République, vive la liberté ! (2). Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du Comité de salut public, décrète : «Art I. — Il ne sera fait aucun prisonnier anglais ou hanovrien. « Art. II. — Le rapport, l’adresse et le décret seront imprimés dans le bulletin, envoyés à toutes les armées, distribués à chaque membre de la Convention, au nombre de six exemplaires, et traduits dans toutes les langues » (3). 44 Robespierre donne lecture d’un discours sur les trahisons, les moyens de corruption et les attentats que les ennemis de la République ne cessent de mettre en usage pour en conjurer la perte, ainsi que celle de ses meilleurs défenseurs (4). Robespierre paraît à la tribune. (On applaudit) . ROBESPIERRE : Ce sera un beau sujet d’entretien pour la postérité; c’est déjà un spectacle digne de la terre et du ciel de voir l’Assemblée des représentants du peuple français, placée sur (1) Mon, XX, 580. (2) Débats, n° 614, p. 91. (3) P.V., XXXVIII, 137. Minute de la main de Barère (C 304, pl. 1122, p. 25). Décret n° 9287. Reproduit dans Bin, 9 prair.; mention dans Rép., nos 158 et 163; C. Eg., n° 647; Audit, nat., n° 611; Ann. R.F., nos 178 et 179; J. Matin, n° 675 (sic); J. Lois, n° 607; Mess, soir, nos 647 et 653; J. Sablier, n° 1343; J. Univ., nos 1645 et 1647; M.U., XL. 124; J. S.-Culottes, n08 466 et 470; J. Mont., n° 32; Débat, n08 614, p. 91 et 624, p. 267; Feuille Rép., n° 328; J. Perlet, n°8 612 et 615; J. Fr, n08 610, 611, 614 et 615; J. Paris, n08 512 et 515. (4) P.V., XXXVIII, 133. B in, 7 prair.; J. Fr., n08 610 et 611; Rép., n°8 158 et 160; J. Mont., n° 32; J. Matin, n° 675 (sic); J. Univ., n° 1647; J. Perlet, nos 612 et 615; Ann. R.F., n° 179; Mess, soir, n° 647; J. S. -Culottes, n° 466; Feuille Rép., n08 328 et 331; J. Paris, n° 512; J. Sablier, n08 1343 et 1350. SÉANCE DU 7 PRAIRIAL AN II (26 MAI 1794) - N° 44 41 leur conversation cannibale retentissait à l’oreille des républicains fidèles. Ma voix est fatiguée de dénombrer les crimes de l’Angleterre; j’aime mieux vous présenter un trait récent, digne des républicains; il exprime le sentiment que j’ai essayé de faire passer dans l’âme de mes concitoyens; il prouve qu’il vaut mieux mourir que d’être leur prisonnier, et qu’il ne faut point de grâce à l’exécrable anglais. [Extrait de la lettre du citoyen Pourcel, sous-chef des bureaux civils de la marine, à la commission de la marine; Villefranche, 26 flor. II]. « Le capitaine Pierre Bertrand, ci-devant commandant la felouque de la République La Révolutionnaire, est arrivé ici avec 17 personnes de son équipage. Poursuivi le 14 de ce mois sur le cap de Noli par un vaisseau anglais, il préféra de chavirer sous voile à se rendre à l’ennemi. 4 républicains de son bord eurent le malheur de périr lors de cet accident. Il est parti de suite pour Nice ». Signé : Pourcel. P.c.c. : Dalbarade. Voilà, (continue BARERE), les sentiments de tout français parce qu’il sait qu’il appartient à une nation révolutionnaire comme la nature, puissante comme la liberté, et ardente comme le salpêtre qu’elle vient d’arracher aux entrailles de la terre. Il me suffit maintenant de m’adresser aux républicains qui combattent pour la liberté, et le langage sanctionné par les représentants du peuple sera bientôt entendu des armées. Le rapporteur termine en donnant lecture d’une adresse aux armées de la République ! La Convention nationale aux armées de la République. «Soldats de la liberté, l’Angleterre est coupable de tous les attentats envers l’humanité et de tous les crimes envers la République. Elle attaque les droits des peuples, et menace d’anéantir la liberté. Jusqu’à quand laisserez-vous exister sur nos frontières les esclaves de George, les soldats du plus imbécile des despotes et du plus atroce des tyrans ? Il forma le congrès de Pil-nitz et le marché honteux de Toulon; il massacra nos frères à Gênes et brûla nos vaisseaux et nos magasins dans les villes maritimes; il corrompit nos cités et voulut détruire la représentation nationale; il affama nos capagnes et acheta des trahisons sur les frontières. « Quand la disposition des combats vous offrira des anglais ou des hanovriens (1), portez votre souvenir sur les vastes contrées que les émissaires anglais ont dévastées; portez vos regards sur la Vendée, Toulon, Lyon, Landrecies, la Martinique et Saint-Domingue. Ces lieux fument en-fl) Dans le texte reproduit par Mon., XX (p. 587) il n’est question que des anglais; il s’agit d’une omission sans doute, puisque le décret mentionne les hanovriens, comme le font les journaux ci-après, qui ont reproduit l’adresse in extenso : J. Fr., n° 613; Rép., n° 161; C. Eg., n° 650; Audit, nat., n° 614. core du sang que l’atroce politique des Anglais a fait répandre. « Quand la victoire vous présentera des anglais ou des hanovriens, frappez; il ne doit en revenir aucun, ni sur les terres liberticides de la Grande-Bretagne, ni sur le sol libre de la France. Que les esclaves anglais périssent et l’Europe sera libre. « Ne croyez pas à leur astucieux langage; c’est un crime de plus de leur caractère perfide et de leur gouvernement machiavélique; ceux qui se vantent d’abhorrer le gouvernement de George peuvent-ils donc combattre pour lui ? » (1). Le discours de Barère a souvent excité le plus vif enthousiasme. Le cri de « guerre à mort aux soldats de Pitt et du tyran imbécile qu’il gouverne » a été répété par tous les citoyens dont la salle était remplie en ce moment, et a longtemps retenti au milieu des applaudissements et des cris répétés : Vive la République, vive la liberté ! (2). Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du Comité de salut public, décrète : «Art I. — Il ne sera fait aucun prisonnier anglais ou hanovrien. « Art. II. — Le rapport, l’adresse et le décret seront imprimés dans le bulletin, envoyés à toutes les armées, distribués à chaque membre de la Convention, au nombre de six exemplaires, et traduits dans toutes les langues » (3). 44 Robespierre donne lecture d’un discours sur les trahisons, les moyens de corruption et les attentats que les ennemis de la République ne cessent de mettre en usage pour en conjurer la perte, ainsi que celle de ses meilleurs défenseurs (4). Robespierre paraît à la tribune. (On applaudit) . ROBESPIERRE : Ce sera un beau sujet d’entretien pour la postérité; c’est déjà un spectacle digne de la terre et du ciel de voir l’Assemblée des représentants du peuple français, placée sur (1) Mon, XX, 580. (2) Débats, n° 614, p. 91. (3) P.V., XXXVIII, 137. Minute de la main de Barère (C 304, pl. 1122, p. 25). Décret n° 9287. Reproduit dans Bin, 9 prair.; mention dans Rép., nos 158 et 163; C. Eg., n° 647; Audit, nat., n° 611; Ann. R.F., nos 178 et 179; J. Matin, n° 675 (sic); J. Lois, n° 607; Mess, soir, nos 647 et 653; J. Sablier, n° 1343; J. Univ., nos 1645 et 1647; M.U., XL. 124; J. S.-Culottes, n08 466 et 470; J. Mont., n° 32; Débat, n08 614, p. 91 et 624, p. 267; Feuille Rép., n° 328; J. Perlet, n°8 612 et 615; J. Fr, n08 610, 611, 614 et 615; J. Paris, n08 512 et 515. (4) P.V., XXXVIII, 133. B in, 7 prair.; J. Fr., n08 610 et 611; Rép., n°8 158 et 160; J. Mont., n° 32; J. Matin, n° 675 (sic); J. Univ., n° 1647; J. Perlet, nos 612 et 615; Ann. R.F., n° 179; Mess, soir, n° 647; J. S. -Culottes, n° 466; Feuille Rép., n08 328 et 331; J. Paris, n° 512; J. Sablier, n08 1343 et 1350.