694 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1790.] M. Dupont (de Nemours). Nous avons plusieurs traités avec l’Allemagne pour lui fournir du sel à un prix déterminé : quelques municipalités ont mis obstacle au passage de cette denrée ; cependant la circulation doit en être libre, et il s’en présente deux raisons bien importantes : la première, un débouché considérable que nous ne trouverions pas ailleurs ; la seconde, la conservation des traités que nous avons faits. Dans ces circonstances, le comité des finances vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète que les fournitures de sel qui doivent être faites à l’étranger conformément aux traités subsistants, seront effectuées avec les sels qui appartiennent à la nation, et par les préposés à qui elle a confié la vente de ces sels ; que tous ceux qui s’opposeraient au transport desdits sels doivent être réprimés, comme portant atteinte aux propriétés nationales; « Et que son président se retirera par devers le roi, pour le supplier de donner tous les ordres nécessaires à l’exécution du présent décret. » (Ce projet est adopté sans discussion.) M. Dupont (de Nemours). Vous avez autorisé le pouvoir exécutif à faire un armement maritime ; vous l’avez autorisé à prendre des mesures pour que cet armement fût pourvu de tous les objets qui lui sont nécessaires. La plupart des municipalités dans le territoire desquelles on a fait passer des poudres ou autres munitions de guerre, les ont arrêtées. Le ministre de la marine s’est adressé au comité pour obtenir la libre circulation des munitions qu’il est obligé de rassembler. Voici le projet de décret que nous vous soumettons : « L’Assemblée nationale, instruite des difficultés qui se sont élevées dans plusieurs villes, relativement à la circulation des poudres et autres munitions destinées à l’approvisionnement des arsenaux de terre et de mer, au service des municipalités, au commerce extérieur et intérieur du royaume, et voulant assurer le transport de toute espèce de munitions nécessaires au service de l’Etat, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Il ne sera apporté aucun retard ni empêchement quelconque au transport des poudres et autres munitions qui seront tirées des arsenaux de la nation ou des fabriques et magasins de la régie des poudres, pour les approvisionnements des ports, des places et du commerce ; elles seront accompagnées de passe ports en bonne forme, délivrés par les ministres de la guerre et de la marine, ou par les officiers et gardes-magasins de l’artillerie de terre ou de l’artillerie de la marine, pour les poudres qui sortiront des arsenaux ; et par les régisseurs des poudres, pour celles qui seront tirées de leurs fabriques ; la destination desdites poudres sera, en outre, justifiée par lettres de voiture régulières. « Art. 2. Lesdits passe ports et lettres de voitures contiendront le lieu du départ, la quantité chargée et la destination des poudres, et seront visées par la municipalité du lieu du chargement. « Art. 3. Ces mêmes expéditions seront présentées aux officiers municipaux des villes de la route, pour être par eux visées : il est enjoint �expressément aux directoires de département et de district, et aux officiers municipaux, de laisser passer librement lesdits convois, de veiller à leur sûreté, de les faire accompagner par les cavaliers de la maréchaussée, et même, si besoin est,- de fournir des escortes de gardes nationales, et de faire remettre aux régisseurs des poudres ou à leurs préposés, ou conduire à leur destination, dans les arsenaux, les poudres qui pourraient avoir été arrêtées dans leurs municipalités. « Art. 4. Les règlements précédemment rendus relativement à la fabrication et à la vente des salpêtres et poudres du royaume, continueront provisoirement d’être exécutés selon leur forme et teneur, et les corps administratifs et municipalités veilleront à cette exécution. » (Ce projet de décret est également adopté sans discussion.) M. Dupont (de Nemours ), en qualité de .secrétaire, donne lecture d’une adresse des députés du commerce de France qui demandent que des forces suffisantes soient promptement mises à la mer pour la protection du commerce. Extrait de cette adresse . — Nos places maritimes sonten alarme et notre commerce en danger. Plusieurs vaisseaux de ligne sortent des ports d’Angleterre, soixante sont en commission, ainsi que plusieurs autres; on met une activité persévérante dans les armements. Les Hollandais, de leur côté, préparent un armement redoutable. Les députés du commerce ne peuvent pas plus longtemps dissimuler leurs craintes. Notre pêche et notre cabotage occupent une grande partie de nos capitaux et l’élite de nos matelots. Il est important d’en protéger la rentrée. L’exemple de la guerre de 1756 est encore récent. On se rappelle les atteintes qu’elle a portées au commerce ; c’est au milieu des protestations d’amitié que cette guerre injuste a pris naissance et que la ruse a triomphé de la bonne foi; ce serait peut-être l’instant de jeter les regards sur nos colonies... Dans cet état d’anxiété, nous mettons en vous notre pleine confiance, et nous nous bornons à transmettre le vœu du commerce de France, pour vous engager à ordonner que toute l’étendue de nos forces soit déployée. M. I�a 'VIHe-lieroux. D’après cette adresse, le parti le plus convenable est de supplier le roi de faire sortir un nombre suffisant de frégates pour protéger la rentrée de nos attérages, d’envoyer quelques bâtiments aux colonies, pour les avertir des intentions de nos voisins. M. Robespierre.. Non seulement il nous faut ajourner cette proposition, mais encore toutes celles relatives à cet objet. Il ne faut pas fixer notre attention sur une adresse faite par telle ou telle personne; il faut saisir l’ensemble des grands événements; il faut calculer toutes les circonstances : on dit tantôt que l’escadre anglaise est sortie de ses ports ; tantôt qu’il faut autoriser vos commandants à déployer la force armée pour protéger vos prétendus alliés. Je ne vois en cela que des propositions isolées amenées avec plus ou moins d’adresse. (Il s’élève des murmures.) Chacun a sa manière de voir. En examinant la marche qu’on prise ceux qui prétendent influer sur nos délibérations, je ne vois que des motifs de défiance. Geux pour qui la guerre est le premier des besoins, parce qu’ils l’envisagent comme le plus sûr moyen de s’opposer à une révolution qui les désespère, ne voient peut-être pas du même œil que moi. On cherche de toutes parts les moyens de vous amener à un parti qui rendrait la guerre nécessaire; on vous a fait la