114 (Assemblée nationale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 octobre 1790. j Report..,. Le premier terme de l’emprunt national ............... La partie des emprunts a terme, échéance en 1791, savoir: Des trois emprunts de la ville de Paris; de l’emprunt de 100 millionsdelaloteried’avrill783, de l’ancienne Compagnie des Indes, des acquisitions faites par le roi, et des charges militaires et domestiques de la maison du roi et de la reine, supprimées en 1787 et 1788. . < . , . Fonds de réserve applicable au gré de l’Assemblée nation nalé, et de préférence aux offices..... ........ ...... Total. ......... 600,000,000 iiv. Fait et arrêté aux comités des finances et d’aliénations réunis, le 25 octobre 1790. Signé : Anson, La Rochefoucauld, président du comité d’ aliénation ; Camus, commissaire du comité d'aliénation ;P. de Delley, Poignot, Caste-lanne, G. Boutteville, LaBlache, Garesché, C.-F. Duval, Lejeans, Beaumetz, Couderc, Grenier, Montesquiou, commissaire du comité des finances , rapporteur. Divers membres demandent l'impression du rapport et du projet de décret. L’impression est ordonnée. M. le Président lève la séance à trois heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE PE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 OCTOBRE 1790. Nota. Le document que nous insérons ci-dessous a été imprimé par ordre du comité de l’imposition et sert de complément au rapport de ce comité sur Jes contributions indirectes et les boissons. Examen et parallèle des différents projets de droits sur les boissons , par M. Dupont, député de Nemours (1), imprimé par ordre du comité de l’imposition. Chapitre I« Du projet du comité de l'imposition. Le comité de l’imposition, pressé par les ordres de l’Assemblée nationale, et par le voeu public qui demande la suppression des aides et le remplacement de leur produit, a proposé un droit unique d’un vingt-cinquième de la valeur sur les boissons, combiné de manière qu’il ne pût être payé qu’une fois, et qu’il ne comportât aucune exemption, aucun privilège. (t) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. S’il eût proposé d’exempter de ce droit une par tie des consommateurs, il eût été obligé, pour obtenir le même produit, de hausser beaucoup la proportion du droit. Il aurait été obligé aussi de multiplier les for malités, c’est-à-dire les occasions de dépenses, de vexations et de procès. Et, enfin, le principe du droit se serait écarté davantage de l’esprit d’égalité et d’impartialité qui est la base de la Constitution, ou, pour mieux dire, il en eût manqué totalement. Le comité de l’imposition n’a pas dissimulé qu’il aurait préféré que l’état des finances, l’opi-pinion générale, et la loi que cette opinion impose a l’Assemblée, puissent la dispenser d’établir au cune espèce de droit sur les boissons. Il a cependant observé que la très grande ca-8ualité de la récolte des vignes ne permettait pas, n’avait jamais permis et ne permettrait jamais d’en exiger une imposition directe et territoriale considérable, ni proportionnée à leur véritable valeur, à leur véritable revenu. Un peu enhardi par cette vérité, le comité de l’imposition a été frappé de l’injustice qu’il y aurait à rendre le sort des propriétaires de vignes, sur qui la nature des choses, la justice et la raison obligeront de modérer l’imposition territoriale, à cause de la casualité de leur produit, préférable à celui des autres propriétaires qui supporteront directement un impôt proportionné en toute rigueur à leur revenu. Il a songé aux moyens de rétablir entre eux l’équilibre, et, pour y parvenir, il a cru pouvoir soumettre à l’Assemblée nationale l’idée d’un droit très léger, gui, perçu soit à la consommation directe, soit à la première vente qui embrasse toutes les autres consommations, se proportionnerait à toutes les variétés de la récolte et des prix, et qui, payé en argent au moment même du débit, coûterait le moins de frais de perception qu’il soit possible, et serait le moins embarrassant et le moins onéreux pour le propriétaire, qui n’aurait, en aucun cas, à faire aucune avance. Il a proposé d’étendre le même droit, avec la même modération, à toutes les boissons fermentées qui peuvent entrer en concurrence, pour la consommation, avec le vin, afin de les laisser dans leur niveau naturel, et de n’accorder à aucune d’elles aucun avantage, aucune préférence. Mais il a proposé, en même temps, qu’à la condition unique de payer une seule fois sur le lieu de la production ce droit de consommation général et modéré, le transportet le commerce des vins et autres boissons fussent entièrement libres, la fabrication et le commerce des eaux-de-vie entièrement libres, et que les vins, les cidres, le poiré, la bière, l’eau-de-vie, l’esprit de vin, fussent exempts de tous droits, lors de leur sortie du royaume pour passer à l’étranger. Cet avantage pour la fabrication et le commerce des eaux-de-vie, actuellement accablés, dans la plus grande partie du royaume, de formalités et de droits, cette franchise absolue pour le commerce à l’étranger de toutes les boissons nationales, à laquelle il a même, en quelques cas, proposé d’ajouter des primes, lui a paru u ne compensation légitime, mais avantageuse, d’\y& droit aussi modéré que celui d 'un vingt-cinquième, auquel les boissons seraient assujetties lors d leur première vente. Il à cru que le droit devait être fixé au vingt-cinquième, parce qu’en calculant la proportion 526,055,500 liv. 5,200,000 17,476,187 51,268,308 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* ]â9 octobre 1790*] 143 moyenne du produit total avec le produit net, il lui a paru que c’était à peu près la compensation de l’infériorité, inévitable dans l’imposition territoriale des vignes, commandée aux répartiteurs par la casualitédu produit. Il a jugé d’ailleurs que la modicité du droit serait le seul moyen de le rendre proposable pour tout le royaume. Il y a plusieurs départements dont les boissons n’acquittaient aucun droit lors de tleur premier enlèvement ; mais elles en payaient de considérables quand elles allaient chercher leur débit, soit au sein des provinces d’aides où sont les principaux lieux de consommation, soit à l’étranger. Le comité de l’imposition a jugé que, dans ces départements, le patriotisme des citoyens qui ont renoncé à tous les privilèges de leurs ci-devaut provinces, serait puissamment secondé, lorsqu’ils pourraient démontrer que l’affranchissement et la liberté du commerce intérieur et extérieur des vins, des eaux-de-vie et des autres boissons leur seront plus profitables qu’un droit d’un vingt-cinquième ne pourrait être onéreux aux propriétaires de vignobles et aux fabricants de bière, d'hydromel, de cidre et de poiré ; surtout lorsqu’il est reconnu que ce droit est nécessaire en lui-même pour établir et maintenir l’équilibre entre les propriétaires de vignes et ceux des terres labourables, des prés et des bois. Plusieurs de mes collègues ont même pensé que si le droit était, comme le propose le comité, proportionnel à la valeur, et sans aucune préférence ni exemption, sur une denrée dont il s’en trouve à tout prix, dont il n’y a aucun citoyen qui ne consomme, et dont chacun choisit la qualité qui lui convient et la paye selon sa fortune; ce droit serait alors un véritable droit général de consommation, qui se répartirait sur tous les salaires, sur toutes les jouissances, sur tous les remboursements de jouissances et de salaires, qu’on appelle la circulation, et qui, retombant à la il h, comme toutes les autres impositions indirectes, sur les propriétaires de biens-fonds et les entrepreneurs de pêche, de mines et de carrières, n’affecterait pas plus les propriétaires de vignes, que les producteurs de toutes tes autres richesses. Ces observations profondes sont dignes de fixer l’attention des législateurs, ainsique des citoyens et des philosophes qui nomment les législateurs, et qui ont reçu du ciel la mission de les juger. Quoi qu’il en soit, le comité de l’imposition n’a pas pu s’empêcher de croire qu’un droit réduit au vingt-cinquième de la valeur des boissons, et payable en argent au fur et mesure de la consommation directe, ou lors de la première vente ar l’acheteur, serait le seul droit qui pût em-rasser la totalité de la consommation, et qui, par sa faiblesse, et par sa succession à des droits plus lourds, pût devenir peu sensible; qui enfin, parmi les droits de ce genre, présenterait les moindres raisons de répugnance du d’opposition. Pour assurer la perception de ces droits, il lui a paru indispensable d’ordonner, une fois l’année, après la récolte, l’inventaire des vins et boissons dans les lieux de production, en présence d’un officier municipal ou d’un notable délégué par la municipalité, lorsque celle-ci en serait requise, soit par le préposé de la nation, chargé de la régie du droit, soit par le contribuable. 11 aurait désiré pouvoir éviter cet inventaire qui se retrouve dans tous les systèmes de perception sur la vente du vin en gros? et qui en est la base nécessaire ; qui est, jusqu’à ce moment, le seul moyen connu, le seul qui paraisse praticable, pour épargner au citoyen une inquisition perpétuelle dans sa maison et sur les routes, à l’effet de constater chaque vente; mais il n’a pu imaginer rien de meilleur et une formalité lui a paru préférable à plusieurs, un tableau annuel de la récolte à l’inspection journalière de ce que l’on ferait de son produit. Cependant beaucoup de citoyens ont témoigné pour cette formalité, même unique, une très forte répugnance. Elle les a portés à désirer qu’il n’y eut de droit que sur les reventes et sur la vente en détail; mais ces droits qu’ils demandaient exigent des formalités beaucoup plus multipliées, beaucoup plus litigieuses et beaucoup plus sévères ; et l’inconvénient que ceux sûr la vente en détail ont spécialement de ne charger la consommation que d’une partie des citoyens, et surtout des citoyens les plus pauvres, ne permet pas à cette espèce de droit de fixer longtemps les suffrages des patriotes pénétrés des principes de la Constitution. Il est pourtant arrivé que quelques-uns des systèmes qui seraient fondés sur les droits à la revente et au détail, ont été préconisés, même dans l'Assemblée nationale, lorsque celui du comité y a été proposé. Ils avaient l’avantage de l’absence, qui, pour les plans d’imposition, est très grand ; car lorsqu’il s’agit d’imposer, la manière dont on ne parle pas semble toujours préférable à celle dont on parle. Pour les mettre au niveau et conduire à un jugement impartial, il faut donc parler de tous les projets proposés. Le comité de l’imposition ne l’avait fait que d’une manière abrégée dans son rapport. Il révéré et chérit l’habitude que l’Assemblée nationale a contractée, de se décider par les principes. Il avait craint d’abuser du temps des législateurs, en les traînant sur des détails fastidieux. On juge aujourd’hui que ces détails sont nécessaires; j’y entrerai, sans aller néanmoins jusqu’à la minutie, et j’en rendrai compte, non pas précisément au nom du comité de l’imposition, mais avec son aveu et sou attache, car je ne publierai cet écrit qu’après l’avoir soumis aux lumières de mes collègues, dans ce comité, et l’avoir enrichi de leurs observations. Chapitre II. Du projet de M. Didelot. Le projet qui a reçu le plüs d’applaudissements dans l’Assemblée nationale, parce qu’il n’y avait pas été assez médité, et quoiqu’il soit très éloigné de ses principes, est intitulé: Mémoire èt observations sur quelques impôts indirects; c’est l’ouvrage d’un régisseur général, très distingué par son expérience et ses lumières, M . Didelot. % Ier. — Exposition de son plan. Il propose quatre espèces de droits : Un droit d’inventaire ; Un droit à la vente en gros, qui se répéterait à chaque revente pareillement faite en gros; Un droit à la vente en détail; Un droit d’entrée dans les villes. Les deux premiers seraient entièrement uniformes, quels que fussent la quotité ou le prix des vins. Le troisième aurait la même uniformité sur U6 [Assemblée nationale.] tous les vins, à raison de la mesure et indépendamment des prix ; mais avec remise d’un quart pour le propriétaire, lorsque la vente en détail se ferait chez lui-même, dans sa maison d'habitation . Le quatrième ne doit pasêtre examiné ici, il faut nécessairement renvoyer sa discussion au temps où le comité de l’imposition présentera des idées à l’Assemblée nationale sur les droits d’entrées des villes, qui ne doivent pas être bornés aux boissons et qui formeront une branche à part dans le système des impositions indirectes. g II. — Injustice commune aux trois droits proposés par M. Didelot. En s’arrêtant seulement à considérer les trois premières espèces de droits proposés par la régie générale ou par M. Didelot, on verra que des droits uniformes sur tous les vins dont la valeur diffère à toutes les graduations possibles, depuis six deniers jusqu’à un écu la bouteille, peuvent séduire un moment par leur simplicité, mais qu’ils sont révoltants par leur injustice. Les vignes d’une haute qualité sont à un tel prix, qu’elles n’ont pu être acquises que parles riches, et ce n’est qu’entre les mains des riches qu’elles peuvent conserver cette qualité précieuse, qui tient en grande partie à des avances, dont il faut pouvoir attendre la rentrée, et à des soins aussi dispendieux que multipliés. Enfin, il n’y a ue les riches qui puissent consommer leur pro-uit. Ce sont des pauvres, au contraire, qui possèdent la plus grande partie des vignobles mauvais ou médiocres; ce sont les pauvres qui en boivent le vin. Chercher donc un revenu sur les vins, par un droit uniforme, réglé d’après un taux moyen, c’est, pour la commodité du percepteur, se jouer des des droits du contribuable; c’est visiblement soulager le riche aux dépens du pauvre, surcharger le pauvre, au profit du riche. Rien n’est plus contraire aux principes de la justice, et à ceux de l’Assemblée nationale, en matière d’imposition. Examinons à présent l’une après l’autre les trois impositions cumulées dans le plan de M. Didelot, et toutes trois tachées de ce même vice. § III. — De la subvention nationale aux inventaires et à la fabrication, proposée par M. Didelot. M. Didelot propose, comme le comité de l’imposition, un inventaire des vins et autres boissons après la récolte et la fabrication . Cet inventaire, dit-il, « doit être envisagé, non « seulement comme un objet de produit, mais « encore comme un moyen de connaître l’étendue « des productions du royaume en boissons. « La perception,a}oute-t-i\, serapeugênante et u peu coûteuse : des inventaires généraux, faits « une fois après la récolte, dans un délai déter-« miné, et des déclarations lors de la fabrication « des boissons suffiront pour l’établir.... « On doit considérer, observe-t-il encore, que ce u droit est le seul que supportera le propriétaire « non demeurant dan3 les villes, qui consom-« mera les boissons de son cru ou de sa fabrica-« tion. * Le droit proposé par M. Didelot est de dix sous 129 octobre 1790.1 par muid de vin ; c’est le vingt-cinquième de celui qui ne vaut, à la première vente, que douze livres dix sous le muid, ou environ un sou la bouteille; c’est le dix-huitième de celui qui vaut neuf livres le muid, et il est très ordinaire de voir tomber, dans les années abondantes, les vins communs à ce prix, et même au-dessous, chez le vigneron, dans plusieurs provinces du royaume. Les députés du Périgord et du Quercy nous attestent que leurs vins, qui sont cependant d’une très bonne qualité, ne valent souvent, dans leurs pays, que six deniers la bouteille : ainsi l’impôt proposé par M. Didelot serait sur eux entre le douzième et le treizième de la valeur, ou double de celui proposé par le comité. Le plus faible des trois droits dont M. Didelot demande l'établissement général et cumulé, est donc dans une proportion aussi forte, et plus forte pour une très grande partie des contribuables, que la totalité du droit unique dont le comité a donné le projet. Peut-être même est-il beaucoup plus considérable sur la boisson du vigneron propriétaire, car M. Didelot ne s’explique point relativement à ce qui concerne les piquettes ou boites , c’est-à-dire les boissons formées d’eau, à qui l’on a fait éprouver sur les marcs un léger degré de fermentation. C’était un principe d’aides, il est vrai, très dur, que de faire payer à ces lavages de marcs, les mêmes droits qu’au vin, sous prétexte, disait-on, d'éviter les contestations et la fraude. Et l’on doit croire, puisque l’exception n’est pas prononcée dans le plan de M. Didelot, qu’un régisseur aussi instruit que lui entend conserver cet usage. Le comité, au contraire, a spécialement proposé d' exempter des tous les droits les boissons retirées des marcs, qui sont presque les seules que se réservent les cultivateurs dans les pays où le vin est précieux. Il lui a paru, que lorsque le vin aurait acquitté ie droit général de consommation, il n’était ni de la dignité, ni de l’humanité de la nation, de traiterplus sévèrement ceux qui tirent quelque parti de leurs marcs pour en faire des boissons, que ceux qui se bornent à les jeter sur le fumier. Ce serait soumettre à deux droits de consommation une même récolte, lorsque d’autres récoltes semblables n’en payeraient qu’un : ce serait un impôt sur l’industrie. Dans les pays dont le cru est mauvais et abondant, l’impôt de M. Didelot, sur le propriétaire et sur le cultivateur, est donc autant et plus fort que celui du comité. Dans les pays ou les vins sont d’un grand prix et destinés au commerce, l’impôt de M. Didelot, embrassant les piquettes, serait sensible et triste pour le cultivateur qui, dans le plan du comité, n’en supporterait aucun pour ces boissons secondaires. Il est vrai que dans les pays où le propriétaire veut consommer du vin d’un prix considérable, il payerait, selon le comité, pour cette consommation, un droit au-dessus de celui demandé par M. Didelot ; un droit qui serait dans la même proportion , qui formerait une même partie aliquote de la valeur delà marchandise, et de la jouissance du consommateur, que celui qui serait acquitté par le propriétaire qui consomme du vin mauvais ou médiocre. Mais, dans cette exacte proportion, quelle injustice pourrait-on trouver? L’injustice ne serait-elle pas au contraire d’imposer sans proportion, et de taxer les productions précieuses et les jouissances recherchées, simplement à la même somme que les productions et les jouissances médiocres ? ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 octobre 1790.] 117 Le droit proposé par M. Didelot, à peu près égal à celui du comité sur les vins médiocres, et double sur les vins du plus bas prix, a un autre inconvénient presque aussi grave. M. Didelot demande que le propriétaire en fasse l’avance, pour tous les vins qu’il aura recueillis, soit qu’il les vende ou non, et dans l'année même de la récolte, peut-être dans les mois qui la suivront ; car il ne s’explique pas sur l’époque du payement. Le comité, au contraire, considérant que les récoltes de vin, surtout celles qui sont abondantes, ne peuvent trouver leur débit qu’au bout de plusieurs années, ne demande au propriétaire aucune contribution pour ce qui n’est ni vendu, ni consommé. Il n’exigede lui aucune avance; ilne le soumet au payement de droit que sur la portion de sa récolte, qu’il aura réellement consommée, et lui donne la facilité de payer cette faible contribution en petits acomptes, à mesure que la consommation s’effectuera, etaux époques qui lui seront le plus commode pour s’acquitter. Quant à ce qui entrera dans le commerce, c’est à l’acheteur qu’il demande le droit. I) s’assure ainsi la présence de l’argent, si nécessaire à toute perception. Il épargne au propriétaire tout souci à cet égard. S’il le soumet en certains cas à cautionner l’acheteur, ce ne sera que lorsque le propriétaire s’y sera volontairement engagé vis-à-vis de cet acheteup par un contrat libre, et lorsqu’au lieu d'avancer le droit, ce propriétaire vendeur en aura lui-même reçu l'avance. Encore, le comité accorde-t-il au propriétaire, qui aura touché de son acheteur le montant du droit, des facilités pour restituer à la nation au bout de l’année? Entre les deux droits de même nature, dont l’un formerait toute la perception proposée parle comité, et dont l’autre ne serait que le commencement de celle que désire M. Didelot , entre ces deux droits qui, selon l’un et l’autre plan, seront comme le dit M. Didelot « les seuls quesuppor-tera le propriétaire non demeurant dans les villes, qui consommera les boissons de son cru ou de sa fabrication : » il est donc visible que s’il y a quelque avantage politique, c’est pour celui du comité qui soulage beaucoup plus les pauvres ; Que s’il y a quelque avantage fiscal, c’est pour celui du comité, qui, imposant les riches dans la meme proportion que les pauvres, relativement à la valeur de leur consommation, assurera une plus forte recette au Trésor public; Enfin, que s’il y a quelque avantage moral de facilité, de douceur et d’humanité dans la perception, c’est encore pour celui du comité, qui ne demande pas au propriétaire d’avancer l’argent sur des ventes incertaines; qui n’exige cet argent qu’au moment où l’acheteur l’apporte; et qui laisse même au vendeur le moyen de s’en aider pendant quelques mois, si cela lui est plus commode, à la charge d’en rendre la valeur au bout de l’année, eu nature de productions ou en espèces. Pour assurer la perception de l’un ou de l’autre droit, M. Didelot et le comité demandent également qu’il soit fait un inventaire des vins et des boissous après la récolte. Gomment cette même formalité, sans aucune espèce de différence, a-t-elle été blâmée dans le plan du comité, et applaudie dans celui de M. Didelot? Gomment n’a-t-on pas vu que le comité, qui ouvre ensuite toute liberté à la fabrication des vinaigres et des eaux-de-vie, est moins sévère que M. Didelot, qui exige de pins des déclarations, une inspection et le payement d’un nouveau droit dans l’un et dans l’autre cas ? Je ne puis répondre à ces deux questions. § IV. — De la subvention nationale à la vente en gros. Nous n’avons à examiner, jusqu’à la lin de ce chapitre, que des propositions qui sont particulières à M. Didelot. Le paragraphe précédent a épuisé tout ce qu’il y avait de commun entre son plan et celui du comité. Le surplus consiste en plusieurs impôts, plusieurs gênes, plusieurs occasions de fraude et de sévérité que M. Didelot demande qu’on ajoute, soit à la perception indiquée par le comité, soit à la perception correspondante, semblable, et seulement un peu moins équitable, que les régisseurs désireraient qu’on préférât. Il voudrait qu’outre le droit d’inventaire, à peu près égal à celui du comité, sur les vins médiocres, plus chers sur les vins inférieurs, et perçu d’une manière plus rigoureuse, on fît payer encore un droit de quarante sous parmuid, lors de la vente en futaille, et de six livres par muid, lors de la vente du vin en bouteilles, quelle que soit la valeur du vin. Ce droit serait : Du quart de la valeur sur la première vente, dans les départements de la Dordogne, de la Corrèze et du Lot ; Du septième de la valeur dans ceux de la Charente-Supérieure et de la Charente-Inférieure ; Duvingtième de la valeur dans ceux du Loiret, du Loir-et-Cher, d’Indre-et-Loire, et dans une partie de celui de l’Yonne; Du quatre-centième seulement de la valeur des têtes de vin de la Côte-d’Or, de la Marne et de la Gironde; De cent autres proportions différentes dans les autres départements, et quelquefois dans les mêmes départements. Où est la justice, où est le bon sens dans une telle répartition ? Pourquoi tripler le droit sur le vin en bouteilles? C’est qu’on suppose qu’il est plus précieux. Mais est-il toujours plus précieux ? Mais l’est-il toujours du triple? Et doit-on percevoir vos droits sur des suppositions ? N’y a-t-il pas fréquemment des exemptions de vins de troisième ou quatrième qualité qu’on fait venir en bouteilles, et de vin de première qualité qu’on envoie, en futaille ? Faut-il donner intérêt à débiter, plutôt d’une manière que d’une autre? Et ne doit-on pas livrer toutes ces mesures, dans un entier équilibre, aux spéculations du commerce? Ce qui est bien moins commercial encore, plus éloigné de tout bon principe d’administration, c’est de renouveler le payement de ce droit à chaque revente en gros ; de sorte que si le vin passe par les mains de trois négociants, il payera triple droit; et s’il passe par celles de quatre, quadruple droit. Cependant le dernier aura la main forcée par le prix du marché ; il ne pourra pas vendre plus cher que le premier. Qu’est-ce à dire? Que la plupart des négociants ne pourront envisager que de la perte dans leurs spéculations, que ceux à la première main trouveront moins de coopérateurs et de débouchés : que des hommes très intelligents qui, sans cette intervention exactoire du lise, se livreraient aux seconde et troisième opérations, avec une grande utilité publique et 418 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (ê9 octobre 1790. j privée, en seront dégoûtés ; que le commerce sera troublé et resserré dans ses Combinaisons, dont il n’y en a pas une qui, en faisant son avantage, ne fasse aussi celui de la culture et de la société. La forme d’UDe perception si injuste et si nuisible n'est pas moins redoutable que le fond. Il est impossible de percevoir un droit à chaque vente et revente sans exiger des déclarations, des congés, des vérifications de départ et d’arrivée, une correspondance entre le percepteur du lieu dont la boisson est tirée, et celui du lieu où elle doit passer, et sans assurer le tout par le droit d’arrêter toutes les voitures sur toutes les routes; enfin, sans établir des peines contre ceux qui auraient envoyé, transporté ou reçu des vins, en manquant à quelques-unes des formalités prescrites. Qu’est-ce que tout cela, qu’une perpétuelle inquisition? Et comment les citoyens qui ont témoigné une grande répugnance pour une seule visite, faite une seule fois par année chez le propriétaire, et proposée pour formalité unique, ont-ils pu trouver raisonnable et plus doux, en conservant cette même formalité qui leur déplaisait, d’y ajouter l’inspection sur tous les chemins, le droit constant de visite perpétuelle chez tous les marchands en gros, et le payement d’un droit quadruple de celui d’inventaire, répété autant de fois que la marchandise peut passer d’un négociant à un autre ? Comment cette aggravation notable, sans terme, car on ne sait où s’arrêtera le commerce ; sans proportion avec le prix de la marchandise, ni avec la matière imposable, sans respect pour la liberté des conventions et des spéculations commerciales, a-t-elle pu être présentée à l’Assemblée nationale, sous l’aspect d’un adoucissement au régime contre lequel on déclamait , en tant qu’ouvragé du comité, en l’adoptant néanmoins en tant qu’ouvragé de la régie générale? Je ne m’arrêterai pas à examiner si le droit de vente en gros, exigé sur les boissons héritées en ligne collatérale, ou même données, quoiqu’elles eussent déjà payé le droit d’inventaire, serait encore un adoucissement. Et si le droit de cent sols à chaque vente et revente de chaque muid d’eau-de-vie, proposé par M. Didelot, est un autre adoucissement au plan du comité, qui ne demande rien, ni pour la fabrication, ni pour le commerce de l’eau-de-vie, lorsque le vin consumé dans cette fabrication aura payé le droit unique du vingt-cinquième de sa valeur. § V. — De la subvention nationale à la vente en détail. C’est ici qu’il s’agit de la consommation du pauvre; et c'est sur elle que les partisans du système de M. Didelot proposent d'ajouter aux droits de vente en gros que le comité réprouve, ainsi qu’au droit d’inventaire que le comité approuve, et dont il n’exige le payement qu’à la première vente seulement, un autre droit égal à la valeur même du vin dans plusieurs départements du royaume; et qui, dans aucun, ne serait au-dessous du quart de la valeur de celui que peut boire le pauvre, ou même tout homme d’une fortune assez médiocre pour n’être pas à portée de s’approvisionner en gros. On dit que « ces droits sont un moyen de tirer une contribution d’une classe de citoyens qui échappent à tous les autres impôts ». Mais pourquoi y échappent-ils? Parce qu’ilg sont trop pauvres pour pouvoir être compris dan aucune classe de contribuables. Oh ! ne violon8 pas l’asile de leur misère ; et dans la distinction de tous les autres privilèges, respectons ceux de la pauvreté. Mais si leur pauvreté doit être une égide pour eux, la liberté doit en être une seconde pour eux et pour nous. Voici, d’après M. Didelot lui-même, ce qu’exige la perception de son droit de détail : « Déclaration avant de commencer le débit ; « Déclaration et représentation de toutes les boissons, » toutes les fois qu’on en sera requis par les employés de la régie; « Visites et exercices de la part du commis pour constater le débit»; « Les principaux règlements actuels existants, sur l’exercice de ce droit, nécessaires à conserver » dans les provinces actuellement soumises aux aides, ou a des droits de la même nature, tels que les devoirs de Bretagne, et l’équivalent de Languedoc; c’est-à-dire, aussi les mêmes règlements nécessaires à étendre dans l’autre moitié du royaume qui ne connaît rien de pareil. Ces règlements ne se bornent point à ordonner les visites dans les maisons des cabaretiers ou autres débitants. Ils en autorisent chez les autres particuliers soupçonnés de se permettre un débit clandestin. Ils en autorisent dans les maisons où l’on présumeque seraient établis des entrepôts propres à renouveler l’approvisionnement des maisons de débit. Et en effet, sans cette facilité donnée aux employés, on ne pourrait empêcher une grande et perpétuelle fraude; car alors le cabaretier remplirait la nuit les tonneaux qu’il aurait vidés le jour, et la plus forte partie des vins échapperait à la perception.il en résulterait, d’une pari, que l’Etat perdrait une portion considérable de son revenu; de l’autre, que les débitants fraudeurs pourraient donner leurs boissons à meilleur marché, et ruineraient le commerce de leurs confrères, qui seraient plus honnêtes et qui respecteraient la loi. Ce ne serait donc que par des formes inquisitoriales que l’on pourrait soutenir ces droits injustes qui grèveraient la consommation du pauvre, du quart ou double de sa valeur, et qui accorderaient un privilège, une exemption totale de cette surcharge, au riche qui ne consomme que des vins dont il s’approvisionne toujours en gros. Comment cette inégalité, ces vexations, ce régime réglementaire et inconstitutionnel n’ont-ils pas révolté les philosophes auxquels on les a proposés, lorsque nul d’eux ne peut ignorer que Ce régime n’est que celui des aides, avec de très légères modifications; que c'est le régime dont tous les citoyens de tous les départements qu’on y avait soumis, ont unanimememt demandé la suppression dans tous les cahiers? Comment quelques personnes ont-elles pu croire qu’il fût bon et utile ae maintenir ce régime dans les, départements où le peuple regarde son abolition comme le plus grand avantage de la Révolution française? Comment ont-elles pu imaginer qu’il fût pro-pcsuble de l’établir dans les autres départements, dont les vins n’ont jamais payé aucun droit, que lorsqu’ils sont entrés dans la consommation des provinces d’aides, ou de celles soumises à des droits semblables aux aides, lorsqu’ils ont tra- [Assemblée nationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.1 119 versé ces provinces, ou lorsqu’ils ont été envoyés à l’étranger? Le plan du comité n’a pour but que d’établir l’équilibre entre les différents revenus, et de suppléer à la moindre évaluation qu’il est juste, nécessaire, habituel, indispensablede donner au produit trop casuel des vignes, par un droit général et proportionnel de consommation, porté, pour l’économie des frais et pour la commodité du contribuable, au moment de la première vente, et réduit dans son régime a une formalité unique. Gomment a-t-on osé dire qu’il serait plus dur et plus injuste que celui de M. Didelot , qui repose sur la même formalité, qui propose u’y ajouter une inquisition perpétuelle sur tous les chemins et chez tous les particuliers qui feraient ou que l’on süpgonnerait de faire le commerce, et qui, au lieu d’un seul droit du vingt-cinquième de la valeur, demande des droits cumulés qui s’élèveraient souvent à plus de moitié de cette même valeur, et qui seraient combinés de manière à surcharger toujours le pauvre, à soulager toujours le riche? Heureusement pour le comité, pour son rapporteur, et surtout pour le public, l’Assemblée nationale ne s’en laisse point imposer par ces déclamations ; elle juge les choses d’après les choses elles-mêmes. Chapitre HI. Du projet de M. Rollin , receveur des aides. M. Rollin propose, comme M. Didelot et le comité, un inventaire après la récolte. Aulieu denedemander, avec le comité, les droits sur les vins compris dans cet inventaire, que lors de leur consommation directe ou de leur première vente, il veut, comme M. Didelot, que le propriétaire acquitte le droit, soit qu’il ait pu ou non débiter le vin. Cette condition du projet de M. Didelot , et de celui de M. Rollin, est visiblement beaucoup moins favorable aux propriétaires que ne l’est le plan du comité. M. Rollin porte le droit d’inventaire à trois livtes par muid sur les vins, trente sous sur les piquettes tirées à clair, le cidre, le poiré et la bière. Ce droit serait dans une grande partie du royaume, non pas du vingt-cinquième, comme celui du comité, mais du cinquième au quart de la valeur. Pour faciliter le payement, M. Rollin propose de le diviser en trois : le premier tiers serait acquitté au mois de janvier; le second, au mois d’avril, et le troisième au mois d’août. L’idée de partager le payement est bonne ; le comité a proposé de diviser ainsi en douze acomptes, ou même en quarante-huit, ou en cinquante-deux, de semaine en semaine, suivant la commodité du propriétaire, la petite portion de droits qui serait relative à sa consommation personnelle. Il ne demande rien à ce même propriétaire, ni pour le vin qu’il vendra, dont le droit sera payé par l’acheteur, ni pour celui qu’il n’aura point vendu, et qui sera exempt de toute contribution, tant qu’il n’entrera point dans le commerce. M. Rollin supprime entièrement les droits à la vente et à la revente en gros. Il n’en établit qu’à la vente en détail, dont la base de la perception serait la déclaration que les cabaretiers et autres, vendant vins et boissons, seraient tenus de faire au greffe de leur municipalité, de là quantité et qualité des boissons dont ils entendraient se pourvoir pour leur débit. D'après ces déclarations, le débit journalier serait vérifié par les employés, suivant les formes actuelles. Les droits seraient de douze livres par muid de vin dans les villes, et de huit livres par muid de vin dans les campagnes, quels qu’en fussent la qualité et le prix. On a vu dans le chapitre précédent que ces droits seraient sur le pied du quart au double de la valeur de la consommation des citoyens trop pauvres pour pouvoir s’approvisionner en gros. M. Rollin propose qu’ils soient de moitié plus faibles pour les boissons inférieures aux vins; mais que sur les eaux -de -vie ils soient de trente-six livres par muid dans les villes et de vingt-quatre livres dans les campagnes. Il entend défendre aux commis d’entrer dans les appartements des propriétaires qui vendraient en détail le vin de leur cru, et borne chez ces propriétaires le droit de visite des employés à la cave et à la salle même de débit. Il compte faire remise à ces propriétaires, sur les droits de détail, -de la moitié de la valeur ou droit qu’ils auraient payé pour l’inventaire. Ces petits adoucissements à la régie des aides ne rendent pas plus juste la forte perception jetée sur la consommation de l’indigent. Le plan de M. Rollin manque d’ailleurs de lien ; les droits à la vente en gros étant supprimés, et les boissons ne pouvant être suivies depuis leur production jusqu’à leur consommation, la fraude serait énorme sur les droits de détail. M. Rollin ne s’explique pas sur la manière de surveiller les entrepôts. S’il n’établit à cet égard aucune police, les cabaretiers esquiveraient presque entièrement le droit de détail, en renouvelant sans cesse leur approvisionnement avec le secours de leurs voisins; et s’il en établit une, il ne pourrait empêcher qu’elle vexât tous les autres citoyens, accusés ou soupçonnés de se prêter à l’entrepôt. A la suite du projet de M. Rollin se trouvent placées quelques idées heureuses sur l’utilité el l’économie que l’on trouverait à combiner la perception de l’impôt direct avec celle de l’impôt indirect. Il en sera rendu compte à l’Assembléé nationale dans une autre occasion. On n’a point parlé de la portion du projet de M. Rollin qui regarde les droits d’entrées dés villes ; on l’a renvoyée, ainsi que toutes les autres du même genre, à cette branche partieu-lière du système des impositions indirectes. Ce qu’on a dit, du reste, montre que son projet, moins savamment conçu que celui de M. Didelot, serait bien moins favorable aux propriétaires de vignobles que celui du comité. Chapitre IV. Du projet intitulé les Aides modifiées , par M. Le-vacher, directeur de la régie générale des aides, Lé plan de M. Levacher diffère de celui de M. Didelot en trois points. L’un, qu'il n’exige pas d’inventaire, si ce n’est dans le territoire des villes ouvertes, pour y servir de base à la perception des droits d’entrée, et dans le cas de la fabrication de l’eau-de-vie, sur laquelle il Veut Conserver tout le régime 120 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {29 octobre 1790.] de déclarations, d’inspections et de vérifications établies aujourd’hui dans les pays d’aides. L’autre, qu’il établit les droits à la vente et aux reventes en gros beaucoup plus forts que M.Didelot; du tiers en sus pour quelques-uns, du double pour quelques autres. Le troisième, qu’il demande un droit d'enlèvement de moitié plus lourd que le droit d’inventaire de M. Didelot , sur toute espèce de vin ou de liqueur qui passera du lieu de fabrication dans un autre, même dans celui de l’habitation du propriétaire, et sans qu’il y ait vente aucune. Lorsqu’il y aurait vente, le droit particulier d'enlèvement n’aurait pas lieu; et, selon M . Le-vacher, il se confondrait avec le droit de vente, qui serait quatre à cinq fois plus considérable. Quant à la vente en détail, le taux des droits qu’il propose est à peu près le même que celui proposé par M. Didelot , le régime est parfaitement semblable : c’est celui dont il a été parlé à la fin du deuxième chapitre. Quant aux droits sur les ventes et reventes en gros, son moyen de perception est la ronde perpétuelle exercée jour et nuit sur les routes, et les peines contre ceux qui hasarderaient d’y voiturer du vin ou d’autres boissons sans avoir acquitté les droits de vente, ou au moins ceux d’enlèvement, et sans en représenter la quittance. Le principe en serait que nul vin ni nulle autre boisson fermentée ou spiritueuse ne devrait, en aucun cas, sortir d’une maison sans qu’il en eût été fait déclaration au bureau des aides, et sans qu’on n’en eût reçu la permission, pour laquelle on payerait un droit uniforme, indépendant de la valeur, mais plus fort de beaucoup que ceux de la même espèce demandés en pareil cas par M. Didelot. On observera, sur ce plan, qu’un droit qui ne permet aucun transport sans la délivrance et le payement préalable d’un congé est singulièrement onéreux pour les gens qui demeurent loin du bureau où les congés se distribuent, et où l’on peut les faire attendre très longtemps, soit parce que l’employé est absent, soit, dans la saison des transports, par Je seul effet de la concurrence entre ceux qui sollicitent des permissions, qu’on ne peut donner à chacun d’eux qu'à son tour. Qu’un droit qui demande que chaque voiturier, exposé à toutes Jes intempéries des saisons et à tous les accidents des cabarets, ait constamment un papier à la main ou dans sa poche, à peine de procès-verbal, de saisie, de confiscation et d’amende, est extrêmement litigieux, et doit donner lieu à une multitude de vexations très fatales au commerce, même quand l’employé n’a pas la moindre intention d’être vexateur, et se borne simplement à faire son devoir. Enfin, qu’un droit qui demande sur toutes les routes un service perpétuel de jour et de nuit doit être d’une perception très coûteuse, et nécessiter une armée fiscale très considérable. On ne croit pas que ce soit la peine de faire tant de dépenses, et d’exposer le peuple à tant de procès, pour des droits de consommation qui n embrasseraient pas la consommation générale, qui comporteraient des exemptions, qui, sans proportion avec la valeur de la marchandise, feraient porter sur le pauvre la plus forte partie de la contribution dont ils soulageraient le riche, et qui auraient de plus l’inconvénient grossièrement anticemmercial d’être répétés à chaque revente, de manière à pouvoir, en résultat, absorber ou surpasser la totalité de la valeur de la marchandise. Ges droits ne seraient pas proportionnels aux revenus, aux jouissances, aux facultés, puisqu’ils seraient de la même somme pour les vins de toute qualité et de tout prix. Ils ne seraient pas même uniformes sur chaque consommation, puisqu’il se trouverait des consommations pour lesquelles la somme déterminée n’aurait été payée qu’une fois, et d’autres pour lesquelles on l’aurait acquittée trois ou quatre fois, ou même davantage. L’impôt proposé par le comité, qui est en lui-même beaucoup plus léger, qui est en proportion avec la valeur, qui n’exige qu’une seule formalité et qui laisse le commerce entièrement libre, paraît dans tous les sens préférable. Chapitre V. De quelques autres idées. Plusieurs personnes ont cru, et leur opinion a été assez générale dans les campagnes, qu’il n’y avait rien de plus simple que de remplacer l’impôt des aides; qu'il suffisait d’en prendre la somme et de la répartir, soit à l’arpent, soit en raison du revenu, sur tous les vignobles de la France. Rien de si commun que d’entendre dire : Otez la vexation , et faites nous payer plus. Mais quand on examine les détails de la pétition et les dispositions des requérants, on trouve que l'offre de payer plus est liée à la résolution de payer moins ; d’ailleurs, il ne faut payer, il ne faut exiger ni plus ni moins qu’il n'est nécessaire pour le service public, ni plus ni moins qu’il n’est indiqué par le revenu du contribuable et par les facilités et les difficultés attachées à la nature de la perception. L’idée de répartir l’impôt sur les boissons, à raison de l'arpent de vigne, ne peut pas soutenir le plus léger examen. Il n’y aurait point de justice à faire payer à la vigne un double impôt territorial ; mais de plus il n’y aurait pas de possibilité, car la vigne ne donne quelquefois aucune récolte, et donne d’autres fois des récoltes que leur abondance prive de valeur, et qui ne peuvent être débitées dans l’année, ni qu’après un long espace de temps; de sorte que l’on ne peut pas demander au propriétaire de vignes, qui passe une grande partie de sa vie dénué d’argent, un impôt régulier en argent, qui soit dans une exacte et suffisante proportion, ni avec la valeur de son hérilage, ni avec le revenu qu’il en retire. Quoique cet impôt, proportionné au revenu moyen, fût équitable en lui-même, le propriétaire serait le plus souvent dans l’impuissance de le payer ; à plus forte raison dans celle de payer un surcroît qui embrassât la totalité de la contribution, que les droits à la consommation des boissons ont jetée sur les autres propriétaires qui payent les salaires d’une partie des buveurs. C’est par cette raison que le comité a cru devoir borner le droit de consommation sur les vins, à ce qui lui a paru la différence inévitable de l’impôt territorial sur les vignes, à l’impôt territorial sur les autres biens-fonds, quelque sévérité que les corps administratifs prissent soin d’apporter dans la répartition. Il se serait reproché , comme concourant à la législation, de passer cette limite. Il se serait reproché, comme conseiller en matière de finance, 121 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.J de proposer un impôt que la nature de la chose eût rendu impossible à payer. Il a dû étudier et la proportion de la matière imposable, et le moment de la rentrée des fonds pécuniaires qui doivent acquitter l’impôt. Il a donc dû rejeter le projet de remplacer les aides par un surcroît d’impôt territorial, à raison des arpents de vigne. Quelques autres personnes ont proposé au comité d’établir dans tout le royaume le privilège exclusif de la distillation et de la vente des eaux-de-vie, comme il a lieu en Bretagne et en Flandre. Cette proposition n’a pas paru admissible; elle introduirait une extrême inégalité entre les propriétaires des vignobles dont les vins ne sont propres qu’à faire de l’eau-de-vie, et ceux des vignobles dont la récolte se consomme sans préparation. Les administrateurs du privilège exclusif, pour en tirer un plus gros revenu, mésoffri-raient sans cesse sur le prix des vins destinés à la distillation ; peut-être même pour faire baisser encore plus le prix de la matière première nationale, se pourvoiraient-ils d’eaux-de-vie étrangères, comme ils font dans les deux provinces données pour exemple; et quand ils ne prendraient point ce parti, les propriétaires des vignes, aujourd’hui productrices d’eaux-de-vie, n’ayant qu'un acheteur, seraient toujours lésés dans le débit et sur la valeur de leurs vins. L’impôt porterait donc presque en entier sur cette espèce de vins, les vins précieux en seraient exempts; et quant à la consommation, le droit serait perçu principalement sur celle de l’homme de peine, à qui l'usage de l’eau-de-vie peut être nécessaire, non sur celle de l’homme plus riche, et qui, ayant en abondance le vin de bonne qualité, n’a véritablement aucun besoin d’eau-de-vie, et n’en fait qu’une faible consommation. Tous les principes de répartition d’un tel impôt seraient donc inégaux et injustes. On me dispensera de parler de sa forme monopolaire et de l’atteinte singulièrement inconstitutionnelle qu’il porterait à la liberté. On sent assez qu’aucun impôt de monopole ne peut soutenir d’être considéré sous cet aspect. Plusieurs députés de Languedoc ont proposé d’adopter le régime de l’ équivalent établi dans leur province. Ce droit équivaut , en effet, aux autres droits d’aides de la seconde et de la troisième espèce, établis dans les départements où les aides avaient cours ; il est composé d’un droit à toutes les ventes et reventes en gros et à la vente en détail. Les propriétaires en sont exempts, lorsqu’ils effectuent la vente par eux-mêmes, soit en gros, soit même en détail dans leur maison d’habitation. L’acheteur en gros est obligé de faire une déclaration d’après laquelle on vérifie la quantité des vins qu’il conduit chez lui, et on lui fait payer le droit d 'équivalent sur la revente qu’il est pareillement obligé de déclarer, ou sur ce qui manque à la quantité vérifiée, lorsque l’on fait une nouvelle vérification. Les vérifications, les visites, les recensements sont autorisés chez tous les marchands de vin et de boissons, soit en gros, soit en détail ; d’où suit : 1° la nécessité d’en faire quelquefois, au moins de l’autorité du juge, chez les particuliers soupçonnés de renouveler, par entrepôt, les boissons des marchands en gros ou en détail ; 2° celle de prendre des permissions pour le transport des vins et autres liqueurs ; 3° le droit au percepteur d’arrêter les voitures sur les routes pour vérifier les permissions, et de saisir les marchandises lorsqu’elles ne sont pas en règle. Cependant, les moeurs avaient été, dans une partie du Languedoc, plus douces que la loi. Le percepteur, effrayé de la multiplicité des frais de régie qu’aurait occasionnés un exercice rigoureux, se prêtait, en général, à des abonnements qui réduisaient, dans les deux tiers ou environ de la province, le droit d’équivalent à une sorte de droit de licence. Mais ces abonnements passagers et volontaires laissaient toujours la faculté de reprendre l’exercice chez les négociants ou marchands qui ne seraient point agréables au régisseur, ou qui hésiteraient à faire pour l'abonnement des conditions qui lui parussent avantageuses. Les opinions ont été partagées entre les députés de la ci-devant province de Languedoc, relativement à ces droits. Les uns, touchés de la modération apportée de fait dans la régie de l’équivalent, ont cru qu’on pouvait en faire le modèle de la perception des droits sur les boissons dans tout le royaume. Les autres, dans les sénéchaussées desquels ces modérations ont peut-être été moins grandes, ou gui attachent, non sans raison, plus d’importance à la loi qu’on peut toujours réclamer, qu’au fait qui n’engage à rien le régisseur, ont jugé qu’il serait très difficile d’établir la législation et le régime de l 'équivalent, dans les départements où les vins et autres boissons n’ont jamais été assujettis à aucun droit de vente ni de revente. Un procès élevé entre le fermier général de V équivalent de Languedoc et le sous-fermier des diocèses du Puy, de Mende et de Viviers, dont les mémoires ont été envoyés à l’Assemblée nationale, montre que l’on ne peut pas même se flatter de maintenir en Languedoc {'équivalent ; et que le droit du vingt-cinquième de la valeur, payé une seule fois lors de la première vente, et la liberté entière ensuite du commerce des vins, ainsi que celle de la fabrication et du débit des eaux-de-vie, joints à la franchise de tout droit sur leur exportation à l’étranger, y sembleraient très préférables au régime auquel les habitants des départements, qui furent cette province, ont été soumis jusqu’à la Révolution, et qu’ils ne veulent plus supporter. Chapitre VI. Du projet de M. Milleret. C’est précisément le système de {'équivalent du Languedoc, que propose M. Milleret, excepté qu’il l’adoucit en un point qui est de n’exiger le droit à la vente en gros qu’une fois, lorsque le premier acheteur en gros revendra, soit à un second acheteur en gros, soit à un débitant en détail. Et qu’il l’aggrave en un autre qui consiste à faire payer un 'droit d'entrée ou de fabrication dans les villes et leur territoire, en appelant « villes tous les chefs-lieux de canton, et tous les autres lieux composés de deux cents feux et au-dessus; leurs faubourgs, les hameaux et les écarts qui en dépendent ». Les villes, à ce compte, couvriraient la moitié du royaume. Selon M. Milleret, elles seraient divisées en deux classes : Dans celles de la première classe, ,1e droit dit d 'entrée, mais réellement de fabrication , serait de trois livres par muid de vin de toute qualité en 421 (Assetnbléé éàiionàlé.] AKCfilVtë'ft PAKLËMEJVÎÀÏRÈS. {29 octébrê 1790.] cercles, et de douze livres par muid d’eau-de-vie. Dans les autres, il ne serait que de quarante sous par muid de vin en cercles, et de six livres par muid d’eau-de-vie. Le droit sur les vins en bouteilles et les vins de liqüeur serait de six livres; sur la bière, de trente sous ; sur le cidre et le poiré, de vingt-quatre sous par müid, dans le territoire de toutes ces villes et villages décorés du nom de villes. Pour en assurer la perception, les inventaires auraient lieu, lors des vendanges, dans tous les territoires sujets. Celui des villages, dont le chef-lieu n’aurait pas 200 feux, en serait exempt. Ainsi, de deux hameaux voisins et semblables, l’un serait soumis au droit et à l’inventaire, l’autre en serait affranchi selon qu’il dépendrait ou non d’une paroisse qui aurait plus ou moins de 200 maisons autour de son clocher. Cette règle de répartition parait très imparfaite, et l’on préfère encore le plan du comité. Chapitre VII. Des différents plans de M. de La Raitrie. il/, de La Raitrie a évité la cumulation de droits proposée par les différents auteurs dont on vient de parler, et il demande, comme le comité, que l’on rende celui qui aura lieu, proportionnel à la valeur. Voici en quoi son plan diffère de celui du comité : M. de La Raitrie a pensé que la formalité des inventaires aurait deux inconvénients : Celui de choquer l’opinion dans les départements où ln droit de gros et les inventaires n’étaient pas connus; Celui de laisser possibilité à beaucoup de fraudes, « parce que les propriétaires, dit-il, cache-« raient une partie de leur récolte, soit dans deB « lieux secrets de leur maison, soit même en « l’enterrant dans leur jardin. » Ce dernier danger parait peu à craindre, car les Vins nouveaux demandent des soins qui ne permettent guère de les enterrer. Pour suppléer à l’inconvénient, voici ce qu’a imaginé M. de La Raitrie : Avant la récolte, les propriétaires ou leurs vignerons feraient déclaration de la quantité d’arpents de vigne qu’ils auraient à récolter, en spécifiant s’ils sont de haut ou de bas crû. Un double de ces déclarations serait donné, par le préposé, à la municipalité du lieu où devrait se faire la récolte et resterait déposé à son secrétariat, pour y être communiqué à qui voudrait en prendre connaissance. Après larécolte on ferait une assemblée de tous les propriétaires et autres qui auraient recueilli des vins, et dans cette assemblée ou fixerait, à la majorité des voix, une estimation moyenne du produit par arpent, dans les hauts crûs et dans les bas crûs, sauf à ceux dont la récolte aurait été au-dessous de l’estimation moyenne, à le déclarer et à le faire constater. L 'arrête pris dans cette assemblée déterminerait la quantité de matière imposable, entre les mains de chaque proprietaire. On suivrait, au surplus, la police indiquée par le comité. L’acheteur payerait le droit à raison de la valeur, en enlevant le vin; le vendeur cautionnerait ce payement lorsqu’il négligerait de s’en faire représenter les quittances par l’acheteur. Quant à la quotité du droit, et quant à la contribution du propriétaire pour ce droit, M. de La Raitrie a eu deux opinions. Il a d’abord pensé, comme le comité, qüe le droit devait être du vingt-cinquième et embrasser (sauf les déductions nécessaires pour l’entretien des boissons, les lies et les remplages) la totalité de la récolte et de la consommation, pour laquelle le propriétaire ne contribuerait qu’en raison de celle qu’il aurait voulu se réserver. Il a cru ensuite qu’il valait miebx accorder un privilège au propriétaire, lui passer pour sa consommation et celle de sa famille, quatre muids, qui ne peuvent y suffirent qui ne seraient taxés qu’à dix sous par muid ; exiger du surplus le dixième de sa valeur lorsque le nombre de muids, mentionné dans l’estimation moyenne de la récolte, ne serait pas représenté en nature ou quittances. Pour cette représentation M. de La Raitrie demande une visite ou inventaire général fait avant la récolte, et dans lequel il trouve avec raison* sur l’inventaire proposé par le comité, l’avantage que le préposé de la nation n’aurait point de recherche à faire pour vérifier la quantité; que ce serait au contraire le propriétaire et le vigneéofl qui auraient intérêt à lui faire constater la quantité existante pour éviter le payement du droit. Cette idée est vraiment ingénieuse, elle ne présente que trois inconvénients ; Le premier est de perdre une partie considérable du produit , attendu qu’il est impossible d’espérer, jusqu’à ce que les hommes soient devenus plus éclairés et plus scrupuleux qu’ils ne le sont, qu’aucune assemblée de propriétaires et de vignerons, convoquée à l’effet d’estimer la récolte moyenne, d’après laquelle chacun d’eux devra payer l’impôt, et prévenus que tout ce qui excédera l’estimation moyenne sera exempt, ne fasse pas cette estimation dans une proportion très affaiblie. G’estêtre modéré que de supposer que cet affaiblissement ne soit pas au moins d’un tiers de la récolte. M. de La Raitrie a cherché un remède à cet inconvénient. « Quand une municipalité, dit-il, « sera soupçonnée d’avoir fait une estimation « trop faibie, le directoire de district nommera « deux commissaires qui se transporteront dans « la municipalité, et feront procéder à l’inven tairê « en vertu duquel la municipalité sera condamnéê au payement du quadruple des droits fraudés. >> Mais toutes les municipalités seront à peu près dans le même cas, celle même où siégera le directoire du district; comment l’une d’entre elles dénoncerait-elle les autres? Elle n’y aurait point d'intérêt, sa contribution n’en serait point allégée ; l’inexactitude deviendrait une convention tacite, décorée en chaque lieu des noms de modération, d’humanité, d’amour pour le peuple et même de patriotisme. _ Celui qui proposerait de faire une estimation fidèle serait à coup sûr traité de mauvais citoyen et ne réunirait jamais les voix de la majorité. Il faudrait que l’erreur fût énorme pour que le préposé de la nation osât réclamer l’autorité dû directoire de district et la vérification des commissaires qu’il pourrait envoyer. Ce préposé doit naturellement préférer de vivre en paix dans le canton, et d’y être bien traité par les gros propriétaires de vignobles; il doit craindre l’inimitié périlleuse des petits. Remise générale d’un tiers de l’imposition* estimation de quatre muids par arpent, lorsque [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. le véritable produit moyen sera de six. Voilà donc le premier inconvénient de cette manière d’en reconnaître la base. Le second est dan3 la nature de la chose même. M.de La Rditrie demande une estimation moyenne. Qu’est-ce qu’une estimation moyenne ? C’est celle ui est également distante du terme le plus élevé e celui qui l’est le moins. Suppose que l’estimation moyenne à quatre muids par arpent fût üdèle, elle ne le serait que parce qu’un tiers des vignes aurait donné cinq muids , un tiers quatre , un tiers trois. L’exemption d’un cinquième de leur contribution pour les propriétaires qui ont fait la meilleure récolte est donc une des bases du plan de M. de LaRaitrie. Mais une exemption ainsi placée sur ceux que la nature a le plus favorisés l’est précisément à rebours de ce qu’indiqueraient la justice et la raison. Il faut encore observer que cette remise particulière pour les plus riches, ajoutée à la remise générale d’un tiers pour tous, se trouverait des trois Septièmes sur la portion de la récolte qui appartient aux cultivateurs ou aux propriétaires les plus heureux. Cela est facile à démontrer. Supposé que le taux moyen de la récolte ait été de six muids par arpent, c’est-à-dire qu’un tiers des arpents ait donné sept muids, un tiers six muids, un tiers cinq muids seulement, l’estimation de l’assemblée faite à un tiers de diminution générale sera de quatre muids; il sera censé que les vignes les plus fécondes ont donn écînq muids, les moyennes quatre, les moins fertiles trois. Un petit nombre de particuliers qui, par un cas extraordinaire, pourraient avoir recueilli moins de quatre muids réclameront, et il leur sera fait justice; les autres applaudiront à l’estimation, elle sera regardée comme bien et loyalement faite. Cependant tous ceux qui auront recueilli plus de quatre muids par arpent seront exempts de l’impôt pour le surplus. Cette exemption sera pour un tiers d’entre eux de trois muids par arpent, ou trois septièmes de leur récolte; pour ceux de la classe mitoyenne, de deux muids ou d’un tiers ; pour ceux de la classe inférieure, d 'un muid ou d’un cinquième seulement; total un tiers du tout, trois septièmes du produit des meilleures vignes. Le troisième inconvénient du plan de M. de La Raitrie ne se trouvait pas dans le premier projet qu’il a mis sous les yeux du comité; il est particulier au dernier projet auquel il s’est fixé et qu’il a fait imprimer. Cet inconvénient est fondé sur le louable motif de passer en exemption au propriétaire une portion de vin destinée à sa consommation ; motif néanmoins qui dénature le droit en y établissant un privilège, et n’en faisant qu’un droit decom-merceaulieu d’un droit général de consommation. Mais il en résulterait que la nation pourrait être privée de fait de la plus grande partie dure-venu qu’elle a droit d’attendre des vins précieux. Le droit proportionnel à la valeur se trouvant en raison de cette valeur, d’une somme considérable sur les vins de haut prix, les propriétaires s’arrangeraient avec leurs vignerons, la déclaration serait faite au nom de ceux-ci qui paraîtraient avoir acheté chacun une partie de la récolte; chacun de ces vignerons réclamerait ensuite le privilège d’avoir pour lui et sa famille quatre muids de vin exempts de tous autres droits que celui de dix sols par muid. [29 octobre 1790.] 1$*$ Ainsi, quarante-huit muids de vin de la plus haute valeur, répartis en douze vignerons qui ne boivent que du vin commun, et se garderaient bien de consommer une goutte de celui qui vaut un écu la bouteille, se trouveraient affranchis de l’imposition, quoique d’après le principe il ne dut y avoir d’exempts que quatre muids pouf le véritable propriétaire. Ainsi la nation pourrait perdre tout oti presque tout son revenu sur les bons vins de Bourgogne, de Champagne et de Bordeaux, tandis qu’elle le percevrait, quoiqu'avec réduction d’un tiers, sur tous les vins médiocres. Cet affranchissement des récoltes véritablement riches serait d’autant plus injuste, d’autant plus contraire aux principes de l’imposition, que si l’on ne prend pas l’impôt sur la richesse qui le doit, il faut nécessairement le faire refluer sur la pauvreté qui ne le doit pas; car il faut pourvoir aux dépenses publiques, et nul revenu n'en peut être exempté, sans ajouter à la charge des 9ii)tr6S* Le plan de M. de La Raitrie, quoique faisant honneur à son intelligence et à ses principes patriotiques, présentant donc le danger inévitable d’exempter de la contribution tous les bons vins, et le tiers des autres, semble moins avantageux que celui du comité, qui, par la faiblesse de l’imposition, inviterait moins à la fraude, et qui embrassant lâ totalité de la récolte et dé la consommation, ne laisserait place à aucun privilège. Depuis qüe M. de La Raitrie a eu fait imprimer son ouvrage, il lui est venu une nouvelle idée, dont il a fait part au rapporteur du comité, pendant que cet examen et ce parallèle des divers projets de droits sur les boissons était sous presse, On se fait un devoir d’en rendre compte comme des précédentes. , Pour éviter tout inventaire, M. de La Raitrie a imaginé de charger chaque propriétaire ou chaque vigneron de payer en quatre termes� dans lâ seconde année, le droit du dixième de la valeur de tous les vins qui n’auraient pas été vendus, ou dont les droits n’auraient pas été acquittés dans l’année qui aurait suivi la récolte. Il s’est extrêmement applaudi de cette invention, qui en effet dispenserait le préposé de la nation de constater aucun fait relatif à l’existence ou au débit des vins. Mais quant à la commodité du propriétaire, qui, dans les grands vignobles et les années abondantes, est bien loin d’avoir vendu son vin à la seconde année, et qui en garde quelquefois de cinq et de six, il trouverait très dur d’avancer le droit de consommation de ce vin qui serait encore dans sa cave. Il n’y a pas de doute qu’il demanderait à constater que le vin existe encore, et qu’alorS la nécessité de l’inventaire reviendrait, avec le seul adoucissement qu’il serait invoqué par le propriétaire. On peut donc ne regarder cette idée que comme un moyen de conduire le propriétaire, en lui imposant une obligation plus dure que celle de l’inventaire annuel, à solliciter lui-même cet inventaire qui lui répugne. Mais s’il n’y a rien à gagner à cette nouvelle invention de M. de La Raitrie pour la liberté ni pour le soulagement des propriétaires qui n’auraient pas vendu leur vin, il y aurait beaucoup à perdre pour les finances sur Te produit du droit dû par les vins qui auraient trouvé des acheteurs; il y aurait la totalité ou presque la totalité à perdre sur le revenu de la première année, c’est-à-dire, rien à recevoir du droit de consommation I sur les boissons dans l’année 1791 . 124 lA s semblée nationale.] Car si les propriétaires étaient les maîtres de jouir pendant quinze mois, dix-huit-mois, vingt-un mois, deux ans, de la totalité du prix auquel ils auraient vendu leurs vins, ils ne souffriraient certainement pas que leurs acheteurs allassent payer le droit à l’enlèvement, ils préféreraient de vendre le vin, tout impôt compris, et l’acheteur le préférerait aussi. Il en résulterait deux choses, l’une qu’en 1791 les finances ne retireraient aucun produit du droit sur les boissons; l’autre, que quand on voudrait reconnaître ce qui serait à payer en 1792 pour le droit dont on aurait fait crédit, on ne trouverait en chaque canton aucun élément pour en faire l’évaluation ; car il n’y aurait que peu ou point de déclarations faites, et point de prix légalement connu. On serait donc obligé de rassembler encore les contribuables pour taxer entre eux une estimation moyenne de la valeur, comme ils auraient déjà fait une estimation moyenne de la quantité. Sur cette nouvelle estimation moyenne, de même que sur celle de la quantité, erreur générale d’un tiers au moins ; erreur beaucoup plus considérable et jaillissant de la nature de l’estimation moyenne au profit des riches et des vins de haute qualité ; surcharge pour ceux de qualité faibleetsur les pauvres contribuables ; disproportion beaucoup plus choquante que celle qui aurait lieu sur l’évaluation de la quantité; car la différence entre le prix des vins de lre qualité et celui des vins de dernière qualité, est plus grande que celle de la quantité récoltée entre les vignes qui produisent le plus et celles qui produisent le moins. Ainsi, un tiers de l’impôt perdu par la trop faible évaluation de la quantité, comme nous l’avons démontré plus haut : un autre tiers au moins de la valeur du surplus, semblablement perdu par la trop faible évaluation des prix sur les vins de médiocre et de faible qualité. Il ne resterait sur ces vins médiocres et inférieurs qu’un tiers de la véritable matière imposable qui fût apparent. La totalité de la matière imposable et de l’impôt disparaîtrait sur les vins de qualité supérieure, qui, pour échapper à la contribution du dixième, seraient partagés par les propriétaires entre leurs vignerons salariés, pour jouir du privilège de la consommation réservée à chaque famille. Les inventaires seraient ramenés, par une obligation plus fâcheuse qu’eux-mêmes, sur les vins non vendus, les non-valeurs se multiplieraient sur les vins vendus, et dont les droits se trouveraient dus en entier et avec un long crédit par les propriétaires et par les vignerons. Et la malheureuse habitude de dire la chose qui n’est pas, serait inspirée au peuple dans toute l’elendue du royaume par un intérêt puissant. Tel est Je résultat des diverses idées de M. de La Raitrie; elles sont ingénieuses, elles montrent du zèle, il les défend avec chaleur; mais elles sont très compliquées, peu praticables, de peu de ressource pour les finances. Chapitre VIII. Du projet de M. de La Roque (1). M. de La Roque , député du Périgord, qui s’est (1) Voyez ci-après, p. 126, les observations présentées par M. de La Roque. 129 octobre 1790.] appliqué à faire sentir le danger des droits de sortie sur les vins, les eaux-de-vie et les autres boissons, a ouvert, pour la perception du droit proposé par le comité, dans le cas où il aurait lieu, une très bonne idée : C’est d’affermer par canton, ou dans les� grands vignobles par municipalité, le droit que l’Assemblée nationale jugerait à propos d’établir. Il y trouve l’avantage de diminuer beaucoup dans chaque canton la répugnance que l’impôt pourrait inspirer. Cet impôt offrirait pour lors un emploi utile à l’intelligence, au travail et aux capitaux d’un grand nombre de citoyens aisés et distingués qui influent sur l’opinion, par eux-mêmes et par ceux qu’ils seraient dans le cas d’employer à la perception. Et c’est une vue excellente et très patriotique que de disposer les profits de finances, de manière qu’ils soient partagés et répandus sur toute la surface du royaume, et dans les campagnes mêmes sur lesquelles ils sont pris. L’adjudication pourrait être faite annuellement un mois avant la récolte, lorsqu’il est impossible d’en prévoir et d’en évaluer le produit. L’adjudicataire entrant ferait l’inventaire, accompagné de l’adjudicataire sortant, qui serait tenu de lui remettre ses registres ; et l’exactitude, guidée par l’intérêt de celui-ci, pour percevoir les droits qui pourraient lui être dus, éclairerait le travail de l’autre. M .de La Raitrie qui préfère une régie nationale, croit qu’on ne trouverait pas de fermiers, « parce « que dit-il, il y a de grandes alternatives dans le « débouché des vins que l’on tire quelquefois d’un « pays et quelquefois d’un autre. » Il est vraisemblable que les gens qui se présenteraient pour être fermiers, prendraient quelque connaissance de l’apparence des récoltes dans les principaux vignobles, et calculeraient d’après l’abondance et la rareté ; il serait possible et juste qu’ils affermassent à des prix assez modérés pour se mettre hors de risque. Mais il est un moyen simple et constitutionnel pour que cette modération du revenu régulier ne soit pas nuisible au service public ; c’est celui quia été employé dans les derniers baux des fermes générales, et qui consiste à convenir d’un partage des bénéfices qui excèdent le prix du bail. Avec cette précaution, toute ferme devient une régie, dont la nation, devant laquelle il faut compter et justifier des bénéfices, ont toujours mise à portée de connaître et de vérifier les produits, dont une partie de ce qui lui a échappé à litre de bail, lui rentre à titre de bénéfices. Il serait donc possible d’ordonner que la moitié des bénéfices de chaque bail appartiendrait, savoir ; un quart à la municipalité du lieu, un quart au district, pour être employé, sous l’inspection des directoires de département, au soulagement des pauvres ou autres objets d’utilité publique. Userait possible encore que Je revenu du bail fût pour moitié au profit du département, et destiné à pourvoir d'autant à ses dépenses locales, eu diminution des autres impositions qu’il y faudra consacrer. Ainsi, dans chaque lieu l’intérêt de deux capitalistes, l’adjudicataire entrant et l’adjudicataire sortant, l'intérêt des agents du pays qu’ils pourraient employer à la perception, l’intérêt de la municipalité, l’intérêt du district, l’intérêt des pauvres qui partageraient dans le bénéfice, l’intérêldu départe-mentetcelui de tous les contribuables qui seraient soulagés par ce moyen d’une partie des autres ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 125 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.] contributions nécessaires aux dépenses locales, adouciraient la répugnance pour la perception et rendraieotd’année en année celle-ci d’autant plus exacte que létaux en étantextrêmement faible et l’époque de son payement étant choisie pour la plus grande commodité du contribuable, elle ne pourrait être regardée comme très onéreuse. Chapitre IX. Résumé général. Le lecteur a présentement une idée des différents projets d’impôt sur les boissons, qui ont été présentés au comité de l’imposition et à l’Assemblée nationale, et qu’on avait trop légèrement crus préférables à celui proposé par le comité : Des droits sans proportion avec la valeur de la marchandise, légers sur la consommation du riche, lourds sur celle du pauvre; Des droits cumulés qui, par leur répétition, pourraient absorber la valeur totale des boissons qu’on y assujettirait; Des droits sur les consommations des citoyens trop dénués de fortune pour être à portée de se procurer aucun approvisionnement considérable. Des droits toujours combinés en raison inverse des moyens qui doivent les acquitter ; Et pour assurer cette perception contraire aux lois essentielles de la raison et delà justice, l’inquisition perpétuelle sur les routes et dans les maisons, les procès menaçants sur la tête de tous ceux qui auraient égaré un papier ou négligé une formalité. Voilà ce qu’on a proposé au comité, voilàce que l’on présentait comme plus doux et plus équitable, que le plan d’un droit du vingt-cinquième seulement, et que la perception assurée par une formalité unique dont il a soumis le plan à l’Assemblée. Le seul projet de M. de La Raitrie a paru dirigé dans des vues de paix et d’humanité, mais combiné de manière à invitera la fraude les propriétaires des vignobles distingués, à rendre à peu près nul le produit de l’impôt sur les vins qui ont une valeur considérable, à le réduire sur les autres et même encore avec inégalité au tiers de ce qu’ordonnerait la loi, à n’étre ainsi que de peu de ressource pour les finances, quoique dangereux pour la bonne foi et pour les mœurs. Et le plan du comité a continué de paraître plus simple, plus juste, plus sensé et d’une exécution plus facile. De tout ce travail, auquel s’était livré le comité, et qu’il a recommencé par respect pour les vues de l’Assemblée, quoiqu’elle ne lui en eût pas donné l’ordre positif, il n’est sorti de nouveau et d’utile que l’idée de M. de La Roquet pour affermer par canton, ou par plus petites subdivisions encore, le droit qui serait établi. Mais cette idée salutaire laisse à l’Assemblée nationale un objet de grande considération : ce sont le sort à fixer, les retraites à déterminer avec humanité, avec bonté, avec sagesse, pour le grand nombre d’employés de tout grade qui se trouveront dénués de moyens de subsistance, par les réformes utiles que le pouvoir legislatif a dû et doit ordonner, Ces citoyens furent les ministres et deviennent les victimes de la loi. La nation doit prendre à sa charge, en raison de leur état et de leurs services, ceux qui sont d’un âge avancé. Elle doit des secours graduels, et qui la mettent dans le cas d’atteindre une nouvelle profession à ceux qui sont encore dans le cas de l’embrasser. Pressé d'un côté par cette nécessité, et de l’autre par celle de diminer autant qu'il soit possible le fardeau des contributions, c’est surtout à rendre utiles ces hommes accoutumés à un travail d’ordre et de comptabilité, que le Corps législatif doit employer sa prudence bienfaisante; car si on leur fait gagner, avec épargne et profit pour la nation, l’argent qu’elle ne peut se dispenser de leur donner, ils cesseront de lui être onéreux. J’ai à cet égard des vues que je crois dans les meilleurs principes d’administration ; et qui me paraissent propres, en soulageant le peuple d’une charge très pesante, à faire sortir une grande utilité publique du travail que l’on peut exiger des gens que nos réformes ruinent, et que notre équité, notre humanité nous enjoignent de secourir, quand nous ne pourrions en tirer aucun parti. Je demande à exposer ces vues à l’Assemblée ; je demande à interroger sur elles l’opinion publique ; je demaude que l’on ne prononce point d’arrêt de mort contre aucun de ceux que les circonstances rendent nos créanciers ; et qu’on ne leur accorde non plus aucune patente d’oisiveté soldée, avant d’avoir bien examiné s’il n’y a pas quelque service public auquel on puisse les appliquer avec un véritable avantage pour eux, pour nous, pour le peuple que nous représentons. Me réservant à cet égard de donner un développement très clair à des idées qui me paraissent très salutaires, il me suffit aujourd’hui d’avoir démontré que le plan proposé par le comité de l’imposition, pour l’établissement d’un droit de consommation sur les boissons, est le moins imparfait de ceux qui ont été proposés par tous les citoyens, membres ou non de l’Assemblée nationale, qui ont été invités à y concourir, et qu’a-près un travail opiniâtre, on n’a trouvé que le projet de M. de La Roque qui pût apporter quelque amélioration dans l’exécution de ce plan. Chapitre X. Opinion particulière et vœu de l'auteur. J’ajoute un mot important pour mon cœur et pour mon esprit. Quoiqu’il me paraisse démontré que le projet du comité de l’imposition soit à tous égards infiniment préférable à tous ceux qu’on lui a proposés, ou dont on a parié dans l’Assemblée nationale, je ne puis pas m’empêcher de supplier, et le comité et l’Assemblée, d’abandonner même ce projet, pour peu qu’il y ait d’apparence d’établir sans lui le niveau entre les dépenses et les recettes publiques, ou seulement d’approcher de ce niveau dans les années 1791 et 1792, avec certitude de l’atteindre en 1793, par l’effet des remboursements qu’opérera la vente des domaines nationaux. La difficulté, l’impossibilité même d’imposer régulièrement les vignes dans une exacte proportion avec leur revenu, ne m’arrêtent pas ; c’est un si petit inconvénient que de laisser à nos vignobles une sorte de prime que la casualité de leur produit semble réclamer, et qui peut nous assurer la fourniture de l’univers entier en vins de table, en liqueurs, en eaux-de-vie, en esprit de vin, en vernis les plus précieux dont l’esprit de devin est la matière ; et c’en est un si grave que de s’écarter en quoi que ce soit du culte de la li- [Assemblée Hationale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.] berté, que le choix entre ces deux partis ne me paraît souffrir aucun doute. A quelque point que l’on perfectionne un droit de consommation sur les boissons, il est à peu près impossible que les formes indispensables pour en assurer la perception, respectent entièrement la liberté individuelle et commerciale qui est un des éléments les plus précieux delà Constitution. Une telle vérité doit faire l’impression la plus profonde sur les législateurs. Des motions multipliées dans l’Assemblée nationale et la nécessité publique ont paru commander pour remplacer les aides actuels un droit de consommation sur les boissons, étendu à tout le royaume ; le comité de l’imposition m’a chargé, en conséquence, de recueillir toutes les vues et de proposer un plan. Je crois l’avoir fait le plus doux, le plus égal, le plus juste, le mieux proportionné qu’il soit possible aux besoins, aux moyens, aux ressources ; mais les défauts m’en paraissent très sérieux encore, et la plupart de eeux qui le critiquent, sont loin d’en être aussi frappés et aussi affligés que moi. La rédaction de ce projet n’a pas été un des moindres sacrifices que j’aie fait à cet amour du salut de l’Etat, devant lequel toutes les opinions, toutes les affections, tous les intérêts, tous les sentiments personnels doivent plier. Je n’oublierai jamais avec quelle cordialité, avec quelle bonté, avec quelle tendresse mes compagnons me pressant contre leur sein le jour qu’ils ont daigné m’élire, me disaient : Aile», homme de bien, que Dieu vous bénisse , et que les Etats généraux détruisent les gabelles et les aides ! Ils ne prévoyaient pas tous les bienfaits de la Constitution ; mais ils y voyaient éminemment celui de la liberté domiciliaire. Fasse le ciel que le beau jour qu’ils m’ont donné contribue de quelque chose à embellir aussi leurs jours 1 et non seulement selon cette volonté générale dont tout citoyen doit adorer les décrets, mais encore selon le vœu le plus intime de leur cœur! Pardonnez-moi, Français, si, dans le bonheur de l’Empire auquel je serai toujours prêt à immoler ma vie, l’idée dé la satisfaction particulière et de la félicité spéciale du département, du district, du village où l’on m’aime, porte dans mon âme une émotion plus vive, amène à mes yeux de plus douces larmes. Nota. Cet examen des différents projets, rapportés au comité, était imprimé lorsqu’il en a reçu encore un de M. Desgrenes, directeur des aides à Nemours. On regrette de l’avoir reçu trop tard pour en pouvoir rendre un compte particulier. Il rentre dans ceux de M. Levacher et de M. Milleret , avec quelques légères variétés. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 OCTOBRE 1790. Observations sur les droits de traite en général et en particulier , sur les vins du Périgord et du Quercy , présentées à l'Assemblée nationale , par le comte de La Roque, au nom des députés du Périgord. Messieurs, il est des principes d'une telle évidence, qu’il serait ridicule de perdre son temps à les démontrer. Sans doute, il est essentiel d’attirer en France le numéraire étranger. Le moyen le plus simple et le plus infaillible d’atteindre ce but désirable, est d’exporter le superflu des denrées qu’elle produit, et la plus grande quantité possible de celles qui ne sont pas de première et d’absolue nécessité. Voilà le vrai principe régénérateur de l’agriculture, parce qu’il peut seul produire l’aisance du cultivateur, exciter son émulation, garantir son exactitude à payer l’impôt, et le mettre en état d’améliorer son fonds et d’en augmenter les produits. La richesse des propriétaires est l’unique source des richesses d’un Etat agricole, vérité fondamentale qu’on oublie trop souvent. La misère, le découragement, la dépopulation, sontles suites inévitables d’un système contraire. Le Périgord et le Quercy n’en ont fait qu’une trop longue et trop funeste expérience. De toutes les récoltes que produit le territoire français, celle du vin est la plus dispendieuse et la plus casuelle, c’est celle qui exige plus de travaux, qui demande plus de soins et qui occupe le plus de bras. On devrait donG favoriser cette culture, déjà très pénible, mais intéressante pour l’Etat, puisqu’elle est la plus propre à attirer le numéraire étranger, et qu’elle occupe et Dourrit une population nombreuse sur des terrains ingrats. Il semble, au contraire, qu’on se soit étudié à mettre des entraves à l’exportation et à l’importation du vin, pour rebuter les propriétaires j et* par une absurdité qu’on a de la peine à concevoir, les vins d’un grand prix sont assujettis à des droits inférieurs, et ceux d’une médiocre qualité payent une taxe plus forte. Car les vins de Bordeaux, par exemple, qui se vendent dix fois plus cher que ceux du Périgord, sont moins taxés que ceux de cette dernière province déjà si pauvre. Une assemblée de législateurs laissera-t-elle subsister une pareille monstruosité’? Il n’est pas permis de former un doute à cet égard. Il résulte constamment de oe système oppresseur, une stagnation pernicieuse dans les provinces du Périgord et du Quercy ; le vin s’y vend au cabaret, le paysan s’enivre presque tous les jours, perd l’habitude du travail, et contracte celle de l’oisiveté qui le conduit à tous les crimes; et le bas prix auquel on est forcé de laisser lé vin, ne dédommage plus des frais d’une culture que beaucoup de gens abandonnent et qui devraient faire la richesse de l’Etat et des propriétaires. Tout milite donc en faveur de la suppression des droits de traite. Le gouvernement lui-même l’a senti, puisque, sur un mémoire présenté en 1786, il a successivement suspendu ces droits dans tous les ports de la généralité de Guyenne, en 1787, en 1788 et en 1789, et l’on ne peut révoquer en doute, que sur les nouvelles réclamations des provinces du Périgord et du Quercy, il ne les eût définitivement supprimés, si l’Assemblée nationale n’avait pas été réunie pour la réforme des abus. Il existe encore entre la ville de Bergerac et la Hollande, un commerce de vin qui languit, et qui pourrait être vivifié. Ce commerce rendait autrefois la ville de Bergerac opulente, et les campagnes qui l'avoisinent