m ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 1D orumaire an il 5 novembre 1703 [Convention nationale. J mettre. Mais, hélas ! vous le savez, citoyens, tout mon délit consiste à avoir fait passer un paquet dont j’ignorais le contenu et l’importance. Un tel délit pouvait -il me conduire à la mort et enlever à mes enfants la consolation de leur malheureuse mère, quand l’éohafaud leur a déjà ravi leur père? Si dans le moment que son arrêt fut prononcé l’on m’eût arraché la vie, je serais descendue avec mon époux au tombeau sans m’attendrir sur le speotacle déchirant de mes enfants, dont le dernier prononce à peine le doux nom de sa déplorable mère. « Ah! oitoyens, si vous pouviez me voir au milieu de ces orphelins, couverte de leurs larmes innocentes qui retombent toutes sur mon cœur, vous trouveriez sans doute, fût-ce au milieu d’un désert, le moyen de conserver leur mère, vous sentiriez plus vivement que la victime qui s’est éloignée de l’échafaud ne peut y remonter sans un raffinement de cruauté et de barbarie. Plusieurs femmes, sans doute plus criminelles que moi, ont souvent obtenu leur grâce et l’oubli de la loi. Hélas ! je n’ai point commis de crimes, j’étais née pour n’en point connaître les horreurs} l’éducation que j’ai reçue, la probité des auteurs de mes jours, tout, oitoyens, doit fixer vos regards sur mon déplorable sort et m’obtenir cette grâce. Considérez que je n’ai pas eu un seul témoin qui ait pu rien déposer contre moi, que j’en ai 21 pour moi, que le dé¬ nonciateur des malheureux que je pleure a avoué avec vérité ne m’avoir jamais vue ni con¬ nue. C’est donc sur une simple équivoque d’un demi-mot mal interprété que l’on arrache à la vie une malheureuse mère de trois enfants qui n’ont plus qu’elle dans l’univers entier, et dont l’horrible situation attendrirait l’insensibilité. Mon jugement porte la complicité, mais, ci¬ toyens, la complicité emporte la déportation et non la peine de mort. Quel est le crime même, oui, j’ose le dire, qui ne, serait pas racheté et expié par un siècle de souffrances pareilles à celles que j’éprouve. Je suis vivante dans l’hor¬ reur des tombeaux; j’ai des enfants qui n’ont plus de père, qui pleurent chaque jour ma mort de mon vivant, renfermée dans un lieu où je suis Confondue avec tous les crimes. Quelle exis¬ tence, grand Dieu ! dix mois de détention pen¬ dant lesquels je ne me suis abreuvée que des larmes de la douleur la plus amère. Que ce sort épouvantable fût tombé sur la majeure partie des êtres qui m’environnent, je saurais les plaindre, mais moins, car ils ne sentent pas comme moi. « Ah ! citoyens, depuis le 4 de mai je vois jour et nuit le glaive de la loi suspendu sur ma tête; sans avoir subi le supplice réellement, je l’éprouve mille fois. Une femme soumise aux volontés de son mari, l’attachement de qua¬ torze années, l’habitude depuis oe temps ne la mettait-elle pas dans l’impossibilité de le dé¬ noncer? Il est mort, citoyens, et moi je vis en¬ core, ne puis-je pas au prix de toutes ces Consi¬ dérations, qui sont autant de vérités, trouver grâce auprès des représentants du peuple sou¬ verain, et faut -il que j’aie perdu ma liberté sous le règne où elle existe et au temps des lois régé¬ nérées, après avoir été la victime de l’ancien despotisme ministériel. Il s’agit de la vie d’une mère de famille, et s’il m’était permis d’ajouter que j’ai le bonheur d’être la tante d’un général qui s’est toujours signalé dans nos armées répu¬ blicaines, l’espoir même d’implorer la commi-eératibn 4e la Convention nationale me serait -il ravi lorsque dans un temps d’esclavage un seul homme avait le droit de vie et de mort sur la masse des hommes; comment cette masse im¬ posante, la Souveraineté nationale n’aurait-elle pas là volonté de faire grâce aux malheureux sans appui, au sexe faible et soumis aux lois du plus fort, qui ne peut être considéré comme complice, quand la nature et lé devoir lui dé¬ fendent d’être le dénonciateur de celui auquel est lié son sort et sa destinée par des liens sacrés. « Hélas ! si dans mon malheur la Convention touchée de cette vérité ajoutait à sa sublime Constitution un décret en faveur de ce sexe faible et infortuné, je bénirais la Providenoe de m’avoir fait souffrir pour pouvoir ne m’occuper uniquement, à la fin de mes peines, que du bon¬ heur, du soin et de l’éducation de mes enfants, dont un, âgé de 12 ans, s’est mis garçon menui¬ sier pour gagner, par son travail, de quoi me sustenter, ainsi que ses deux autres frères aux¬ quels il ne reste plus rien dans le monde. « Derabey, veuve Kolly. » Suit le texte de la pétition présentée par V enfant de la veuve Kolly (1). Aux représenta/nia du peuple souverain. « Citoyens législateurs, « Souffrez à vos genoux ces malheureux en¬ fants qui vous demandent la grâce de leur mère, plus malheureuse que coupable. Aucun témoin n’a élevé sa voix contre elle; que celle de la reconnaissance et de l’amour filial pénètre jus¬ qu’à vos cœurs bienfaisants, et si mes sanglots et mes soupirs étouffent la mienne, écoutez, ci¬ toyens, les cris de cet enfant qui vous rede¬ mande sa tendre mère : c’est la nature innocente qui vous tend ses faibles bras pour recevoir une seconde existence qu’il ne peut plus tenir que de vous. « Les enfants de l'infortunée veuve Kolly. » Compte rendu du Moniteur universel (2). La veuve Kolly, condamnée à la peine de mort, implore, par une pétition, la clémence de (1) Archives nationales , carton C 280, dossier 765. (2) Moniteur universel fn° 47 du 17 brumaire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 189, col. 21. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 413, p. 211) et le Journal de Perlet [n® 410 du 16 brumaire an II (mercredi 6 no¬ vembre 1793), p. 291] rendent compte de la péti¬ tion de la veuve Kolly dans les termes suivants i I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. La veuve Kolly, condamnée à mort il y a quelque temps, comme complice de son mari qui lut exécuté à l’époque du jugement, obtint un sursis parce qu’elle était enceinte. Elle vient d’accoucher. Elle s’adresse à la Convention qui, ne pouvant commuer sa peine, passe à l’ordre du jour. Laurent-Lecointre. Le décret que vous Venez de rendre est fondé sur les lois. Je viens vôüs sou¬ mettre maintenant une proposition. Les enfants de Kolly vont être orphelins. La Convention jugera que l’humanité leur doit des secours, âin&i qu’à tfeüs ceux qui seront dans le même cas. Je demande qu’il soit