90 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j |gf™Tenibre 1793 tères dans tous les groupes, dans tous les rangs, et portent de plus en plus, dans tous les cœurs, la haine de la tyrannie, l’horreur du fanatisme et la satisfaction la plus vive de voir enfin ces deux monstres terrassés. La statue de la Liberté, ce dieu des Français, est portée par deux sociétaires ; plusieurs autres portent les bustes à jamais respectés des héros et des martyrs de la liberté; d’autres enfin éta¬ lent à tous les yeux l’arche sainte contenant les Droits de l’homme et l’immortelle Constitu¬ tion, sortie de la sainte Montagne au milieu de la foudre et des éclairs. � C’est dans cet ordre que le cortège arrive sur la place do la Réunion et entoure l’arbre sacré, l’arbre sacré de la liberté; c’est là que chacun se livre à son enthousiasme, et que tous de concert entonnent l’hymne auguste qui, dans nos fêtes, remplace le vain rituel du pontife de Rome. Des salves réitérées d’artillerie répondent aux acclamations du peuple, et le cortège con¬ tinuant sa marche, se rend sur la place de la Révolution. Là, le bûcher attendait les simulacres de ceux dont les forfaits ne sauraient être expiés que par les plus affreux supplices ; c’est là qu’aux cris de : Vive la République ! vive la Montagne chérie des Français! tous les titres de féodalité encore subsistants sont précipités dans les flammes, ainsi que les effigies des ennemis acharnés du peuple et du genre humain dont nous avons déjà parlé, et dont les noms étaient empreints sur leurs fronts en gros caractères. !-v De longues acclamations, des chœurs de musique exécutée de distance en distance sui¬ vent cette exécution patriotique. Les citoyens et citoyennes dansent la carmagnole, et ne peuvent se lasser de vouer à l’exécration des gé¬ nérations présente et futures, et' l’Autrichienne que le glaive national a frappée, et tous les despotes qui nous font la guerre la plus atroce et la plus injuste. Tout à coup, le canon annonce l’heure du banquet civique; la sobriété, la frugalité y président; aucun traiteur n’a préparé des mets délicats et souvent funestes; chacun apporte sa soupe, son bouilli, son pain, son fromage; toutes les rations se confondent comme tous les cœurs; leS épanchements les plus fraternels, la concorde la plus pure font goûter à tous les convives des délices que n’ont jamais savourées les despotes et les grands dans leurs palais en¬ chantés, au milieu de leurs perfides courtisans. La gaieté française est de la partie, et les mœurs républicaines n’en sont-point offensées. Que l’on vienne donc calomnier les braves sans-culottes; ce sont eux qui n’ont cessé de donner l’exemple de la tempérance, de la bra¬ voure et de toutes les vertus républicaines. De nouvelles danses recommencent bientôt; la joie est à son comble : mais de braves répu¬ blicains savent que la fête de la patrie doit aussi tourner à son avantage. Déjà le déclin du soleil annonce la fin du jour; chacun se dit : « Nous séparerons-nous sans avoir discuté en Société populaire les grands intérêts de la patrie ? Non. Et aussitôt tous les membres, suivis de tout le peuple, se rendent au lieu de leurs séances. Plusieurs orateurs font entendre les discours les plus patriotiques, les plus sublimes, et tous relatifs aux circonstances. L’enthousiasme s’empare de tous les esprits; un membre, vraiment digne de la République, est indigné de porter un nom qui désigne ces tigres couronnés qui ne sont jamais rassasies du sang du peuple; il demande qu’en ce jour solennel la Société lui en choisisse un autre; son impatience est telle qu’il déclare l’adopter d’avance, quel qu’il soit. Sans doute, nul acte plus solennel et plus civique ne pouvait terminer une si belle journée. La Société, après une mûre délibération, défère à l’unanimité au membre ci-devant appelé Leroy, le nom de Montagne. Ce nom lui retracera sans cesse la réunion de ces vrais représentants, de ces amis du peuple qui l’ont sauvé du préci¬ pice le plus profond ; il lui rappellera le courage héroïque, l’énergie et les vertus que ces repré¬ sentants ont déployés et déploient tous les jours dans une carrière aussi difficile que glorieuse; et ce souvenir, en excitant la plus profonde admiration et la plus vivo reconnaissance, lui présentera aussi de grands et beaux exemples à suivre. Telle a été l’issue de cette fête dont la frater¬ nité, l’amitié, la douce égalité, ont fait tous les frais. La satisfaction, la joie pure qui, en cette circonstance, ont éclaté de toutes parts, ne sauraient s’exprimer, et ne peuvent être senties que par un cœur pur et républicain. Signé en l’original, Goursevillars, Pacaud, Coulon, Pataud, La Montagne, De Saint-Horent et Dupertuis, commissaires. Certifié conforme, ce treizième jour du deuxième mois de l’an second de la Répu¬ blique française, une et indivisible. 8 igné : Pataud-Dumas, président; Delaporte secrétaire. ODE CIVIQUE Composée par un membre de la Société populaire de La Châtre, et chantée à la fête civique ci-des¬ sus détaillée. Ils sont tombés, ils sont en poudre, Ces brigands d’orgueil hérissés. La liberté d’un coup de foudre, A ses pieds les a terrassés (bis� De nos héros, à la mémoire, Consacrons les faits belliqueux, Et prêts à combattre comme eux, Entonnons l’hymne de victoire. Gloire à la Liberté. Salut au tricolore, Leur nom {bis) pour les tyrans •; Est un arrêt de mort. Sur les débris du royalisme, Un tigre encore plus désastreux, L’impitoyable fanatisme Expire en blasphémant les cieux (bisj Soudain l’horizon politique S’offre plus pur à nos regards, Soudain brille de toutes parts L’arche sainte de la République. Gloire à la Liberté, etc. Du martyre cueillez les palmes, Citoyens morts dans ces combats, Comme vous courageux et calmes, Nous saurons braver le trépas {bis), Sur le bronze, dans nos archives, Vos noms illustres sont écrits, Nos mânes aux vôtres unisj Chanteront sur les sombres rives i Gloire à la Liberté, etc, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 91 Mais de la civique couronne Avant de jouir auprès de vous, Plus d’un monstre aux champs de Bellone Périra criblé de nos coups (bis). Contre des soldats patriotes Leur nombre au centuple n’est rien, Il ne faut qu’un bras citoyen Pour foudroyer mille despotes. Gloire à la Liberté, etc. De Capet l’ombre sanguinaire S’agite en vain dans l’univers, En vain l’Autrichienne mégère, Contre nous arme les enfers (bis), Libre et jamais intimidée, La France verra leur courroux Et leur fera signer à tous Les triomphes de la Vendée. . Gloire à la Liberté, etc, Du vil sang des fédéralistes Le Rhône a vu rougir les flots ; A Mortagne, des royalistes, Les cadavres sont par monceaux (bis}(] Des Césars l’aigle menaçant, A fui devant nos étendards, Et les farouches léopards Reculent saisis d’épouvante. Gloire à la Liberté, etc,� ' Loi suprême de la Patrie, Entends nos vœux, guide nos bras, Nous jurons haine à l’anarchie, Guerre éternelle aux potentats (bis); Que ta vbix parle, qu’elle ordonne, Et tes perfides ennemis Vont tomber comme les épis Sous le tranchant qui les moissonne. Gloire à la Liberté, etc. Sous nos pas les cieux et la terre Pourraient accumuler les maux, Qu’à la famine, qu’à la guerre, La peste ajoute ses fléaux (bis); Le fier mortel qui se décore Du beau nom de républicain Voit les périls d’un œil serein, Et mourant il répète encore i Gloire à la Liberté, etc - Extrait des registres des séances de la Société 'populaire des Amis de la Constitution séant à La Châtre, département de l'Indre. Du nonidi brumaire de l’an second de la Répu¬ blique française, une et indivisible. Il a été fait lecture du procès-verbal de la fête civique du sept brumaire présent mois, ainsi que de l’Ode civique composée à l’occasion de cette fête. La Société en approuve la rédaction, et arrête qu’à la diligence de ses commissaires le procès-verbal de la fête du sept brumaire, présent mois, ensemble l’Ode civique faite à son occasion, se¬ ront imprimés jusqu’à concurrence de tel nombre d’exemplaires qu’ils jugeront convenable, et qu’il en sera envoyé à la Convention nationale, aux corps administratifs de ce département, à la Société populaire des Jacobins de Paris, et à toutes les Sociétés avec lequelles celle de La Châtre correspond. Certifié conforme : A La Châtre, ce quator¬ zième jour du deuxième mois de l’an second de la République française, une et indivisible. Pataud-Dumas, président; Delaporte, secrétaire. Les membres composant la Société populaire et républicaine de Neufchâtel demandent la sup¬ pression des frais du culte catholique, et féli¬ citent la Convention sur ses travaux. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1) . Suit la pétition de la Société populaire et répu¬ blicaine de Neufchâtel (2). Les membres composant la Société populaire et républicaine de Neufchâtel, chef-lieu de dis¬ trict, dans le département de la Seine-Infé¬ rieure, à la Convention nationale. v Représentants du peuple français, « Nous désirons que les frais du culte catho-liqixe et le salaire de ses ministres cessent d’être payés par la nation. « Ce vœu, que nous prononçâmes le 29e jour de brumaire, est devenu celui de toute la com¬ mune de Neufchâtel par l’adhésion solennelle des citoyens assemblés pour l’élection d’un maire. « Citoyens, la liberté des cultes religieux et l’abolition de tous les privilèges sont garantis par l’Acte constitutionnel. Pourquoi donc la religion catholique a -t -elle encore sur les autres une prérogative incompatible avec l’égalité? Cette inconséquence déshonorante pour la lé¬ gislation française n’est point votre ouvrage; si vous l’avez laissé subsister jusqu’à présent, vos motifs sont purs, la nation reconnaissante les connaît, et loue votre sollicitude pour son bonheur. « Mais le temps des ménagements n’est plus, le voile imposteur qui couvrait les sanguinaires desseins de la superstition est déchiré, elle ne peut plus égarer les patriotes éclairés par les funestes effets de ses derniers crimes. « Représentants d’un peuple digne du gouver¬ nement qu’il a juré de maintenir, croyez que des républicains abhorrent également les hon¬ teuses entraves de la superstition et les chaînes insupportables du despotisme. La raison, voilà leur guide; l’amour de la patrie, do l’humanité, voilà leur guide; l’amour de la patrie, de l’hu¬ manité, de la vérité, de l’égalité, de la liberté, voilà leur religion; la pratique de toutes les vertus civiques, voilà leur culte, qui n’a besoin ni de prêtres salariés, ni de temples somptueux. « Achevez donc votre ouvrage avec la sécurité que doit vous inspirer la juste confiance de la nation, faites que les principes sacrés de notre gouvernement ne soient plus entravés par d’ab¬ surdes exceptions ; rendez à leur destination na¬ turelle une partie considérable des contributions publiques; décrétez que les millions qui jusqu’à présent ont engraissé des prêtres oisifs, nour-(1) Procès-verbaux, t. 26, p. 145. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 828.