[Assemblée aaiioaak».) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 mai 1791.1 043 ment, je demande qu’on mette un embargo dans tous les ports du royaume. M. Roederer. L’ajournement est d’autant plus nécessaire que, si le premier article qui vous est proposé passait, la conséquence inévitable serait que les députés des colonies, ici présents, se retirassent ; car il serait absurde qu’ayant réservé aux colonies, dont ils sont les représentants, l’initiative exclusive des lois qui les concernent, ils prissent encore part à la confection des nôtres, Je demande donc l’ajournement du tout, M. de Traey. Je demande la priorité pour la Constitution française. M. Rœderer. Dès que l’on veut assimiler nos colonies aux colonies anglaises, il faut évidemment qu’elles en partagent le sort; or, les colonies anglaises n’ont pas de députés au Corps législatif. Je dis donc que, cet ordre de choses étant une conséquence inévitable du premier article, il faut l’examiner avec soin et l’ajourner. MM. Arthur Dillon et Moreau de Salnt-Méry. Nous appuyons la motion. M. le Président. L'ajournement a été demandé sur le projet de décret des comités; on a ensuite demandé la division de cet ajournement et enfin la question préalable sur celte division. Je mets aux voix la question préalable sur la division. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la divisiou.) M. le Président. Je mets maintenant aux voix l’ajournement du projet des comités. (L’Assemblée, consultée, décrète l'ajournement et décide que la discussion ne sera reprise que deux jours après la distribution du rapport et du projet de décret des comités.) M. Rahaud-Saint-Etienne, ex-président , quitte le fauteuil. M. Le Chapelier, e&prisident, le remplace. L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur l’arrêté du directoire du département de Paris du 11 avril 1791 relatif aux édifices religieux et à la liberté générale des cultes (1). M. Talleyrand - Périgord , ancien évêque (f Autun, au nom du comité de Constitution. Messieurs, lo comité de Constitution, conformément à votre décret, a examiné, avec une attention sévère et digne du sujet, l’arrêté du directoire du département de Pans, concernant les édifices religieux de cette ville. Voici les questions qu’il s'est proposées, après une lecture très réfléchie de cet arrêté, et les réponses qu'il y a faites : Quel est le principe ou quels sont les principes qui paraissent avoir déterminé cet arrêté? Ces principes sont-ils justes? Les conséquences en sont-elles bien déduites? Enfin le directoire de Paris devait-il déduire ces conséquences? Il est clair que ces quatre questions présentent tous les points de vue sous lesquels cet arrêté peut être considéré. Les principes de cet arrêté sont : 1® quel’admi-(i) Voy. cl-dessus cet arrêté, sçanco du 18 avril 1701, page 179. nitration peut et doit disposer au profit de la nation des édifices religieux qui ne sont point nécessaires au service du culte public; 2° qu’elle doit, par une surveillance active, s’assurer que les fonctions publiques du culte seront remplies dans les églises d’une manière conforme aux lois; 3° qu’elle doit protection à toutes les opinions religieuses quelconques : il est impossible d’y voir autre chose. Or ces principes sont incontestables; car vous avez expressément décrété le premier et le second, et vous avez, non pas décrété, mais solennellement reconnu et proclamé le troisième, ou plutôt le principe éternel qui le renferme : il est temps que l’on sache que cettn liberté d’opinions ne fait pas en vain partie de la déclaration des droits; que c’est une liberté pleine, entière, une propriété réelle, non moins sacrée, non moins inviolable que touti'8 les autres, et à qui toute protection est due. Ne parlons pas ici de tolérance; cette expression dominatrice est une insulte ( Applaudissements répétés.), et ne doit plus faire partie du langage d’un peuple libfe et éclairé. S’il est un culte que la nation ait voulu payer, parce qu’il tient à la croyance du plus grand nombre, il n’en est aucun hors duquel elle ait voulu, elle ait pu déclarer qu’on ne serait pas citoyen, et par conséquent habile à toutes les fonctions ; portons le principe jusqu’où il peut aller. Le roi lui-môme, le premier fonctionn lire de la nation, qui certes et avant tout doit faire exécuter la loi acceptée ou sanctionnée par lui, et ne laisser à cet égard aucun doute sur son imperturbable résolution, pourrait, en remplissant ce premier devoir, suivre un culte différent sans qu’on eût droit de l’inquiéter; car le temps n’est plus, où l’on disait, et ou malheureusement on soutenait, les armes à la main, que la religion du roi doit être nécessairement la religion de la nation : tout est libre de part et d autre, et il en e6t du roi à cet égard comme de tout autre fonctionnaire. Voilà le principe dans toute son exactitude, dans toute sa pureté, tel qu’il sera vrai dans mille ans, tel qu’il doit le paraître dans ce moment. {Applaudissements répétés.) La conséquence que le directoire du département de Paris a déduite du premier principe, c’est que toutes les églises qui ne sont point nécessaires au service public uoivent être fermé s pour être ensuite vendues ou employées à un autre usage : cela est juste ; car d’abord elles sont une propriété nationale : par leur inutilité au service public, elles deviennent une propriété disponible ; et il était dans l’esprit d’UDe administration éclairée et qui veut marcher vite à son but, d’eu faire sur-le-champ profiter la nation. La conséquence qu’il a déduite du second principe, c’est qu’il devait établir un préposé dans chacune des églises destinées au culte ; cela est juste; car, comme ou l’a déjà dit, ne pouvant tout faire par elle-même, il faut bien que l’administration s’assure, par un agent responsable, que la loi sera remplie. Elle a donc 1 ■ dro.t d’établir cet agent ; et le directoire de Paris, prenant conseil des circonstances, a jugé qu’il devait en user dans un moment où il a craint qu’il ne s’élevât dans les églises paroissiales un conflit alarmant entre les assermentés et les non assermentés qui s’y seraient rassemblés. La conséquence qu’il a tirée du troisième principe, c’est qu’il serait permis à tous particuliers de se réunir pour l’exercice d’un culte religieux quelconque, dans un édifice dont ils auraient acquis la disposition, à la charge par eux de mettre 644 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]7 mai i791.] sur la principale porte une inscription visée (cette année-ci) par le directoire, qui le distinguât des églises publiques uppar enant à la natiou : cette conséquence est encore juste. En efftt, nous bornerions-nous donc à cette tolérance hyi ocrite q i se réduisait à souffrir la diversité d’opinions religieuses, pourvu qu’elle ne se manifestât paraut u ■ acte extérieur ? Ainsi on constntait à dire qu’il était permis de penser, mais sous la condition bien expresse qu’il ne serait jamais permis d’exprimer ce que l’on pensait, ni d’agir conformément à sa pensée. {Applaudissements.) Il faut enfin prononcer la véiité tout entière, et savoir ne s effrayer d’aucune de ses conséquences. S’il doit être libre à chacun (aux yeux de ses semblables) d’avoir une opinion religieuse différente de celle des autres, il est clair qu’il lui est également libre de la manifester, sans quoi il mentirait éternellement à sa conscience ; et par conséquent aussi il doit lui être libre de faire tout acte qui lui est commandé par cette opinion, lorsque cet acte n’est nuisible aux droits de personne. De là suit évidemment la liberté des cultes. Tout cela est renfermédans la déclaration des droits ; tout cela est la déclaration des droits elle-même. Et qu’on ne pense pas que nous combattions ici le fanatisme pour y subïtituer une coupable indifférence : c’est le respect pour les consciences que nous voulons consacrer; c’est les droits de tous qu’il nous faut protéger; c’est enfin le triomphede la religion véritable que nous croyons assun r, en ne laissant autour d’elle que des moyens de persuasion, et en montrant qu’elle n’a rien à redouter de la concurrence de ses rivales. {Vifs applaudissements.) En prononçant cette liberté religieuse dans toute son étendue, nous n’exceptons aucune croyance; et nous devons dire aux habitants de cette capitale que leur patriotisme s’est trop alarmé lorsqu’ils ont appris qu’un ancien édifice public allait s’ouvrir à des prêtres non assermentés. Il est vrai que plusieurs précautions de sagesse, peut-être nécessaires dans un moment d’inquiétude, paraissent avoir été négligées ; et nous croyons qu’il eût fallu préparer d'avance les esprits à cet événement inattendu, par une instruction bien claire, et dont le peuple se serait fait honneur d’adopter les principes. On lui aurait dit que, chez un peuple libre et digne de l’êire, la liberté religieuse comprend indistinctement toutes les opinions sans distinction de secte ; que, si celle des juifs, des protestants doit êt e respectée, celle des catholiques non conformistes doit l’être également {Murmures à droite; applaudissements à gauche.): car elle u'est proscrite ni par la Constitution, ni par la loi; qu’il s’abuse et en même temps se contredit lorsqu’il se persuade qu’il est en droit d’empêcher un second culte catholique, dès lors qu’il reconnaît que tous les autres sont libres; que c’est sur ce faux principe que les protestants essuyèrent, sous le règne de Louis AlV, cette longue persécution dont la raison et l’humanité ont été si révoltées dans ces derniers temps, parce qu’on ne voulait pas, disait-on, deux cultes de la religion chrétienne ; que c’est pareillement sur ce principe que les protestants de diverses sectes se sont quelque fois déclaré la guerre, parce qu’ils pensaient qu’il ne fallait pas non plus deux cultes de la religion réformée ;que les uns et les autres s’accusaient aussi, comme dansce moment, d'être les ennemis de l’Etat et que, sous ces prétextes odieux, la plu6 horrible intolérance a plus d’une fois ensanglanté la terre. On eût ajouté, ce qu’il ne paraît p s avoir assez compris jusqu’à ce jour, que le simple refus de prêter le serment relatif à la constitution civile du clergé, ne rend pas un prêtre réfractaire {Applaudissements.), lorsque d’ailleurs il se conforme aux lois ; que seulement il le rend inhabile à exercer, au nom de la nation, les fonctiuus ecclésiastiques payées par elle, et voilà tout; qu’on doit ici considérer le catholique non conformiste comme le protestant; que c lui-ci, fût-il d’ailleurs tiès patriote, refuserait bien certainement de prêter ce serment, puisque la constitution civile du clergé suppose des autorités ecclésiastiques (celle du pape, par exemple), qu’il n’admet point, et une croyance absolumentcontraireà la sienne; qu’on en conclurait seulement qu’il se déclare par là inhauile aux fonctions ecclésiastiques, dont les frais sont acquittés par la nation; et qu’en saine logique, on ne doit conclure autre chose du refus des catholiques non conformistes , tant que d’ailleurs ils restent soumis aux lois et aux autorités établies. {Applaudissements .) Après avoir ainsi convaincu sa raison, on l’eût frappé par les considérations suivantes : on lui eût dit que l’intolerance et la persécution ne devaient point souiller les premiers moments de la liberté; qu’elles sont un véritable fanatisme, et qu’il ne fallait pas faire la guerre à l’ancien, en lai en substituant un nouveau; que la persécution, en offrant l’espoir du martyre, donnait une nouvelle force aux opinions religieuses, bien loin de les affaiblir {Applaudissements.) ; que si l’on proscrivait les assemblées publiques des non conformistes, on no pourrait empéener leurs assemblées clandestines qui seraient bien autrement inquiétantes; que ce qu’il y avait de plus juste, de plus noble et de plus sage à la fois, était donc de les permettre, de les protéger, mais en même temps de les surveiller, et de punir légalement tous ceux qui, dans ces assemblées, provoqueraient une insurrection contre la loi; que, lorsque de grandes passions tourmentent les hommes, il ne fallait pas les comprimer trop fortement, de peur de les rendre plus violentes; que la véritable politique et une saine philosophie demandaient qu’on leur ouvrît en quelque sorte une issue, comme à des volcans dont on redoute les ravages. {Applaudissements.) On lui eût fait sentir que, sous l’œil sévère du public, sous l’œil plus sévère encore de la loi, de telles assemblées ne devaient poiut alarmer; que, si dans les commencemenis, le dépit, un incivisme contraint, une piété fausse, se joignant à la bonne foi abusée du petit nombre, eussent porté dans ces églises une affluence remarquable, le temps qui calme tout, l’opinion publique qui finit par faire justice de tout, auraient bientôt apaisé ces feux d’un moment, et remis chaque chose à sa place. {Applaudissements.) Entin on eût parlé à sa gloire, à son honneur, à son intérêt même qui le porte à attirer par la confiance tous les étrangers, quelle que soit la religion ou la secte qu’ils professent. On lui eût dit qu’eu ce moment la France, le monde entier avaient les yeux ouverts sur la capitale des Français, et que toutes les nations devaient recevoir d’elle l’exemple de la force qui se modère, et de la justice qui fait respecter les droits de tous. {Ap-laudissements.) Je le demande aux habitants de aris : ces raisons n'eussent-elles pas été entendues par un peuple libre, éclairé, et j’ajoute par un peuple vainqueur qui ne veut point abuser de sa victoire? {Applaudissements.) | Assemblée national».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 mai 1791.] 645 On a objecté, il est vrai, que la religion qui sera enseignée dans les églises nationales, ne diffère en aucune manière de celle que les prêtres non assermentés enseigneront dans les leurs, et que dès lors on ne doit point autoriser cette division. Je m’applaudis particulièrement en ce moment d’avoir prêté le serment; car il me donne l’espoir d'être écouté en prononçant des principes qui ne seront nullement suspects dans ma bouche. ( Applaudissements .) Personne ne pense plus sincèrement que moi que la religion, dont les cérémonies seront célébrées daûs nos égli-es, est la religion catholique dans toute sa pureté, dans toute son intégrité; que c’est très injustement qu’on a osé nous accuser de schisme ; qu’une nation n’est point schismatique lorsqu'elle affirme qu’elle ne veut point l’être ( Murmures à droite; vifs applaudissements à gauche dans les tribunes .) ; que le pape lui-même est sans force comme sans droit pour prononcer une telle scission (Applaudissements.) ; qu’en vain prétendrait-il se séparer d’elle; qu’elle échapperait à ses menaces comme à ses anathèmes, en déclarant tranquillement qu’elle ne veut point se séparer de lui, et qu’il convient même qu’elle écarte jusqu’aux plus légères apparences de rupture, en manifestant hautement la résolution de ne point se donner un patriarche. Disons plus : si dans ce moment le pape, égaré par des opinions ultramontaines ou par de perfides conseils dont on aurait assiégé sa vieillesse, se permettait, s’était permis de frapper d’un imprudent anathème la nation française ou seulement ceux d’entre ses membres dont la conduite aurait concouru spécialement à l’exécution de la loi; s’il ne craignait pas de réaliser ces menaces que plus d’une fois si s prédécesseurs se sont permises contre la France, sans doute qu’on ne tarderait pas à montrer à tous les yeux non prévenus la nullité d’un tel acte de pouvoir ( Vifs applaudissements.) ; sans doute qu’on retrouverait dans les monuments impérissables de nos libertés gallicanes, comme aus>i dans l’histoire des erreurs des pontifes, de quoi le combattre victorieusement; mais alors même nous resterions encore attachés au siège de Rome, et nous attendrions avec sécurité, soit du pontife actuel désabusé, soit de ses successeurs, un retour inévitable à des principes essentiellement amis de la religion. Voilà Ja conduite qu'il nous convient de tenir. ( Applaudissements .) Et cependant on ne peut se dissimuler que déjà il n’existe à cet égard en France deux opinions fortement prononcées ; que plusieurs ne croient, ou du moins ne soutiennent que la prestation du serment, en ce qui regarde la constitution civile du clergé, blesse le dogme catholique, et nous constitue daos un état de schisme. Je pense, j’es-père que, de quelque autorité qu’elle s’appuie, cette opinion s’affaiblira de jour en jour, que la bonne roi ne tardera pas à s’éclairer, la mauvaise foi à se décourager, et la vérité à reprendre tous ses droits; mais par ce motif même, autant que par amour pour la liberté que l’on doit respecter jusque dans ses plus ardents adversaires, il faut que cette opinion ne soit point tyrannisée; il faut que tous ceux qui le penseront ou même qui ne le penseront pas, puissent sans crainte dire que nous sommes schismatiques, si cela leur convient {Rires et applaudissements.) ; il faut par conséquent que le culte qu’ils désireront célébrer à part, soit que d'ailleurs il diffère ou non du nôtre, soit amsi libre que tout autre culte : sans cela la liberté religieuse n’est qu’un vain nom : on redevient un peuple intolérant : on justifie toutes les persécutions quelconques ; et, à la honte de l’humanité, on renouvelle, sans le savoir, la persécution aussi odieuse que ridicule, par laquelle on a vu, au milieu de ce siècle, exiger, sous des peines sévères, des billets de confession d’un rêtre qui avait signé un formulaire, à l’exclusion e tout autre prêtre qui ne l’avait pas signé, et tourmenter de ces ordres tyranniques le-derniers instants des mourants. ( Applaudissements .) Et qu’on ne se livre pas ici à de fausses terreurs sur le sort de la Constitution ; certes, elle serait bien peu solide, si elle pouvait être ébranlée par de pareilles dissensions. Disons plutôt que cette liberté, ajoutée à tant d’autres, est un des grands bienfaits par lequel elle s’affermira chaque jour davantage, et qui lui vaudra tôt ou tard l’hommage et la reconnaissance du genre humain. ( Applaudissements .) De tout cela, il résulte que le directoire du département de Paris a puisé le principe de sa conduite dans la déclaration même des droits de l’homme. Mais on a demandé s’il avait le droit d’en tirer cette conséquence pratique; s’il n’avait pas excédé son pouvoir; s’il n’avait pas enfin entrepris sur le pouvoir législatif. Messieurs, il est des hommes pour qui un principe s’identifie tellement avec ce qu’il renferme, que dans ses conséquences même les plus éloignées, et auxquelles les esprits ordinaires n’arrivent que par une longue suite, et souvent par un effort de raisonnement, ils voient tout à coup le principe, et ne voient plus ensuite que lui. On dirait que pour eux il n’existe point d’intermédiaires : d’où il peut arriver qu’ils paraissent avoir fait de nouvelles lois lorsqu’ils ont la conscience intime qu’ils n’ont qu’arrêté des mesures pour l’exécution de celles qui existent. Ce reproche, qu’il est donné à bien peu d’hommes de pouvoir mériter, a été fait peut-être avec quelque apparence de fondement à l’auteur de l’arrêté du directoire ; mais pui-qu’il est clair que la conséquence que, dans sa rapide conception, il s’est hâté ne déduire de ce que vou-s avez reconnu et décré'é, est rigoureusement déduite, que vous reste-t-il à faire, Messieurs, si ce n’est de décréter en quelque sorte la conséquence, comme vous avez reconnu et décrété le principe? Nous croyons aussi qu’on peut très bien défendre le directoire du département de cette ville, en disant qu’il n’a fait réellement qu’appliquer des moyens légitimes d’exécution à une loi préexistante; que des administrateurs ne sont point des instruments aveugles; que, se trouvant souvent pressés d’agir par ues circonstances impérieuses, il est nécessaire avant tout qu’ils agissent, et qu'ils ne doivent point fatiguer perpétuellement le Corps législatif par des pétitions particulières ; que, dans cette multitude de cas imprévus qui viennent les affaiblir, il faut bien quils se décident provisoirement en se ralliant aux principes, sans quoi la machine de l’administration s’arrêterait à chaque instant, et enfin, pour arriver à l’objet présent de la discussion, qu’on ne peut contester à des administrateurs ni le droit de faire exécuter ce que la loi ordonne, ni aussi le droit d’employer des mesures pour protéger la liberté sur tout ce qu’elle ne défend i as; et c’est là uniquement ce qu’a fait le directoire de Paris. Toutefois, comme il serait peut-être possible d’abuser de ces principes, comme les limites précises qui séparent l’autorité exécutive du pouvoir €46 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |7 mai 1791.) légistatif n’ont pas encore été par vous entièrement déterminées, nous nous abstenons de vous proposer ici une loi générale, et nous nous renfermons dans la lettre de votre décret, en considérant uniquement l’arrêté du directoire en tant qu’il s’applique à la ville de Paris. C’est dans c< tte vue qu’ayant pris en considération et la demande que nous fait le directoire d’une loi pénale contre ceux qui, sous prétexte d’a�semblees religieuses oseraient attaquer la loi, et enfin l’exécution entière de l’arrêté, nous vous proposons de rendre le décret suivant : « Art. l8r. L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution sur l’arrêté du 11 avril, du directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse, qui l’ont dicté, sont les mêmes qu’elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits, et décrète que le défaut de prestation de serment prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une eglise paroissiale, succursale, et oratoire national, pour y dire la messe seulement. « Art. 2. Les églises consacrées à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l’inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu’il y aura été fait quelque discours contenant des provocations directes contre la Constitution du royaume, et en particulier contre la constitution civile du clergé : l’auteur du discours sera, à la requête de l’accusateur public, poursuivi criminellement dans les tribunaux comme perturbateur du repos public. » {Vifs applaudissements.) M. Dupont. Je demande qu’il soit décrété que le rapport du comité de Constitution sera mis au rang d. s livres classiques de la nation, comme le premier monument ae la liberté religieuse établi sur la déclaration des droits. Je demanderais qu’il fût gravé sur le marbre, s’il ne valait pas mieux encore le confier à la mémoire de nos enfants et des enfants de nos enfants. ( Applaudissemen ts . ) (L’Assemblée décrète l’impression du rapport de M. Talleyraud-Péngord et son envoi à tous les départements du royaume.) M. l’abbé Sieyès. Messieurs, ce n’est pas aux éternelles vérités qui vous oot été présentées par M. le rapporteur, dans un style brillant et ferme, que je viens opposer des doutes : quiconque oserait nier ces principes ou les méconnaître serait à coup sûr un ennemi de la liberié. Je me renferme dans la question de compétence. La tournure ingénieuse et flatteuse que M. le rapporteur a employée pour trouver le directoire du département digne en même temps de louange et de blâme, ne m’a point séduit. Je ne me rangerai point à son avis, même pour recevoir son compliment. Peut-être môme prouverai-je que le point sur lequel nous différons a été mal saisi par le comité ; et cependant je suis très disposé à passer condamnation sur tout ce qui n’appartient pas au fond de la question, si c’est un moyen d’afiai-blir la résistance et de faire remporter plus sûrement la victoire aux bous principes. Si l’on veut avoir une juste idée de la conduite du directoire, on se souviendra d’abord, et c’est ici une vérité historique, que le moment où il a donné son arrêté n’a point été de son choix, qu’il n’a point eu à se déterminer librement entre différentes époques. La mesure qu’il a prise le 11 avril, il était tenu de la prendre, ou d’eo substituer une autre ; un commode retard n’était pas en sa puissance : ainsi qu’on ne vienne pas répéter que le temps n’était pas mûr, qu’on n’a pas pris le moment le plus favorable. Forcée d’agir, qu’a dû faire l’ad mi nitration? A-t-elle pu s’appuyer d’une loi, se fortifier d’un principe? ou bien aurait-elle dû, s’avançant au hasard, puiser des conseils illégitimes dans l’horrible histoire de l’intolérance? Le fait est qu’au commencement d’avril, une multitude d’assemblées religieuses, non paroissiales, non conformistes, se sont formées dans Paris, et s’établissaient soit dans des maisons particulières, soit dans des édifices appartenant au public. Le fait est que ces réunions religieuses étaient menacées d’une manière scandaleuse par des attroupements malintentionnés ou malfaisants, attroupements que nous nous accoutumerons enfin a ne plus appeler du nom de peuple. ( Applaudissements à gauche.) Voilà dune des citoyens troublés dans leurs réunions. Il est vrai qu’elles avaient un objet religieux; mais existe-t-il une loi qui défende les assemblées qui ont un but religieux, lorsqu’elles sont d’ailleurs paisibles et sans armes? Nous ne connaissons point une telle loi. Au contraire, l’Assembiée nationale a dit à tous : « Vous ne serez point inquiétés dans vos opinions religieuses ; vous n’êtes soumis qu'à la loi : dans toutes celles de vos actions qui ne sont pas défendues par la loi, vous êtes libres. Elle a dit à tous : votre liberté vous est garantie ; comptez qu’elle sera efficacement protégée, et, s’il le faut, par tous les moyens de la force publique. » Lorsque des citoyens viennent réclamer cette protection que vous leur avez promise, que faut-il leur répondre? Dirons-nous que les opinions sont libres, mais seulement dans l’esprit, mais seulement dans la manifestation orale, seulement quand on est seul, ou qu’on n’est que peu de personnes? Dirons-nous que les signes, les actions extérieures, isolées ou combinées, que ces opinions commandent, ne sont point renfermées dans la liberté des opinions? Mais qu’aurait donc fait l’Assemblée nationale de plus que ce qui existait déjà sous l’ancien régime ? Est-ce que l’opinion, ainsi réduite aux petites coteries de société, n’y était pas libre avant 1789 ? Ce seul raisonnement répondrait à nos adversaires, si l’on voulait en tirer tout le parti qu’il présente, et en faire l’application à leurs prétendues difficultés {Applaudissements.) ; mais cen’est pas avec cette arme que je veux me défendre aujourd’hui. Je dis qu’à des citoyens qui viennent réclamer protection dans l’exercice d’une liberté quelconque, l’administration ne peut faire que l’une ou l’autre de ces réponses : Vous n'avez pas la liberté dont vous réclamez la jouissance ; ou bien, l'action et la force publique vont à votre secours. Je sais que les événements ne se présentent pas toujours dans ce degré de simplicité, et qu’ainsi, par exemple, si l’exercice de telle liberté est, soit par les circonstances, soit par elle-même, susceptible d’enfanter des chances de troubles, l’administratiou devra dire : Il est juste que vous ne soyez point attaqués dans vos droits; mais pour mieux gouverner les moyens de protection qui vous mettront à l’abri de vos ennemis, pour que nous puissions eu même temps vous surveiller autant que le demande Jâ