618 [Assemblée nationale.] Si quelqu’un pouvait demander que la charge imposée à la donation fût accomplie, c’était l’héritier du cardinal de Richelieu. Mais celte action qui n’appartenait qu’à cet héritier seul, il ne l’a pas mise en activité. La donation, de grevée qu’elle était par le titre de son établissement, est donc devenue pure et simple par le consentement de l’héritier. Louis XIV, déjà maître de disposer, en vertu de l’acte de donation, le pouvait donc d’une manière encore plus absolue, en vertu du silence de la seule personne ayant qualité pour demander l’exécution de cet acte. Mais inutilement, l’héritier aurait-il tenté de réclamer, tous ses efforts auraient échoué contre le principe, qui veutque la donation soitréputée pure et simple toutes les fois que la charge qui lui est imposée choque la liberté naturelle de l’homme, en obligeant le donataire de demeurer dans certains lieux. Pour donner à ce principe toute la certitude dont une règle de jurisprudence est susceptible, il ne faut que rappeler quelques-unes des autorités qui l’établissent. D’abord, c’est la disposition littérale des lois romaines, de ces lois dans lesquelles tous les peuples de l’Europe ont puisé les règles des conventions. Voici Je texte : Titio centum relicta fuerunt ut in illâ civitate dornicilium habeat. Potest diei non esse locum cautioni fer quant jus libertatis infringitur. (L. 71, § 2, ff. de conditionibus et demonstratio-nibus.) « Si quelqu’un, dit Domat, a fait un legs, à condition que le légataire établirait son domicile dans certain lieu, cette condition étant contraire à la liberté juste et naturelle du choix d’un domicile, blesserait, en quelque façon, les bonnes mœurs et l’honnêteté. Ainsi, ces sortes de conditions n’obligent à rien, ainsi que celles qui sont naturellement impossibles, et elles sont tenues pour non écrites (1). » Ricard, de tous les jurisconsultes français, celui qui a le plus approfondi cetle matière, professe la même doctrine; et la raison qu’il en donne « est qu’il y va de l’intérêt public de conserver la liberté des particuliers, puisque c’est le principal effet de la raison qui distingue l’homme des autres animaux (2) ». A la suite du précepte, Ricard en présente l'application, en rapportant un arrêt du parlement de Paris, qui, dans l’espèce d’un legs fait par le testateur, de tous les biens qu’il avait dans les environs de la ville de Beaune, à l’aîné de ses neveux, à la charge par lui de d' meurer dans cette ville, a adjîigé les biens contenus dans le testament, à l'aîné des neveux du testateur , sans égard à la condition , et quoiqu'elle ne fût pas remplie. Cet arrêt est du 3 juillet 1614. Il en existe beaucoup de semblables : leur énumération serait superflue. Nous en citerons néanmoins encore un du 24 juillet 1784. Un parent de la demoiselle de Lorme lui avait léguée la terre de Cernay, à la c harge de l’habiter, et que tout le temps qu’elle en serait absente, les fruits en appartiendraient aux pauvres de la paroisse. L’intérêt si précieux des pauvres n’a pas fait trouver grâce à cette stipulation auprès des malt) Lois civiles, livre III, titre 1er, section VIII. (2) Des dispositions conditionnelles, chapitre V, section II, n* 282. [21 décembre 1790. J gistrats. Attachés aux principes, ils l’ont rejetée; et la charge apposée dans le testament a été expressément déclarée nulle , conformément aux conclusions de M. l'avocat général Joly de Fleury : ce sont les termes des auteurs de la dernière collection de jurisprudence, qui rapportent cet arrêt, et qui attestent en avoir vu la minute (1). Si une pareille condition est nulle à l’égard d’un particulier, de quel œil doit-elle être envisagée, lorsqu’elle est imposée à une donation faite à un roi, qui appartenant à la nation, dont il est le premier magistrat, ne peut avoir d’autre habitation que celle qui lui est indiquée par l’intérêt public. Mais s’il faut eL'aeer de l’acte de donation du Palais-Cardinal, la clause relative à l’habitation de nos rois dans ce palais, il ne reste qu’une donation pure et simple, et libre de toute espèce de charges. Par conséquent, le Palais-Cardinal, en passant dans les mains de Louis XIII, est, à l’instant, devenu domaine public, et s’est fondu dans cette masse sans aucune espèce de distinction. Rien, par conséquent, rien absolument ne s’opposait à ce que ce palais, comme toutes les autres parties du domaine, fût donné en apanage à un fils de France. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du mardi 21 décembre 1790, au soir (2). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. l’abbé Lancelot, secrétaire, fait l’annonce des adresses suivantes : Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la société des Amis de la Consliiution de la ville de Foix ; ils supplient l’Assemblée d’ac-cé érer la Constitution qu’elle a si glorieusement entreprise : « Qu’elle s’élève triomphante, disent-ils, et qu’elte verse des torrems de bienfaits sur ses amis et sur ses ingrats blasphémateurs ! » Adresses des administrateurs du district dé Tartas, et des juges du tribunal du district de Champlitte, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Lettre de M. de Béhagues, président du conseil supérieur d’administration, établi pour le régiment de Poitou, en garnison à Saint-Brieuc, contenant copie d’une fettre qui lui a été écrite par les sous-officiers et soldats de ce régiment, dans laquelle ils expriment la plus vive reconnaissance pour la bonté et In clémence du roi, et en même temps la soumission la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale, qu’il aura sanctionnés . Lettre du président du directoire du département, séant à Perpignan, qui annonce que ia plus grande tranquillité règne actuellement dans cette ville. (1) Denisart, dernière édition : Voyez : condition, § 5, n° 9. pi) Cetle séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.