[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791.] QQ3 soit aussi renvoyée au comité de Constitution, pour que, sur son rapport, l’Assemblée statue. Je demande en outre que la loi par laquelle vous avez ordonné que les protestants de la Franche-Comté seront réintégrés dans leurs dro ts, soit exécutée, et que l’Assemblée demandeàM. le garde des sceaux, pourquoi elle n’est point en vigueur, pourquoi ces hommes se plaignent inutilement, pourquoi les églises qu'on leur a ôtées ne leur sont pas rendues. Il faut qu’on les leur restitue, et que quelques monstres, soi-disant ecclésiastiques, ne viennent point avilir notre sainte et sacrée religion. Par l’intolérance qu’ils montrent, ils la font haïr dans cette province. Qu’ils soient doux comme Jésus-Christ et nous vivrons en paix. M. Prieur. Il y a environ quinze jours que l’on a dit à cette tribune. « Encore deux mois, et la Constitution est faite ; » et alors tous les suppôts du despotisme ont frémi d’un bout du royaume à l’autre. (A droite ; Ah ! Ah !) Oui, j’ose le répéter, encore deux mois, et la Constitution est faite ; mais, pendant ces 2 mois, il faut que tous les bons citoyens se rallient, se serrent, parce que le fanatisme, le despotisme, la tyrannie dans lesquels la France a gémi si longtemps, vont réunir leurs efforts pour tâcher de la rendre esclave, ou delà plonger dans les horreurs de l’anarchie. Voilà quels sont aujourd’hui les projets de nos ennemis. Ils sont allés dans les cours étrangères faire retentir le bruit des fers qu’ils veulent continuer de porter; ils ont cherché à attirer la fureur des despotes sur la France; mais leurs efforts seront aussi vains qu’impuissants : quatre millions de Français les attendent. Ils seront invincibles puisqu’ils combatieut pour la liberté. (. Applaudissements . ) Le déparlement du Bas-Rhin vous demande de lui envoyer 5, OOOgardes nationales, s’ilen demandait 50,000, il les aurait sous huit jours. (Applaudissements.) Oui ! oui 1 ils seront prêts sous huit jours ; et si la patrie n’avait pas besoin de nos conseils, nous irions la défendre nous-mêmes, les armes à la main. Mais ce n’est pas assez; on vous parled’une armée étrangère que jeregarde comme aussi peu effrayante qu’elle est ridicule en elle-même. Il y a bien des officiers; mais on y compte peu de soldats ; mais cette armée n’osera jamais se présenter sur nos frontières, tant que l’union, la paix régneront dans toutes nos contrées. Alors qu’ont fait ceux qui étaient à la tête de ces officiers ? Ils ont cru qu’ils devaient s’associer des fanatiques pour séduire le peuple; car ce n’est qu’en égarant ce bon peuple, qu’on parvient àle porier à ('insurrection contre une Constitution faite pour son bonheur; ils se sont donc ralliés, et ce sont des Français qui osent aujourd’hui venir porter les armes contre leur patrie. Que devons-nous faire dans les circonstances actuelles? Il faut que nous fassions enfin, puisqu’ils nous y forcent, il faut que nous fassions suspendre sur leur tête le glaive de la justice; il faut que nous sachions quel doit être le sort de ces rebelles qui ont l’infamie de porier les armes contre leur patrie, et je demande que le comité de Constitution, réuni avec le comité de jurisprudence criminelle, nous présente dans deux jours une loi qui décide le sort des rebelles. (Applaudissements.) M. Gaultier-Biauzat. Les craintes qu’on cherche à répandre sous prétexte d’épouvantails extérieurs, sont fomentées par des personnes qui sont dans l’intérieur du royaume, et. fort près de nous, s’il n’y en a pas parmi nous. En conséquence, je demande que le comité des recherches qui, qu’on me permette de le dire, fait beaucoup mieux son. devoir que le comité diplomatique, lui soit adjoint, ainsi que le comité militaire. En voici la raison. 11 se fait, Messieurs, des émigrations nouvelles tous les jour£; n’en craignez cependant pas les suites. Il est des ci-devaut nobles dans ma ci-devant province, devenus fous de rage, qui ont pris le parti de sortir tous (Rires.) ; il n’y a pas d’inconvénient à cela; mais l’inconvénient consiste dans la mauvaise intention des personnes qui espèrent le plus grand succès de ce parti insensé. J’ai déposé hier au comité des recherches une lettre explicative de ces zélés contre-révolutionnaires. Ne redoutez pas encore les événements, car cette lettre annonce que ce ne sera que dans deux mois d’ici la contre-révolution. (Murmures.) Ce monsieur, l’auieur de la lettre, est un de ces personnages qu’on appelait ci-devant gentilshommes... Un membre à droite : Ils le sont encore. M. Gaultier-Biauzat. 11 est à Paris; il sert près du roi, et il s’appelle Aubier ; il a écrit, dans une lettre que j’ai vue, que, pourvu que l’on veuille bien attendre encore deux mois, il répond de la cure de Paris. M. de Montlosier. C’est vrai. M. Gaultier-Biauzat. Voilà, Messieurs, les alarmes que des imbéciles cherchent à répandre; mais, quelque dépourvues de fondement qu’elles soient, il est de notre devoir de tranquilliser nos concitoyens, nos frères, sur les inquiétudes par le-quelles on cherche à les travailler. Je demande en conséquence la réunion du comité des recherches, et que les trois comités nous proposent demain un décret qui vous donne des mesures pour empêcher que désormais les mauvais prêtres, les gens sans religion, et qui prétendent en avoir, puissent continuer d’agiter le peuple; et pour qu’ils soient punis, ainsi que vous l’avez décrété, comme perturbateurs du repos public. M. le Président. Je mets aux voix la demande de MM. Regnauld et Biauzat tendant au renvoi de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux trois comités des recherches, militaire et diplomatique réunis. M. Prieur. Et ma proposition? M. le Président. Messieurs, je vous observe que le Code pénal est à l’ordre du jour de demain. M. Prieur. C’est bien alors. (L’Assemblée consultée décrète le renvoi de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux trois comités des recherches, militaire et diplomatique réunis.) M. Dupont (de Nemours). Voici, Messieurs, l’ instruction pour les colonies , telle que les. commissaires que vous avez désignés croient devoir vous la présenter après un mûr examen : 604 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 mai 1791.] « Extrait des procès-verbaux de l'Assemblée nationale relativement à l’état des personnes dans les colonies. Décret du 13 mai 1791. « L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu’aucune loi sur l’état des personnes non libres ne pourra être faite par le Corps législatif pour les colonies, que sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. » Décret du 15 mai 1791. « L’Assemblée nationale décrète que le Corps législatif ne délibérera jamais sur l’état polbique des gens de couleur qui ne seraient pas nés de père et de mère libres, sans le vœu préalable, libre et spontané des colonies ; que les assemblées coloniales, actuellement existantes, subsisteront; mais que les gens de couleur, nés de père et de mère libres, seront admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s’ils ont d’ailleurs les qualités requises.» Extrait du procès-verbal du 17 mai 1791. « Sur ce qui a été observé qu’il serait extrêmement utile de faire accompagner d’une instruction pour les colonies les décrets des 13 et 15 mai, l’Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de préparer et de rédiger cette instruction.» Extrait du procès-verbal du 21 mai 1791. « Un membre des comités chargés de rédiger une instruction aux colonies en a présenté une qu’il a déclaré être son ouvrage individuel. L’Assemblée en a ordonné l’impression et a ajourné la délibération y relative à demain. L’Assemblée a, de plus, chargé son Président de se retirer par devers le roi, à l’effet de le prier de donner les ordres nécessaires pour l’expédition la plus prompte d’un aviso, qui porterait aux colonies les derniers décrets rendus sur l’état des personnes et l’instruction qui y sera annexée. » Extrait du procès-verbal du 27 mai 1791. « Après avoir observé combien le retard de l’envoi de l’adresse que l’Assemb!ée a décrétée pour les colonies, à l’effet d’expliquer le sens véritable du décret, relatif aux droits de citoyen actif accordés aux gens de cuuleur libres, propriétaires et contribuables, nés de père et de mère libres, pourrait nuire à la tranquillité et à la sûreté des colonies, un membre a proposé d’adopter, sauf rédaction, celle qui avait été précédemment lue dans une des séances de l’Assemblée. « La proposition de nommer 4 commissaires pour revoir et corriger l’adresse dont il s’agit, ayant été mise aux voix, elle a été décrétée par l’Assemblée; et M. le Président a nommé MM. de La Rochefoucauld, Emmery, Prugnon et Goupil-Préfeln, pour s’occuper de ce travail ; ils se sont sur-le-champ retirés avec l’auteur pour y procéder. » Extrait du procès-verbal du 29 mai 1791. « Un membre a donné lecture, ainsi qu’il suit, du projet d’instruction ordonné pour les colonies, par les décrets du 17, du 21 et du 27 mai : « Exposé des motifs des décrets des 13 et 15 mai sur l'état des personnes dans les colonies. « L’Assemblée nationale, occupée de tous le3 moyens d’assurer la prospérité des colonies, de faire participer les citoyens qui les habitent aux avantages de la Constitution, de consolider la fortune des planteurs, de leur donner les marques d’affection qui dépendent d’elle, d’unir d’intérêt avec eux tous les hommes dont les forces et l’attachement peuvent concourir au maintien de l’ordre, et continant le travail qu’elle avait commencé sur des objets si dignes de sa sollicitude, a reconnu que les circonstances locales et l’espèce de culture qui fait prospérer les colonies obligent d’admettre dans la constitution coloniale quelques exceptions aux principes généraux. « Il lui a paru que le Corps législatif ne peut être mieux éclairé sur ces exceptions que par le vœu des coloüies elles-mêmes. Elle a en conséquence jugé convenable d’opposer une entière loyauté aux inquiétudes qu’on cherche à répandre dans les colonies et d’expliquer nettement ses intentions sur la faveur de l 'initiative qu’elle a cru devoir accorder aux diverses assemblées coloniales par son décret du 28 mars, relativement aux lois à faire sur l’état des personnes. « Le point fondamental et le seul véritablement important, celui sur lequel les gens malintentionnés voulaient alarmer les colonies, était la conservation des moyens que les propriétaires ont de les mettre en valeur. L’Assemblée nationale a déclaré que le Corps législatif ne délibérerait sur l’état des personnes non libres que d’anrès les propositions spontanées que pourraient lui faire les assemblées coloniales. «( L’Assemblée nationale a pu prendre cet engagement, parce qu’il ne s’agissait que d’individus d’une nation étrangère, qui, par leur profonde ignorance, les malheurs de leur expatriation, la considération de leur propre intérêt, l’impérieuse loi de la nécessité, ne peuvent espérer que du temps, du progrès de l’esprit public et des lumières, un changement de condition, qui, dans l’état actuel des choses, serait contraire au bien général, et pourrait leur devenir également funeste. « La confirmation des lois relatives aux personnes non libres était ce qu’avaient souhaité les citoyens des colonies : c’est à cet égard seulement que l’initiative leur avait été donnée sur l’état des personnes, et qu’elle était intéressante pour eux ; car, où la propriété est assurée, où la culture et le commerce peuvent prospérer, là se trouvent toutes les sources de richesses et tous les moyens de bonht ur. L’Assemblée nationale a cm devoir les garantir aux colonies par les expressions les plus claires, et sans aucune équivoque. « Une autre question s’est élevée sur la manière dont l’initiative coloniale serait exercée, et sur les personnes qui auraient le droit d’y concourir par elles-mêmes ou par les représentants qu’elles envoient aux assemblées coloniales. La [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791.] «Ak raison, le bon sens, le texte positifdes lois disaient que le3 colonies sont composées de tous les citoyens libres qui les habitent, et que tous ces citoyens devaient donc prendre part à l’élection des assemblées destinéesà exercer pour eux leur droit d’initiative. Sous l’ancien régime même, et sous le plus despotique des régimes, l'édit de 1685 avait donné aux affranchis tous les droits dont jouissaient alors les autres citoyens. Il aurait fallu une loi nouvelle pour les exclure des nouveaux droits dans lesquels tous les citoyens sont rentrés par la Révolution. Et s’il y avait eu quelque incertitude, elle aurait été levée parle décret du 28 mars, qui, reçu dans les colonies avec reconnaissance, et y réglant les droits de citoyen actif, d’après les mêmes principes constitutionnels par lesquels ils le sont en France, dit formellement et sans exception (art. 4), que « toute personne libre, pro-« priétaire, ou domiciliée depuis deux ans , et « contribuable , jouira du droit de suffrage qui « constitue la qualité de citoyen actif. » « 11 ne dépendait pas de l’Assemblée nationale de se refuser à rendre ce décret du 28 mars; il ne dépendait pas d’elle d’en restreindre le sens, en portant atteinte aux droits essentiels des citoyens ; elle ne pouvait accorder à une partie de l’Empire la faculté d’exclure des droits de citoyen actif des hommes à qui les lois constitutionnelles assurent ces droitsdans l’Empireentier. Les droits des citoyens sontantérieursà lasociété; ils lui servent de base: l’Assemblée nationale n’a pu que les reconnaître et les déclarer, elle est dans l’heureuse impuissance de les enfreindre. Elle n’a pu en détourner les yeux lorsqu’elle a été obligée de prononcer sur les propositions que les députés des colonies ont faites à sa tribune. « Ils y ont exposé que leurs commettants jugeaient utile et même nécessaire, qu’ils désiraient vivement que l’on conservât une classe intermédiaire entre les personnes non libres et les citoyens actifs; classe qui, jouissant des droits civils, ne vît encore les droits politiques que comme une expectative honorable et avantageuse assurée à ses descendants. Ils ont cru que l’initiative des colonies devait avoir lieu pour la détermination de cette classe intermédiaire : ils ont réclamé cette initiative comme une conséquence du décret du 28 mars, qui, au contraire, l’excluait sur ce point : ils ont proposé d’attendre que les colonies se fussent expliquées relativement à ce qu’elles croiraient convenable de faire pour leurs citoyens libres qui ne seraient pas entièrement de race européenne. a Sans doute, et ils ne l’ont pas dissimulé, ils ne sollicitaient pour les colons blancs le privilège de I’ininative sur ce qui concerne les hommes libres d’une autre couleur, que pour ménager aux assemblées coloniales l’avantage de reconnaître et d’assurer elles-mêmes les droits de cette classe de citoyens : mais ce vœu, qu’il est toujours honorable d’avoir désiré d’émettre, l’Assemblée nationale n’a pas dû l’attendre lorsqu’il s’agisssait d’un droit naturel, social et positif déjà déclaré par elle. Pour faciliter aux colons des moyens de s’honorer par des actes de bienfaisance, elle n'a pas dû cesser un instant d’être juste, conséquente à ses propres décrets, fidèle à ce respect pour les droits des citoyens, sur lequel elle a si solidement fondé la Constitution de l’Empire français. « Ce qu’elle a pu, ce qu’elle a fait, est d’apporter dans sa résolution toute la condescendance pour les opinions reçues dans les colonies, qui ne lui était pas formellement interdite par les lois constitutionnelles. Elle pouvait repousser la proposition d’une classe intermédiaire. Elle pouvait se renfermer dans le sens littéral du décret déjà rendu sur les personnes libres. Elle a préféré de traiter les colons qui représentent les fondateurs des colonies, comme une mère tendre, qui non seulement veut le bien de ses enfants, mais se plaît à le faire de la manière qui se rapproche le plus des idées dont ils ont contracté l’habitude. Elle a consenti à former la classe intermédiaire que sollicitaient les colons blancs. Elle y a compris les affranchis, et même les personnes libres, nées d’un père ou d’une mère qui ne le serait pas. Elle a étendu sur eux l’initiative concédée par la métropole aux colonies; elle a ainsi augmenté dans les assemblées coloniales le droit éminent qu’elle leur avait déjà conféré relativement aux personnes non libres; ce droit précieux, d’être l’origine d’un plus grand bien, qui est un des plus beaux et des plus nobles attributs du corps constituant. « Les colonies doivent savoir néanmoins que l’Assemblée nationale ne se serait pas permis cette condescendance pour des préjugés, si elle n’y avait pas envisagé un principe de justice; car ce n’est que par la justice que l’on peut influer sur ses résolutions. Mais les colons blancs sont tous nés de père et de mère libres : demander la même condition aux hommes d’une autre couleur pour jouir comme eux des droits de citoyen actif, ce n’est que maintenir une égalité consiitulionnelle et légitime. « Les citoyens de la classe intermédiaire ne sont donc point lésés; et quant aux colons, un moment de réflexion paisible suffira pour leur faire comprendre à quel point il était important que l’Assemblée nationale leur attachât, par un intérêt commun, tous les citoyens libres, nés de père et de mère libres. En reconnaissant chez ceux-ci, comme elle l’avait déjà fait, les droits que leur donnent la nature et la société, elle a créé dans les colonies la puissance la plus propre à y résister, et aux troubles intérieurs, et aux attaques de l’ennemi. « L’Assemblée nationale a pris encore une autre précaution bien propre à prévenir toute agitation dans les colonies : c’est d’établir un délai entre la promulgation de la loi qu’elle devait à la patrie et à l’humanité, et la première occasion d’appliquer cette loi. Le Corps législatif a confirmé les assemblées coloniales actuellement existantes, et leur a continué l’exercice du droit d’initiative accordé aux colonies, quoique ces assemblées n’aient pas été élues par la totalité des citoyens libres, nés de père et mère libres ; de sorte qu’ils n’auront tous à concourir qu’aux assemblées primaires qui se tiendront pour les élections qui se feront à l’avenir, dont les règles locales, pour Ie3 colonies, ne sont pas encore décrétées, et auxquelles même s’étend leur droit d’initiative. « Pendant cet intervalle, les préjugés auront le temps de s’affaiblir : les sentiments de justice et d’humanité, l’évidence de l’intérêt commun de tous les hommes libres dans un pays où la sûreté générale demande entre eux la plus grande union; tous les motifs les plus puissants sur la raison, sur la sensibilité et sur le civisme produiront leur effet ; et où la patrie ne voit que des enfants chéris, ces enfanis se plairont à contribuer à son bonheur, en se regardant comme frères. « L’Assemblée nationale s’applaudissait d’un 606 [Assemblée nàtionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai «91. ] ouvrage dans lequel la politique, la modération, la raison et l’équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu’elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des conctssions précédemment faites aux assemblées coloniales ce qui n’est en soi qu’une extension donnée à ces mêmes concessions. « Ces députés ne peuvent manquer d’abjurer bientôt une erreur si contraire aux intentions et à la teneur des décrets du Corps législatif et constituant. Ils regretteront de l’avoir manifestée, en déclarant qu’ils s’abstiendraient des séances où leur devoir les appelle. « L’Assemblée nationale les plaint d’une conduite qu’elle aurait pu frapper de son improbation ; et, dans l’affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher par la présente instruction que l’erreur de leurs députés n’y devienne contagieuse. « Quel plus beau témoignage d’estime et de çon(iance pouvait-elle donner aux assemblées coloniales, que de leur accorder l’initiative sur leurs lois constitutionnelles et sur l’état des personnes non libres, ou qui ne sont pas nées de père et de mère libres? De quelle plus belle fonction pouvait-elle les revêtir, que ae celle de venir avec sagesse au secours de l’humanité souffrante, d’éclairer le Corps législatif sur tous les adoucissements qu’il sera possible de procurer un jour à cette classe infortunée, de proposer tous les changements qu’un meilleur ordre ae choses exige, tous les tempéraments, toutes les modifications aux lois générales que les localités pourront rendre nécessaires, de préparer Je bien que les .législatures auront à effectuer, et que les colons auront toujours la gloire d’avoir provoqué? « Peut-on imaginer un plus grand nombre de concussions, plus honorables et plus flatteuses? Y a-t-il quelque exemple d’une métropole qui ait abandonné à ses colonies l'exercice d’un pareil droit sur les actes les plus importants de la législation? « L’Assemblée nationale a tout accordé aux colonies; tout, excepté le sacrifice des droits imprescriptibles d’une classe de citoyens que la nature et les lois rendaient parties intégrantes de la société politique; tout, excepté le renversement des principes créateurs de la Constitution française, qui ont obtenu, qui devaient obtenir l’assentiment unanime de tous les hommes qui veulent vivre et mourir libres. « Si la réaction des préjugés, des passions et des intérêts particuliers est dans tous les lieux la même; si elle oppose partout quelque résistance au perfectionnement de l’esprit humain et au cours rapide de la régénération sociale et de la prospérité publique, la justice, la raison, ont aussi partout leur salutaire et très puissante influence. L’Assemblée nationale ne doutera donc jamais que les colons appelés, comme Français et par le vœu qu’ils ont c'airement exprimé, au droit et àd’honneur de jouir des bienfaits de la Constitution, n’aient le noble amour-propre de s’élever à sa hauteur et de s’en montrer complètement dignes. « Dédaignant le soupçon et l’imputation d’avoir manqué envers eux à scs engagements, au moment même où elle y ajoute encore, par égard pour leurs habitudes, il suffit à l’Assemblée nationale de les inviter à comparer et à peser ses décrets. Ils y trouveront sa constante attention pour leurs intérêts : elle ne veut point d’autre préservatif contre tous les efforts que l’on pourrait faire pour égarer leur opinion ; elle se tie a, leur raison et au patriotisme dont ils ont dans tous les temps donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien ne peut les détourner de l’obéissance qu’ils doivent aux décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi. « Sûre de ses principes, investie de toutes les forces de la volonté générale, la nation française doit au maintien de l’ordre, à l’intérêt même des colons blancs, à leur sûreté, à la conservation de leurs rapports commerciaux avec la métropole, de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour assurer dans les colonies l’exécution de ses lois, pour prévenir le danger des fausses interprétations, et pour arrêter les coupables efforts de tous ceux qui n’aspirent à diviser les esprits, et à fomenter des troubles que pour mettre la liberté publique en danger. Mais la soumission, mais la reconnaissance de3 colons libres de toute couleur, et surtout de ceux qui tiennent de plus près à la mère patrie , de ceux qui se sont toujours distingués parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sur leur propre intérêt, sur rattachement et sur le zèle que mérite, qu’inspire la Constitution, et qu’on n’altérera jamais dans le cœur des bons citoyens. Chez eux toute passion cède à l’amour ue la patrie, et si quelque insinuation tendait à l’affaiblissement de ce lien sacré, ils la repousseront avec horreur. « Dans cette juste confiance, et sans rien préjuger sur le vœu que les colonies sont autorisées à émettre relativement aux lois qui peuvent leur convenir, l’Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, de rédiger sans délai des nrojets d’organisation qui seront envoyés aux colonies, non pour porter aucune atteinte à leur initiative, mais comme un recueil d’idées qui peuvent être salutaires. Les assemblées coloniales sont exhortées à les considérer d’après leur valeur intrinsèque, sans y attacher le poids d’aucun désir du Corps législatif; elles pourront les adopter, les modifier, les rejeter même avec une entière liberté, en y substituant les autres propositions qu’elles croiraient avoir à faire pour leur plus grand bien. L’Assemblée nationale ne doute pas qu’elles ne proposent à la prochaine législature les lois et les mesures les plus propres à concilier tous les intérêts des colonies et de la métropole, et à concourir efficacement à la plus grande prospérité de toutes les parties de l’Empire français. » (L’Assemblée adopte cette instruction.) M. Iftegnand (de Saint-Jean-d' Angèly) . Monsieur le Président, je demande que vous soyez chargé de vous retirer aujourd’hui par devers le roi pour lui porter l’instruction qui vient d’être lue, et le prier de la faire expédier le plus tôt possible dans les colonies; car je dois vous prévenir, Messieurs, qu’un des projets sur lequel les ennemis de la liberté publique qui veulent empêcher l’exécution de votre décret se reposent le plus, est celui-ci : ils espèrent que les mauvaises interprétations qu’ils ont envoyées aux colonies y produiront promptement leur effet, y occasionneront un mouvement quelconque qu’on se flatte de vous exagérer ici, s’il n’était pas assez fort au gré de la malveillance, pour arracher de