178 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 août 2790.1 les différentes provinces du royaume ainsi qu’un grand nombre de particuliers qui y habitent, ont formé des jardins de botanique avec les produits de la culture du jardin des plantes ; c’est toujours ce même établissement qui leur fournit les graines et les végétaux dont ils ont besoin chaque année pour l’entretien de leurs collections ; et il le peut d’autant plus aisément, qu’on y trouve presque tous les végétaux que le climat de nos contrées ermet de laisser venir en plein air. L'on y voit e plus, dans des serres, la plupart de ceux que des secours artificiels peuvent maintenir contre la rigueur de nos hivers ; et déjà cette collection de plantes vivants est composée de plus de six mille espèces différentes, pendant que l’on conserve dans des herbiers, presque toutes les plantes connues, au nombre de plus de vingt mille, et que l’on possède aussi un assortiment très étendu des différentes parties des végétaux qui peuvent donner des lumières sur leur organisation, sur leur amélioration et sur le traitement de leurs maladies. C’est dans ce même jardin qu’ont été faites les premières plantations du cèdre du Liban, de plusieurs espèces d’érables, de frênes, de platanes, de noyers, de chênes d’Amérique et de beaucoup d’autres arbres qui embellissent nos provinces ; l’on sait, d’ailleurs, que les premiers cafés qui furent transportés à la Martinique, furent tirés du jardin des plantes, et que c’est à cet établissement que la France et particulièrement nos départements maritimes sont redevables d’une branche de commerce de la plus grande importance. On a déjà commencé aussi, dans ce jardin, la construction d’une grande serred’une forme nouvelle, et destinée à acclimater, dans les différentes parties de la France, et particulièrement dans nos provinces méridionales, les arbres fruitiers des pays situés entre les tropiques et surtout ceux de l’Inde et de lu Chine, renommés ar la grosseur et par la suavité de leurs fruits. lüsieürs de ces arbres ont été envoyés dès l’automne dernier, et sont maintenant cultivés avec succès dans les serres du jardin des plantes : et ainsi on a commencé de réaliser un projet qui n’aurait pu paraître impraticable qu’à ceux qui ne savent pas que presque tous les bons fruits que nous possédons en Europe, y ont été apportés des trois autres parties du monde. Pour que les connaissances naturelles puissent s’accroître par tous les moyens de comparaison et devenir complètes, des cours d’anatomie achèvent de montrer la conformation et les rapports intérieurs de l’homme et des animaux, dont les dépouilles sont renfermées dans les cabinets, pendant que des cours de chimie apprennent quels peuvent être les principes constituants des végétaux et des minéraux ; et ne devons-nous Îus ajouter qu’afio de transmettre à la postérité a bienfait des divers genres d’instruction que nous venons d’exposer, et afin de lui assurer au moins la représentation exacte et l’image fidèle des divers objets d’histoire naturelle dont on pourrait craindre la destruction au bout d’un très longtemps, on place, chaque année, de nouveaux dessins dans la précieuse ‘collection d’animaux et de plantes, peints sur vétm par les artistes les plus célèbres, depuis la création de l’établissement, et dont les figures forment déjà plus de cinquante volumes in-folio ? Non seulement tous les Français sont admis dans les cours que l’on donne au jardin des plantes, mais encore les étrangers y forment une partie considérable des auditeurs ; il n’est pas rare de trouver parmi eux des Péruviens, des Brésiliens, des Anglo-Américains, et même des Asiatiques, que l’étude de l’histoire naturelle attire et retient pendant très longtemps en France; et l’établissement du jardin des plantes n’augmente-t-il pas ainsi la prépondérance et la gloire de la nation , par un des moyens politiques les plus nobles et souvent les plus avantageux ? Le jardin des plantes et le cabinet d’histoire naturelle sont donc de la plus grande utilité pour toutes les parties de l’Empire. C’est donc un établissement essentiellement national que nous recommandons à votre haute protection. Mais, Messieurs, nous venons de vous offrir une légère esquisse de ce que les officiers du jardin des plantes ont essayé de faire jusqu’à présent. Que ne nous est-il pas permis de vous exposer ce qu’ils osent espérer de faire à l’avenir sous les auspices des représentants de la nation ! N’apprendriez-vous pas avec étonnement qu’un pareil établissement a été près d’un siècle sans règlements fixes, sans lois réelles ; que des savants, que l’Europe place sur le même rang, sont très inégalement traités, qu’ils n’ont pas eu le droit de se choisir des coopérateurs, ou plutôt d’être l’écho de l’opinion publique, pour appeler à côté d eux les hommes que l’Europe entière y appelait? Il sulfit, sans doute, op vous montrer les abus pour en espérer la destruction. L’arbre de la liberté serait-il le seul qui ne pût pas être naturalisé au jardin des plantes? Assurez sa gloire et les avantages qu’il procure à l’Empire, en le déclarant ce qu’il est véritablement. Et pour vous ravir le moins possible des moments que vous consacrez à la prospérité de la France, veuillez nous permettre de vous offrir sous peu de jours quelques observations relatives à l’organisation intérieure de notre établissement, et auxquelles nous vous prierons de vouloir bien faire quelque attention avant le moment où vous vous occuperez du jardin des plantes et du cabinet d’histoire naturelle. Daubenton, Portai, Thoüin, Desfontaines , Faujas , Fourcroy , Van Spaendonck , hamarck , A h. Brongniart , Lacépède. M. de Sérent. Je demande l’ajournement du décret concernant le jardin des plantes jusqu’à ce que les directeurs de cet établissement nous aient présenté le mode d’organisation qu’ils proposent. Cette motion est mise aux voix et adoptée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, en adoptant les vue3 « sagi's énoncées dans l’adresse des officiers du « jardin des plantes et du cabinet d’histoire na-« turelle, en a ordonné le renvoi au comité des « finances et l’ajournement du rapport définitif « au mois, pendant lequel temps, lesdits officiers « présenteront un projet de règlement pour fixer « l’organisation d’un si utile établissement. » (Voyez aux annexes de la séance, p. 185, la seconde adresse des officiers du jardin des plantes, suivie du projet de règlement.) M . le Président donne lecture de la lettre suivante de M. Éggss ; « C’est du fond d’une prison que l’innocent élève une voix plaintive ; vous ne pouvez la repousser. Je suis privé depuis trois semaines de ma liberté. Mon interrogatoire a manifesté mon innocence; rien ne peut plus s’opposer à ce que la liberté me soit rendue au moins provisoirement, jusqu’à ce qu’au décret éclatant montre à JFutûws que [Assemblée nationale. ) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2Q août 1790.) 179 j’ai été la victime d’une de ces erreurs dont les hommes ne peuvent se garantir.» (L’Assemblée renvoie la réclamation du sieur Eggss au comité des recherches, pour lui en être fait le rapport lundi prochain 23 du présentmois, avec ce qui concerne l’abbé Perrotin, et y être statué par le même décret. M. Malouet, au nom des trois comités réunis de la marine , des recherches et des rapports, rend compte de l’ affaire de M. Castelet à Toulon. Vous savez déjà que la foule s’est présentée chez le maire demandant que M. Castelet fût renvoyé de la ville. En apprenant qu’il en est sorti, elle court après lui. Le maire, quoique très âgé, à la tête de la garde nationale, vole à son secours; mais par une fausse indication il prend une route détournée et arrive tardivement. M. Castelet était déjà aux mains des assassins. M. Richard, maire, prend M. Castelet sous sa sauvegarde : c’est en vain, on l’arrachel de ses bras, on le presse , on le blesse, on le mène au gibet. Des gendarmes parviennent à l’arracher à ces furieux et l’emportent sur leurs épaules à l’bôpital. Tel est le précis de cette malheureuse affaire qui présente les traits toujours affreux des émeutes populaires et le caractère toujours faible et touchant de la générosité des bons citoyens. Je n’examine pas ce qui peut dépraver ainsi les mœurs du peuple français. 11 n’est qu’une cause, c’est la licence. Pour les hommes raisonnables, il n’y a qu’un joug à briser, celui de la tyrannie; mais pour la majorité des hommes, il faut y substituer le joug des lois. Lorsque des hommes forcenés s’attroupent, c’est surtout dans les arsenaux de la marine que de pareils troubles sont dangereux : ce n'est que par une police exacte qu’ou peut tenir en ordre des matelots, des ouvriers, des forçats, et veiller à la conservation de tant d’objets importants à la sûreté de l’Etat et du commerce. C’est pour cela que vos eomités vous présentent un projet de décret tendant : 1° à faire poursuivre les auteurs, complices et adhérents de cet attentat, par-devant les juges de la sénéchaussée de Toulon ; 2° à témoigner la satisfaction de l’Assemblée aux officiers municipaux de cette ville, aux gardes nationales, à la garnison, et notamment aux grenadiers du régiment de Barrois, du zèle et du patriotisme qu’ils ont tous respectivement montrés dans cette fâcheuse circonstance. M. de Mirabeau, Vainê. C’est dans de bien pénibles circonstances qu’on vient vous offrir des mesures partielles dans une maladie malheureusement trop générale, trop malheureusement contagieuse. Je viens, pour un mal général, offrir des mesures générales. Sans entrer dans le détail déplorable des insurrections militaires qui se manifestent dans les différents points du royaume, je vous prie de rechercher si rien ne prouve qu’elles sont systématiques. Vous devez aussi remarquer que la tendance des choses et l’esprit du moment ont occasionné une action et une réaction qui attaquent le corps entier. Un corps ulcéré ne peut pas être pansé plaie à plaie, ulcère à ulcère, mais il faut une transfusion de sang nouveau. Entre toutes les causes qui ont subverti la subordination militaire, j’en remarque deux principales : l’impulsion des chefs qui d’aboru a tendu à détraquer en un sens les corps, et l’impulsion de l’esprit du moment qui a réagi par une terrible action contre l’impulsion qu’on essayait de donner. Je pourrais prouver cette théorie par des détails. Un membre de cette Assemblée a, sur ce qui s’est passé à Hesdin, une relation très évidente sous ce rapport, et je désirerais qu’elle fût communiquée à l’Assemblée avant la tin de cette séance. M. Dubois ( ci-devant de Crancê ) se lève. M. do Mirabeau, Vainê , Je continue l’esquisse de ma théorie. Je dis qu’une action et une réaction en sens contraire, indépendamment des circonstances, ont plus ou moins excité les mouvements de votre armée. Je dis que si vous faites des décrets particuliers à chaque insurrection particulière, sur des récits qui vous arrivent à travers le prisme des passions, vous ne ferez pas une chose efticace. Vous ne pouvez vous déguiser à vous-ipême» que l’armée ne sait pas assez qu’elle ne peut exister sans une discipline sévère ; que la paix publique ne peut subsister avec une armée insubordonnée. Vous ne pouvez pas vous dissimuler que, si la déclaration des droits de l’homme contenait des principes hors de la portée commune, l’armée ne saurait être assez organisée pour asseoir la liberté publique, que par la déclaration des devoirs de chaque citoyen... (Il s' élève des murmures et des applaudissements.) Permettez-moi de voua observer que je n’ai encore mérité ni blâme ni éloge dans cette affaire ; je n’ai exposé que des principes très simples, qui me conduisent à une conclusion ferme et sévère. Dans des circonstances difficiles, vous ne pouvez mollir sans danger, sans être indignes de vous-mêmes; vous ne pouvez punir sans défiance et sans une grande prévoyance de l’avenir'. Je propose que l’Assemblée porte le décret que je vais lire , et qui, mieux que les développements que la contrariété d’opinions exigera peut-être, présentera ma théorie, fl montrera à ceux qui professent des opinions diverses, que si je leur suis également désagréable en ce moment, c’est que je tiens un juste milieu : or, la justice et la vérité sont là. Voici le décret que j’ai l’honneur de proposer: « L’Assemblée nationale, instruite, par les différents rapports qui lui ont été faits, du mécontentement et de l'insubordination des soldats ; considérant que la paix publique ne peut subsister avec une armée insubordonnée ; qu’une armée ne peut exister sans l’observation la plus exacte de la discipline militaire ; que son relâchement actuel provient de ce que l’organisation de la liberté publique n’est point encore (complète ; que l’ordre sera bientôt rétabli dans l’armée, lorsque les soldats auront appris à ne pas séparer leurs droits de leurs devoirs : « Décrète que son président se retirera vers Iè roi, pour le supplier d’envoyer des commissaires dans les différentes garnisons d» royaume, à l’effet de licencier l’armée le 10 du mois prochain, de la recomposer sur-le-champ des mêmes individus, d’après l'organisation décrétée par l’Assemblée nationale, acceptée et sanctionnée par le roi, en ne recevant, soit pour soldats, soit pour chefs, que les citoyens qui prêteront le serment de remplir les devoirs attachés â leur état, tels qu’ils auront été statués par l’Assemblée nationale ; « Décrète, en outre, qn’il seraenvoyé incessamment nue adresse à l’armée, pour développer le