(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 avril 1791.) On parle de la confiance publique, et quand donc a-t-onvu les agents de change mériter cette confiance? L’ont-ils méritée par leurs intrigues, leurs banqueroutes, les fortunes scandaleuses qu’on les voyait accumuler? Cependant, pour prétendre qu’ils doivent continuer à faire une corporation, il faudrait que l’exnérience parlât en leur laveur. Comment se fait-il au contraire que, depuis la nouvelle formation des agents de change surtout, on se plaigne de tant d’infidélités, de tant de spéculations hasardées, de tant de marchés absurdes, de tant de banqueroutes? D’où vient qu’on les a vus si souvent se concerter pour tromper ceux dont ils usurpaient la confiance, et combinera leur gré les résultats de la Bourse? D’où vient que, depuis qu’ils forment une corporation, on les a vus être toujours les instru-inentsde l’agiotage d’un ministère déprédateur?... La liberté seule peut mettre fin à ces abus. Mais, dira-t-on, lorsque tout le monde s’immiscera dans l’exercice de ces fonctions, comment le secret des affaires sera-t-il maintenu? Je réponds que le secret était nécessaire sans doute pour cacher aux yeux du public, longtemps crédule, les honieuses spéculations des ministres. Il fallait du secret pour seconder les intrigues cruellement perfides par lesquelles ces agents élevaient leur fortune sur les malheurs publics; c’est par le secret, sans doute, qu’ils ont ruiné tant de commerçants, obligés par la loi de leur confier leurs affaires, qu’ils ont porté la désolation dans tant de familles. Non! non! Messieurs, plus de loi de secret, plus d’obscurité. Ceux qui osent la réclamer encore ne sont pas faits pour le grand jour qui nous éclaire. L’intégrité, la loyauté, voilà le premier secret dans la gestion des affaires. (Vifs applaudissements .) Ce secret, dira-t-on, peut être dans quelques affaires un acte de prudence particulière pour soutenir le crédit d’un commerçant. Mais pourquoi donc un honnête homme, l’honnête homme muni d’une patente, ne saurait-il pas garder un secret que l’honnêteté, la bienséance ou son propre intérêt lui commandent? Un brevet accordé ;à la cupidité donnera-t-il donc des qualités morales qu’une modeste patente enlèverait? J’ai honte de répondre à de pareilles objections; mais, j’ose le répéter, si le secret est nécessaire dans certains cas, qui tous les jours deviendront plus rares, je l’espère, que la loi ne l’autorise jamais, à peine de se rendre complice des infamies qu’elle semblerait vouloir protéger. On objecte que les agents de change futurs n’auront pas les connaissances nécessaires. Ges connaissances, je ne crois pas qu’elles soient si rares; mais l’expérience même des agents actuels est plutôt une objection contre eux, qu’un titre en leur faveur. Que peut-on désirer de mieux dans les nouveaux agents, sinon qu’ils ignorent ces honteuses manœuvres de l’agiotage, qu’ils ne connaissent pas cette science funeste de faire des marchés sur le cours fictif des effets, de faire des négociations de 100,000 livres là;où il n’y a pas 20,000 livres d'effets véritables ? Plusieurs membres : Cela est vrai. M. Buzot. Dans tous les cas nous croyons que les vraies’connaissances, c’est la liberté, c’est la concurrence qui nous les donnera. Si les agents actuels croient mériter la confiance publique, qu’ils ne redoutent pas la perte de leur privilège. La conscience les suivra sous le régime de la liberté, et ils conserveront le premier rang. 99 Je ne vois donc aucune raison directe qui puisse nous engager à faire exception, en faveur des agents de change, à la loi commune de liberté et d’égalité. Je vois au contraire beaucoup de raisons pour qu’ils soient soumis, comme tous les autres citoyens, à votre décret général sur les métiers et professions. C’est dans ces principes que les agents de commerce sont institués chez les nations étrangères, distinguées par leur commerce. On n’y connaît point de ces faiseurs de négociations, nantis d'un brevet d’accaparement.' Je pense donc que, en laissant la vocation d’agent de change libre à tout le monde, moyennant des patentes, il est nécessaire d’établir un règlement pour que tous ceux qui voudront se vouer à cet état, sachent à quoi ils sont tenus en l’embrassant, de manière que la sûreté des engagements s’allie avec le libre exercice de cette industrie. (Applaudissements .) Je vote donc pour les deux premiers articles du comité qui renferment les résultats des principes que je viens de développer; et je demande l’impression et l’ajournement des autres articles. (L'Assemblée ferme la discussion.) M. Roussillon, rapporteur , donne lecture de l’article 1er. Art. 1er. « Les offices et commissions d’agents et courtiers de change, de banque, de commerce et d’assurance, tant de terre que de mer, conducteurs, interprètes dans les ports de mer tant français qu’étrangers et autres, de quelque nature et sous quelque dénomination qu’ils aient été créés, sont supprimés, à compter du jour de la promulgation du présent décret. » (Adopté.) M. Roussillon, rapporteur , donne lecture de l’article 2 ainsi conçu : « Art. 2. Conformément à l’article 7 du décret sur les patentes, du 2 mars dernier, il sera libre à toutes personnes d’exercer la profession de courtier et d’agent de change, de banque et de commerce, tant de terre que de mer, mais à la charge de se conformer aux dispositions des règlements qui seront incessamment décrétés, sans que personne puisse être forcé d’employer leur ministère. » M. de lia Roehefoucauld-Uancourt. Je crois que, pour assurer le service de la Bourse qui finirait subitement demain, il faut décréter que les fonctions des agents de change actuels continueront provisoirement jusqu’au 1er de mai. M. Buzot. Il me semble que les règlements à porter sur cet objet sont infiniment simples. Je crois donc qu’il faut ordonner l’impression des articles du règlement et ajourner à samedi. Je ne vois pas comment cet intervalle d’aujourd’hui à samedi pourrait être nuisible à quelque opération de commerce. M. JLe Couteulx de Canteleu appuie la motion de M. de La Rochefoucauld-Liancourt. M. Delavigne. Je proposerai à l’Assemblée, en modifiant la proposition de M. de Liancourt, de décréter provisoirement que les nouvelles dispositions adoptées n’auront leur effet qu’après la confection du règlement. M. de Hoailles. Pourquoi attendrait-on jus-