ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mai 1790.] [Assemblée nationale.] taie. Dans cette ville, le séjour des principes et des factions opposés, il ne faut pas se reposer sur la ressource des moyens ordinaires contre ce qui pourrait menacer la liberté; il faut que la généralité de cette ville conserve son ouvrage et le vôtre. Songez au moment où vous êtes ; quoique vous ayez beaucoup fait, vous n’avez pas tout fait encore. J’ose le dire, vous devez être aussi inquiets que si vous n’aviez pas commencé votre ouvrage. Qui de vous pourrait nous garantir que, sans la surveillance active des sections, l’on n’aurait pas employé des moyens plus efficaces pour ralentir vos opérations? * Ne nous laissons pas séduire par un calme peut-être trompeur : il ne faut pas que la paix soit le sommeil de l’insouciance. Je ne m’étendrai pas davantage, et je crois pouvoir conclure du peu que j’ai dit ..... Que dis-je, peu? J’en ai trop dit pour ceux qui désirent voir le peuple nul. Je conclus à ce qu’on ne décrète aucun article avant d’avoir discuté : 1° si les districts seront autorisés à s’assembler, quand ils voudront, jusqu’après l’affermissement de la constitution; 2° si, après l’affermissement de la constitution, ils pourront s'assembler, au moins une fois par mois, pour répandre l’esprit public. (M. de Robespierre est applaudi de la partie droite et des tribunes.) MM. le comte et le vicomte de Mirabeau se présentent ensemble à la tribune et se disputent la priorité de la parole. M. le vicomte de Mirabeau la cède. M. le comte de Mirabeau. Fort de mes principes et du témoignage de ma conscience, je réfuterai deux opinions opposées sans rechercher des applaudissements perfides, et sans craindre les rumeurs tumultueuses. Je pense, comme M. l’abbé Maury, qu’il y a dans le plan une confusion d’articles dont on pourrait le nettoyer; mais je ne pense pas comme lui que ce soit une grande question de droit de savoir si la police de la capitale sera attribuée à sa municipalité ou au pouvoir exécutif. Un de ces hommes fugitifs, pressé de revenir en France dans un moment où les agitations de l’enfantement de la liberté la secouaient encore, refusait de le faire en disant : Je veux ma Bastille , je veux mon Lenoir. Cette phrase serait la version fidèle du système de l'honorable membre, M. l’abbé Maury, si la police qu’il voudrait établir était celle de l’ancien régime. M. de Robespierre, qui a parlé après M. l’abbé Maury, a apporté à la tribune un zèle plus patriotique que réfléchi. Il a oublié que ces assemblées primaires toujours subsistantes seraient d’une existence monstrueuse : dans la démocratie la plus pure, jamais elles n’ont été administratives. Comment ne pas savoir que le délégué ne peut entrer en fonction devant le déléguant ? Demander la permanence des districts, c’est vouloir établir soixante sections souveraines dans un grand corps, où elles ne pourraient qu’opérer un effet d’action et de réaction capable de détruire notre constitution. Lorsqu’on nettoiera la rédaction, je proposerai aussi quelques amendements. Surtout ne prenons pas l’exaltation des principes pour le sublime des principes. M. le vicomte de Mirabeau. Si je ne me plaçais point dans la section de cette Assemblée que l’on nomme aristocrate, et de laquelle on me fait l’honneur de me supposer un des arcs-boutants, j’appuierais l’opinion de M. de Robespierre, et je demanderais l’impression de son discours pour en faire une seconde adresse aux provinces... 381 M. de Vlrleu. Je ne perdrai point le temps en facéties hors de saison; l’opinion de l’Assemblée me paraît unanime, et je demande qu’on aille aux voix sur le premier article. M. le Président consulte l’Assemblée, et le premier article est adopté ainsi qu’il suit : Art. 1er « L’ancienne municipalité de la ville de Paris, et tous les offices qui en dépendaient, la municipalité provisoire, subsistante à l’Hôtel-de-Yille ou dans les sections delà capitale, connues aujourd’hui sous lenom de districts, seront supprimés et abolis; et néanmoins la municipalité provisoire et les autres personnes en exercice continueront leurs fonctions jusqu’à leur remplacement. » M. le Président lève la séance à dix heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTTES. Séance du mardi 4 mai 1790, au matin (1). La séance n’est ouverte qu’à dix heures du matin. M. La Réveillère de Lépeanx, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Il ne s’élève pas de réclamation. M. Gautier des Orcières, membre du comité des finances. Messieurs, votre comité des finances a été consulté pour savoir si les notaires et huissiers des gabelles sont supprimés. Votre décret du 23 avril porte, à la vérité, que tous les juges et officiers des gabelles en titre d’office quelconque sont supprimés et cesseront leurs fonctions à compter de la date du présent décret ; mais votre intention n’a été que de supprimer ce qui tenait au régime et à la manutention des gabelles, et les notaires et huissiers des gabelles y tiennent si peu, que la suppression de ces juridictions ne change rien à leur état. En effet, ils jouissent du droit de travailler en concurrence avec les autres notaires et huissiers. Sans cela, leurs charges n’auraient été d’aucun produit, car nul tribunal ne pouvait se passer plus aisément de ces officiers que celui des greniers à sel. Cependant on attaque déjà de nullité leurs nouveaux actes. En les supprimant, vous ruineriez, sans aucun avantage pour le moment présent, plus de mille pères de famille. Nous avons pensé que vous pouviez, sans rien préjuger sur ce que vous disposeriez par la suite à cet égard, ordonner qu’ils continueront leurs fonctions. Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « Après avoir entendu le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale déclare que les notaires et huissiers aux greniers à sel ne sont point compris dans les dispositions de l’article 2 du décret du 23 avril dernier; en conséquence, elle décrète que ces officiers continueront, comme par le passé, les fonctions qu’ils exerçaient en concurrence avec les autres notaires et huis-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.