[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 15 octobre 1790.) 451 Art. 3. Les dix-sept adjudants généraux, et les quatre aides de camp des généraux, qui seront colonels, auront 6,000 livres de traitement. Les treize adjudants-généraux, aiusi que les quatre aides de camp des généraux, qui seront lieutenants-colonels, auront 4,000 livres. Chacun des cent ving-huit aides de camp, capitaines, jouira de 1,800 livres d’appointement, Art. 4. L’Assemblée nationale ajourne de nouveau l’article du plan du ministre, relatif aux commissaires des guerres. M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière et sur le mode d'imposition. M. Dedelay ( ei-devant de Delley-d' Agier). Messieurs, le premier titre du projet de décret de votre comité sur la contribution foncière, suppose deux choses : La première, que les expressions qui terminent l’article premier, à raison de leur revenu net , sont déjà définies et convenues; La seconde, que le revenu territorial du royaume est déjà connu, au moins par approximation. Cependant, Messieurs, votre comité ne paraît pas encore s’être formé une idée bien exacte de ce qu’on doit entendre par l’expression : à raison de leur revenu net, lorsqu’il s’agit de la répartition de l’impôt, puisqu’il vous propose, dans l’article 4 du titre III, d’évaluer ce revenu net d’après la valeur locative pour les biens affermés, et par comparaison avec ceux-ci pour les biens qui ne le sont pas. Il ne présente non plus, Messieurs, aucune donnée sur le revenu territorial imposable en France; il annonce seulement dans l’article 2 du titre II un décret particulier, où la proportion de la contribution foncière de l’année 1791 avec les revenus territoriaux du royaume sera déterminée. Mais cela ne suffit pas; vous avez besoin d’être éclairés avant votre délibération sur la contribution foncière. Ce que votre comité n’a pas fait, Messieurs, vous ne pouvez vous dispenser 4e le faire ; et c’est pour y parvenir que je vais vous poser quatre questions : 1° Qu’est-ce que le revenu net d’une propriété foncière, lorsqu’il s’agit de la répartition de l’impôt? 2° Dans quelle proportion doit-on répartir l’impôt foncier sur ce revenu net , à raison des diverses espèces de propriétés foncières? 3° A quoi peuvent se monter, d’après les calculs approximatifs, la généralité des revenus fonciers nets et imposables en France; 4° Comment obtenir dans un bref délai l’estimation particulière de toutes les propriétés foncières du royaume, afin de pouvoir répartir la contribution foncière sur tous les départements à raison de leurs revenus fonciers imposables? Première question : Qu’est-ce que le revenu net d’une propriété foncière, lorsqu’il s’agit de la répartition de l’impôt foncier ? Il faut d’abord, Messieurs, se pénétrer d’une première vérité, que l’impôt foncier doit être appliqué sur les propriétés foncières, et non sur les possesseurs de ces propriétés ; d’où il suit que l’impôt foncier ne doit porter que sur les capitaux fonciers , à raison du revenu net qu'ils doivent produire naturellement , et en écartant tout moyen industriel et extraordinaire. D’après ce principe, vous apercevez déjà, Messieurs, combien le revenu net imposable peut différer du revenu net effectif instantané. Ce serait tomber dans une étrange erreur politique, que de n’admettre que le produit net, effectif, instantané pour la répartition de l’impôt foncier. Ce revenu net pouvant ne dépendre que du plus ou moins d’industrie du propriétaire foncier, l’impôt perdrait son caractère de contribution foncière, et deviendrait presque toujours une contribution mixte portant sur la personne et sur le fond. Supposons, en effet, trois arpents de terre contigus, d’une qualité absolument semblable, et susceptibles des mêmes produits, possédés par trois propriétaires différents. Le premier, insouciant, paresseux, néglige sa culture; son arpent ne lui rend que 6 livres de net. Le second, homme ordinaire, satisfait de retirer de son champ ce qu’il en avait espéré en y plaçant ses capitaux, suit exactement, sans autre industrie, la culture d’usage ; son arpent lui rapporte ce qu’il devait naturellement rapporter, un revenu net de 12 livres. Le troisième, propriétaire, cultivateur actif et industrieux, sacrifiant tout à la passion d’augmenter les produits de sa terre, voit ses sueurs couronnées par des succès ; en ses laborieuses mains, l’arpent quadruple de re venu, il rend net 48 livres. Vous voyez, Messieurs, que le revenu net effectif, instantané de ces trois arpents, est l’un de 6 livres, l’autre de 12 livres, le troisième de 48 livres. Vous pourriez sans doute prendre en considération la différence de ces produits dans la répartition d’une contribution mixte: mais, Messieurs, pour la répartition d’une contribution foncière, le revenu net , imposable de chacun de ces trois arpents doit être de 12 livres; et pourquoi ? Parce que ces trois arpents ayant été supposés contigus , absolument semblables en qualité, représentent des capitaux égaux et de même espèce : or, l’impôt foncier ne devant porter que sur les capitaux, à raison du revenu net que ces capitaux doivent produire naturellement, et eu écartant tout moyen industriel extraordinaire des capitaux égaux et de même espèce , doivent naturellement produire des revenus égaux, et conséquemment supporter une égale quotité d’impôt. Ainsi l’homme négligent payera à raison de 12 livres et non à raison de 6 livres, parce que c’est par son fait que son arpent, qui devait naturellement produire 12 livres, n’en a rapporté que 6 livres. Par les mêmes raisons de justice et de politique, celui qui ne doit qu’à ses travaux extraordinaires des revenus extraordinaires, cet homme bienfaiteur de la société, puisqu’il l’enrichit, ne sera point grevé de l'impôt foncier pour la partie de ses bénéfices instantanés, qui ne sont point l’intérêt représentatif de capitaux fonciers, mais seulement les récompenses de son heureuse et utile industrie. Nous poserons donc pour principe fondamental dans les évaluations du revenu net des propriétés foncières pour la répartition de l’impôt foncier, que ce revenu net imposable n’est pas le revenu net effectif, instantané, résultant du plus ou moins d’industrie du possesseur de la propriété soumise à l’évaluation, mais le revenu net que cette propriété est dans le cas de produire na- 452 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.] turellement, et en écartant tout moyen industriel extraordinaire. Ainsi, par exemple, une terre labourable quelconque doit à raison de sa fécondité naturelle et connue ; et en la supposant dépouillée de tous les arbres, arbustes, ou autres accessoires qui pourraient diminuer cette fécondité, cette terre labourable, dis-je, doit rendre ou multiplieront de fois la semence qui y sera jetée (en supposant qu’on s’est conformé aux cultures d’usage). Ce produit de tant de fois la semence représentera le produit net imposable de cette terre, lorsqu’on en aura déduit les frais de culture, de semence et de récolte, et que l’on aura divisé le restant par le nombre d’années nécessaires au retour de la même récolte. Ce produit net ainsi constaté sera non seulement le seul imposable, mais encore celui qui devra toujours être imposé, et le propriétaire conservera l’entière liberté de laisser vaquer son champ, ou de lui faire produire, par les efforts de l’industrie, un revenu égal aux capitaux qu’il représente, comme cela arrive quelquefois en Flandre sur un arpent de lins qui n’éprouve aucun accident, et dans le midi de la France, sur un arpent planté de mûriers nains, lorsque la récolte des vers à soie réussit complètement. Si vous rejetiez, Messieurs, cette base vraiment constitutionnelle que j’ai l’honneur de vous proposer, pour vous arrêter à la mesure versatile qui vous est présentée pour la répartition de l’impôt d’après la valeur locative et instantanée des propriétés foncières, vous anéantiriez l’industrie agricole, source première de nos richesses; vous compromettriez le sort de la contribution foncière, en la soumettant à l’arbitraire des évaluations comparatives sur le revenu net instantané ; évaluations toujours faibles ou rigoureuses en proportion des efforts de l’intrigue ou des ressources de la faveur : vous proscririez la bonne foi, vous appelleriez la fraude dans tous les actes publics ou particuliers sur les fermes et loyers : vous donneriez naissance à une multitude incalculable de réclamations; enfin, vous seriez obligés, chaque année, de renouveler les évaluations, ou d’accorder des dégrèvements dont la quotité s’accroîtrait bientôt sans règle comme sans mesure. Alors, Messieurs, la contribution foncière, changée en un impôt mixte , arbitraire et désastreux , deviendrait une ressource incertaine pour l’Etat, et pour tous les propriétaires un fléau. Ces vérités sont si simples que jene m’arrêterai as à les développer ; cependant je demanderais être entendu, si l’on cherchait à les combattre: en attendant, je conclus à ce qu’il soit établi comme principe constitutionnel: Que la contribution foncière ne doit porter que sur les capitaux fonciers , à raison du revenu net qu’ils doivent produire naturellement, en écartant tout moyeu industriel extraordinaire, et déduction faite des frais de culture, de semences, de récoltes et autres nécessaires à l’exploitation. Ce principe posé, je passe à la secoude question î Dans quelle proportion doit-on répartir l’impôt foncier à raison du revenu net imposable pour les diverses espèces de propriétés foncières? J’ai dit, Messieurs, que des capitaux égaux et de même espèce devaient supporter, à raison de leurs revenus imposables, une égale quotité d’impôt ; mais en ajoutant et de même espèce , j’ai voulu maintenir dans la quotité d’impôt applicable aux revenus imposables résultant de plusieurs espèces de capitaux fonciers, la même différence qui existe dans la nature des revenus imposables, produits par ces diverses espèces de capitaux. Un exemple va rendre plus sensible ma pensée. Les capitaux fonciers, qui exigent pour la production de leurs revenus, des cultures, des semences, des frais considérables de récoltes, des entretiens coûteux en vastes bâtiments, en outils et bestiaux de tous genres ; des revenus qui sont en même temps plus particulièrement soumis à lacasualité, qui résulte de l’intempérie des saisons, présentent sans doute moins de solidité, moins d’avantages réels, que les revenus de capitaux fonciers, dont la production n’exigeant ni semences, ni culture, sont encore, par leur nature, moins exposés aux influences des saisons ; et cette différence dans la solidité des produits, est marquée bien davantage en faveur des capitaux fonciers, dont les revenus sont, pour ainsi dire, indépendants de cette influence, et exempts de tous frais de culture, de semences et de récolte. Nous devons donc considérer, à raison de ees différences, dans la casualité des produits, trois espèces de capitaux ou propriétés foncières. Première espèce : toutes celles soumises à l’influence des saisons, exigeant culture, semence et frais de récolte. Deuxième espèce : toutes celles moins dépendantes de l’influence des saisons, n’exigeant que des frais de récolte, sans culture ni semence. Troisième espèce : toutes celles, pour ainsi dire, indépendantes de l’influence des saisons, n’exigeant ni culture, ni semence, ni frais de récolte. Non seulement la justice vous invite à frapper inégalement de l’impôt des capitaux dont le revenu présente de si sensibles différences dans leurs circonstances accessoires, mais vous sentirez, Messieurs, qu’une saine politique vous le prescrit, si j’ose le dire, plus impérieusement encore. En effet, sans parler de l’industrie extraordinaire qui peut si prodigieusement augmenter les produits des capitaux fonciers de la première es-èce, et par cela même porter la France au plus aut degré de splendeur, il est une industrie ordinaire, mais nécessaire, et sans laquelle les capitaux de la première espèce resteraient morts et sans productions : or, le but de tout gouvernement éclairé devant être de favoriser l’industrie, la première espèce des capitaux fonciers doit être plus ménagée, dans l’application de l’impôt, que ceux de la seconde, et ceux-ci plus que ceux de la troisième, dont les revenus tenant moins essentiellement à l’industrie qu’à la nécessité, au goût ou à la fantaisie, sont plus assurés de la faveur, même sans encouragement. Il est donc juste et politique d’établir une proportion quelconque dans la quotité de l’impôt foncier, appliqué aux trois espèces de capitaux ou propriétés foncières ci-dessus énoncés, à raison de leurs revenus imposables. Dans mon opinion, Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous proposer une proportion dont la différence serait d’un huitième de la première espèce à la seconde, et de deux huitièmes de la première espèce à la troisième. En sorte que si une vigne tenant à la première espèce, et produisant 600 livres de revenu imposable, devait être imposée 100 livres, un pré (de la nature de ceux qui seront classés dans la seconde espèce des propriétés foncières) avec un revenu imposable de 600 livres, payerait 100 livres [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 octobre 1790.) 453 plus le huitième de 100 livres, tandis qu’une maison ûeville, tenant à la troisième espèce, payerait pour des loyers égaux à 600 livres en entier imposables 100 livres, plus, deux huitièmes de 100 livres. Je ne dissimulerai cependant pas, Messieurs, les objections que l’on peut faire contre cette proposition en faveur des étangs, des bois et des maisons ; mais les étangs sont en général contraires à la salubrité de l’air; ils sont le lïéau des campagnes qu’ils avoisinent ; ils rendent impraticables le dessèchement de tous les sols moins élevés que la chaussée qui les contient; ils occupent presque toujours un espace qu’il serait possible, avec les ressources de l’industrie, de rendre plus utilement productif. Je regarde donc les étangs comme des possessions vraiment nuisibles ; et vainement leurs propriétaires nous présentent les frais énormes d’entretien qu’ils leur� coûtent, on leur répondra toujours : la société ne doit favoriser que ce qui concourt essentiellement à sa prospérité et à son bonheur. Les bois au contraire ne vous présentent, Messieurs, que des pressants motifs pour les conserver et les accroître. Ici la prospérité de l’Empire semble liée à cette importante branche de notre économie rurale; et nous devons examiner avec quelque attention l’influence plus ou moins fâcheuse de l’impôt sur cette espèce de propriété foncière. 1* Tous les semis et plantations de bois à venir étant l’effet de l’industrie, ne sauraient être portés dans la seconde espèce des propriétés foncières : les semis et plantations que chaque propriétaire pourra faire dans son champ ci-devant labourable, ne changeront pas, pour la répartition de l’impôt, la nature de ce champ ; il restera dans la première espèce où il aura été placé. Il n’y aurait donc que les bois et forêts maintenant existants, susceptibles d’être placés dans la seconde espèce ; mais à cet égard, il est bien généralement reconnu que les bois taillis, en coupes réglées pour le chauffage, sont, de toutes les propriétés foncières, les plus utilement productives, les plus recherchées, celles dont le produit est le plus assuré ; et loin de perdre par la suite aucun de ces avantages, elles en acquerront de nouveaux par l’augmentation de la population, suite heureuse et nécessaire d’un gouvernement libre. Nous devons donc être bien assurés qu’un citoyen éclairé, qu’un bon père de famille n’échangera jamais des produits aussi solides, n’exigeant aucune des avances en bâtiments, bestiaux, outils, semences, culture, etc., contre l’appât grossier de profiter, par la destruction de son bois, de la fécondité momentanée du terrain défriché, lorsque surtout ce défrichement ne changerait point la quantité de l’impôt déterminé pour cette classe de propriété. Mais si le propriétaire de bois taillis, au-dessous de quarante ans, trouve et trouvera toujours son intérêt à conserver cette espèce de propriété, il n’en est pas de même de celui qui ne possède que des futaies, dont les coupes, aussi rares que les siècles, produisent ces bois sans lesquels nos ateliers de terre et de mer ne sauraient s’alimenter. Sans doute, Messieurs, toute protection, toute faveur doivent être accordées à ces généreuses spéculations, étrangères à l’égoïsme, et seulement permises aux vrais citoyens : vous devez encourager tous les possesseurs de forêts susceptibles de produire des bois de construction ; et loin de placer ces propriétés dans la seconde espèce de celle que j’ai classée, vous devez, Messieurs, en faire une honorable exception, et avoir pour les futaies une échelle particulière, dont la proportion serait graduée sur leur plus ou moins d’ancienneté; en sorte que si la futaie de soixante-dix ans payait seulement, au moment de sa coupe, un impôt égal au dixième du produit net de cette coupe, la futaie qui aurait un siècle ne payerait qu’un vingtième. Cette mesure, Messieurs, n’entraînerait qu’un bien léger déficit dans les revenus publics, et favoriserait la conservation des futaies qu’il est si essentiel d’encourager. Restent les objections sur les maisons de ville. L’on prétend que dans la rigueur des principes elles devraient n’être imposées qu’à raison de la valeur du terrain qu’elles occupent: je réponds que l’impôt devant porter sur les capitaux à raison des revenus imposables qu’ils produisent, une maison représente un véritable capital qui se perpétue par les ressources et les dépenses de l’industrie, comme se perpétue, par les mêmes ressources et dépenses, sur un roc escarpé, une vigne de vin fin , vigne si prodigieusement onéreuse par la casualité de la récolte, l’incertitude de sa vente, et les avaries dont elle est susceptible. L’on dit, en second lieu, qu’il n’y aura plus d’égalité entre les contribuâmes, si l’on déduit les frais au cultivateur, et si l’on ne déduit pas ceux des propriétaires de maisons. Je réponds que je n’ai déduit au cultivateur que les frais de culture, de semence, de récolte, et autres nécessaires à l’exploitation, production ou recette de son revenu, et que ces frais étant nuis pour le propriétaire de maisons, je n’ai pu les déduire. À l’égard des réparations, d’entretiens, le cultivateur n’a-t-il pas des bâtiments à entretenir et à réparer? n’est-il pas tenu à des dépenses de ce genre tout comme le citadin ? On se fonde aussi sur ce que des revenus égaux ne doivent point être inégalement imposés. J’ai déjà répondu que ce qui constituait la véritable égalité n’était point l’égalité instantanée des revenus, et que lorsque, de deux revenus égaux en valeur numérique, l’un était casuel et l’autre assuré, très assurément celui qui ne craint aucune diminution accidentelle obtient, par sa solidité, une valeur d’opinion et réelle, qui le met dans le cas de pouvoir supporter plus d’impôts. Le particulier qui a 1,000 livres de rente, produites par un loyer de maison très exactement payé, est bien plus sûr de ce revenu que le cultivateur dont le revenu imposable aurait étéflxé par la loi à 1,000 livres, car une grêle, une gelée tardive peuvent détruire sa récolte, et engloutir à la fois le capital de ses avances et l’espoir de son revenu. On m’objectera enfin, et je sens peut-être cette objection plus que personne, on me dira qu’en augmentant l’impôt sur les loyers, je vais peser sur les manufacturiers dont les ateliers exigent déjà de si grandes dépenses de cette espèce. Je réponds que je n’aurais pas hésité à excepter les maisons des manufacturiers, si cette exception n’eût été dans le cas d’entraîner les plus grands abus ; mais ce que je n’ai pu proposer comme loi générale, peut s’exécuter par chaque municipalité sur son territoire, chaque ville étant principalement intéressée à conserver dans son sein les établissements de ce genre, qui augmentent 4SI [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.] si sensiblement sa population, son commerce et sa richesse ; et chaque ville étant plus à même de s’opposer aux abus, l’on pourrait autoriser ces villes à rejeter sur les habitants non manufacturiers une partie de l’impôt pour les loyers que ces derniers seraient dans le cas de supporter. Cette mesure, laissée à la prudence et à l’intérêt des municipalités, serait sage, politique, et n’aurait aucun des inconvénients d’une exception générale portée par la loi. Je pense, au reste, que la proportion que j’ai eu l’honneur de vous proposer pour la répartition de l’impôt foncier, est bien préférable à l’impôt sur les cheminées et fenêtres : ce dernier, surtout deviendrait désastreux pour toutes les provinces méridionales où, pendant l’éducation des vers à soie, toutes les pièces de presque toutes les maisons servent d’ateliers. Un impôt sur les fenêtres dans des circonstances où le renouvellement de l’air dans tous les appartements est un besoin aussi indispensable au succès de la récolte qu’à la santé des ouvriers ; un pareil impôt, dis-je, serait un impôt barbare, et les pertes des récoltes et les maladies épidémiques seraient une suite inévitable de cette meurtrière imposition. Abandonnons à nos voisins ce système fiscal, moins contraire sans doute à leur climat et à la nature de leurs occupations, et concluons qu’il sera distingué plusieurs espèces de propriétés foncières, dont les revenus imposables seront proportionnellement grevés à raison de la casua-litê et des frais plus ou moins inhérents à la reproduction de ces revenus. Ce second principe posé, nous arrivons à la troisième question. A quoi peuvent se monter, d’après des calculs approximatifs, la généralité des revenus fonciers imposables en France? Messieurs, les calculs approximatifs, que je vais avoir l’honneur de vous soumettre, sont appuyés sur des bases motivées. La plupart de ces bases m’ont été fournies par vos comités; les autres sont le résultat de ce que nos connaissances en agriculture et commerce ont pu nous fournir de plus satisfaisant. Je ne me dissimulerai cependant pas que, malgré tous mes efforts pour approcher de la vérité, je n’ai qu’un aperçu très imparfait; mais au milieu des ténèbres où nous sommes abandonnés, tous les points de ralliement deviennent précieux. J’ai cru qu’une analyse de tout ce qui pouvait constituer en France la masse des revenus imposables, devenait un .travail utile. Je m’en suis donc occupé, et je vais, Messieurs, vous en offrir l’hommage, en réclamant votre indulgence et votre attention. La France a 24 millions d’individus, consommant, les uns comportant les autres, 420 livres pesant de grains. Sa consommation est donc 10 milliards 80 millions de livres pesant. L’on varie beaucoup, sur ce qu’une année commune produit, en France, de grains au-dessus de cette consommation effective. Je supposerai cette surabondance d’un dixième ; et ce dixième, ajouté aux 10 milliards 80 millions de livres donnent 11 milliards 88 millions de livres pesant. Il est nécessaire d’ajouter encore environ 40 millions de livres pesant pour la fabrication des poudres à poudrer, des amidons et autres emplois de grains et farines pour les préparations de commerce. Nous aurons alors pour le total des grains récoltés en France, et semence déduite 11 milliards 128 millions de livres pesant, Mais cette quantité ne représente pas le revenu net imposable; il faut en distraire les frais de cultures et de récoltes. Or, ces frais étant dans une proportion excessive avec Je revenu brut, dans les mauvais terrains et les pays de petite culture, nous ne pouvons nous dispenser de les porter en masse, et, l’un comportant l’autre, à moitié de ces 11 milliards 128 millions de livres pesant, qui seront alors réduites à 5 milliards 564 millions delivres pesant pour le revenu imposable sur les terres à grains. . Ces 5 milliards 564 millions de livres pesant à 2 sols la livre, prix moyen, donneront en argent 556,400,000 livres de revenu imposable, et d’impôt, à raison du sixième, comme tenant à la première espèce des propriétés foncières, 92,733,000 livres. La France a environ 70 millions d’arpents en culture pour les grains. Ces 70 millions d’arpents exigent pour leurs cultures et le transport des denrées, de grands bestiaux: ces grands bestiaux, réunis à ceux qui sont entretenus par le luxe et le commerce, peuvent être évalués à 5 millions de têtes. Chacun de ces grands bestiaux, indépendamment de la paille, du grain et autres substances, consomme l’un comportant l’autre, environ dix livres pesant de fourrage ou foin par jour, ce qui, pour les 5 millions de têtes, donne 18 milliards pesant de fourrage ou foin par an. 6 millions d’arpents de terre sont nécessaires pour la production annuelle de ces 18 milliards pesant de foin, à raison de 3,000 livres pesant l’arpent, terme moyen indiqué par l’expérience. Mais de ces 6 millions d’arpents de prairies, un seul million peut et doit être évalué comme prairie permanente; les 5 autres millions d’arpents ne se trouvant qu’accidentellementdans des terres labourables, ne doivent être évalués que comme des propriétés de cette espèce. Ainsi le million d’arpents de prairie permanente, à 3,000 livres pesant de Ifom par an, dont il faut ôter un tiers pour les frais de récolte, donnera pour chaque arpent un revenu imposable de 2,000 livres pesant de foin, valant, prix moyen de tout le royaume, 30 livres, et pour le million d’arpents, 30 millions de revenus en argent imposable, qui seront imposés, comme tenant à la seconde espèce des propriétés foncières, au sixième, plus un huitième de ce sixième, c’est-à-dire 5,630,000 livres, Les 5 autres millions d’arpents produisant accidentellement du foin ou des fourrages, doivent être divisés en deux classes. Les prairies artificielles annuelles ou bis-annuelles qui ne tiennent pas la place d’une récolte de grain et n’en suspendent point la culture: telles que les trèfles ou les vesces, pesettes, froissis, bisayes , etc., ne doivent point être évaluées ici ; elles n’ont occasionné aucun déficit dans la masse des grains récoltés que nous avons portés ci-dessus en recette. Il ne nous reste donc qu’à estimer les pertes de grains qu’ont pu occasionner les prairies qui occupent les terres labourables pendant plusieurs années. Or tes prairies de cette espèce n’excèdent pas, en France, 2 millions d’arpents. Ces 2 millions, évalués comme terres labourables de qualités bonnes ou moyennes, nous donnneraient, l’une comportant l’autre, une quantité de grains imposables d’environ 120 livres pesant par arpent, valant, à 2 sols la livre, 12 livres pour l’arpent, et pour Jes 2 millions d’arpents, 24 millions 455 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [5 octobre 1790.] de revenus imposables, dont le sixième, comme tenant à la première espèce de propriété foncière, sera de 4 millions pour l’impôt. Il y a, en France, environ 8 millions d’arpents de bois ou forêts. Mais plus d’un million d’arpents sont susceptibles d’être conservés en futaie pour des bois de constructions. Nous avons observé combien il était nécessaire de favoriser cette conservation dans l’application de l’impôt, et de réduire à une quotité très faible, graduée sur l’âge delà futaie, et seulement payée sur le produit net et au moment de la coupe, l’imposition sur les futaies susceptibles de fournir des bois de constructions. Je ne porterai donc cette partie de revenu imposable que comme mémoire. Sur les 7 autres millions d’arpents, un million d’arpents, au moins, ne sont pas susceptibles d’être évalués en coupes réglées; ce sont des communaux, plus employés comme pâturages, que comme bois; ils seront imposés avec les propriétés de ce genre. Les 6 millions d’arpents restants peuvent offrir des moyens d’évaluation, en réduisant leurs produits en annuités. L’on peut, sans être exagéré, fixer à 7 livres 10 sols l’arpent, pour prix moyen, cette annuité ; ce qui, pour les 6 millions d’arpents de bois, donnera un revenu imposable de 45 millions; et pour l’impôt à raison du sixième plus le huitième du sixième, comme tenant à la seconde espèce des propriétés foncières, 8,427,000 livres. Il y a, en France, environ 2,000,000 d’arpents de vignes; mais de ces 2,000,000 d’arpents, environ 1 ,400,000 arpents sont easuellement placés dans des terres labourables, par leur nature; de sorteque ces vignes, n’ayant dans ces emplacements accidentels qu’uneclurée courteet précaire, ne doivent être évaluées qu’à raison du grain qu’aurait produit le terrain qu’elles occupent; et comme ce terrain, accidentellement mis en vigne, est ordinairement de qualité inférieure, nous ne porterons le produit en grains, suspendu par la préférence de la vigne, qu’à 60 livres pesant de blé par arpent pour le revenu imposable, ou à 6 livres d’argent, ce qui, pour les 1,400,000 arpents, donne 8,400,000 livres de revenus imposables, dont le sixième, comme tenant à la première espèce de propriété, donnera 1,400,000 livres pour l’impôt. Les vignes susceptibles d’être évaluées comme vignes, celles dont la durée est, pour ainsi dire, permanente dans les emplacements qu’elles occupent, comme dans presque tous les pays de vignobles, peuvent être estimées à 600,000 arpents. Le revenu net imposable de chacun de ces arpents est extrêmement diminué par la casuu-lité des produits, par les frais de culture, de récolte, de garde et aliment du vin, etc. Cependant les vins fins compensant les vins communs, le produit moyen des vignes de cette espèce peut être évalué à 48 livres l’arpent; ainsi les 600,000 arpents donneront 28,800,000 livres de revenus imposables, et pour l’impôt, à raison du sixième, 4,800,000 livres. Il y a en France environ 16 millions d’arpents de terres vagues, landes, broussailles, pâtis, marais ou bas prés, dont le revenu, difficile à évaluer, n’est cependant pas absolument nul; ils fournissent des pâturages à nos troupeaux, de tout genre. Nous avons aussi à porter dans cet article environ un million d’arpents de bois communaux, dont le produit, un peu plus réel, est cependant également difficile à apprécier. Je pense que nous ne devons , l’un comportant l’autre, évaluer ces 17 millions d’arpents, y compris les bois communaux, qu’à un revenu imposable d’environ 17 millions à raison de 20 sois par arpent ; et comme toutes ces propriétés doivent être rangées dans la troisième espèce, elles payeront, pour l’impôt, le sixième, plus les deux huitièmes du sixième de ces 17 millions, c’est-à-dire 3,540,000 livres. Les loyers des maisons de ville, en France, sont évalués comme susceptibles de produire un revenu de 350 millions de livres. J’adopte cette base, et ces 350 millions de livres de revenu imposable donnent pour sixième, plus les deux huitièmes de ce sixième, comme tenant à la troisième espèce des propriétés foncières, environ 72,900,000 livres. Il nous reste les étangs, les prés à tourbière, les marais salants , les emplacements pour les usines, les terrains sacrifiés à l’exploitation des mines et carrières de tout genre, et aux dépôts de matériaux ou objets fabriqués, exigeant des emplacements à l’air libre; eufm les terrains vacants dans les villes et leurs environs, etc. La plupart de ces objets tiennent à la troisième espèce des propriétés foncières ; et si nous les estimons, en masse, à un revenu imposable de 15 millions le montant de l’impôt peut aller à près de 3 millions de livres, en suivant les proportions indiquées pour les diverses espèces de propriétés. Cette évaluation approximative des revenus fonciers imposables en France, dont les résultats nous donnent 1,074,600,000 livres de revenus imposables, et 196,430,000 livres seulement pour la contribution foncière, en suivant les proportions du sixième pour les propriétés foncières les plus favorisées, doit vous montrer, Messieurs, que lorsque j’ai eu l’honneur de vous proposer environ 200 millions pour la partie en principal de la contribution foncière destinée au Trésor public, et à laquelle il faudra ajouter un immense accessoire, pour le3 réparations et dépenses locales, et le salaire des fonctionnaires publics, payés par les districts et départements, vous voyez, Messieurs, que je portais la généralité des impôts fonciers, principal et accessoire, à plus du cinquième des revenus fonciers imposables en France ; et que lorsque votre comité vous propose 306 millions, indépendamment des mêmes accessoires (payés comme dépenses locales), il porte la totalité de la contribution foncière à très près du tiers des revenus territoriaux imposables. J’abandonne, Messieurs, à vos réflexions et à votre sagesse tout ce que cette effrayante proportion porterait d’alarmes chez l’habitant des campagnes, chez le peuple cultivateur, jusqu’ici l’objet de vos plus chères sollicitudes. L’on voudra m’objecter que sous l’ancien régime , les gabelles , les dîmes , les tailles , vingtièmes, capitations, cas de droit s, etc , etc., pesaient, dans tous les sens, sur les propriétés foncières, et qu’elles seraient encore soulagées par le remplacement proposé. Sans m’arrêter à prouver l’illusion de ce calcul numérique, est-ce pour de légers et vains soulagements que nous sommes ici rassemblés ? Lorsque le grand atelier, où se créent nos richesses de tout genre, languit et meurt écrasé sous le poids de l’impôt, suffira-t-il d’en changer la forme ? Législateurs envoyés pour assurer les bases de la prospérité publique, en négligeriez-vous la source?' Ah ! bientôt tous les canaux desséchés n’offri- 450 (Assemblée nationale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 15 octobre 1790.) raient qu'une diminution toujours croissante dans la masse de nos denrées, et nos impôts indirects éprouveraient les mêmes déficits; bientôt, n’ayant plus rien à vendre et tout à acheter, devenue tributaire de ceux qui l’étaient de nous, la France verrait successivement disparaître son numéraire et ses habitants. Loin de nous, Messieurs, ce désastreux avenir ; hâtons-nous de consoler l’habitant des campagnes ; rendons-lui cette heureuse énergie , l’apanage de l’homme libre, mais qui ne saurait se développer sous les livrées du malheur. Vous parviendrez, Messieurs, à ce but généreux de vos travaux, en proportionnant et bornant la contribution foncière aux seuls revenus naturels et imposables de ces propriétés, et en ne souffrant jamais que la totalité de cette contribution excède les deux cinquièmes de la masse des impôts directs et indirects. Mais il ne nous suffit pas d’avoir examiné, par approximation, à quoi peut se monter, en France, la généralité des revenus fonciers imposables; il faut trouver, et c’est l’objet de ma quatrième question, un moyen simple, constitutionnel et partout admissible, pour une juste répartition de la contribution foncière sur tous les départements, à raison de la quotité de leurs revenus territoriaux imposables. Je dis toujours imposables ; car je le répète, l’impôt foncier ne peut porter que sur les capitaux fonciers, à raison des revenus nets qu’ils doivent produire naturellement, en écartant tout moyen industriel extraordinaire, principe fondamental et constitutionnel sur lequel doit porter tout le système d’évaluation que je vais avoir l’honneur de vous soumettre. Deux méthodes se présentent d’abord : La première, d’évaluer les capitaux fonciers, en écartant tous les accessoires instantanés qui pourraient forcer ou diminuer cette évaluation; ensuite estimer le revenu imposable à raison du denier 33 de ces capitaux, l’expérience ayant démontré qu’en général un capital placé sur une propriété foncière, était placé à ce denier. Le second moyen, c’est d’évaluer seulement le revenu imposable, d’après le revenu net naturel, et sans accessoires industriels extraordinaires, que doit produire la propriété soumise à l’évaluation. Ces deux moyens, également simples en apparence, ne sont cependant pas également admissibles. Le premier a des inconvénients que n’offre pas le second. 1° Le produit naturel et imposable des propriétés foncières n’est pas partout et pour toutes les espèces de propriétés, à raison du denier 33 des capitaux qu’elles représentent : ainsi plusieurs propriétaires se trouveraient lésés et d’autres favorisés. 2° Il est plus difficile d’estimer les capitaux imposables d’une propriété foncière, que d’en évaluer le revenu imposable. Dans le premier cas, il faut dégager des capitaux fonciers, constituant la nature et la valeur imposable de la propriété, tous les accessoires qui ne la constituent pas essentiellement; et cette abstraction ne serait pas toujours aisée à concevoir de la part du commun des estimateurs. Le second moyen sera infiniment plus à portée de l’intelligence de ceux qui seront employés à ce travail, parce que si rarement un petit propriétaire s’est occupé de ce que peuvent valoir les capitaux fonciers des propriétés qui l’environnent, journellement il a été à portée de juger par comparaison, par ce tact que chaque cultivateur obtient de son expérience, sans même pouvoir en rendre raison ; il a été à portée de juger, dis-je, si, par exemple, il s’agit d’une terre labourable de son canton ; 1° Si la qualité de cette terre lui permet de porter du blé froment ou du seigle, ou simplement de l’avoine ; 2° Quelle quantité de cette espèce de grain il faudrait employer pour l’ensemencer selon l’usage du pays ; 3° Combien de fois, année commune, l’exposition de cette terre et sa qualité la mettraient dans le cas de multiplier sa semence, en supposant : 1° Qu'on a suivi les cultures et l’assollement en usage dans le canton ; 2° Que cette terre est dépouillée de tous les arbres, arbustes et autres accessoires, dans le cas de diminuer sa fécondité. Cette masse de production (année commune) en grains, étant connue d’après le nombre de fois que la semence aura été multipliée, et cette semence étant défalquée, chaque cultivateur est en état de dire combien peuvent être évalués les frais de culture et de récolte, pour qu’on en puisse faire la déduction sur ce restant. Il pourra encore dire combien d’années de repos cette terre exigerait pour reproduire une semblable récolte. Il n’y a, Messieurs, aucune de ces données qui ne soit parfaitement à la portée de tous les cultivateurs qui se trouveront dans le cas d’être nommés comme experts, s'ils sont bien choisis. Or, Messieurs, ce ne sera que d’après des bases aussi aisées, aussi simples, aussi généralement connues, que vous devez ordonner les modes d’évaluations. Si les principes que j’ai eu l’honneur de vous présenter vous paraissent dignes de quelques considérations, j’aurai celui de vous soumettre un projet de décret, et une instruction sur les moyens d’exécution pour toutes les espèces de propriétés foncières. Cette instruction contiendra de nombreux détails ; je me bornerai à observer u’elle portera une disposition contraire au projet u comité, sur les estimations. Le comité veut que les officiers municipaux estiment eux-mêmes. Je pense que les officiers municipaux sont des commissaires nécessaires pour surveiller l’estimation et à en donner acte ; mais qu’ils doivent laisser en entier l’estimation aux experts nommés à cet effet par les propriétaires fonciers du territoire. Tel a été, Messieurs, mon premier travail sur la contribution foncière. Les bases ne m’en ont pas été fournies par les résultats d’une brillante et souvent si trompeuse théorie, mais par la solide instruction qu’une longue et aetive pratique de toutes les parties de notre économie rurale a pu me fournir. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Il sera établi sur toutes les propriétés foncières, sans exception, à compter du premier janvier 1791, une contribution foncière, dont la somme fixe et déterminée ne pourra excéder les deux cinquièmes de la totalité des revenus publics imposés directement ou indirectement, et sera répartie, dans une proportion relative à l’es- 457 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.] pèce de ces propriétés, sur leur revenu net imposable. Art. 2. Le revenu net imposable d’une propriété foncière sera toujours le revenu naturel qu’elle doit produire, en écartant tout moyen industriel extraordinaire, et déduction faite des frais de culture, de semences, de récolte (1). Art. 3. Il sera fait trois classes de toutes les propriétés foncières du royaume. Dans la première, seront portées toutes celles soumises à l’influence des saisons, et exigeant, pour la production de leur revenu, culture, semences, frais de récolte. Dans la seconde classe seront portées toutes celles moins soumises à l’influence des saisons, n’exigeant, pour la production de leur revenu, ni culture, ni semence, mais des frais de récolte. Dans la troisième classe seront portées toutes celles, pour ainsi dire, indépendantes de l’influence des saisous, n'exigeant ni culture, ni semences, ni frais de récolte. Art. 4. Le changement momentané et provenant de l’industrie dans la nature du revenu ou l’exploitation d’une propriété foncière, ne la retirera pas de la classe où elle se trouvait précédemment; il n’y aura d’exception à cette règle que pour les terrains situés dans les villes et faubourgs sur lesquels il serait bâti des maisons. Art. 5. La répartition de la contribution foncière, à raison du revenu net imposable, se fera de manière qu’avec des revenus égaux imposables, les propriétés foncières de la première classe supporteront une moindre quotité d’impositions que celles de la seconde classe, et celle-ci une moindre quotité que celle de la troisième classe. Art. 6. Il sera fait une exception en faveur de toutes les futaies susceptibles de fournir des bois de construction, et dont les coupes ne se renouvelleront pas avant soixante -dix ans. L’imposition pour cette espèce de propriété se réduira à un droit seulement payé au moment . de la coupe, et proportionné au produit net imposable et à l’âge de la futaie, de manière que ce droit soit proportionnellement plus faible pour une futaie plus âgée. Art. 7. Il sera nommé dans chaque municipalité, par les propriétaires du territoire, des experts qui, sous la surveillance des officiers municipaux, procéderont à l’évaluation et à la classification de toutes les propriétés foncières pour la répartition de la contribution foncière, en se conformant, pour les moyens d'exécution, à l’instruction annexée au présent décret. (1) L’instruction développera l’esprit de cet article : on pourrait dire que l’évaluation du revenu net d’une propriété foncière se fera d’après le revenu ordinaire et moyen que doit naturellement produire cette propriété, en se conformant aux assollements, aux cultures, aux engrais , aux procédés que l’usage a établis dans le lieu de sa situation, comme une loi à laquelle devrait se conformer celui qui exploiterait ou régirait la propriété d’autrui. En conséquence, que les arbres et arbustes que l’industrie aurait places dans une terre labourable , une prairie, une vigne, etc., ne changeront rien à l’évaluation de ces propriétés, qui seront considérées comme si ces arbres ou arbustes n’y existaient pas. Seront pareillement exempts de l’évaluation tous les produits extraordinaires obtenus d’une terre labourable, d’une prairie, d’une vigne, ou toute autre propriété, par des travaux, des engrais , des procédés extraordinaires dépendants d’une industrie extraordinaire. M. Henrtault-Ijamerville (1). Messieurs, un grand peuple ne peut se servir collectivement lui-même, il lui faut un subside. Le subside est pour toute nation le moyen renaissant de salarier ses préposé*, de faire usage de sa force politique dans toute l’étendue de ses relations, avec ses alliés, envers ses ennemis, et vis-à-vis d’elle-même; c’est, en un mot, le principe de vie du corps politique, et il devient sa plus funeste maladie, s’il se corrompt et s’il est excessif. Un subside est pur et modéré, quand il est nécessaire, et lorsqu’il n’est payé que par les citoyens qui ont les facultés d’y participer. 11 cesse d’être équitable, et il est la cause toujours agissante de dégradation et de faiblesse dans le corps politique, aussitôt qu’il est porté, au delà des besoins d’un gouvernement éclairé, au premier moment où l’industrie des petits propriétaires, des commerçants, des cultivateurs, est opprimée, lorsqu’on tarit, dès sa naissance, la source des richesses particulières, quand l’homme qui ne possède rien est forcé de payer sa part de la contribution directe. Jouir gratuitement, sous l’égide de la loi, d’une protection constante pour sa vie et pour sa liberté, est une distinction qu’on ne peut envier à l’indigent, à l’homme qui, dans la société, n’a que des besoins et des espérances. Son travail habituel est sa part du subside. Ce sont là des principes que je crois applicables à toutes les nations et à tous les siècles. C’est pour s’en être écartés que les peuples divers ont changé de noms, sans changer de malheurs : ils ont tous vu s'anéantir leurs forces publiques, en proportion de ce que leurs injustices> augmentaient envers les citoyens. Partout où l’impôt est devenu trop oppresseur, le désordre s’en est suivi, le gouvernement a été renversé, ou le peuple a disparu par la conquête. Comment établir un mode d’impositions générales qui nous sauvent de ces malheurs et qui remplissent les conditions précédentes? Voilà ce qui va m’occuper. Je diviserai mon système général en trois classes, et sous trois dénominations distinctes : l’impôt territorial, la contribution personnelle, et le subside indirect. Je vais considérer l’impôt, tour à tour, sous ces trois rapports. Rien n’est si attrayant, au premier regard, pue de n’adopter qu’une seule contribution, de l’affecter sur les propriétés foncières et de la lever en nature. On est d’abord porté à croire que les propriétaires des terres tiennent dans leurs mains, d’une manière absolue, la subsistance des peuples; que par cette puissance constitutionnelle ils sont assurés de faire la loi aux non-propriétaires, et qu’ainsi, lors même que la nation les obligerait de payer seuls l’impôt, ils auraient toujours la force de le rejeter défiuitivement sur les consommateurs. On se trompe; ce mode d’impositions a très peu d’avantages, et présente une foule d’inconvénients : dans l’assiette, il est incertain et immoral; il est soumis à la variation des récoltes, et il est indispensable qu’il soit fixe; il charge le plus le cultivateur qui a le plus d’industrie, de générosité pour la terre, d’économie, de vertus agricoles et sociales. Dans la perception, il a tous les vices de la dtme ecclésiastique que vous avez abolie, et dont impolitiquement vous retracerez l’image : perte de grains, transplantation de fourrages, frais inutiles, abus de temps, déplace-(1) Le Moniteur se borne à une simple mention de ce discours. 458 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [5 octobre 1790.) ment des hommes et des bestiaux employés à l’enlever, contestation et procès entre le colon et le percepteur, par conséquent impôt sur impôt L’impôt territorial, de principe exact, n’est donc évidemment convenable qu’en argent, et en ne taxant chaque arpent de terre que suivant le revenu net, s’il est possible de le connaître, mais actuel surtout, comme a voulu, sans doute, vous le proposer votre comité. Alors, nulle incertitude dans la perception, et nulle injustice dans l’assiette. Par là, je ne charge que l’excédent de ce qui appartient au cultivateur, et de ce qui retourne en avances à la terre; je ne soumets à l’imposition que la masse réellement circulante des richesses, sans acceptation des personnes; et pour que cet impôt exprimât parfaitement l’intention du législateur, je désirerais, si l’on pouvait y parvenir avec clarté, qu’il n’y eût de transcrit sur le rôle que le nom ou le numéro dos biens de campagne, et des maisons, et non celui des propriétaires ; j’adopte, à plus forte raison, ce que votre comité vous propose, que ce soit, chaque année, l’exploitant qui paye cet impôt à la caisse du district, sous la caution du sol, et avec son recours sur le propriétaire. Mais si cet impôt était unique ou rigoureux, il serait encore extrêmement vexatoire. Il serait injuste, parce qu’il porterait en entier sur les hommes qui cultivent. la terre. Us ne peuvent payer la contribution que de leur excédent; ils ne sont pas assurés de le vendre à un prix raisonnable, dans les années d’abondance; cet excédent est quelquefois presque nul, et la cherté du grain, dans les années de disette, n’est point ainsi un dédommagement pour eux. Il serait injuste, parce que les propriétaires sont subordonnés à la sage loi prohibitive de l’exportation des grains hors du royaume, dans les années peu favorables, et longtemps encore après. Il serait injuste, parce que le cultivateur est obligé de se conformera la bonté des blés pour le temps de leur conservation. Il serait injuste, parce que beaucoup d’hommes sont heureusement mus par la sensibilité compatissante, qui triomphe de l’intérêt personnel, qui empêche d’abuser à l’excès des circonstances pour rendre extrême le prix des denrées de première nécessité, parce que les hommes qui n’éprouvent point ce divin sentiment, risquent, malgré l’action de la force publique, de provoquer les insultes et les mouvements du peuple; effet redoutable qui, dans des mouvements de trouble, reste impuni et qui, sous la victoire des lois, en préparant le châtiment des coupables, n’en met pas moins une borne invincible à la puissance du propriétaire et du fermier, et un frein à leurs avides spéculations. Je crois, ainsi que le comité, que l’impôt territorial peut s’élever iusqu’à 230,240 millions, dans la refonte générale des subsides, ce qui fait àpeu près la moitié des contributionsdu royaume. Je me détermine pour 240 millions, par la nécessité des circonstances, parce que l’impôt territorial des villes vient ici un peu à la décharge de3 campagnes, et par la certitude où l’on doit être que si nos contributions excédaient nos besoins, elle les serviraient, payant nos dettès en remboursant des rentes constituées, et en diminuant les impôts de la prochaine législature. Je n’attribue pas une grande importance à la rondeur commode de division de cette somme de 240 millions, et je voudrais surtout qu’elle ne fût point constitutionnelle. Aucun impôt fixe ne me sem ble s’adapter à la vicissitude des événements. On peut bien dire, en Constitution, que l’impôt territorial existera, et même tel autre impôt, mais non de quelle somme ils seront à perpétuité. Il paraît constant que, soit en capitation, en taille, en accessoires, en dixième, en gabelle, en dîme, en tabac, le territoire de la France était grevé de plus de 280 millions ; mais plusieurs de ces droits étaient dépendants de la nature des productions, ou de la volonté du propriétaire. Les prés, les bois, dans certaines provinces, ne payaient point de dîmes; un propriétaire rachetait donc son champ de la dîme, en Je mettant en prairies artificielles ou en bois taillis. Un citoyen consommait plus ou moins de sel, plus ou moins de tabac; enfin, l’impôt divisé, pèse moins sur l’imagination que l’impôt réuni en un seul fardeau. Il n’en est pas moins vrai cependant que vous déchargez de 40 millions d’impôt le territoire, que vous favorisez les anciens contribuables sans privilèges, de la somme que les ci-devant privilégiés vont supporter, et que vous couronnez les bienfaits parle bienfait sans prix de la liberté. Je suis loin d’accueillir les sols pour livresque votre comité vous propose d’ajouter à la base qu’il adopte. 300 millions d’impôts ne seraient point payés par les campagnes. Ne rendons point nos débiteurs insolvables. Ges sols pour livre excéderaient ce que le territoire payait ci-devant d’impôt, et ils ressemblent trop à des pierres d’attente d’une périodique augmentation. Des pierres d’attente pour l’impôt sur l’agriculture ! Messieurs, yous en faites la réflexion comme moi : les seules pierres d’attente de cet impôt, sont les améliorations que nous protégerons, les dessèchements de marais immenses, les défrichements des vastes étendues de terres incultes, les replantations des forêts dévastées, l’abondance générale produite par nos bonnes lois agricoles et commerciales, Les campagnes opprimées espèrent obtenir du soulagement du nouvel ordre de choses. Faites-leuraimer la liberté naissante. Songez qu’un denier de trop de subside exigé d’elles, peut rede« venir le germe du despotisme, et d’un désordre semblable à celui d’où nous avons tant de peine à tirer nos finances. Daignez vous rappeler, Messieurs, ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire à cette tribune : c’est du sillon tracé par la charrue que sort la subsistance du peuple; c’est dans le sillon que renaît le subside et que va reposer la Constitution. Prenons soin de l’y élever ; donnons-lui le temps de devenir robuste, et nous pourrons tout espérer de ses brillantes destinées. Il me paraît indispensable de conclure de ceci, qu’il ne faut ni tout, ni trop exiger directement du propriétaire de terre, dont le pouvoir est borné, variable, et toujours dépendant de la puissance, de la bonté des lois administratives et de l’activité du commerce qui en est l’effet. Il me paraît qu’il faut en conclure que 240 millions sont le dernier terme de l’impôt territorial, etqqe si voqs vouliez en rendre une partie constitutionnelle, 200 millions seraient assea, parce que les ventes viagères éteintes, l’impôt générai doit se réduire à 400 millions. L’impôt territorial défini et fixé, je vais vous parler, Messieurs, de la contribution personnelle-Cette taxe ne serait que de circonstance : elle serait assise, d’une part, sur les maisons habitées des villes, sur les maisons de plaisance et leurs enceintes, et sur les logements, les jardins et les enclos entourés de murs, de fossés ou de haies vives, tenant au domicile de tous les propriétaires, cultivateurs ou fermiers; et d’autre part, [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.] 459 sur tous les immeubles fictifs, comme contrats de constitution, et rentes de toute espèce, dues par le gouvernement ou par des particuliers, tous objets qui présentent des facultés connues ou faciles à vérifier, mais non sur les richesses mobilières de quelque nature qu’elles soient, que le temps détruit, qui sont les ressources des citoyens, et qui, par leur fabrication, excitent aux consommations, et assurent du travail aux artisans. Cette contribution serait classée et graduée sur le prix connu des baux, ou sur le loyer estimé, suivant ce que toutes les maisons pourraient être louées dans les pays où elles sont situées. A ce moyen il n’y aurait nul arbitraire, et je n’imposerais ni le commerce, ni l’industrie d’exploitation. Je ne soumettrais une seconde fois à l’impôt que la partie du manoir qui est ordinairement la plus soignée et la plus féconde, et il y aurait un taux déterminé de loyer, où la contribution ne serait point, payée par les pauvres citoyens, parce qu’il serait injuste que le pauvre payât comme le riche, même proportionnément; ceci est une suite du principe qui vous déterminerait à n’établir, si vous le pouviez en ce moment, l’impôt territorial que sur le revenu net. Par la contribution personnelle, je fais payer aux maisons, en outre de leur impôt territorial que doit le propriétaire, un impôt sur leur immensité, par le locataire; je modère l’excès de Part de la truelle qui a ruiné plus encore qu’embelli la France, et je m’assure qu’à l’avenir la population seule et l’opulence véritable, et non la fantaisie et l’effort dangereux du moment multiplieront les habitations. Par la contribution personnelle, je fais contribuer les rentes, qui sont ce qu’il y a de plus clair en revenu; je fais payer les créanciers de l’Etat, qui doivent eux mêmes, à titre de propriétaires d’immeubles fictifs, subvenir, à l’acquit de la dette. Je mets un frein aux emprunts, à l’égoïsme, et même au célibat. Par la contribution personnelle, j’assimile avec justice tous les divers contribuables. Le propriétaire de terres paye l’impôt territorial, l’impôt du loyer, et l’impôt des consommations; le rentier payera dans l’avenir l’impôt de sa rente à la nation,' celui de son loyer, et celui sur les consommations ; les rentes anciennement constituées exigeront une modification, et payeront de moins à la nation ce que le débiteur a Je droit de retenir. Ceci, Messieurs, est le développement des idées de votre comité, qui laisseavec raison toute liberté dans les clauses des contrats. On ne peut dire précisément à quel point la contribution personnelle pourra s’élever; cependant par approximation, et en fixant cette contribution au douzième pour les maisons, et au huitième qui équivaut à deux vingtièmes et demi sur toutes les rentes, excepté les pensions du gouvernement, je pense qu’elle s’élèvera très facilement à 80 millions. Je pense encore que la moitié pourra porter sur les maisons des villes, un quart sur les maisons de la campagne, et un quart sur tous les immeubles non territoriaux ou fictifs. Cette contribution, qui est inférieure à la somme des rentes viagères, diminuerait en proportion de l’extinction de ces rentes. Les maisons, en commençant par celles de la campagne, ne payeraient plus, un jour, que l’impôt territorial de surface de terrain. Toutes les maisons une fois affranchies, la partie de la contribution personnelle sur les immeubles fictifs, et sur toutes ies facultés mobilières disparaîtrait à son tour. Alors cet impôt, punition de nos anciennes erreurs, cette taxe de circonstance, s’anéantissant, rendrait l’homme à sa franchise naturelle, et ajouterait ce qui manquera, malgré nous, à la dignité du citoyèn. Tout français, dans l’avenir, ne serait soumis qu’aux: deux espèces d’impôt que la raison, l’expériencë et la politique autorisent : l’impôt territorial et le subside indirect qui se servent mutuellement de contre-poids. La troisième partie des impositions, Messieurs, est le subside indirect, impôt plus compliqué que les deux autres, mais dont je me propose de vous éclaircir également les principes. J’entends par subside indirect toutes les impositions qui ne sont niterritoriaIes,ni personnelles, mais sur le hasard des choses, sur lès consotnma-tions.ll embrasse les droits de traites aux frontières, les droits d’entrée sur les boissons et autres denrées aux barrières des villes; les droits réunis, gradués et épurés du contrôle des actes, d’insinuation, de centième denier, compris, comme le projette votre comité, dans Un seul droit d’enregistrement; le droit modéré de timbre sur tous les billets à ordre, toutes les lettres de change, toutes les quittances, tous les ouvrages d’imprimerie, tous les journaux, toutes les feuilles périodiques, tous les cartons, tous les papiers qui tiennent aux arts d’agrément ; un simple droit sur la vaisselle d’argent, et sur tous les bijoux d’argent et d’or, le droit de marc d’or, les revenus de la régie de la poste aux lettres, ceux de la ferme des messageries, ceux de la ferme du tabac, conciliés avec la liberté, et généralement tous les droits qui pourront être conservés sans tyrannie. Les diverses branches de subside indirect atteignent chaque citoyen suivant les proportions de sa fortune, et je vois seulement avec regret que celui qui est indigent en paye une partie; mais cela tient à la nature, à l’imperfection inévitable de nos institutions, et si quelque chose peut m’en consoler, c’est la réflexion qui se présente à moi : que le citoyen, quelque indigent qu’il soit, protégé par les lois, leur doit rigoureusement, sous quelques rapports, un tribut de sa reconnaissance. Le droit sur les actes n’appelle l’imposition que dans les circonstances où chaque citoyen a les facultés de la payer, où il sent qu’il est'plus spécialement protégé par la force publique, et il eu résulte une opération qui sert de second sceau à la loi, et qui est utile à la génération présente et à la postérité. Le timbre est le seul moyen d’obtenir une contribution du riche avare, qui déguise sa fortune, qui a beaucoup d’effets sur les places de commerce, qui se loge humblement avec ses richesses, et qui jouit en épargnant encore sur ses consommations. Les droits d’entrée aux frontières et aux portes des villes remplissent le but difficile à atteindre de faire contribuer, selon les vicissitudes du prix des comestibles et des marchandises, les étrangers, les possesseurs d’un grand numéraire inactif, et tous les gens de mauvaise foi qui auraient la possibilité ou le projet d’échapper à tout autre impôt; le droit sur la vaisselle d’argent, et sur les bijoux d’argent et d’or, vérifie la fidélité de l’artiste, et tempère le luxe, sans le détruire. Je ne suis point de l’avis des préopinants qui ont admis, dans les diverses branches de ce subside, un impôt sur les domestiques que je regarde comme flétrissant et inhumain. Gomment, Messieurs, les représentants de la nation toléreraient qu’un homme pût librement loger chez lui l’objet de la corruption de ses mœurs, et ils le taxeraient pour un domestique honnête et souvent respec- (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.) 460 table, que les infirmités peuvent lui rendre nécessaire? Je n’adopte pas d’avantage tous les autres droits intérieurs et inquisitoires sur le luxe de commodité, tels que ceux sur les chevaux et sur les voitures. Rien n’est si essentiel que d’encourager l’éducation et la multiplication des chevaux en France, et l’Assemblée nationale ne doit pas perdre de vue qu’un impôt sur les voitures ôterait la subsistance à des milliers d’ouvriers. Prenez garde, Messieurs, que vous déplaceriez l’impôt, et que vous pourriez faire payer deux fois à la même personne le droit qui n’est dû qu’une fois dans son principe. A l’entrée des villes on paye le droit général de consommation. La taxe personnelle satisfait à ce que peut devoir le luxe de commodité. Le sol, par l’impôt territorial, rend à la société protectrice ce qu’il lui doit. Dans un vaste Empire, il est impossible qu'il n’y ait pas, ou plutôt il serait très malhe ireux qu’il n’y eût point un luxe fondé sur l’embonpoint, mais non sur la bouffissure, comme le luxe qui existait ci-devant. Cet embonpoint sera réel, lorsque la culture du territoire, le commerce et l’industrie auront toute leur force. Dans une petite république, les lois somptuaires peuvent être excellentes, elles sont apoplectiques pour les grands Empires. Les corps politiques faibles ont besoin de tout conserver. Ceux qui sont vigoureux ont à se débarrasser d’un superflu. Le luxe est semblable à la transpiration des corps vivants : la déperdition d’un géant doit être plus considérable que celle d’un pygmée. Un préopinant a fait entendre que le droit de timbre est autant tyrannique que celui qui pèse sur les domestiques, sur les chevaux et sur les voitures. Je lui réponds qu’il en diffère d’une manière très remarquable, et que ce droit dérive des principes mêmes de la Constitution. 11 serait à désirer que tous les impôts pussent n’avoir jamais de rapport aux personnes, et ne se diriger que sur Jes choses. L’impôt territorial remplit ce but. La contribution personnelle, taxe de circonstance, y est tout opposée, et, par cela même, est et sera toujours le plus abusif des impôts. Le subside indirect, auxiliaire naturel de l’impôt territorial doit et peut éviter cet abus. Plus l’impôt se généralise, est extérieur et précède l’action, et moins la volonté du citoyen se trouve offensée. Je voudrais avoir toujours payé avant que d’agir; n’être jamais connu du percepteur, et je me croirais libre. C’est ce que m’accorde le timbre : mais si chaque année, tous les six mois, par quartier, vous envoyez dans ma maison, compter mes chevaux, recenser mes domestiques, inspecter mes voitures, je me crois à Constantinople et non à Paris, et je me défais de tout l’équipage. g Telle est l’idée que je me suis faite du subside indirect que les probabilités permettent de porter à cent quatre-vingts ou deux cents millions. Je le regarde comme l’anticipation la moins usuraire de l’impôt territorial. Si l’on parvient à tenir à un prix modéré des subsistances communes, dont la classe inférieure du peuple se nourrit, la France pourra soutenir la concurrence de la main-d’œuvre vis-à-vis de l’Augleterre, qui n’a la supériorité maintenant sur nous que par ses mécaniques, et ce mode d’impôt me semblera très patriotique, très politique, et adapté surtout à la circonstance, où il faut tendre à faire entrer continuellement du numéraire dans letrésornational, et à faciliter la circulation des espèces. Il a, je le sais, l’inconvénient d’être dispendieux à percevoir, mais cette perception fait vivre des hommes qui peuvent être considérés comme des gardiens secondaires de la sûreté publique. Il me reste à demander, Messieurs, comment vous diviserez avec justice, vous assoirez avec confiance, et vous percevrez avec promptitude ces trois impôts. Quant à la division, vous n’êtes point assurés de ce que vous rendra le subside indirect; vos bases territoriales ne sont pas parfaitement connues; la contribution personnelle n’offre pas moins d’incertitude. Vous avez besoin decinqcentsmillionsd’impôts, vous êtes donc forcés de vous donner une certaine latitude, et d’augmenter un peu la mesure d’un des trois. Le subside indirect, sous sa nouvelle forme, n’est point connu; il est le moins susceptible de donner, d’ici à quelque temps, des résultats certains. Ce n’est que par la succession des années, et quand ses produits seront bien constatés que ce subside pourra devenir l’extension juste, et en même temps variable de l’impôt territorial, d’après les besoins plus ou moins grands de la patrie, et les décrets des législateurs; c’est le subside indirect qui devra alors recevoir des sols pour livre dans les divers besoins, et non l’impôt territorial, tant que ces deux impôts ne seront pas en égalité. Entre la contribution personnelle et l’impôt . territorial, je préfère encore que la contribution, taxe de circonstance, éprouve plutôt une augmentation que l’impôt sur les terres. La taxe de circonstance tendra à s’éteindre en proportion des rentes viagères ; la charge sur le territoire est permanente, et communiquant directement ses mouvements à l’impôt de consommation, elle porte dès lors d’une manière sensible sur la classe indigente, effet que ne produit que peu, ou point, la contribution personnelle. Après avoir divisé l’impôt sous ses trois dénominations, il sera question de l’asseoir. Pour avoir des bases certaines de l’impôt territorial, il est indispensable que nous ayons des départements les renseignements de ce qu’en 1790, la dîme et la contribution des ci-devant privilégiés ont produit, les rapprochements des états des départements, et des déclarations du clergé peuvent contribuer à nous éclairer, en y joignant l’aperçu des anciennes contributions territoriales de tout genre que nous a donné le comité; car c’est là notre vraie base du moment. Vous connaissez, Messieurs, la contribution actuelle des maisons des villes. Vous connaîtrez les facultés personnelles en immeubles fictifs, d'abord par la bonne foi des citoyens patriotes, et peut-être par l’expédient que voici ; mais j’avoue que cet expédient est sévère. Vous soumettrez certainement tous les nouveaux contrats à un droit quelconque d’enregistrement : ne pourriez-vous pas obliger les contrats anciens à se présenter aussi à l’enregistrement, au lieu du domicile, mais sans payer de droits ; et ce ne serait qu’après cette formalité, qu’ils continueraient de jouir de l’hypothèque privilégiée sur les contrats de date postérieure et sur les billets simples ? Une autre manière serait encore de consulter les dépôts des actes , mais ce dépôt doit être sacré et ne doit jamais être consulté que par les citoyens intéressés à l’acte. Relativement aux rentes constituées ou viagères sur l’hôtel de ville de Paris, les registres ouverts vous instruiront. Le quart, sur les maisons des campagnes, peut être réparti au marc la livre de l’impôt territorial actuel par département, dont le directoire jugera uelles modifications seraient convenables par istrict et par municipalité. Gette base serait peu [5 octobre 1790.] 461 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fautive; on sait que les habitations suivent la richesse ou la culture. Il est impossible de calculer autrement que d’après les anciennes recettes, jointes à quelques nouvelles combinaisons, les produits du subside indirect ; la probabilité est sa preuve. Le calculer, c’est l’asseoir. Il peut y avoir des erreurs, mais elles peuvent être dans l’excès comme dans le déficit. Cet impôt ne cessera d’être une espèce de loterie que lorsqu’il sera garanti par la richesse du territoire, la confiance et la liberté. Vous le savez, Messieurs, pour perfectionner notre ouvrage, il faudrait encore faire cadrer bien exactement les nouvelles impositions de chaque département avec les bases rectifiées des anciennes ; mettre tour à tour dans la balance le sol d’un département avec le sol de chacun des 82 autres ; il faudrait considérer quelles sont les provinces pastorales plutôt qu’agricoles, parce que les provinces pastorales sont destinées à avoir toujours plus de terres incultes et moins de revenus constants que les provinces proprement dites agricoles ; il faudrait encore observer les améliorations possibles, le génie et l’industrie actuels des anciennes provinces, la quantité plus ou moins grande des propriétaires qui font valoir eux-mêmes leurs biens; le pays où il y a le plus de propriétaires exploitants, étant toujours le plus solidement riche. L’Assemblée nationale ne peut se flatter de ne point errer dans cette opération; elle y marchera entourée de nuages, de bourdonnements, de clameurs et d’infidélités. Mais quand elle commettrait quelques erreurs momentanées, elle ne sera coupable d’aucune injustice, parce que sa volonté sera pure ; mais pour ne rien négliger, sortir avec gloire de cette grande opération, et résoudre lesdifticultésinterminables qui se présenteront, l’Assemblée nationale ne pourrait-elle pas se servir des trois bases constitutionnelles qu’elle a adoptées pour la division du royaume : 1° les impositions anciennes et directes ; 2° la population; 3° l’étendue du territoire? Dans le chaos de nos incertitudes, je ne connais, en dernier lieu, que ce fanal triangulaire qui puisse nous servir de ralliement. Mais ne perdons jamais de vue qu’il faut s’attacher de préférence à la base des anciennes contributions. Ma dernière discussion, Messieurs, va traiter en peu de mots, de la manière la plus sûre et la moins onéreuse défaire la perception des impôts. Je rentrerai beaucoup ici dans le plan de votre comité. L’impôt étant déterminé, je mettrais à l’enchère, au rabais, par municipalité, la levée de la contribution. Le citoyen solvable qui s’en chargerait, au plus bas prix, en serait le fermier, pour le temps convenu. Ce prix serait réparti sur tous les contribuables, en addition au rôle. Chaque mois le contribuable payerait la douzième partie de sa contribution. Le percepteur serait obligé d’avancer le premier mois, et de verser chaque mois le douzième de la contribution dans la caisse du receveur de district. Les contribuables qui seraient trois mois sans payer, y seraient contraints, non par un intérêt d’argent, qui. ne fait qu’aggraver la pénurie de moyens, mais par la saisie aux moindres frais d’une partie de leurs grains ou de leurs meubles non agricoles, pour le montant de la somme due. Chaque mois le rôle du percepteur, .visé par la municipalité, serait présenté au district. Ainsi tout serait connu, tout serait prévu; il y aurait une continuité dans la recette et dans la perception. L’impôt serait ce qu’il doit être, image des sources pures, fécondes et intarissables, qui, sans cesse, donnent et reçoivent leur onde , l’impôt coulerait sans interruption dans ses canaux divers. Avant de me résumer, Messieurs, je vous prierai de me permettre encore quelques réflexions sur la recette des subsides. Vous paraissez désirer d’économiser les appointements du trésorier de département; mais si vous n’établissez point ce trésorier, n’y aura-t-il point à craindre quelques embarras dans les versements? Les receveurs des districts seront tenus de faire voiturer leurs fonds jusqu’au Trésor public. Cette nécessité de parvenir à la grande route obligera souvent à un transport et à une escorte, à de grandes distances, et par des chemins difficiles. Les avances d’un mois du trésorier de département remédient à ces retards inévitables, et font une partie de son cautionnement. De plus, il est important que chaque assemblée de département connaisse, dans tout le cours de l’année, le compte des recettes et des dépenses. Les bordereaux des trésoriers de districts, visés par leurs directoires, pourraient l’éclairer; mais combien ü est différent d'avoir près de soi un trésorier comptable, qui soit à même de représenter à chaque iustaut l’état de la dépensent de la recette, d’élever les difficultés qui se présentent accidentellement pour les payements, et d’entretenir une correspondance claire et détaillée avec la caisse de l’extraordinaire! Combien il est différent pour les chefs du Trésor public, d’avoir une relation interrompue avec cinq cents receveurs, ou de n’avoir qu’à vérifier un compte net et suivi avec quatre-vingt-deux 1 Combien vous portez plus de jour sur les opérations par ce dernier moyen ! Combien vous simplifiez réellement la marche des affaires, quoique vous les fassiez passer par une main de plusl Les administrateurs, dans l’immensité de leurs premiers travaux, s’entendront-ils toujours avec ces divers receveurs de districts, que, dans ces premiers temps surtout, auront besoin, pour la plupart, d’être formés à l’ordre et à la précision qu’exige une comptabilité? L’ambition d’un traitement fera accepter ces places. Mais qu’il est à craindre, Messieurs, que vous n’éprouviez, relativement à elles, le même regret que par rapport aux municipalités des villages 1 qu’il est à craindre que les receveurs de district n’accélèrent pas assez la levée des impositions ! (ce sont ici des détails, mais ils ne sont point à négliger, ce sont eux qui communiquent le mouvement en administration; ces détails sont les rouages de la machine politique.) Sans doute, Messieurs, aucunes des réflexions ne vous échapperont, et vous sentirez que c’est de la simple organisation de l’impôt, du changement urgent dans les formes de la collecte, de l’activité des officiers municipaux dans la formation des rôles, de l’établissement des receveurs, de leurs rapports avec les assemblées administratives et leurs directoires de la suppression des garnisaires, fantômes de pouvoir, et cependant sangsues dévorantes; enfin que c’est de l’amour de la patrie, sentiment dont l’habitude nous fera connaître toute la force; que c’est des talents, des règles et de la subordination dirigée vers un centre, que dépendent la sûreté des deniers publics, l'économie des frais de recouvrement, les ménagements dus aux contribuables, la tranquillité des citoyens, et le payement de tous les salariés de l’Empire. Je me résume, Messieurs, et sans entrer dans de plus longues explications, puisque je ne traite en 462 (Assemblée nationale . ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790.] ce moment que les bases de l’imposition générale, convaincu que la dette appelée exigible sera payée par la vente des biens nationaux, suite de vos sages opérations, supposant que la somme de l’imposition ne montera pas a plus de 500 à 520 millions et donnant au trésor national quelques millions de latitude, j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant. Projet de décret. Art. 1er, Les impositions de la France seront composées d’un impôt territorial, d’une contribution personnelle et d’un subside indirect. Art. L’impôt territorial est fixé à 240 millions, qui seront prélevés sur le revenu approximatif du territoire, et sur toute l’étendue du royaume, et payés par tous les citoyens, en proportion des anciennes contributions directes et rectifiées, de chaque département. Art. 3. La contribution personnelle est fixée à 80 millions. Elle sera assise, d’une part, sur les meubles non territoriaux et fictifs, et, d’autre part, sur les maisons des villes, sur les maisons de plaisance et leurs enceintes, et sur tous les logements, jardins et enclos des propriétaires, cultivateurs ou fermiers ; elle sera graduée, par classes déterminées, sur le prix du bail de ces maisons, ou de leur loyer estimés au taux du pays. Cette contribution s’éteindra de législature en législature, en même proportion que les rentes viagères dues par la nation. Art. 4. Le subside indirect sera subdivisé en divers droits dont l’Assemblée nationale décrétera les dénominations, Je mode de perception et le tarif. Voix nombreuses : L’impression du discours ! Autres voix : Oui 1 oui ! ainsi que du discours de M. Delley-d’Agier. (L’impression des deux discours est ordonnée.) M. le Président. M.de Boislandry à la parole. M. de Boislandry. Pour ne pas abuser des moments de l’Assemblée, je lui ferai distribuer les observations que j’avais à lui soumettre sur l’impôt. (Voyez ce document annexé à la séance). M. de I�a Rochefoucauld. Je m’empresse de reconnaître que les préopinants ont répandu une grande lumière sur la question de l’impôt qui est agitée en ce moment. Je déclare que l’intention du comité est que l’évaluation doit être faite, comme si un fermier, par exemple, voulait prendre à bail une terre; ce fermier considère tous les objets qui peuvent lui donner des revenus, il tire la probabilité du profit d’après lequel il fait des offres au propriétaire. Au reste, le comité n’a proposé une évaluation que pour 1791 : ensuite on travaillera d’année en année à perfectionner ce travail et on parviendra annuellement à la confection d’un cadastre général, Relativement au projet de M. Rey, consistant à demander à chacun, en particulier, quel est son revenu, je pense que cette mesure nous priverait du moyen le plus puissant pour assurer l’égalité de répartition, c’est la contradiction entre les contribuables. Dans la combinaison du comité, l’assemblée générale des contribuables détermine au contraire la proportion dans laquelle l’impôt sera réparti . Je propose de voter dès aujourd’hui sur l’article premier du projet de décret du comité, s M. Brillat-Savarlu . Je propose de percevoir l’impôt en nature. (On entend des réclamations de toutes parts) . M. Prieur. J’observe que c’est une erreur dans laquelle sont tombées plusieurs provinces; il est important que M. Brillât soit entendu afin que toute la France sache que l’Assemblée s’est déterminée pour le parti le plus raisonnable. M. Brillat-Savarin. Je me bornerai à quelques mots. Aucune base ne peut présenter un moyen plus facile de percevoir l’impôt. Il n’y aurait à rendre que trois décrets : le premier fixerait la quotité à raison du rapport des terres ; le second déterminerait quels seraient les immeubles qui, ne pouvant payer en nature, payeraient en argent; le troisième indiquerait la nature des fonds sur lesquels l’impôt serait prélevé. M. Dubols-Crancé. La question de l’impôt en nature n’a pas encore été soulevée dans l’Assemblée nationale : elle mérite d’être discutée. Je demande donc que l’Assemblée suspende sa décision jusqu’à demain et qu’il n’y ait pas de vole sur l’article 1er du projet du comité. M. Rœderer. Je pense que l’Assemblée ne peut se dispenser d’entendre ceux qui veulent parler sur la question; je puis d’avance indiquer quelques-unes des raisons qui ont porté le comité d’imposition à rejeter ce projet dont Vauban est le père, que des hommes très éclairés ont défendu, mais qui aujourd’hui, d’après l’expérience qui en a été faite, ne peut plus soutenir l’examen. Les notables assemblés par M. de Galonné ont démontré que les frais de perception de l’impôt en nature montaient à 25 0/0. On sait que M. de Calonne répondit au clergé, qui avait beaucoup aidé à faire cette démonstration, qu’il était évident, par conséquent, que la dîme devait lui être payée en argent pour éviter les frais de perception. L’Assemblée nationale a depuis appliqué ce principe. La seconde raison contre l’impôt en nature, c’est qu’il enlève au laboureur le gain qu’il ferait sur des grains en les vendant à propos et comme il lui plairait. Enfin, une des causes qui ont le plus attaché le peuple à la Constitution, c’est la suppression de la dîme que cette perception rétablirait avec infiniment plus d’étendue. M. le Président. Je reçois une note de M. le garde des sceaux qui demande quel jour M. de Santo-Domingo, mandé à la barre, sera entendu par l’Assemblée. L’Assemblée assigne la séance de jeudi soir. M. Thouret. Le bruit s’est répandu qu’un complot avait été formé pour enlever le roi et l’emmener à Rouen. Je suis chargé de vous présenter à ce sujet une adresse et une proclamation du corps municipal de la commune de cette ville. Je vais en donner lecture :