SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 14 557 à deux grands agents pour opérer la subversion de la fortune nationale : la banque et le notariat. Le gouvernement britannique faisait la contre-révolution dans l’intérieur par-devant notaire, par des transactions simulées, par des ventes feintes, par des contrats déguisés, et par des opérations frauduleuses avec les émigrés; le gouvernement de Georges faisait la contre-révolution dans l’intérieur par les banquiers et agents de change, qui étaient chargés d’avilir nos assignats et de faire filtrer nos trésors, notre mobilier précieux et nos moyens de circulation, dans les mains de nos ennemis. Aussi la banque, qui, par le décret des rentes viagères est frappée d’un coup mortel, s’agite en tout sens; elle n’ose pas porter des plaintes directes, elle combat la loi par des réclamations indirectes; elle n’ose pas murmurer pour son compte, elle agiote encore sur les murmures du peuple; mais nous allons vous proposer un article qui imposera silence à ces hommes qui mettent le patriotisme en banque et en commerce. Voici le fait. Plusieurs banquiers avaient placé sur 30 têtes génevoises des sommes considérables en viager, et vous connaissez l’immoralité profonde de ces collocateurs de rentes, qui vont cherchant dans un pays salubre et de mœurs sages des jeunes filles échappées aux premières chances des maladies, qui, vouées au célibat, étrangères aux rentiers et à leur fortune, semblent ne vivre que pour donner l’immortalité à l’usure et des richesses à l’avarice. Eh bien, ces banquiers ont revendu ces contrats en parcelles à des citoyens peu fortunés, à des sans-culottes; ils ont déposé pour sûreté les contrats chez un notaire, et ont délivré aux nouveaux propriétaires des délégations; ils se sont réservé de percevoir annuellement les intérêts viagers en masse, pour les répartir en détail aux délégataires, en retirant un salaire qui leur assurait 10, 20 ou 30.000 livres de rente annuelle. La loi du 23 floréal dépouille ces banquiers de ce bénéfice, et reconnaît les délégataires comme créanciers directs de la République, en représentant leur titre de délégation, et en faisant remettre le titre original : par ce moyen, les délégataires évitent des frais, et ont leur rente distincte et séparée. Aucun banquier n’a encore déposé ses titres; il serait sans doute convenable d’instruire les délégataires qui ignorent la disposition de la loi qui leur est favorable, et qui reçoivent l’impulsion défavorable que les banquiers leur donnent, en multipliant des difficultés qui n’existent pas, ou qui,, s’il en existe une partie, peuvent disparaître à la voix du législateur, mais sans les murmures des citoyens et sans les attaques portées dans l’opinion à une opération morale, soit sous le rapport de l’économie publique, soit sous le rapport des intérêts particuliers des familles. Si l’on ne faisait que ce que les riches veulent en matière de finances, aucune des trois assemblées nationales n’aurait fait aucune opération utile sur la fortune publique, ou bien il n’y aurait eu que des opérations fausses ou tronquées. L’avare, le gros rentier, le riche, veulent toujours dormir sur le même oreiller; l’intérêt des familles ne les touche point, l’intérêt de la République n’est rien; l’égoïsme est la seule vertu qu’ils connaissent, et leur coffre-fort est leur seule patrie. Tournons nos regards sur des citoyens qui inspirent un autre genre d’intérêt. Une dernière disposition du décret que nous allons vous proposer est digne des principes que vous avez déjà établis sur les secours à accorder aux familles des défenseurs de la patrie. Sans doute la Convention nationale a fait un don de secours aux familles des volontaires, tel qu’aucun peuple, aucun gouvernement, aucun monarque n’ont jamais pu en soupçonner la possibilité. Mais nous pouvons encore ajouter à cette munificence nationale; nous pouvons joindre une fiction honorable à l’acquittement d’une dette sacrée. A Rome, celui qui mourait pour la patrie était censé vivre, et les bénéfices qui tenaient à son existence étaient continués dans sa famille. Adoptons de si généreux usages : le volontaire qui meurt pour défendre son pays, celui qui a péri sur les frontières pour affermir la République, est présent dans nos places publiques, par les monuments élevés à leur gloire, dans nos théâtres par les chants civiques célébrés en leur honneur, dans nos fêtes, par des poésies chantées en leur souvenir, dans le temple des lois, par les décrets que vous rendez pour leurs familles; pourquoi ne seraient-ils pas aussi présents dans le temple de la fortune publique. Pourquoi les volontaires sur la tête desquels sont assises des rentes viagères ne les transmettraient-ils pas en mourant à leurs pères, à leur mères, à leurs femmes et à leurs enfants ? La République ne doit pas s’enrichir de la mort de ses défenseurs; ils sont censés vivre, étant morts pour elle, et leurs rentes viagères ne sont pas éteintes; leurs parents trouveront encore présents dans leurs familles les volontaires morts pour la liberté : ils y seront présents par leur gloire et par leurs bienfaits. Décrétez le transport des rentes viagères dans leurs familles, et du moins leur souvenir ne sera mêlé ni des larmes de l’indigence, ni des cris de desespoir. Voici le projet de décret (adopté) (1). 14 [Etat des dons, (suite)] (2). a Le citoyen Pierre Leroi, agent national de la commune de Sermaise, district de Vitry-sur-Marne, a donné, pour les frais de la guerre, 4 écus de 6 liv. b Le citoyen Durand-Maillane, député, a remis un brevet de chevalier de Saint-Louis, et celui de porte-étendard des gardes du ci-devant roi. (1) Mon., XX, 702. (2) P.V., XXXIX, 408. SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 14 557 à deux grands agents pour opérer la subversion de la fortune nationale : la banque et le notariat. Le gouvernement britannique faisait la contre-révolution dans l’intérieur par-devant notaire, par des transactions simulées, par des ventes feintes, par des contrats déguisés, et par des opérations frauduleuses avec les émigrés; le gouvernement de Georges faisait la contre-révolution dans l’intérieur par les banquiers et agents de change, qui étaient chargés d’avilir nos assignats et de faire filtrer nos trésors, notre mobilier précieux et nos moyens de circulation, dans les mains de nos ennemis. Aussi la banque, qui, par le décret des rentes viagères est frappée d’un coup mortel, s’agite en tout sens; elle n’ose pas porter des plaintes directes, elle combat la loi par des réclamations indirectes; elle n’ose pas murmurer pour son compte, elle agiote encore sur les murmures du peuple; mais nous allons vous proposer un article qui imposera silence à ces hommes qui mettent le patriotisme en banque et en commerce. Voici le fait. Plusieurs banquiers avaient placé sur 30 têtes génevoises des sommes considérables en viager, et vous connaissez l’immoralité profonde de ces collocateurs de rentes, qui vont cherchant dans un pays salubre et de mœurs sages des jeunes filles échappées aux premières chances des maladies, qui, vouées au célibat, étrangères aux rentiers et à leur fortune, semblent ne vivre que pour donner l’immortalité à l’usure et des richesses à l’avarice. Eh bien, ces banquiers ont revendu ces contrats en parcelles à des citoyens peu fortunés, à des sans-culottes; ils ont déposé pour sûreté les contrats chez un notaire, et ont délivré aux nouveaux propriétaires des délégations; ils se sont réservé de percevoir annuellement les intérêts viagers en masse, pour les répartir en détail aux délégataires, en retirant un salaire qui leur assurait 10, 20 ou 30.000 livres de rente annuelle. La loi du 23 floréal dépouille ces banquiers de ce bénéfice, et reconnaît les délégataires comme créanciers directs de la République, en représentant leur titre de délégation, et en faisant remettre le titre original : par ce moyen, les délégataires évitent des frais, et ont leur rente distincte et séparée. Aucun banquier n’a encore déposé ses titres; il serait sans doute convenable d’instruire les délégataires qui ignorent la disposition de la loi qui leur est favorable, et qui reçoivent l’impulsion défavorable que les banquiers leur donnent, en multipliant des difficultés qui n’existent pas, ou qui,, s’il en existe une partie, peuvent disparaître à la voix du législateur, mais sans les murmures des citoyens et sans les attaques portées dans l’opinion à une opération morale, soit sous le rapport de l’économie publique, soit sous le rapport des intérêts particuliers des familles. Si l’on ne faisait que ce que les riches veulent en matière de finances, aucune des trois assemblées nationales n’aurait fait aucune opération utile sur la fortune publique, ou bien il n’y aurait eu que des opérations fausses ou tronquées. L’avare, le gros rentier, le riche, veulent toujours dormir sur le même oreiller; l’intérêt des familles ne les touche point, l’intérêt de la République n’est rien; l’égoïsme est la seule vertu qu’ils connaissent, et leur coffre-fort est leur seule patrie. Tournons nos regards sur des citoyens qui inspirent un autre genre d’intérêt. Une dernière disposition du décret que nous allons vous proposer est digne des principes que vous avez déjà établis sur les secours à accorder aux familles des défenseurs de la patrie. Sans doute la Convention nationale a fait un don de secours aux familles des volontaires, tel qu’aucun peuple, aucun gouvernement, aucun monarque n’ont jamais pu en soupçonner la possibilité. Mais nous pouvons encore ajouter à cette munificence nationale; nous pouvons joindre une fiction honorable à l’acquittement d’une dette sacrée. A Rome, celui qui mourait pour la patrie était censé vivre, et les bénéfices qui tenaient à son existence étaient continués dans sa famille. Adoptons de si généreux usages : le volontaire qui meurt pour défendre son pays, celui qui a péri sur les frontières pour affermir la République, est présent dans nos places publiques, par les monuments élevés à leur gloire, dans nos théâtres par les chants civiques célébrés en leur honneur, dans nos fêtes, par des poésies chantées en leur souvenir, dans le temple des lois, par les décrets que vous rendez pour leurs familles; pourquoi ne seraient-ils pas aussi présents dans le temple de la fortune publique. Pourquoi les volontaires sur la tête desquels sont assises des rentes viagères ne les transmettraient-ils pas en mourant à leurs pères, à leur mères, à leurs femmes et à leurs enfants ? La République ne doit pas s’enrichir de la mort de ses défenseurs; ils sont censés vivre, étant morts pour elle, et leurs rentes viagères ne sont pas éteintes; leurs parents trouveront encore présents dans leurs familles les volontaires morts pour la liberté : ils y seront présents par leur gloire et par leurs bienfaits. Décrétez le transport des rentes viagères dans leurs familles, et du moins leur souvenir ne sera mêlé ni des larmes de l’indigence, ni des cris de desespoir. Voici le projet de décret (adopté) (1). 14 [Etat des dons, (suite)] (2). a Le citoyen Pierre Leroi, agent national de la commune de Sermaise, district de Vitry-sur-Marne, a donné, pour les frais de la guerre, 4 écus de 6 liv. b Le citoyen Durand-Maillane, député, a remis un brevet de chevalier de Saint-Louis, et celui de porte-étendard des gardes du ci-devant roi. (1) Mon., XX, 702. (2) P.V., XXXIX, 408.