[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 avril 1791.] 602 M. Buzof. Je suis absolument de l’avis du préopinant. Dans les pays de droit écrit, on craint de blesser les antiques préjugés par une loi qui détruirait les testaments. Dans le nôtre au contraire où les testaments ne peuvent pas avoir lieu, nous craignons que bientôt avec une loi qui étendrait la faculté de tester jusque dans notre pays même, on ne vînt à renouveler ce droit funeste d’aînesse à l’abolition duquel nous nous sommes livrés. Il faut en ce moment-ci éclairer les provinces; et quand il n’y aura plus rien à risquer, nous voterons pour l’égalité, nous voterons pour une loi sans laquelle il faut absolument renonceraux bonnes mœurs, pour une loi dont le contraire peut-être fut la cause de la destruction et de Sparte, et de Rome, et d’Athènes, comme l’a parfaitement bien prouvé M. l’abbé de Mably. M. Brlols de Bcaumeiz. Je demande que l’ajournement de la double question soit fixée après la convocation de la première législature. Il faut donner aux provinces le temps de s’éclairer et d’arriver à ce résultat auquel les hommes arrivent tôt ou tard, c’est-à-dire à la raison et à la. Yévüé. (Applaudissements.) Je pense qu’il y aurait de l’inconvénient à abolir les substitutions tout de suite, car cette disposition est encore du nombre de celles qui veulent être établies avec la plus grande précaution. Il faut voir quel sera l’effet de cette loi dans toutes les parties du royaume; et d’ailleurs, Messieurs, ne serait-ce pas établir une différence entre deux principes qui me paraissent également vrai? Ne serait-ce pas refuser à l’un le caractère d’évidence attribué à l’autre, que de s’empresser de décréter aujourd’hui la loi sur les substitutions, et d’éloigner celle sur les dispositions testamentaires? Quant à moi je suis également frappé de la nécessité de détruire ces deux injustices de la loi. Je voudrais, si j’en étais le maître, les faire tomber toutes les deux aujourd’hui; mais je craindrais que la matière n’étant pas assez éclairée, ces questions ne fussent compromises. Cette raison porte sur les deux questions, et me détermine à appuyer l’ajournement de l’une et de l’autre et à m’opposer à la division. M. Slougins de Roquefort. Nous perdons beaucoup de temps à ces questions d’ordre. 11 faut consulter l’Assemblée pour savoir si l’on ajournera. M. llartîueau. Je demande la question préalable sur la division de l’ajournement. Les substitutions sont une dépendance de la faculté de disposer. Je demande que l’ajournement frappe indistinctement sur toutes ces matières. M. Legrand insiste sur la division. M. Mougins de Roquefort. Je m’oppose à la division en pays de droit écrit. On définit les substitutions une seconde institution d’héritiers; il en est que vous conserverez peut-être dans votre sagesse. ( Murmures prolongés.) Vous ne pouvez du moins disconvenir de la tendance directe, et de l’impossibilité de séparer la question des substitutions de celle sur la faculté de tester. (La discussion est fermée.) M. le Président met aux voix la motion de division sur l’ajournement. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la division.) M. le Président. On a fait 3 motions d’ajournement : 1° l’ajournement pur et simple; 2° l’ajournement après la Constitution et convocation de l’autre législature; 3° l’ajournement à un mois. M. Briois-Beaumetz. Je demande la priorité pour l’ajournement pur et simple. M. ISSalès. Je demande que dès à présent l’exercice du pouvoir de substituer soit suspendu jusqu’à... ( Murmures prolongés.) M. le Président. La priorité est demandée pour l’ajournement pur et simple ; je vais la mettre aux voix. (L’Assemblée accorde la priorité à l’ajournement pur et simple et décrète ensuite cet ajournement, ainsi que l’impression des discours prononcés sur cette matière.) M. Francoville. Je demande que M. le président porte à la sanction du roi le décret sur les successions ab intestat , afin d’empêcher d’éluder la loi par des dispositions précipitées. M. Perdrix. Des mots très essentiels ont été omis lors de la rédaction du second article du titre premier des successions ab intestat, ordre des successions légitimes, qui font partie du projet imprimé. L’article est ainsi conçu : « Tous biens meubles et immeubles, de quelque nature qu’ils soient, seront après la mort du propriétaire, recueillis et partagés par égales portions entre tous les enfants mâles ou femelles, aînés ou puînés, du même mariage ou de plusieurs. » L’intention bien manifestée de l’Assemblée étant de détruire toutes inégalités, tous pré-ci puts ; et quelques coutumes accordant un pré-ciputaux enfants d’un mariage, au préjudice de ceux des autres mariages, il ne peut être de l’intention de l’Assemblée d’omettre une disposition aussi sage que celle que lui présente son comité. (L’Assemblée décrète que Messieurs les commissaires du comité des décrets vérifieront l’omission, et en rendront compte à la séance prochaine, et que les articles décrétés sur les successions légitimes, seront incessamment portés à la sanction du roi.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret dit comité de Constitution sur l'organisation du ministère. M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Lorsque le comité de Constitution a fait son rapport sur l'organisation du ministère (1), l’Assemblée parut désirer quelques nouveaux développements du plan qui vous a été proposé. Vous vous rappelez, Messieurs, qu’outre les principes et les bases de la responsabilité qui se trouvent détaillés dans ce plan, l’Assemblée parut désirer qu’on lui présentât en détail les délits dont les ministres peuvent se rendre coupables, et les peines qui doivent en être la suite. L’Assemblée a paru demander également qu’on fixe le mode d’accusation à intenter contre les minis-(1) Voyez Archives parlementaires , t. XXIII, séance du 7 mars 1791, pages 716 et suiv. (Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (6 avril 17S1.J 603 très. Le comité s’est assemblé sur ces objets, ainsi que sur le plan qui vous avait été proposé. Sur le premier point, Messieurs, je dois observer à l’Assemblée que depuis l’impression de la note qui se trouve dans le projet de décret qui a été réimprimé, le Gode pénal auquel nous ayons travaillé sans relâche, a été à peu près terminé; que l’un des titres du Gode pénal contient en détail les délits des ministres, et l’effet que nous vous proposons d’y appliquer, Relativement au mode d’accusation sur lequel vous avez paru désirer que le comité, vous présentât ses vues, notre réponse est bien simple ; ce mode d’accusation est déjà décrété par vous; il se trouve dans le décret que vous avez rendu sur l’organisation de la haute cour natio-tionale; ainsi sur ces deux parties rien ne peut plus arrêter la marche de votre travail. Il est d’autres questions qu’on avait paru vouloir annuler avec l’organisation duministère. Le comité ne pense pas, pour accélérer la marche de vos délibérations, que le moment soit encore venu d’examiner si les ministres entreront dans le Corps législatif. Cette question, Messieurs, vous sera incessamment présentée dans le travail qui doit compléter l'organisation du Corps législatif; mais quelque parti que vous preniez sur cette question, les fonctions des ministres doivent être déterminées, a (in d’assurer leur responsabilité. Les bases de la responsabilité doivent être déterminées également. Vous devez consigner dans l’organisation duministère les moyens nécessaires pour assurer l’activité du gouvernement, et en même temps pour assurer la liberté nationale. Le plan du comité renferme 6 parties très distinctes, outre une disposition fondamentale pour savoir qui nommera les ministres. Ces 6 parties sont relatives au nombre des ministres, à leurs fonctions au conseil où se préparent les matières, aux principes et aux bases de la responsabilité, à quelques dispositions relatives à la sûreté de l’Etat, et en enfin au traitement et à la retraite des ministres. Voici le texte de notre nouveau décret : « Art. lar. Au roi seul appartiennent le choix et la révocation des ministres. « Art. 2. Les ministres sont au nombre de 6, savoir : le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, le ministre des colonies, le ministre de la guerre, celui de la marine et celui des affaires étrangères. « Fonctions des ministres. « Art. 3. Les fonctions du ministre de la justice seront: « 1° De garder le sceau de l’État et de sceller les lois, les traités, les lettres patentes de provision d’offices, les commissions, patentes et diplômes du gouvernement; « 2° D’exécuter les lois relatives à la sanction des décrets du Corps législatif, à la promulgation et à l’expédition des lois; « 3° D’entretenir une correspondance habituelle avec les tribunaux et les commissaires du roi ; « 4° De les éclairer sur les doutes et difficultés qui peuvent s’élever dans l’application de la loi, mais à la charge de proposer au Corps législatif les questions qui, dans l’ordre judiciaire, demanderaient une interprétation; « 5° De donner aux juges des tribunaux de district, ainsi qu’aux juges de paix et de commerce, tous les avertissements nécessaires, et de les rappeler à la règle, ainsi qn’à la décence et à la dignité de leurs fonctions, et de veiller à ce que la justice soit bien administrée; « 6° De transmettre au commissaire du roi près la cour de cassation les pièces et mémoires concernant les affaires qui lui auront été déférées, et qui seront de nature à être poriées à ce tribunal; d’accompagner ces pièces et mémoires des éclaircissements" et opérations dont il les croira susceptibles; « 7° De rendre compte à la législature, au commencement de chaque session, de l’état de l’administration de la justice, des abus qui auraient pu s’y introduire, et de la conduite des juges et des officiers. « Art. 4. Il y aura près du ministre de la justice trois gardes et un officier qui veilleront sur le sceau de l’Etat. Les secrétaires du roi du grand collège sont supprimés; sont également supprimés, les officiers en chancellerie, à l’exception de deux huissiers, lesquels serviront près la personne du ministre, à l’audience du sceau, et pourront exercer auprès du tribunal de cassation. « Art. 5. Le département du ministre de l’intérieur sera divisé en 5 sections, à la tête de chacune desquelles il y aura uu directeur général, savoir: « Première section. — Les détails relatifs au maintien du régime constitutionnel, touchant les assemblées des communes, par communautés entières ou par sections; les assemblées primaires et les assemblées électorales ; les corps administratifs, les municipalités, la force publique intérieure, la constitution civile du clergé, l’instruction et l’éducation publiques : sans néanmoins que de la présente disposition on puisse jamais induire que les questions définitives sur la validité des élections et sur l’activité et l’éligibilité des citoyens puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif. a Deuxième section. — Les détails relatifs à l’exécution des lois, « Touchant l’assiette des contributions directes et leur répartition ; a Touchant le recouvrement dans le rapport des contribuables avec les percepteurs, et dans le rapport de ces derniers avec les receveurs de district ; « Touchant la régularité de la nomination des percepteurs et du receveur de chaque district; « Enfin la surveillance, tant de la répartition que du recouvrement et de l’application des sommes dont la levée aura été autorisée par la législature pour les dépenses qui sont ou seront à la charge des départements. « Troisième section. — Les détails relatifs à la perception des contributions indirectes et à l’inspection des percepteurs de ces contributions. « A l’inspection des monnaies et de tous les établissements, baux, régies, ou entreprises qui rendront une somme quelconque au Trésor public. « Quatrième section. — Les détails relatifs aux mines et minières, à la direction des travaux pour la confection et entretien des routes, ponts, canaux, ports de commerce et autres ouvrages publics qui seront autorisés dans les départements. « A la conservation de la navigation et du flottage sur les rivières et du halage sur leurs bords. « A celle des bâtiments et des édifices publics, tels que prétoires, églises et presbytères, mai- 604 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 avril 1791.] sons d’arrêt, maisons de justice, maisons de correction et prisons. « Les détails relatifs aux hôpitaux, établissements de charité, ateliers de charité, et à la répression de la mendicité et du vagabondage. « Cinquième section. — Les détails relatifs à la conservation et administration économique des forêts nationales, domaines nationaux et autres propriétés publiques, produisant ou pouvant produire une somme quelconque au Trésor public. « Enfin, ceux relatifs à l’agriculture, aux produits des pêches sur les côtes, et des grandes pêches maritimes, à l’industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures; au commerce de terre et de mer, ainsi qu’aux primes et encouragements qui pourront avoir lieu sur ces divers objets. « Art. 6. Le ministre de l’intérieur sera chargé : « 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps ad ministratifs ; « 2° D’exécuter et de faire exécuter sous les ordres du roi, les lois relatives aux objets compris dans les divisions ci-dessus; et particulièrement de surveiller par lui-même l’exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l'intérieur de l’Etat; * 3° De correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, de les éclairer sur les moyens de faire exécuter les lois, à la charge de s’adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auront besoin d’interprétation; , « 4° De rendre compte tous les ans, au Corps législatif, de l’état de l’administration générale, des abus qui auraient pu s’y introduire et en particulier de 1a. conduite des membres des corps administratifs et des municipalités. « Art. 7. 11 soumettra à l’examen et à l’approbation du roi les procès-verbaux des conseils des départements, conformément à l’article 5 de la 3e section du décret sur les assemblées administratives. « Art. 8. Le directeur général de chacune des divisions de l’intérieur sera nommé par le roi, qui pourra le révoquer à volonté. Il sera chargé de la conduite des bureaux de sa division, et responsable dans les cas déterminés par l’article suivant. « Art. 9. Le ministre de l’intérieur pourra retenir et suivre par lui-même celle des affaires des 5 divisions qu’il jugera convenable de se réserver. « Il aura la décision générale de toutes les autres, sur le rapport de chaque directeur. Après avoir pris les ordres du roi, il donnera les siens par écrit, et sera seul responsable de ses décisions et ordres généraux; mais le directeur répondra de ses propres lettres, ou de ce qu’il aura fait sans les ordres ou les décisions signées du ministre. « Art. 10. Le ministre des colonies aura : «,1° L’exécution des lois touchant, le régime et l’administration de toutes les colonies dans les îles et sur le continent d’Amérique; à la côte d’Afrique et au delà du cap de Bonne-Espérance. « 2° La surveillance et la direction des établissements et comptoirs français en Asie et en Afrique, à la réserve de ceux qui sont situés dans les Etats de la Porte ottomane, les régences de Barbarie et l’empire du Maroc, lesquels continueront d’être du département de la marine. « 3° Les détails relatifs aux approvisionnements aux contributions, aux concessions de terrains, et à la force publique intérieure des colonies et établissements français; « 4° Les détails relatifs à la défense locale et intérieure des colonies et établissements français, ce qui comprend les fortifications, les batteries des côtes, les magasins de l’artillerie, et tous les objets qui en dépendent. « Quant à la disposition des forces navales, relativement à la protection du commerce, et à la défense extérieure des colonies, les établissements et magasins faits et à faire pour la marine, ainsi que l’administration et la police des classes de gens de mer, et la police des ports et rades des colonies, ils continueront d’appartenir au département de la marine; « 5° Le travail concernant ceux des emplois civils et militaires, dont la nomination appartiendra au roi ; « 6° Le travail concernant les récompenses dues, suivant les lois, aux fonctionnaires publics.