[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.1 221 M. Lebrun donne lecture d’un projet de décret en six articles. M. Goupilleau demande, par amendement, d’excepter de tous droits les ventes volontaires. M. Re�naud (de Saint-Jean d’Angely). 11 n’y a point de liberté sans impôts. Si l’on supprime les droits sur les ventes volontaires, voilà encore une des branches du revenu public réduite presqu’à rien, car toutes les ventes seront volontaires au dire des intéressés; et puis comment rembourser les oflices de jurés-priseurs, à la liquidation desquels vous avez affecté, sur le produit des droits, une somme annuelle de 8 à 900,000 livres? Je demande que l’article 1" reste tel qu’il a été proposé. (L’Assemblée rejette l’amendement.) Un autre membre propose d'attribuer exclusivement aux huissiers le droit de faire les ventes. M. l’abbé Gouttes. Pourquoi accorder aux huissiers un pareil privilège? Il faut laisser au peuple le droit de choisir. M. Regnaud (de Saint-Jean d’Angely). Les notaires et les grefliers inspirent une plus grande confiance. Je ne vois aucun motif de les exclure. (On demande la question préalable sur tous les amendements.) La question préalable est prononcée et le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les notaires, greffiers, huissiers et sergents sont autorisés à faire les ventes de meubles dans tous les lieux où elles étaient ci-devant faites par les jurés-priseurs. » Art. 2. « Les procès-verbaux de vente et de prisée faites par les officiers ci-dessus désignés ne seront soumis qu’aux mêmes droits de contrôle que ceux des jurés-priseurs. » Art. 3. Il ne pourra être perçu par lesdits officiers que 2 sols 6 derniers du rôle de grosse des procès-verbaux, 2 sols 6 deniers pour enregistrement d’une opposition, et 1 livre 10 sols par vacation de prisée, conformément à l’article 6 de l’édit* de février 1771; et ce, sans préjudice des conventions particulières qui pourront modifier ou abonner ces droits. » Art. 4. « Les 4 deniers pour livre du prix des ventes seront versés par les officiers qui les auront faites, dans les mains des contrôleurs des actes, lesquels en compteront à la régie des domaines. » Art. 5. « Les quittances de finances des oflices de jurés-priseurs supprimées, seront remises au plus tard dans deux mois, à dater du jour de la publication du présent décret, au comité de liquidation. » Art. 6. « Le comité se fera représenter le registre des parties casuelles à la décision qui pourra avoir modéré le prix desdits offices, et en fera son rapport à l’Assemblée pour y être statué. » M. «FAudlau, député d'Alsace, demande par l’organe de M. le Président, un congé de deux mois qui lui est accordé. M. Lebrun fait ensuite le rapport suivant sur l'organisation du Trésor royal ( 1). (1) Le Moniteur ne donne que le dispositif qui termine ce rapport. Messieurs, rien n’appelle plus fortement vos regards que l’organisation du Trésor public. C’est par elle que l’ordre, que l’économie, qu’une comptabilité sévère s’établira dans toutes vos dépenses, garantira la régularité de l’administration et la perpétuité de vos lois. Cette organisation, Messieurs, n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était autrefois. Elle n’est point précisément ce qu’elledevait être d’après les règlements qui ont fixé sa constitution actuelle. Elle n’est point enfin ce qu’elle sera sous l’influence d’une législature permanente. Sous l’ancien régime (et ce régime remontait jusqu’à Colbert), deux gardes veillaient sur le Trésor royal. L’un était attaché aux années pairs, l’autre aux années impairs. La recette totale des revenus d’une année, le payement entier des dépenses d’une année, composaient ce qu’on appelait, ce qu’on appelle encore un exercice. Le Trésor royal recevait en masse et reversait en masse ies revenus de l’Etat-La maison du roi avait ses trésoriers ; La guerre, ses trésoriers. La marine, ses trésoriers; Toutes les parties de l’administration, leurs trésoriers et leurs caisses. Sous une administration mobile et incohérente, ces trésoriers et ces caisses tombaient et se relevaient, se doublaient et se dédoublaient au gré de la sagesse ou de l’impéritie des ordonnateurs, de l’aisance ou de3 besoins du Trésor public, souvent au gré de la faveur et de l’intrigue. La dépense de l’année une fois projetée et approuvée par le roi pour chaque département, les fonds étaient versés, à des époques fixes et par égales portions, dans les paisses des trésoriers particuliers. Les retards de payement, les suspensions, ies diminutions éventuelles de dépense, la négligence des parties prenantes, toutes les chances entin étaient perdues pour le Trésor public. Souvent il était vide, et les caisses secondaires étaient remplies. Elles l’étaient au moins de la représentation vaine des fonds qui travaillaient pour le trésorier. Quelquefois, et c’est un reproche que la malignité s’est permise contre quelques ministres, quelquefois ies fonds versés dans les caisses excédaient la dépense réelle, et ces excédents étaient la proie de la faveur et se perdaient en gratifications obscures. Les ministres, les ordonnateurs, maîtres de leurs caisses, les gouvernaient avec un empire absolu et sans contrôle. Ils les érigeaient en caisses de crédit ; et libres de l’inspection et des censures delà finance, ils exagéraient la dépense, anticipaient sur les recettes convenues, et souvent aussi empruntaient, sans le savoir, les fonds mômes que le Trésor royal avait versés. De là les mécomptes éternels des contrôleurs généraux, condamnés à la pénible tâche de chercher des ressources soudaines pour des besoins qu’ils n’avaient pu prévoir ni calculer. Ce fut là une des sources les plus constantes des erreurs de la finance et l’éternel désespoir des administrateurs. Quiconque a, depuis trente ans, suivi la marche des affaires, a prévu quel serait le résultat de cette incohérence dans les différentes parties 222 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] du gouvernement, de cette lutte perpétuelle et inégale entre tous ses agents. Je vous ai dit que le Trésor royal recevait en masse les revenus, et les reversait en masse. Il ne les recevait pas tous; quelques-uns étaient affectés à des dépenses particulières et privilégiées. Ainsi, le produit des aides et des gabelles, du moins pour la plus forte partie, passait directement, et sans l’intervention du Trésor royal, dans les mains des payeurs des rentes. Ainsi, d’autres revenus étaient affectés à d’autres charges et versés dans d’autres caisses : là, soustraits à l’œil de l’administrateur, ils séjournaient longtemps inutiles, et pour l’Etat et pour ses créanciers. Cependant, cette affectation avait ses motifs, et des motifs bien légitimes. Le payeur, dépositaire et garant de tous les fonds destinés à l’acquit des charges affectées sur sa caisse, offrait un point d’appui à la confiance, et livrait un débiteur individuel aux poursuites du créancier public. Mais à côté de cet avantage étaient les abus que le temps a développés. Le créancier dormait au profit du trésorier ; c’était pour le trésorier que les familles s’éteignaient, pour lui que s’égaraient les contrats, que les formalités prolongées, que les saisies et oppositions reculaient les payements. Le dépôt grossissait annuellement dans ses mains, et souvent il reprenait sur ce dépôt la finance qui devait en être le garant et Je gage. En 1772, ces abus cessèrent dans les caisses immédiatement soumises à l'administration des finances. Le payement des charges diverses, dispersé dans les provinces, fut réuni dans les caisses de Paris, et ces caisses furent assujetties à un régime sévère. Mais les trésoriérs des départements, les trésoriers de la maison du roi, restèrent toujours sous la surveillance unique des ordonnateurs, qui, renfermés dans leurs cercles, ne calculaient la dépense que d’après des convenances et des vues souvent personnelles, et jamais d’après la somme des revenus. En 1788, un ministre principal régnait sur tous les départements. Il exécuta ce que plusieurs ministres des finances avaient conçu, mais ce qu’un ministre prépondérant pouvait seul exécuter. Toutes les grandes caisses furent réunies à la caisse principale ; cinq départements et cmq administrateurs furent créés. Chaque administrateur fournit un cautionnement de 1,200,000 livres et eut, indépendamment de l’intérêt de sa finance, un traitement de 50,000 livres. Le premier département, celui des caisses, sous la garantie d’un administrateur, reçoit et reverse les revenus, mais ne les reverse qu’*en proportion des besoins. Cette recette, ce reversement sont presque toujours fictifs-. C’est par des revirements qu’ils s’opèrent, c’est par des assignations sur les recettes, sur les fermes, sur les régies, sur-toutes les branches du revenu. Mais c’est toujours du Trésor public que partent les quittances expédiées aux comptables, et c’est au Trésor public que viennent enfin se réunir les quittances des parties prenantes. l Dans cette organisation, le ministre des finances, présent à toutes les recettes, présent à toutes les dépenses, en devient en quelque sorte le modérateur. Du moins, la masse entière des ressources et des besoins lui est connue ; il n’est point réduit à emprunter, à anticiper, quand des fonds appartenant à l’Etat séjournent encore dans des caisses particulières. Sous l’administrateur, un premier commis doit viser, doit enregistrer toutes les ordonnances de dépenses. Dans ses bureaux se rédigent, s’expédient toutes les quittances des comptables, et s’exécutent toutes les opérations nécessaires, soit pour établir la comptabilité courante, soit pour accélérer la comptabilité arriérée. A la caisse, un commis principal, sous le nom de commis du grand-comptant, préside à toutes les recettes, préside-à tous les payements, consomme toutes les transactions pécuniaires qüe commandent les besoins et les circonstances. Le portefeuille est dans ses mains, et la responsabilité sur la tête de l’administrateur. C’est le commis du grand-comptant qui tient ou dirige les livres à parties doubles, dans les quels sont portés les payements et les recettes; c’est lui qui fait dresser les comptes de temps et d’intérêts. Un caissier, sous le nom de commis du petit-comptant, reçoit et verse les fonds effectifs. D’autres commis tiennent des livres d’entrée et de sortie. D’autres dressent des états qui, remis tous les soirs à l’administration des finances, lui présentent la situation journalière de la caisse publique. Quatre caissiers secondaires reçoivent et payent respectivement les fonds destinés aux dépenses de ia guerre, de la marine, de la maison du roi, des intérêts de la dette et des pensions. Ce premier département coûte 201,000 livres, savoir : L’administrateur ........ 50.000 liv. Les premiers commis, caissiers, employés, etc ............... 151.000 liv. Le département de la guerre a ses bureaux de service et de correspondance attachés aux différentes divisions de l’organisation militaire : A l’extraordinaire des guerres ; A l’ordinaire des guerres ; A l’artillerie et génie ; Aux maréchaussées ; Au bureau du visa et du contrôle des lettres de change; Un bureau pour la tenue des registres, des journaux, et pour la garde des acquits; Enfin, un bureau de comptabilité. C’est dans les provinces surtout, c’est dans toutes les provinces que se fait le service du département de la guerre. Des trésoriers particuliers, sous le nom de trésoriers provinciaux des guerres, sont distribués dans les villes principales et reçoivent en fonds effectifs, mais plus souvent en assignations sur les caisses particulières, les sommes nécessaires pour les dépenses qu’ils sont chargés de payer. Ce département coûte 385,400 livres, savoir : L’administrateur ........ 50.000 liv. Les bureaux .......... 115.400 Les trésoriers provinciaux. . . . 220.000 Le département de la marine a ses bureaux à Paris, ses trésoriers dans les ports et dans les colonies. Sa correspondance, sa comptabilité, moins éten- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.J 923 dues, demandent une moindre dépense. Elle est de 178.100 livres, savoir : L’administrateur ........ 50.000 liv. Les bureaux de Paris ...... 36.000 Les trésoriers des ports ..... 59.100 Les trésoriers des colonies. ... 33.000 Le département affecté au payement des intérêts de la dette et des pensions a des bureaux pour l’enregistrement, la vérification et le visa des quittances ; Un bureau de reconstitutions ; Un bureau d’amortissement; Des bureaux de comptabilité. La dépense est de 143.900 livres, savoir : L’administrateur ........ 50.000 liv. Les bureaux .......... 93.900 Le cinquième département, celui de la maison du roi, a ses bureaux distribués suivant l’ordre et la nature des services : Un bureau pour la tenue des journaux, des bureaux pour les gages de la maison du roi ; Pour la chambre aux deniers ; Pour les menus plaisirs ; Pour l’écurie et la vénerie et autrefois pour la maison de la reine. C’était encore dans ce département qu’on avait placé les dépenses des ponts et chaussées et des dépenses diverses qui n’appartenaient à aucun département déterminé. Chaque espèce de dépense a dans ce département, comme dans les autres, sa comptabilité. Il coûte 122.900 livres, savoir : L’administrateur ...... . . 50.000 liv. Les bureaux .......... 72.900 A ces dépenses premières, il faut ajouter les dépenses accessoires, celles des registres, du papier, du bois, de la lumière, etc., évaluées 133.700 livres, savoir : Le parchemin pour brevets et quittances ............... 10.000 liv. Les épices et frais de reddition de compte ....... ...... 596.000 liv. Une dépense accidentelle, aujourd’hui suspendue, celle du tirage de la loterie royale qui se faisait à l’Hôtel-de-Ville, et pour laquelle on payait à la municipalité d’alors ..... 204.000 liv. Une dépense passagère, celle de la commission pour le remboursement et le payement des intérêts des emprunts faits à Amsterdam et à Gênes. Cette dépense, évaluée dans le compte imprimé à 90.000 livres, n’a été, en 1789, que de ................ 54.000 hv. Il n’y a point de loyer ; c’est l’hôtel de l’ancienne compagnie des Indes qui aujourd’hui renferme le Trésor royal et ses cinq départements. La dépense ordinaire était donc de 2.029.000 livres. Il ne faut point séparer du Trésor public l’intendance ou la direction qui doit en éclairer la marche, en gouverner les mouvements, en contrôler toutes les opérations. La direction du Trésor royal est soumise à un agent principal sous le nom d’intendant ; elle a ses premiers commis et ses bureaux correspondants aux bureaux du Trésor public. La dépense totale en appointements, loyers, frais divers, est de. ....... 830.000 liv, Le loyer, l’entretien, forment un objet considérable qu’on peut évaluer au moins à 25.000 livres (1). (1) Pour apprécier les économies que proposera le comité des finances et le mérite de l’opération qui fut Pour fixer la réduction dont toutes les parties sont susceptibles, il faut tracer un nouvel ordre de choses tel que l’ont préparé vos décrets. Vous avez séparé ladépense personnelle du roi, de la dépense publique, et la dépense, c’est à lui seul de la régler sans dépendance et sans contrôle. Il ne doit donc plus y avoir, dans la constitution du Trésor public, un département de la maison du roi ; mais il faudra rejeter dans les départements conservés tout ce qui est relatif à la dépense des ponts et chaussées, tout ce qui est relatif aux dépenses diverses et indéterminées. Le département affecté aux intérêts delà dette et aux pensions, votre comité yous proposera encore de le supprimer. Il existe des trésoriers et des payeurs dont le droit et le devoir sont de payer toutes les charges publiques, et qui les payeront sans augmentation de traitement. On vous proposera peut-être encore, Messieurs, et en effet, le projet en est entré dans quelques têtes; on vous proposera de supprimer les payeurs des rentes et de reporter au Trésor royal le payement de tous les arrérages de la dette et de toutes les pensions. De grandes considérations, mais surtout la considération de l’ordre et de l’économie, repoussent cette idée, dont l’expérience a déjà démontré l’illusion. Cette institution des payeurs de rentes, ces payements à l’Hôtel-de-Ville tiennent au crédit et à l’opinion. Depuis deux cents ans on est accoutumé à cet ordre de choses ; en le déplaçant, vous ébranleriez la confiance, vous rompriez une habitude qui, dans ce moment encore, entretient la sécurité. Les payeurs de rentes et leurs contrôleurs ont donné pour gage de leur exactitude et de leur responsabilité, une finance de 32 millions. Cette finance, il serait impossible de la rendre, et cette impossibilité est pour une nation juste un grand obstacle, le plus grand de tous les obstacles à leur suppression. Mais, dans tout autre système, il n’est point de garantie pareille, ni pour la nation, ni pour ses créanciers. Un administrateur, des commis, des bureaux, toutes les surveillances possibles ne donneront point les motifs de repos, de tranquillité qu’of-frent quatre-vingts citoyens qui, avec 32 millions déjà don nés, présenteront encore pour gage toute leur fortune, leur honneur et celui de leurs familles. Ces citoyens soumis à un régime commun, inspecteurs nés les uns des autres, jaloux de conserver à leur compagnie une réputatioa qui est leur propriété à tous, sont attachés par tous les liens à l’exactitude et à la régularité de leur service. Les 160 millions qu’ils sont chargés de payer, se divisent en six cent mille parties qui, distribuées en deux payements, donnent douze cent mille quittances à vérifier. faite sur le Trésor royal en 1788, il faut se rappeler quelle était la dépense ayant cette operation : Le trésor royal coûtait ....... 497,000 liv. Le trésorier de la guerre ....... 930,000 Le trésorier de la marine ....... 413,000 Le trésorier de la maison du roi. . . 241,086 Un trésorier de dépenses diverses. . . 88,000 La caisse des amortissements ..... 249,000 La direction du trésor royal, au moins . 330,800 Total ......... 2, 768,886 üv. Economie en 1788 .......... 408,686 liv, 224 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.) 11 faut en suivre les mutations, immatriculer les nouveaux propriétaires, dresser des comptes, et chaque compte de payeur de rentes forme deux ou trois volumes in-folio. Ces comptes, il faut les rendre et en obtenir l’apurement. Toutes ces opérations, Messieurs, Jes payeurs des rentes les font avec la plus grande exactitude et la plus grande célérité. Tandis que la comptabilité du Trésor royal est arriérée de seize à dix-sept ans, celle des payeurs des rentes est à jour. On dit à jour : en effet, le compte de 1785 est rendu ; celui de 1786 est présenté ; celui de 1787 se forme ; et celui de 1788 ne peut pas être encore dressé, parce qu’il reste beaucoup de parties à payer sur cet exercice. 160 millions à payer ne coûtent pas aujourd’hui un demi-denier pour livre. Ajoutez-y tout ce que paye le Trésor royal en intérêts, en pensions, et vous épargnerez encore plus de 160,000 livres. Enfin, Messieurs, cette simplification qu’on propose aujourd’hui a déjà été tentée et tentée sans succès. La caisse des arrérages payait 24 millions, elle coûtait chaque année près de 300,000 livres et elle a laissé une comptabilité confuse et interminable. Vous supprimez donc, Messieurs, le quatrième département du Trésor royal ; mais les reconstitutions et les amortissements dont ce département était chargé, vous demanderont des dispositions nouvelles. Les reconstitutions, Messieurs, sont une forme récemment introduite pour le transport de la dette constituée d’un créancier à un autre créancier. Autrefois, les rentes passaient d’un propriétaire à un autre propriétaire, sans l’intervention du Trésor public. Aujourd’hui, c’est du Trésor publicque le possesseur d’une rente paraît recevoir ce qu’il a reçu en effet d’un acquéreur particulier. Au moyen de ce remboursement fictif, le titre ancien s’évanouit et l’acquéreur devient le créancier direct et immédiat de l’Etat. Cette opération nécessite une liquidation qui se fait aujourd’hui au Trésor royal même, et dans le département que nous proposons de supprimer ; elle se consommera désormais au bureau de la liquidation qui est attaché à l’administration générale. L’amortissement est une opération préliminaire de la reconstitution. Il faut que le créancier primitif soit remboursé, que son titre soit éteint avant que le titre nouveau soit créé. Il est un autre amortissement qui s’opère par un remboursement effectif ; cet amortissement doit être aussi précédé d’une liquidation : c’est encore sous les yeux et sous la responsabilité immédiate du ministre qu’elle doit être faite. Mais c’est à la caisse de l’extraordinaire que l’extinction véritable sera consommée. On pense que ces opérations peuvent être confiées à la responsabilité du ministre, et des agents inférieurs de l’administration. Et, en effet, la dette publique une fois reconnue, tous les éléments qui la composent, constatés par des contrats, par des registres, par des comptes réguliers, toutes les transactions soumises à la publicité, il est impossible qu’il y ait jamais eu fraude ou erreur importante. Le titre ancien, déposé au Trésor public, vérifiera la régularité de la reconstitution : les remboursements effectifs seront ordonnés par la législature et ne pourront être faits que dans l’ordre et dans les formes qu’elle aura prescrits. Le compte de chaque année démontrera donc de la manière la plus précise l’état successif de la dette et constatera les changements qu’elle aura subis, et comment se seront opérés ces changements. Si les lois ont été violées, la violation sera punie, ou la législature sera impuissante ou corrompue. Restent trois départements. Ici, Messieurs, le premier objet de la discussion, c’est de savoir si ces départements doivent être, ou réunis, ou séparés ; s’il faut rendre à la guerre, à la marine, des trésoriers et des caisses indépendantes du Trésor public. Je ne crois pas, Messieurs, que cette question puisse être problématique. L’exemple du passé vous a démontré les dangers de la séparation: et quand nous n’aurions plus à craindre le retour de ces dangers, il est un inconvénient inévitable attaché à cette séparation. Il faudra verser dans la caisse de la guerre, dans la caisse de la marine, les fonds qui leur seront assignés, à des époques fixes et convenues. Ils seront là cachés à l’œil du ministre des finances. Si les dépenses ne se font pas, si les dépenses sont reculées, les fonds resteront oisifs, au lieu d’être employés à d’autres dépenses urgentes, à la libération de la dette. Cette stagnation seule peut priver le Trésor public de l’usage de plusieurs millions ; et si les trésoriers sont fidèles, elle privera le commerce d’une circulation importante ; s’ils ne le sont pas, elle exposera leur fortune et celle de l’Etat aux risques de leurs spéculations. Vous voudrez doue, Messieurs, que ces trois départements restent unis et subordonnés. C’est dans leur mouvement et dans leur organisation, qu’il faut chercher les éléments de leur dépense. L’exactitude dans la recette, l’exactitude dans les payements, l’exactitude et la précision dans la comptabilité : voilà, Messieurs, ce que vous devez exiger des trois départements, et il faut que vous leur accordiez tous les instruments nécessaires pour arriver à ce but. Fixons-nous d’abord au premier département, au plus important de tous. Il y faut un administrateur sur lequel puisse reposer la confiance publique; et la confiance publique, en matière de finance, ne repose que sur une réputation intacte, sur une fortune connue. L’homme qui réunit ces deux choses n’accepte un emploi laborieux et d’une responsabilité dangereuse qu’avec la certitude d’y trouver de la considération et un traitement honorable. La considération, Messieurs, tout citoyen désormais l’obtiendra par des talents et des vertus. Quant au traitement, quelle que doive être l’influence de noire Constitution, quelque révolution qui doive s’opérer dans nos mœurs, votre comité n’a pas cru qu’il fût possible de le fixer au-dessous de 25,000 livres; et certes, c’est livrer à bon marché la tranquillité de sa vie, sa réputation et sa fortune. L’administrateur doit être le dépositaire de cette caisse, dont il est le gérant; mais, sans doute, il ne doit pas en être l’arbitre et le maître. Il faut que son administration soit éclairée par des coopérateurs nécessaires, qui ne soient pas tout à fait dans ses mains, et qui répondent eux-mêmes à ce ministre qui répond à la nation. Ainsi, Messieurs, le premier commis du Trésor royal, le caissier du grand-comptant ne seront [Assemblée Datioaale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] £25 point des instruments uniquement dépendants de l’administrateur. Il faut que le premier commis vise la recette, comme la dépense, il faut que daus ses bureaux se tiennent aussi des livres à parties doubles, qui, tous les jours, puissent offrir la vérification et la preuve des opérations de la caisse. Il existait et il existe des registres du contrôle général, confiés à deux gardes, dont les offices ont été supprimés. Ce contrôle avait pour objet de vérifier toutes les quittances de finance, toutes les quittances des comptables. C’est dans ces registres que doivent se trouver les finances originaires des offices, à compter de l’époque où les gardes des registres ont été établis. C’est au Trésor royal que ces registres doivent être déposés pour être consultés. C’est là qu'ils doivent être continués sous l’œil de commissaires nommés par la législature. C’est encore au Trésor royal ou mieux encore à un bureau du contrôle de recette que doivent être réunis des registres, tenus jusqu’ici à l’Hôtel-de-Ville et sous l’inspection du prévôt des marchands et échevins, où s’enregistrent les contrats originaires; où s’enregistrent les reconstitutions; où devrait être mentionnée la rente éteinte, à côté de la rente qui la remplace. Il faut enfin que la comptabilité courante soit à jour, et qu’à chaque instant, les registres du Trésor public offrent à la législature un état incontestable de la situation de ses finances. Il est une autre comptabilité, celle qui présente l’ensemble des recettes et des dépenses d l’année. Celle-là, Messieurs, est aussi nécessaire que l’autre, mais elle ne saurait être aussi rapide. Elle est aussi nécessaire, peut-être encore plus nécessaire que l’autre. En effet, que nous importerait l’exactitude, la fidélité journalière de notre compte, si jamais nous ne pouvions comparer la masse de nos revenus à la masse de nos dépenses; s’il n’y avait pas une époque fixe, où nous rassemblerions toutes les parties de la recette, toutes les parties qui en justifient l’intégrité, toutes les parties de la dépense et toutes les pièces qui établissent la certitude et la légitimité de leur emploi. Cette comptabilité ne peut être aussi rapide que l’autre. Je vous ai dit, Messieurs, qu’un exercice embrassait la recette totale et la dépense totale d’une année. Mais ni la recette totale, ni la dépense totale d’une année ne s’effectuent et ne peuvent s’effectuer dans l’année même. La recette des impositions directes ne s’opère aujourd’hui qu’en vingt mois. Elle s’opérera plus lentement si les directoires de districts et de départements ne surveillent pas, ne pressent pas la perception avec la plus grande activité; si le zèle des trésoriers n’est pas animé par des gratifications. Les recettes des fermes, des régies, ont leurs époques et leurs variations. Les dépenses aussi se divisent de mois en mois, se partagent en fractions, reculent ou avancent suivant les circonstances et les lieux. Il faut, pour former les comptes de l’exercice, attendre le complément de toutes les recettes et de toutes les dépenses de l’année. Des quittances partielles sur chaque époque de la recette doivent être converties en quittances définitives. Les distributions partielles de la dépense, ire Série. T. XVII. faites sur la foi des ministres, doivent être réunies et autorisées ; du moins, elles ont dû, jusqu’ici, être autorisées par les ordonnances générales de l’ordonnateur suprême. Ces opérations nécessiteront des longueurs dans tous les temps. Mais, dans les jours de pénurie et d’embarras, elles se compliquent et s’éternisent. Ce sont des revirements perpétuels, c’est un enchaînement de recettes fictives, de payements fictifs; et, jusqu’ici, il a fallu des ordonnances pour couvrir toutes ces fictions. Souvent des circonstances soudaines, extraordinaires, ont exigé, ou paru exiger des mesures extraordinaires et soudaines. Des opérations, commencées sur les ordres d’un ministre, n’étaient pas encore consommées et déjà le ministre était déplacé. Le successeur n'apportait ni les mêmes principes, ni les mêmes vues, et l’opération était arrêtée dans son cours. Le Trésor royal, engagé sur une parole ministérielle, attendait longtemps que ses engagements et ses dépenses fussent validées par l’autorité du monarque. Ainsi, pour nous fixer à des époques rapprochées de notre temps, des secours donnés sous un ministre pour soutenir le crédit de quelques particuliers, et une certaine nature d’effets n’out point encore reçu la sanction accoutumée. La caisse n’a, pour se couvrir d’une émission de fonds, hasardée sur cette foi périlleuse, que des papiers déposés pour gages des secours fournis. Et l’administrateur reste soumis à une grande responsabilité, dépositaire d’effets qui ne sont point encore à l’Etat, et sur lesquels ses propres périls ne lui donnent aucun droit à lui-même. Toutes ces circonstances, Messieurs, arrêtent la comptabilité dans sa marche. Les comptes d’exercice se divisent en deux parties; sous le nom de compte de l’année, ils renferment toutes les recettes, toutes les dépenses faites dans l’année. Sous le nom de compte des rentes, ils renferment toutes les recettes, toutes les dépenses faites après l’année révolue. Une fois dressés, ils étaient examinés, calculés, arrêtés par le roi dans son conseil des finances. Ils l’étaient nécessairement longtemps après l’année à laquelle ils appartenaient. Et ce n’est pas là, Messieurs, un désordre ou un malheur de ce règne. Les comptes de 1720 ne furent arrêtés qu’en 1729 et une partie même en 1733. En ce moment, le compte de 1780 est arrêté ; ceux de 1781, de 1782, de 1783 sont près de l’être. D’autres délais, d’autres obstacles, les arrêtaient à la Chambre des comptes. Il faut que les comptes des recettes particulières d’une année soient rendus et jugés à la Gharabre des comptes avant qu’elle puisse entendre et juger le compte du Trésor royal pour la même année. C’est le compte des recettes particulières qui établit et vérifie la recette du Trésor royal. Le compte de 1775 n’est ni rendu ni jugé; mais vous savez, Messieurs, que cette reddition et que ce jugement sont une formalité vaine, une opération mécanique. Sous notre ancien régime, le roi était l’ordonnateur suprême; il ne devait compte à personne et sa signature faisait loi. La mission de la Chambre des comptes se 18 226 [Assemblêë nàtiohàlë.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il jüillët U96.J bornait donc à une vérification de Chiffres, à une représentation, à une critique matérielle des pièces justificatives. Et certes, Messieurs, il fallait que son ministère finit là. Toute Constitution serait absurde dans laquelle un corps qui ne serait pas la nation, qui ne serait pas le souverain, pourrait soumettre à sa censure le dépositaire de l’autorité et juger les dépenses qu’il aurait évidemment ordonnées. En vain nos rois avaieütfils imposé à leurs cours le devoir de les avertir, en vain les lois avaient-elles prescrit une sorte de résistance à des volontés manifestées sous de certaines formes. La volonté souveraine revêtait toujours, au gré de ceux qui la faisaient mouvoir, les formes toutes-puissantes. Tel est le malheur du despotisme; il est saris force contre lui-même ; il est éternellement condamné aux caprices et aux abus. Ce n’est que de cette époque, Messieurs, que Commencera une comptabilité véritable. Vous lui prescrirez des lois que feront respecter vos successeurs. Mais il faut dévorer ces comptes arriérés, et c’est à vous seuls que cette tâche appartient. Déjà nous devrions l’avoir entreprise ; elle ne ne nous donnera que de vaines et tristes lumières ; mais, du moins, vous aurez marqué le terme où finiront les abus. Votre comité, Messieurs, a pensé que, pour remplir toutes les vues que je viens de vous développer, il fallait à tous les départements du Trésor public des hommes laborieux et choisis ; qu’il les fallait moins nombreux, mais que leur service devait être honorablement payé. Oui, Messieurs, honorablement payé. Eh ! quel homme avec des talents, avec cette noble fierté, la compagne inséparable des vertus et des talents, se vouerait au service d’une administration dure et avare ? J’ai déjà eu fihonneür et malheureusement l’occasion de vous le répéter plus d’une fois; ce serait une funeste économie que celle qui prétendrait ramener, et surtout ramener tout à coup les agents de la chose publique à une mesure rigoureuse que les circonstances nous conseillent. Si vous voulez du travail, il faut donner encouragement et sécurité à l’homme de qui vous l’exigez ; en lui imposant une dépendance et des privations de tous les jours, il faut lui laisser des jouissances domestiques et l’espoir dans l’avenir. Quand les comptoirs du négociant ou du banquier offriront un traitement plus avantageux que le Trésor public, vous n’aurez pour le Trésor public que le rebut du banquier et du négociant. La plupart de ceux qui gourmàndent la prodigalité de votre comité des finances, n’ont pas certainement daigné établir ces comparaisons. Admirables en retranchements, ils portent partout la faux inexorable de la parcimonie; ils ne calculent ni les temps, ni les lieux, ni les habitudes de leur siècle, ni les engagements qu’on peut avoir contractés sur la foi et sur la nécessité d’un ordre de choses qui n’existera plus : mais ies loyers, mais les consommations, mais les marchandises de toute espèce ne baissent pas au gré de la parcimonie ; et la marche éternelle de la nature veut que tout, au moral comme au physique, ne change que par degré. Ce Henri IV, qu’on accusait d’être avare, savait pourtant qu’il fallait payer le zèle de ses serviteurs, et 1 austère Sully» que rappellent encore nos regrets, s’il vivait aujbürd*hhl, nous nous plaindrions qu’il coûterait trop cher à la France. En effet, nous trouverons des administrateurs à meilleur marché, nous trouverons aussi des Commis à tout prix; mais attendons. une seconde législature, et nous apprendrons d’elle ce que vaut notre économie. N’oublions pas encore quHl faut préparer dë loin des successeurs aux commis principaux; qu’il faut faire entrer dans nos calculs les accidents, les maladies, la multiplication et là soudaineté des travaux ; que nous manquerons souvent d’instruments, si nous n’aVons que lës instruments absolument nécessaires. Nous avons fixé la dépense du premier département à la somme de 120,000 livres. Nous avons supposé des retraites nécessaires, et que cette somme suffirait et aux appointemènts et aux retraites . En proposant des retraites* Messieurs* nous n’avons pas ignoré que nous franchissions peut-être les limites que vous nous avez marquées ; mais c’est quand on parle de rigueurs, qu’il faut bien parler d’adoucissements. C’est au milieu de ces secousses générales qui déplacent tant d’individus, qui distribuent tant de calamités, qu’il faut plus que jamais répandre la consolation et l’espérance. Ah 1 s’il eût été au pouvoir de votre comité des finances de suivre l’impulsion de sâ sensibilité, il n'y eût point eu d’infortune qu’il n’eût prévenue ; il n’y en avait pas du moins dont il n’eût voulu tempérer l’amertume. Tous ces hommes que frappe la suppression, de modiques secuurs auraient soutenu leur courage; ils se seraient livrés sans inquiétude à d’autres travaux, ils auraient du moins été chercher un asile dans la campagne, et y auraient reporté des connaissances et des talents utiles. Dans des Etats corrompus par les arts dû luxe, dans les Etats où la population est amoncelée dans les villes et ne se soutient que par les manufactures, si on entreprend une grande révolution, il faut ménager des asiles et des ressources à cette population précaire; il faut la porter dans des colonies où elle puisse acquérir dés propriétés et des richesses, et il y avait, au milieu même de la France, tant de colonies à établir, tant de terrains appartenant à la nation à distribuer !... Le second département, celui de la guerre, dans sa formation, paraît être tel que l’exige le service auquel il est destiné. Nous avons examiné si ce département, si celui de la marine devaient avoir des administrateurs, et si ces administrateurs devaient être soumis à un cautionnement. Nos opinions se sont d’abord partagées : point de caisses dans les deux départements ; par conséquent, disait-on, cautionnement inutile. Mais s’il n’existe point de caisse, il y a cependant un maniement de fonds; il y a one transmission d’effets et de rescriptions dans les provinces. Enfin, il est intéressant qü’il puisse ÿ avoir entre les trois administrateurs une solidarité de fonctions et de garanties. Ces deüx considérations Ont déterminé l’assefitiment du comité. Il a cru qu’il fallait ajouter deux administrateurs, tous deux avec 1*200,000 livres de finances, tous deux avec 25,000 livres d’appointements. Il a fixé le second département à 100,000 livres pour les appointements, les retraites et les frais de Paris ; quant aux trésoriers provinciaux , il a pensé que leur service était trop chèrement payé. lAMemblée nationale.] Qu’ils pouvaient être réduits à 100,000 livres et qu’on eu trouverait à ce prix. Mais que s’ils se refusaient à la réduction, ort trouverait dans tous les départements un trésorier de district, qui en ferait ies fonctions et les ferait à des conditions plus avantageuses. Quant au troisième département, nous avons cru que les bureaux de Paris pouvaient être fixés à 36,000 livres, qui suffiront aux appointements et aux retraites; que les trésoriers des ports seraient honoiabiemeut payés avec 46,000 livres. Les trésoriers des colonies : Nous n’avons pas cru que dans les circonstances présentes nous pussions déterminer leurs émoluments. Nous les avons laissés à leur fixation actuelle, jusqu’à ce que t’avenir nous ait éclairés sur le régime des colonies, sur les dépenses d’administration et de gouvernement, qu’elles laisseront à la charge de la France. Le parchemin, le papier, les registres, le bois, la lumière, les frais divers des bureaux dans les trois départements, nous tes avons évalués à 100,000 livres» et notre évaluation est plutôt au delà qu’en deçà du besoin. Avec cinq départements, avec un nombre plus considérable de commis daDS chaque département, avec une manière d’opérer plus compliquée, cette dépense n’était calculée qu’à 143,700 livres* mais il faut toujours, dans les calculs d’administration, une certaine latitude, et notre expérience domestique à tous, a dû nous prouver que la précision aes calculs est toujours démentie quand elle s’applique à des dépenses éventuelles. 11 faut faire partout sa part à la négligence. Enfin l’intendance» la direction du Trésor royal avec ses bureaux : Nous avons pensé qu’elle serait J mieux placée à côté du Trésor public, qu’elle doit ! éclairer et faire mouvoir. Par là vous économiserez des frais de loyer» des frais d’entretien et de réparation, des frais de service, et vous gagnerez plus encore en travail et en surveillance. Nous n’avons point examiné si le directeur du Trésor public devait être un intendant ou un premier commis. Nous n’avons vu là que des noms différents. Mais nous avons pensé que les hommes étaient dupes des noms ; que des talents rares pouvaient se refuser sous un nom et se donner sous un autre ; qu’il fallait laisser aux ministres le soin de distribuer ces chimères suivant les circonstances et le besoin. Du resterons avons évalué les frais divers, les appointements et les retraites du moment à 200,000 livres. Yoilà ces 200,000 livres qu'un hodürable membre accuse le comité des finances de donner à un individu. Le comité des finances ne sait point exagérer son zèle ni vanter le produit de son économie ; mais il a pourtant aussi son économie ; elle est toujours mesurée sur la justice et sur l’humanité. Il a fixé à 200,000 livres, non pour un seul homme, mais pour les appointements, pour les retraites, pour les frais divers de plusieurs bureaux qui coûtaient 330,800 livres. Le comité des finances a calculé la nécessité et l’importance de ces bureaux. Il a vu que c’était le pivot sur lequel tournait le Trésor public. Il sait qu’il est possible de les réduire, et celle réduction, il l’a évaluée. Mais il a évalué aussi les dédommagements passagers qu’exigeraient les suppressions de trois départements. Nous vous proposons de supprimer, dès à présent, ies épices et frais de comptabilité. Le tirage des loteries royales est une dépense accidentelle, une dépense exagérée que Vous pouvez suspendre en suspendant les tirages, que vous pourrez annuler en consommant tous les tirages à ia fois. Nous ne l’avons point fait entrer dans nos calculs. Enfin, nous avons laissé à 54,000 livres la commission passagère pour le payement des intérêts et des capitaux, des emprunts faits à Gênes et à Amsterdam. C’est un objet convenu avec des étrangers, et qui a été réglé sur le cours ordinaire de ces sortes de transactions. Nous n’avons point entrepris de distribuer les appointements. C’est au ministre à connaître les sujets qu’il emploie, d’apprécier leür travail et leurs talents; mais vous pouvez exiger du ministre qu’il soumette sa distribution à votre examen, et qu’il vous eu développe les motifs. Par là, Messieurs, vous le garantirez de l’importunité des sollicitations, vous le garantirez de ses préventions et de celles des autres. Quoique nous vous ayons présenté l’organisation du Trésor public, il est, dans cette organisation, des détails que nous n’avons point déterminés ; il est un ordre, une distribution de travail que l’expérience et les lumières dé l’administration fixeront mieux que la théorie du comité. Nous vous proposons donc d’appeler sur cet objet l’attention du premier ministre des finances; et avant que d’adopter nos vues, de les éclairer et de les rectifier d’après ses observations. Dépense actuelle du Trésor public .............. 2,029,000 liv. Dépense de l’intendâüce et de ses bureaux. 330,800 Total. . ; . » . 2,359,800 Dépense réduite d’après le plan du comité.. .......... 663,000 Économie ..... 1,696,800 liv. Voici le projet de décret én 14 articles que j’ai l’honneur de vous proposer : « Art. 1er. Le Trésor public sera composé de trois départements sous trois administrateurs, savoir: le département des caisses, le département de la guerre et le département de la marine. « Art. 2. Le traitement de chacun des trois administrateurs sera de 25,000 livres, indépendamment de l’intérêt de leur finance. « Art. 4. Les appointements des premiers commis du grand comptant, des caissiers et des commis de premiers départements, ensemble les salaires des garçons de bureau et frais divers, seront provisoirement fixés à 120,000 livres ; sur cette somme il sera pris ce qui sera nécessaire pour assurer des retraites à ceux des commis actuels que les circonstances forceraient de supprimer, et qui auront mérité des grâces par la longueur et l’utilité de leurs services. « Art. 4. Il sera alloué provisoirement 200,000 livres, pour la dépense du département attaché au service de la guerre, savoir : pour les bureaux de Paris et ies retraites jugées nécessaires, 1(X);000 livres; pour le service que font aujourd’hui les trésoriers provinciaux, 100,000 livres. « Art. 5. Il sera alloué provisoirement pour les dépenses du département attaché au service de la marine, la somme de 114,000 livres, savoir : pour les appointements, frais de retraite, des bureaux de Paris, 36,000 livres ; pour le trésorier ARÉfilVÈS PAHLËMÈNTAIftES. [21 juillet 1790.] 228 - lAssemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] des ports, 45,000 livres; pour le trésorier dans les coloDies, 33,000 livres. « Art. 6. Il sera pareillement alloué pour les bois, lumière et papier, registres, parchemins et frais divers des trois départements, la somme de 100,000 livres. « Art. 7. Le département ci-devant attaché à la maison du roi demeure supprimé, à compter du 1er juillet présent mois. « Art. 8. Le département affecté au payement des iniérêts de la dette et des pensions, sera supprimé, à compter du 1er juillet 1791 ; et du lor juillet jusqu’à cette époque, le traitement de l’administrateur lui sera payé à raison de 25,000 livres. Les appointements, frais de bureau de ce département, tant qu’il subsistera, seront fixés sur le pied de 80,000 livres par année. « Art. 9. Il sera pareillement accordé des retraites aux commis et employés de ce dernier département, qui ne pourront pas être remplacés, en raison de la longueur et de l’utilité de leurs services. « Art. 10. A compter du 1er octobre prochain, l’intendance du Trésor public et ses bureaux seront réunis dans le même hôtel que les trois départements. « Art. 11. À compter de la même époque, la dépense de l’intendance du Trésor public pour appointements, retraites, s’il y a lièu, frais de bureau, papiers, registres, bois, lumière, sera fixée à la somme de 200,000 livres. « Art. 12. Le ministre des finances distribuera les sommes ci-dessus, et remettra au comité des finances l’état motivé de sa distribution, pour en être rendu compte à l’Assemblée. « Art. 13. 11 remettra pareillement au comité des finances un mémoire sur la meilleure organisation et sur la comptabilité du Trésor public. « Ârt. 14. Il sera nommé incessamment un comité qui vérifiera les comptes arriérés du Trésor public, et en fera son rapport à l’Assemblée. » M. Camus. Nous ne sommes pas en état de discuter actuellement ce projet de décret et j’en demande l’ajournement. Je fais la motion de l’impression du rapport, du projet de décret avec des détails sur la destination et assignation des fonds dans la partie de l’intendance du Trésor royal, mentionnée aux articles 10 et 11 du projet de décret. Le comité propose 200,000 livres pour l’intendance ; cette somme me paraît trop considérable et tout le projet de décret a besoin lui-même d’un mûr examen. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angely). Je propose à l’Assemblée de décréter, dès à présent, les articles 12 et 13 du projet de décret, en les rédigeant en ces termes : « Art. 12 et 13. Le premier ministre des finances sera tenu de faire remettre à l’Assemblée les états portant distribution contre les divers employés des sommes fixées par le projet de décret pour chaque département du Trésor public, notamment pour la partie de l’intendance du Trésor royal. « Il fera remettre en même temps un mémoire contenant ses vues sur la meilleure organisation du Trésor public ». Cette motion est adoptée . La demande d’impression et d’ajournement faite par M. Camus est également adoptée (1). Un de MM. les secrétaires lit une lettre du ml nistre de la marine, qui demande que les fonds que l’Assemblée a décrétés pour la dépense extraordinaire de son département, pour les mois de juin et juillet, lui soient complétés; et que ceux du mois prochain soient également ordonnés. L’Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine, pour qu’il soit incessamment fait un rapport. M. le Président. L’ordre du jour est la discus sion du projet de décret proposé par le comité des finances sur les payeurs des rentes, déjà ajourné le 4 juillet. M. Lebrun, rapporteur. Vous avez ajourné la question de savoir où se fera le payement des intérêts de la dette publique et des pensions. Sur 161 millions de rente, plus de moilié se paye à Paris, plus d’un tiers se paye à l’étranger, et 4 à 5 millions se payent aux "provinces : il n’est donc d’aucun intérêt pour elles quo ce payement s’effectue ailleurs qu’à Paris. Votre comité persiste donc à vous proposer de décréter que les payements des rentes continueront à être faits à Paris. Le rapporteur passe en revue toutes les créances et les emprunts, les offices du roi, les compagnies des Indes anciennes et modernes. Il justifie, par des calculs, les propositions du comité et propose un projet de décret en sept articles. M. d’André, Personne ne s’attendait à ce que la séance de ce jour serait consacrée aux finances puisqu’elle devait l’être d’abord à l’organisation de l’armée. Le rapporteur du comité des finances nous propose avec beaucoup d’art et d’adresse des objets de la plus haute importance, mais s’il a eu le temps de les méditer et de les produire sous un point de vue aussi favorable, il n’en est pas de même de ceux qui ne partagent pas sa manière de voir, et c’est pour cela que je demande l’ajournement. M. Vernier. Quand il s’agit de comptabilité, il faut un centre d’où partent l’action et la réaction. De quelque manière qu’on s’y prenne, il faudra toujours que les bureaux qu’on établirait en province vinssent se fondre pour la vérification et autres opérations indispensables, dans un bureau unique. Ces bureaux de province deviendraient donc des rouages non seulement inutiles, mais gênants. Pour vous alarmer on vous dit que si tout se paye à Paris, le numéraire de la France s’y concentrera. Vaine illusion. lien est de cela comme des impositions. Je croyais que les fonds des impôts venaient tous se fondre dans la capilale : quel a été mon étonnement lorsque j’ai constaté qu’il n’en vient pas la centième partie. Je conclus à l’adoption du plan du comité des finances. M. d’AlIarde. Messieurs, sous prétexte d’économie, le comité des finances veut vous faire décider une question de la plus haute importance. La première question à examiner est celle de savoir si on payera tout à Paris; mais il y en a une seconde, c’est celle de savoir si l’on ne peut pas se passer des payeurs de rentes. Plusieurs membres ont, sur cet objet, proposé des moyens simples, qui permettent de payer à jour fixe en el distribuer fut divise en 16 articles au lieu des 14 articles primitifs. Nous l’annexons, avec ses développements, à la séance du jour, p. 230. (1) Le projet de„ décret que le comité fit imprimer,