394 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791. mêmes peines, de remeltre au bureau de comptabilité le compte de chaque année, le premier août au plus tard de l’année suivante. Art. 13. « Les comptes annuels de la Trésorerie nationale et de la caisse de l’extraordinaire seront rendus publics parla voie de l’impression, et envoyés à tous les départements et à tous les districts du même département. Art. 14. « Dans le cas où, lors de l’examen des comptes, il paraîtrait qu’il y a lieu à exercer l’action résultant de la responsabilité contre quelques-uns des ministres ou autres agents du pouvoir exécutif, le bureau de comptabilité pourra requérir, d’abord desdits ministres ou autres agents du pouvoir exécutif, les éclaircissements qui lui paraîtront nécessaires. Sur le compte qui en sera rendu à l’Assemblée nationale législative, elle décidera s’il y a lieu à l’action de responsabilité ; alors cette action sera intentée à la requête de l’agent du Trésor public, devant le tribunal dans le territoire duquel le ministre ou agent du pouvoir exécutif sera domicilié. Art. 15. « L’agent du Trésor public sera tenu de mettre tous les mois, sous les yeux de l’Assemblée nationale législative, l'état de la poursuite des différentes actions qui lui seront confiées et de rendre tous les 3 mois cet état public par la voie de l’impression. En cas de négligence de sa part, il deviendra personnellement responsable des sommes dont il aurait négligé de poursuivre la rentrée. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du vendredi 9 septembre 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Peyruchaud, député du département de la Gironde qui le prie d’annoncer à l’Assemblée son retour après une absence qu’il a faite par congé pour cause de maladie. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Navier , membre du tribunal de cassation , et député à la prochaine législature , dans laquelle il annonce qu’ayant déposé sur l’autel de la patrie, le 27 mars et le 12 mai dernier, 3,418 1. 8 s., au nom des gardes nationales et de plusieurs communes du département de la Côte-d’Or, pour secourir les veuves et orphelins des gardes nationales qui sont morts pour la défense de la patrie à l’affaire de Nancy, il prie l’Assemblée d’accepter 75 1. 4 s., pour être consacrés au même usage, au nom de diverses autres communes. (L’Assemblée accepte cette somme et applaudit à cet hommage patriotique.) (i) Cette séance est incomplète an Moniteur. M. le Président fait .donner lecture : 1° D’une lettre écrite aux grenadiers du 72e régiment d'infanterie , ci-devant Vexin, par M. Desgranges , ci-devant lieutenant et commandant la lre compagnie. Cette lettre est ainsi conçue : « Nice, le 27 août 1791. « Mon devoir et l’attachement qui me reste encore pour vous, grenadiers, m’engagent à vous montrer ce que vous devez faire, ce que vous eussiez fait si vous n’eussiez suivi que vos cœurs ; j’ose m’en flatter. C’est donc dans cet espoir, grenadiers, que je vous écris pour vous rappeler ce que vous devez à notre roi, à ce roi qui n’est dans les fers qu’à cause de sa trop grande bonté et de son désir de faire le bonheur de son peuple. Mais, n’en doutez pas, s’il eût pu prévoir qu’au lieu de ce bonheur qu’il désirait tant, l’anarchie la plus affreuse et des malheurs sans nombre eussent été le résultat de sa condescendance aux vœux d’une bande de factieux qui se disaient son peuple, n’en doutez pas, dis-je, il eût déployé l’énergie et le grand cœur dont il est l’héritier. « Rappelez-vous, grenadiers, ce qu’ont fait les princes du sang des Bourbons. Il en est parmi vous qui ont coopéré, sous leurs ordres, à illustrer les armes de France ; qu’ils vous disent ce dont sont capables les Français commandés par de tels princes. Venez donc, grenadiers, venez vous ranger sous les drapeaux de nos illustres princes, et concourir avec eux à délivrer le meilleur des rois des fers honteux qui le chargent. « 11 est inutile de vous parler de récompense; l’honneur seul doit guider des grenadiers français. Cependant je dois détruire et démentir des propos que des factieux, aussi imbéciles que scélérats, font courir parmi vous. Notre sort, celui du régiment du Vexin, est assuré; le peu de braves soldats qui nous ont suivis en jouissent et en sont parfaitement conteDts. Ils ont eu un louis en masse, un sac complet et double paye en route. J’entre dans ces détails, à cause de la persévérance que l’on met à vous empêcher de vous couvrir de gloire, en suivant l’exemple que nous vous avons donné. Venez, mes amis; accourez à des officiers qui ont mérité votre estime, que vous avez aimés. Croyez que, si tout n'annonçait pas que le règne des scélérats qui vous ont égarés est sur sa tin, je ne vous solliciterais pas ainsi. Je vous le répète, l’attachement que j’ai toujours eu pour vous me fait trembler sur le sort qui vous attend, si vous n’abandonnez le 72® régiment pour joindre celui de Vexin. Quittez tout. Laissez vos effets; vous en aurez de tout neufs. Sans adieu. J’espère que ma lettre, vous faisant connaître la vérité que l’on a tant de soin de vous cacher, me mettra à même de vous dire de vive voix combien je vous suis attaché. « Signé : Desgranges, « officier des grenadiers au régiment de Vexin. » 2° De la réponse des grenadiers à la lettre de M. Desgranges. Cette réponse est ainsi conçue : Monaco, le 30 août 1791. « Votre lettre a été lue à la tête des grenadiers. L’indignation qu’ils avaient pour vous a redoublé de moitié en voyant l’acharnement que vous ne ne cessez de montrer pour séduire des gens incorruptibles, et que tous vos faux sophismes ne sont pas dans le cas d’ébranler. Ces braves gens [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] 395 veulent bien entrer dans le détail que demande votre lettre, pour vous dessiller les yeux. « Que parlez-vous de devoirs et d’attachement, lorsque vous n’êtes que des traîtres à votre roi, à votre patrie et à vos parents ? Vous avez beau vous parer du vain titre de défenseurs des droits de la monarchie , nous connaissons mieux que vous qu’aucune des bases de l’Etat monarchique des Français n’est ébranlée. Vous nous rappelez ce que nous devons au roi : notre premier devoir a toujours été de le servir toutes et quantes fois il ne se servirait de son autorité qu’en suivant le code des lois. 11 le fait aujourd’hui; c’est pourquoi nous sommes tous décidés à mourir plutôt que de souffrir que des lâihes séditieux, comme vous, ne reviennent pour taire revivre le despotisme détruit. « Vous dites que le roi est dans les fers. Il y était, lorsqu’il était entouré d’une horde pernicieuse de vos semblables, qui empêchaient la vérité d’approcher de son trône; mais, maintenant, il n’y a que de véritables Français qui sont auprès de lui, qui, comme des entants respectueux et soumis, démontrent avec énergie à leur père, les écarts où sa trop grande confiance pourrait le conduire. « Aucuns Français ne désirent et ne travaillent pour l’anarchie (cela est démontré). Nous ne craignons aucun des malheurs affreux que vous nous annoncez. Craignez plutôt, vils séducteurs ; vous serez vous-mêmes les victimes de vos tentatives. Le résultat de vos sottises sera la haine et le mépris d’une nation entière, si elle a la bonté de vous pardonner ce que votre avidité de carnage ne pardonnerait pas si vous étiez vainqueurs ; mais c’est ce qu’on est sur que vous ne serez jamais. « Nous nous rappelons toutes le bonnes et belles actions qu’ont faites les princes du sang de Bourbon. Ils en feraient encore, si leurs grands cœurs n’étaient entourés de la vermiDe qui les ronge. Il est inutile de vous dire que cette vermine c’est vous-mêmes. ( Vifs applaudissements.) * Il nous paraît singulièrement étonnant que le mot d’ honneur sorte encore de vos bouches. Comment! après ce que vous venez de faire, vous voudriez, vous autres lâches et déshonorés, vous servir du nom d’honneur pour engager des braves gens qui ne se sont jamais écartés de ce titre d’honneur, à commettre l’action la plus déshonorante ! « Vous traitez nos braves officiers demeurants de factieux et d 'imbéciles. Que ne sommes-nous à portée, hommes indignes d’avoir jamais porté le nom de Français, de réprimer cette insulte par le châtiment qu’elle mérite. Venez nous attaquer, lâches ; ce seul propos nous prêtera des forces pour vous faire connaître, par votre destruction, toute l’indignation que vous nous inspirez, vous et vos braves soldats que vous avez séduits. « Ces braves soldats ont un louis en masse et un sac complet : eh bien I nous autres, nous avons aussi un louis; en outre, nous avons l’estime et les secours de tous les Français; et vous, vous avez, en compensation, la haine et le mépris de l’univers entier. {Applaudissements.) « Est-il possible que vous parliez d’attachement de votre part, d’estime et d’amitié de la nôtre, lorsque nous savons tous que vos actions n’ont jamais eu pour but que la séduction ; et que, si vous avez employé des marques de patriotisme pour attirer notre estime, ce n’a jamais été que pour nous faire mieux tomber dans l’abîme où vous vous êtes plongés vous-mêmes? « Vous nous dites d’aller à vous, et que vous ne nous faites pas vos adieux. Vous faites bien. Nous irons aussi à vous ; mais ce sera avec des bouches qui vous feront connaître, avec du feu, les sentiments des grenadiers du 72* régiment. » (1 Suivent les signatures.) (L’Assemblée ordonne l’impression de la lettre deM. Desgranges et delà réponse des grenadiers.) Une députation composée du maire et de deux officiers municipaux de la commune d'Avignon (1) est introduite à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : Messieurs, Le maire-et deux officiers municipaux de la ville d’Avignon viennent présenter à l’Assemblée leurs hommages respectueux. Depuis longtemps, le peuple avignonais ne cesse de manifester le désir le plus ardent d’être réuni à la nation française, son ancienne famille. Les malheurs qu’il a éprouvés et qu’il éprouve encore, dont la principale cause réside dans son incertitude sur son sort, n’ont pas ébranlé sa constance. Un nouveau vœu émis sous les yeux de MM. les médiateurs, avec autant d’humanité que d’enthousiasme, en offre l’éclatant témoignage. Eh! qu’on ne dise plus que c’est la terreur qui l’a dicté ; il était écrit dans tous les cœurs : notre amour pour la France et l’ambition de vivre sous vos lois ne peuvent être révoqués en doute que par les ennemis de la Constitution et de la liberté. Daignez, Messieurs, interroger les sages médiateurs que vous nous avez envoyés pour nous apporter la paix, ils vous diront qu’il ne manque aux Avignonais que le nom de Français, et qu’ils soupirent avec la plus vive ardeur après le moment où iis pourront s’en glorifier. Nous vous conjurons, augustes représentants de la nation, de ne pas différer plus longtemps notre bonheur; la justice, l’humanité, notre intérêt, celui des départements qui nous entourent, l'intérêt de la France, nous osons le dire, sollicitent en notre faveur. Nous n’entretiendrons pas l’Assemblée des malheurs qui nous sont personnels. Nous passerons sous silence le traitement aussi injuste que cruel, ue des officiers municipaux, nos collègues, et 'honnêtes citoyens éprouvent dans ce moment. Nous devons nous taire sur des maux que des intérêts particuliers ont causés pour ne nous occuper que de l’intérêt général, celui du peuple avignonais, qui réside tout entier dans sa réunion à l’Empire, qui seule peut sauver notre malheureuse patrie : voilà quel est aujourd’hui l’unique objet de nos réclamations. Vous avez bien voulu, Messieurs, vous imposer la loi par votre dernier décret, de n’exercer les droits de la France sur Avignon et le Comtat que lorsque les Avignonais et les Gomtadins auraient posé les armes ; leur respect pour votre volonté a dissipé les armées et mis tin aux hostilités. Le moment de prononcer est donc venu. Vous pourriez, Messieurs, exercer les droits de la nation sans le concours de notre volonté; et lors-(1) MM. Richard, maire, Descours et Bernard, officiers municipaux.