SÉNÉCHAUSSÉE DE BIGORRE CAHIER. De doléances , vœux et remontrances du clergé de la sénéchaussée de Bigorre (1). Le député de la sénéchaussée de Bigorre réclamera dans l’assemblée des Etats généraux : Religion. 1° Qu’il soit pris des moyens aussi prompts qu’efficaces pour arrêter les funestes progrès de l’irréligion, et mettre un frein à la licence des mœurs. 2° Que, pour faire cesser des scandales qui, dans ce temps de relâchement, font gémir l’Eglise et triompher l’incrédulité, l’assemblée nationale donne une nouvelle sanction aux lois de l’Etat et de police particulière, concernant la sanctification des fêtes, et le respect dû aux saints temples, et qu’elle assure l’exécution des ordonnances des seigneurs évêques, rendues pour la suppression uniforme des fêtes et le renvoi de celles des patrons à un même jour de dimanche, fixe et déterminé. A dministration ecclésiastique. 1° Qu’il soit porté une loi nationale qui nécessite l’observation des saints canons, touchant la résidence des bénéficiers et la pluralité des bénéfices. 2° Que les bénéfices simples à collation ecclésiastique ne soient jamais donnés dans un diocèse qu’à des sujets qui en sont originaires. 3° Que les immunités, franchises et privilèges honorifiques du clergé, et son infl uence sur la législation, lui soient conservés. 4° Qu’il n’y ait, à l’avenir, dans tout le royaume, qu’un seul rituel, même bréviaire, et même catéchisme. 5° Que l’ordre du clergé sera représenté à rassemblée des Etats généraux à venir, comme il sera représenté à la prochaine assemblée et dans le même ordre qu’il a été convoqué (2). 6° Qu’il soit pourvu à l’augmentation uniforme des congrues conformément aux besoins des titulaire? et à la dignité de leur état, et que le sort des vicaires soit amélioré proportionnellement (3). (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. (2) Un grand nombre so sont réunis à demander: 1° Que messieurs les agents généraux du clergé soient admis dans les assemblées nationales, et en fassent partie suivant l’usage constamment observé. 2° Que, sans préjudice de la liberté des élections, il y ait un certain nombre d’évêques, par la raison que cette assemblée devant faire les lois canoniques comme les autres, il est naturel ou plutôt indispensable qu’elle soit, en partie, composée de ceux que la communion catholique regarde comme établis par J.-C. pour le gouvernement et administration de toutes les Eglises. (3) Sur cette demande, les décimateurs observent que, dans plusieurs paroisses, l’entière dîme ne forme pas la congrue à sept cents livres, et que, dans plusieurs autres, elle arrive à peine à cette somme; une augmentation 7° Que la question du double service des curés congruistes, qui demandent que les gros décimateurs soient tenus de pourvoir au service de leurs annexes, soit discutée dans l’assemblée générale de la nation, et la décision soumise à sa prudence. 8° Que les vicaires des curés congruistes, incapables de faire le service de leurs paroisses à raison de leur âge et de leurs infirmités, soient payés par les décimateurs; et en cas d’insuffisance de la dîme locale, des fonds du bureau diocésain (1). 9° Qu’il soit pris des moyens pour assurer aux curés congruistes de Malte un sort aussi favorable que celui de tous leurs confrères, et les soustraire à une amovibilité que les lois réprouvent; et qu’en conséquence, ils ne soient point séparés du reste du clergé pour les impositions pécuniaires. 10° Qu’il soit fourni à l’honoraire des vicaires des curés non congruistes par tous les décimateurs, au prorata de la dîme qu’ils perçoivent (2). 11° Qu’il soit pourvu, par voie d’union et suppression de bénéfices simples et de ceux à la nomination royale, à la dotation des cures des paroisses, où la dîme totale est insuffisante pour former la congrue et d’autres utiles établissements ecclésiastiques, tels que des maisons d’éducation pour les jeunes aspirants à l’état ecclésiastique, et des bénéfices sans charge d’âmes pour des pasteurs vieux et infirmes. 12° Qu’il soit porté une loi qui facilite lesdites unions et suppressions, et qui autorise les évêques à procéder incessamment à celles qui paraîtront nécessaires (3). 13° Que les curés qui font leurs offices paroissiaux dans les églises des chapitres, tant séculiers que réguliers, occupent les hautes stalles et prise sur les dîmes ruinerait les décimateurs, dont les uns les ont acquises à prix d’argent, ou trouvées dans l’héritage de leurs pères; les autres les possèdent comme la dotation des bénéfices spiritualisés, et à la charge d’un service divin : toucher à ces objets, ce serait attaquer la propriété, et anéantir de pieuses institutions qui sollicitent la protection de la religion et de l’Etal. (1) Sur cet article, les décimateurs font les mêmes observations que dans l’article 6. (2) Les décimateurs font, sur cet article, les mêmes observations que sur les articles 6 et 8. (3) Le clergé de Bigorre, ayant plusieurs cures au-dessous de la portion congrue par l’insuffisance des dîmes et un très-grand nombre d’autres dont il est impossible d’augmenter la portion actuelle de 700 francs sans épuiser tout le revenu des décimateurs, demande une loi qui facilite les unions et suppressions auxquelles il est si difficile de parvenir suivant les formes actuelles. Et cette demande est d’autant plus fondée qu’il se trouve, dans certaines contrées du diocèse, des églises et même des cures composées d’un petit nombre d’habitans, et à très-petite distance de chemin praticable l’une de l’autre; par où l’on remédierait encore au très-grand inconvénient de faire biner un bon nombre de curés et de vicaires dans l’impossibilité où on est de foun.ir des prêtres à cette multitude d’églises si indiscrètement prodiguées. 352 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigorre.| ayant rang parmi les... (La fin de la phrase n'a pas été inscrite sur la minute). „ 14° Que les honneurs que les curés décernent aux seigneurs dans les églises soient invariablement fixés. 15° Que, par une loi dérogatoire à l’édit de 1768, tous les curés rentrent irrévocablement et à perpétuité dans ia possession des dîmes novales (1). 16° Que les dîmes inféodées soient assimilées en tout aux dîmes ecclésiastiques, et qu’elles supportent les mêmes charges (2). 17° Que la dotation des bénéfices des ecclésiastiques, au! res que les curés obligés à résidence, soit suffisamment augmentée pouf pourvoir à leur honnête entretien, si mieux on n’aime les dispenser de la résidence, ou supprimer leur titre. 18° Que les conciles provinciaux soient rétablis, ainsi que les synodes diocésains, et que ces derniers soient assemblés de trois en trois ans. 19° Qu’il soit libre aux curés de s’assembler pour leurs intérêts communs, et d’envoyer des députés de leur ordre, en nombre suffisant, aux asssemblées tant générales que provinciales du clergé. 20° Que le bureau diocésain soit régénéré et composé des députés librement choisis dans le clergé séculier et régulier, suffisamment représentatif des différents ordres ; et que les députés de MM. les archiprêtres et curés, pris dans divers districts et par tour de suffragants, seront, ainsi que les autres députés, remplacés de trois en trois ans. 21° Que les bureaux diocésains sont maintenus dans la répartition et recouvrement des impositions royales du clergé, déterminées dans les Etats provinciaux. 22° Que le département des décimes avec la liste des contribuables, et la quotité de leurs impositions respectives, ainsi que les délibérations dudit bureau, soient rendues publiques immédiatement après la tenue de l’assemblée1 par voie d’impression, et que des exemplaires soient envoyés à chaque archiprêlre en nombre égal à celui de tous les intéressés de la suffragance, le tout à la diligence du syndic, qui sera changé ou continué de trois en trois ans, sans cependant que sa gestion puisse s’étendre au delà de six ans. 23° Qu’il soit établi dans les paroisses des villes et de la campagne des bureaux de charité dont la présidence soit accordée au curé, et dont le revenu soit formé par contribution proportionnelle de leurs décimateurs. 24° Qu’il soit érigé, dans chaque église paroissiale non dotée, une fabrique dont le revenu, proportionné à ses besoins, sera formé d’une portion de la dîme de tous fruits prenants (3), en exceptant de cette contribution les curés qui ne jouiraient que du quart de la dîme, et dans le cas d’insuffisance de la dîme, d’une partie de revenu des bénéfices simples ou consistoriaux dont on aura jugé convenable d’éteindre les titres; et que l’administration des fabriques soit réservée au (1) Les décimateurs observent qu’ils ont loi et possession, et même que, par la jurisprudence du Parlement de Toulouse, les Novales rentraient dans la possession des décimateurs après la neuvième année. (2) Les dîmes inféodées étant un bien patrimonial, ce serait attenter à la propriété qui doit être sacrée, que de les soumettres aux mêmes charges que les dîmes ecclésiastiques. (3) Les décimateurs observent: 1° que les fabriques sont souvent très-mal administrées, et 2° que leur établissement causerait un dommage très-considérable à grand nombre de bénéficiers. banc de l’œuvre de chaque paroisse, avec le pouvoir exclusif d’affermer, de percevoir et conserver en totalité les revenus; et qu’en conséquence le dixain que l’église cathédrale de Tarbes est dans l’usage de lever sur les différentes fabriques du diocèse, sera aboli (1). 25° Qu'il soit fait des réclamations contre le droit de vacat et de déport, .et que les droits du secrétariat soient fixés conformément à l’édit de 1695, et que les sujets qui sont obligés de se transporter dans des diocèses étrangers pour être ordonnés, obtiendront leurs démissoires gratis, et seront défrayés de leurs voyages (2). 26° Que ie roi et la nation prennent sous leur protection spéciale les corps religieux, avisent aux moyens de les rendre encore plus utiles, et fixent l’émission des vœux solennels à l’âge de dix-huit ans pour les deux sexes. 27° Qu’on prononce sur le droit de patronage que les non catholiques peuvent prétendre à raison de leurs fiefs, et qu’on remette entre les' mains de l’ordinaire la nomination des bénéfices qui en dépendent jusqu’à ce qu’elle puisse être exercée par un catholique. 28° Qœon exécute la loi projetée par l’assemblée du clergé de 1785, pour prévenir les abus des aliénations, sous quelque dénomination que ce soit, des biens ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, la lettre ministérielle de M. le garde des sceaux n’étant pas suffisante contre toutes les manœuvres usitées pour diminuer et affaiblir les possessions de Tordre séculier et régulier dans chaque diocèse. Economats. 29° Que les économats, considérés comme séquestres, soient détruits; que la réparation desbé néfices soit à l’avenir soumise à la surveillance des bureaux diocésains, et qu’en attendant que ce changement soit opéré, le Roi soit instamment supplié de pourvoir au payement prompt, tant des legs que des pensions qui y sont établies, imposées sur lesdits économats. 30° Qu’il soit fait au Roi d’instantes représentations pour obtenir que la déclaration du 1er décembre 1769, qui soustrait aux recherches dévo-lutoires, les unions faites depuis plus de cent ans aux cathédrales, aux curés, aux séminaires, aux collèges et aux hôpitaux, soit rendue communes à tous les établissements ecclésiastiques. 31° Que l’arrêt du conseil du 5 septembre 1785, qui oblige les ecclésiastiques de passer à l’enchère, et en présence du subdélégué de l’intendant, les premiers baux de construction et reconstruction, soit révoqué. 32° Que les chanoines et prébendes des églises cathédrales et collégiales soient, à l’avenir, convoqués individuellement aux assemblées des sénéchaussées pour la nomination des envoyés aux Etats généraux, et non simplement par député, comme l’a fixé le dernier règlement (3). 33° Qu’il ne soit plus fait à l’avenir de distinction entre les ecclésiastiques habitants des villes, (1) M. le député du chapitre réclame contre la demande de MM. les curés, relative au dixain, comme contraire à un droit constant et confirmé par divers arrêts du parlement. (2) Le procureur fondé de monseigneur l’évêque s’est opposé à cette demande avec plusieurs autres, soit pour le fond, soit pour la forme. (3) Cet article, qui paraît contradictoire à l’article S de l’administration ecclésiastique, n’est qu’une réclamation faite par les chapitres, corps de prébendés et religieux rentés. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée de Bigorre.l 353 et ceux habitants de la campagne non bénéficiers pour la convocation aux Etats généraux; et que les membres de l’ordre de Malte ne soient plus confondus avec ceux du clergé dans les assemblées ecclésiastiques des sénéchaussées. Administration politique générale. 1° Que pour maintenir le royaume dans un état de prospérité constant, le retour périodique des Etats généraux soit assuré de cinq ans en cinq ans. 2° Que la forme de convocation, la composition de ces assemblées nationales soient invariablement fixées, de manière à voter non par tête, mais par ordre. 3° Que les ministres d’Etat soient rendus responsables de leur administration à la nation assemblée. 4° Que la dette nationale soit constatée. 5° Que la nation ne soit jamais imposée sans son consentement exprimé aux Etats généraux. 6° Que l’impôt ne soit consenti, qu’au préalable les objets importan ts qui doivent occuper rassemblée nationale ne soient arrêtés. 7° Que les impôts soient répartis par égalité proportionnelle sur tous les biens des trois ordres ; qu’il soit représenté aux Etats généraux que l’ordre du clergé ayant contracté une dette énorme pour l’utilité de l’Etat, la nation doit l’assumer sur elle. 8° Que les curés aient leurs représentants tirés de leur ordre aux Etats généraux, ainsi que dans toutes les assemblées civiles quelconques. 9° Que les Etats provinciaux soient réformés ; qu’ils soient organisés de la manière la plus représentative, la plus utile à tous les ordres et à tous les individus des provinces, y compris les religieux ; et que tous les pays qui en furent an-ciennementdémembrés y soient de nouveau réunis. 10° Que les rangs que doivent occuper les membres du clergé séculier et régulier dans les assemblées, tant civiles qu’ecclésiastiques, soient irrévocablement fixés. 11° Que les fonds des caisses provinciales passent directement au trésor royal. 12° Que la connaissance de tous les objets d’administration desintendants soità l'avenir attribuée aux Etats provinciaux. 13° Que toutes les pensions, obtenues sans titre légitime jusqu’à ce jour, soient supprimées ; que celles qui seront désormais accordées le soient équitablement, et que la liste des pensionnaires et de la quotité des pensions soit rendue publique, chaque année, par voie d’impression. 14° Que les abus des droits féodaux soient réformés. 15° Que les milices soient abolies, et remplacées d’une manière plus compatible avec la liberté des citoyens. 16° Que, dans l’intérêt du peuple, les maîtrises des arts et métiers, elles offices des jurés-priseurs soient supprimés. 17° Que les corps municipaux des villes soient à l’avenir formés par le libre choix des habitants. 18° Que les lettres de cachet soient totalement abolies; que celles qui ont été données jusqu’à ce jour soient révoquées ; et que, pour les crimes, s’il yen a, contre lesquels elles ont été données, les accusés soient renvoyésdevantleursjugesnaturels. 19° Que l’administration des haras soit supprimée, et que la liberté, sous ce rapport, soit rendue aux citoyens. Finances. 1° Qu’on supprime tous les droits perçus sur les marchandises dans l’intérieur du royaume. 2° Qu’il soit avisé aux moyens les plus prompts de se mettre à l’abri des vexations des employés dans les fermes du Roi. 3° Qu’il soit libre à tous les débitants de tabac, de le prendre en bille, et de le distribuer en cette forme ou râpé. 4° Que tous les impôts sur tous les comestibles soient abolis. 5° Que les droits de contrôle sur les testaments, donations et autres actes quelconques soient restreints et exprimés d’une manière si claire que le tarif ne dépende point de l’interprétation arbitraire des commis intéressés; qu’on ne soit pas obligé de payer, en aucuns cas, au delà du droit simple, et qu’il soit permis aux bénéficiers d’affermer leurs bénéfices sous police privée, comme les autres citoyens. 6° Que les droits d’amortissement soient éteints en faveur des dons et établissements pour les pauvres, pour les mariages des filles de cette classe, et pour les églises de la campagne, et pour tous les établissements publics. 7° Que tous les gens de main morte puissent placer leurs capitaux sur des particuliers. Enseignement public. l°Que les examens à subir dans les universités pour l’obtention des grades, soient rendus plus sévères ; que les études y soient plus surveillées, plus suivies. 2° Que l’agrégation du college de la ville de Tarbes aux universités de Pau ou de Toulouse soit sollicitée. 3° Que l’enseignement des collèges ne soit jamais confié qu’à des maîtres d’une vertu éprouvée, et distingués par leurs talents ; et que, pour en trouver un nombre suffisant, leurs fonctions soient anoblies par des distinctions honorables, et leur zèle excité par des récompenses dignes de leur service. Justice ecclésiastique. 1° Que les officiaux soient maintenus dans leurs juridictions, et que la compétence de leur ressort soit déterminée par des lois précises. 2° Que, comme on ne peut disconvenir qu’il n’y ait grand nombre d’abus dans les injonctions des tribunaux relatives aux monitoires, et cependant la société étant infiniment intéressée à conserver toute la force de ce dernier ressort, d’une obligation religieuse, 1° ces menaces de l’Eglise ne puissent être juridiquement requises, si ce n’est pour découvrir le crime d’Etat, de meurtre, et des vols très-considérables, et jamais qu’après avoir épuisé toutes les voies d’information ; 2° Qu’aucuns juges inférieurs aux bailliages et sénéchaussées ne puissent faire cette réquisition; mais qu’ils soient tenus d’en référer aux lieutenants généraux ou criminels dudit bailliage , lesquels appeleront pour ces jugements six personnes, savoir : trois magistrats du siège et trois ecclésiastiques, soit curés de ville, soit constitués en dignité. 3° Que les évêques n’auront pas le droit d’envoyer les ecclésiastiques au séminaire, que de l’a� is et consentement de la suffragance signée au procès-verbal, et en conséquence solliciter la révocation de la déclaration du 15 décembre 1698. lre Série, T. II. 23 354 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigorre.] Justice civile et criminelle. 4° Qu’il soit établi, dans tous les lieux où seront les tribunaux de justice, des tribunaux arbitres, dont les magistrats ne soient occupés qu’à ménager des arrangements entre les parties. 2° Que les ressorts des cours souveraines soient restreints et arrondis de la manière la plus commode pour les justiciables, ainsi que ceux des tribunaux subalternes ; que l’attribution souveraine soit donnée à ces derniers, jusqu’à la somme de 2000 livres, et que les tribunaux d’exception et des justices des seigneurs soient supprimés. 3° Que les offices de judicature ne soient plus sujets à la vénalité ; que la forme des procédures soit simplifiée, les frais modérés, et toutes taxes arbitraires proscrites. 4° Que le droit de police et de condamnation pécuniaire, sans appel jusqu’à la somme de trente livres pour les villes, et de dix pour les villages, soit attribué aux officiers municipaux des villes, et aux consuls des paroisses de campagne. 5° Que la réforme des Codes civil et criminel soit confiée aux jurisconsultes les plus éclairés du royaume, qui seront chargés de faire rapport de leur travail à la première assemblée nalionale, et qu’il soit procédé à ce travail le plus tôt possible. 6° Que, néanmoins, les vices les plus choquants de notre législation soient réformés sans délai. 7° Que les prisons soient rendues plus saines, et que ceux qui y sont détenus pour crime, soient séparés de ceux qui n’y sont que pour dettes. 8° Que la mendicité, celte lèpre hideuse du royaume et de l’humanité, sera entièrement abolie, non par des voies de force et de contrainte, comme on l’a fait jusqu’ici, remède cent fois pis que le mal, mais en établissant, dans toutes les villes et bourgs un peu considérables, des maisons ou ateliers de charité, qui fournissent du travail aux personnes valides, même aux enfants, et des secours constants aux vieillards ou infirmes, qu’on ue reçoit point dans les hôpitaux. Ces maisons seraient sous l’inspection d’un petit nombre de magistrats et d’ecclésiastiques les plus reconnus par leur zèle, et le clergé concourrait de tout son pouvoir à les soutenir. 9° Que la loi de 1776, touchant les sépultures, soit rigoureusement exécutée dans tout le royaume, sans qu’aucune cour puisse y déroger, et que, déplus, il en sera fait une des plus précises et des plus inviolables contre les abus des enterrements précipités ou les accidents effroyables qu’ils produisent chaque jour. Qu'il ne soit jamais permis d’enterrer, ni même de mettre dans la bière avant vingt-quatre heures expirées, si ce n’est pour cause d’infection constatée par procès-verbal du juge, ou, en son absence, des officiers municipaux, sur le rapport des médecins ou chirurgiens jurés ; qu’en cas de mort soudaine, on sera obligé d’attendre trente-six heures révolues; et que tous rapports et procès-verbaux à faire dans ces occasions soient gratis et sans aucuns émoluments, ainsi que ceux qui se font au sujet des personnes noyées ou trouvées mortes hors de leurs maison. Signé Gardey, président ; Doléac, curé, commissaire, avec réserve de faire usage et même im-K rimer le cahier d’observations paraphé par [. le président; l’abbé deCharitte, commissaire; dom Dousset, prieur de l’abbaye de Saint-Pie ; Rivière ; Laporte-Gasteran, commissaires ; et Isaac, secrétaire. SUPPLÉMENT AU CAHIER DE DOLÉANCES DU [CLERGÉ DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BIGORRE, fourni par Alexis Doléac, prêtre , curé congruiste de la paroisse de Beaudan , un des douze commissaires de l’assemblée générale du clergé , tenue dans la ville de Tarbes, à l'occasion des prochains Etats généraux. AU ROI ET AUX ÉTATS GÉNÉRAUX-Vous demandez la vérité, et notre vœu était de vous la produire, tout aussi nue qu’elle repose dans nos cœurs. À la prochaine assemblée, le cahier des doléances du clergé de la sénéchausœe de Bigorre vous la portera avec toute la pureté qui convient à l’ordre qui parle et à la latitude où elle doit être rédigée. Quant à présent, le vrai y est un peu mélangé et affaibli, mais il n’est pas bien loin : ilestcaché dans la très-majeure partie des âmes, avec un désir ardent d’éclore, dont je dois ici vous rendre compte, par ce que j’en ai la charge, et que j’en ai été le témoin. Si le vrai se trouve quelquefois proscrit, ce n’est pas la faute du très-grand nombre c’est le plus petit, qui veut, bon gré, mal gré, le tenir encore enchaîné un instant, et pour cette fois-ci seulement. Mais il est bien avéré qu’on ne laissera plus rien à désirer à l’avenir. En attendant, l’on met, sous la protection spéciale du Roi et de la nation, onze observations ou réclamations qui ont été constamment repoussées, malgré la volonté générale, et uniquement parce qu’on n’a jamais pu obtenir que les voix fussent recueillies. Cette universalité si remarquable et si constante, quoique pour le moment si peu utile, fait croire que voilà la circonstance où il faut reproduire le vœu général, qui ne peut être soustrait sous peine d’infidélité caractérisée de la part des sujets du Roi dans le clergé de la sénéchaussée de Bigorre, et qui sont tout à la fois les associés affectionnés de la nation. Leurs noms se trouveront à la fi il de ce cahier. La minute sera remise sitôt qu’elle sera demandée. (Suit le supplément.) Le député du clergé de la sénéchaussée de Bigorre présentera à Rassemblée des Etats généraux, pour le compte du susdit curé et commissaire, les observations suivantes, et réclamera en son nom, auquel se sont joints les prêtres et curés soussignés : 1° Qu’il soit porté une loi nationale qui défende à tout Français, sous peine d’être réputé infâme, défaire, ni directement ni indirectement, la traite des nègres ; et qu’il soit pris, avec les colons d’Amérique, des moyens pour rendre, le plus tôt possible, à ceux qui sont esclaves dans les colonies françaises, la liberté individuelle ; 2° Le premier article des doléancesdu clergé de la sénéchaussée de Bigorre porte : « qu’il soit « pris le plus tôt possible des moyens aussi « prompts qu’efficaces, pour arrêter les funestes « progrès de l’irréligion, et mettre un frein à la « licence des mœurs. » Celte demande est vague et n’offre à l’administration aucune vue satisfaisante. Mais, d’autant que les moyens d’arrêter les funestes progrès de l’irréligion et la licence des mœurs, nous ont été laissés spécialement par le Sauveur du monde, on réclame, par addition, de la justice bienfaisante du Roi et de la nation : que ceux à qui le glaive de la parole a été remis pour défendre le patrimoine de Jésus-Christ et pour le surveiller, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigoree.] [États gén. 1789. Cahiers.] soient tenus désormais d’en user par eux-mêmes, autant que faire se pourra ; et qu’ils ne s’en dessaisissent jamais sous de légers prétextes, nommément temporels, pour le livrer à des sujets même capables, parce qu’il ne suffit par toujours de dire, ni même de très-bien dire, pour produire les grands effets de la grâce : il faut de plus parler avec autorité. Or, les moines et les religieux, qui occupent en grande partie, dans le royaume, les chaires évangéliques, ne sont, à proprement parler, que les ouailles, et notre divin instituteur n’a pas promis les succès éclatants et solides de la religion à ces auxiliaires, mais aux apôtres et à leurs successeurs. C’est donc à ces bases fondamentales de l’Eglise à évangéliser dans leurs diocèses ; c’est aux propres pasteurs à prêcher dans leurs églises particulières, parce que la stabilité de la foi et la pureté des mœurs reposent essentiellement sur ceux qui ont été principalement constitués. C’est à ces voix puissantes, qui brisent les cèdres, à se faire entendre ; plus les temps sont devenus difficiles, plus elles doivent tonner pour terrasser le vice et l’incrédulité. Quelles s’élèvent de partout, ces voix formidables, et selon toute r étendue du saint ministère. C’est à leur efficacité, et non à des sons quasi perdus, qu’il est réservé de faire disparaître la perversité des mœurs et l’irréligion. 3° Le second article des doléances demande encore une addition ; le texte porte : « que pour « faire cesser des scandales qui, dans ces temps « de relâchement, font gémir l’Eglise et triompher « l’incrédulité, l’Assemblée nationale donne une « sanction nouvelle aux lois de l'Etat et de police « particulière, concernant la sanctification des « fêtes et le respect dû aux saints temples ; et « qu’elle assure l’exécution des ordonnances des « seigneurs évêques, rendues pour la suppression « uniforme des fêtes, et le renvoi de celles des « patrons à un même jour de dimanche fixe et « déterminé. » Ges moyens sont nécessaires pour faire cesser les scandales dont on se plaint, mais ils sont insuffisants : en conséquence, il est expressément demandé au Roi et à la nation que, pour opérer cetle rôformation désirable, le zèle des pasteurs de paroisses soit singulièrement favorisé, et que, pour leur donner le pouvoir d’y concourir avec fruit dans toute l’étendue du royaume, toute la prépondérance de leur état leur soit incessamment rendue. Elle leur a été enlevée au grand détriment de la religion par le corps épiscopal lui-même, qui a sollicité des lois pour restreindre leur ministère, et pour avilir leurs personnes. Que les curés aient, comme par le passé, et comme ils en ont joui l’espace de plus de seize siècles, le libre choix de leurs coopérateurs dans leurs églises. Qu’ils ne soient plus flétris par une loi qui laisse à l’évêque l’injuste, l’odieuse faculté d’envoyer pour trois mois au séminaire les curés et les prêtres ayant charge d’âmes, despotiquement et nonobstant l’appel. Que l’Eglise de France, qui est suffisamment dotée, arrache enfin cette partie du clergé, après les évêques la plus précieuse de la hiérarchie , à la pénible, à la honteuse indigence, à l’humiliante dépendance d’un vil casuel, pour pourvoir à sa subsistance ; et ces bons et utiles pasteurs auront bientôt repris, par leurs lumières, par la pureté de leurs mœurs, et par leur travail journalier, tout l’ascendant qu’ils doivent avoir, pour rétablir, sous l’autorité des évêques, la religion et les vertus dans toutes leurs prérogatives. 4° Le cinquième article des doléances touchant l’administration ecclésiastique porte : « que l’ordre « du clergé sera à l’avenir représenté aux assem-« blées des Etats généraux, comme U sera repré-« sentéà la prochaine assemblée, en -suivant le « même ordre dans la convocation. » M. l’abbé d’Arguel, procureur fondé de Mgr l’évêque, a protesté contre cet article, et a dit : Un grand nombre se sont réunis à demander « l°que « les agents généraux du clergé soient admis dans « les assemblées nationales, suivant l’usage con-« stamment observé ; 2° que, sans préjudice des « élections, ils aient toujours un certain nombre « d’évêques, par la raison que celte assemblée « devant faire les lois canoniques comme les au-« très, il est naturel ou plutôt indispensable qu’elle « soit en partie composée de ceux que la com-« munion catholique regarde comme établis par « Jésus-Christ, pour le gouvernement et adminis-« tration de toutes les églises. » À quoi il est répondu que la nation pourra, si elle le trouve convenable (et c’est le vœu du répondant), donner aux évêques toute l’influence nécessaire pour la confection des lois canoniques, en leur accordant dans l’assemblée une voix consultative suffisante; mais il n’en faut pas davantage pour remplir convenablement cet objet. Si, d’ailleurs, l’assemblée des Etats généraux était composée en partie d'évêques avec les agents généraux du clergé , il en résulterait deux inconvénients très-graves : 1° cette composition rendrait le clergé du second ordre absolument nul ; 2° l’esprit de corps , qu’il importe infiniment d’éloigner de l’assemblée, prendrait dans les délibérations la place de l’esprit public, qu’il es essentiel de favoriser. Ces deux considérations doivent donner à la réclamation deM. l’abbé d’Arguel sa juste valeur. 5° L’article 6, qui suit immédiatement, s’exprime ainsi : « Qu’il soit pourvu à l’augmentation « uniforme des congrues, conformément aux be-« soins des titulaires et à la dignité de leurœtal ; « que le sort des vicaires soit amélioré propor-« tionnellement, etque la question de double ser-« vice des curés congruistes, qui demandent xfue « les gros décimateurs soient tenus de pourvoir « au service de leurs annexes, soit discutée dans « l’assemblée générale de la nation, et la décision « soumise à sa prudence. » L’article 7, qui vient après, porte : .« que les « vicaires des curés congruistes, incapables de « faire le service de leurs paroisses, soit >à raison « de leur âge ou de leurs infirmités, seront payés « par les décimateurs, et en cas d’insuffisance, « par le bureau diocésain. » L’article 9, qui suit bientôt après, dit : « qu’il « soit fourni à i’honoraire des vicaires des curés « non congruistes, par tous les décimateurs, au « prorata de la dîme qu’ils perçoivent. » Sur ces trois articles, l’observation des gros décimateurs est la même ; ils se réunissent à dire : « que dans plusieurs paroisses, l’entière « dîme ne forme pas la congrue à 700 livrés et « que, dans plusieurs autres, elle arrive à peine à « cette somme. Une augmentation, prise sur les « dîmes, ruinerait les décimateurs, dont les uns « les ontacquises à prix d’argent, ou trouvées dans « les héritages de leurs pères; les autres les pos-« sèdent comme la dotation de leurs bénéfices « spiritualisés, et à la charge d’un serviee divin. « Toucher à ces objets, ce serait ;attâquer la pro-« priété, et anéantir de pieuses institutions, qui « réclament la protection de la religion et 4e « l’Etat. » 336 [Étal» gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigorre.] La réponse à l’observation ne peut pas être une discussion, parce qu’elle serait trop longue. Pour cette raison, l’on est obligé de se borner à présenter l’absurdité qui résulterait de l’admission du voeu des décimateurs. Si le Roi et la nation pouvaient écouter favorablement les décimateurs, actuellement nantis de la dime, il s’ensuivrait nécessairement que les pasteurs, occupés au service des paroisses, ainsi que leurs coopérateurs, seraient à peu près sans subsistance, les églises sans dotation, et les pauvres à la merci. Quoique, dans le droit, ils soient les uns et les autres les décimateurs essentiels avec l’évêque, qui est le premier de tous, le vœu bien formel de la religion et des peuples qui fournissent la dîme se réunit à ce que les biens ecclésiastiques soient tellement consacrés aux quatre premières destinations , qu’aucuns ne puissent être détournés à aucun autre emploi, à aucune autre œuvre, à aucun autre service divin spécial, qu’autant qu’il s’en trouvera de surabondants. Les intentions privées des fondateurs elles-mêmes doivent céder en tout aux premières nécessités de l’Eglise. Ce sont là les premiers éléments, l’application en est tout aussi simple : ce sont les pasteurs du premier et du second ordre, et leurs coopérateurs, qui sont les premiers appelés pour la dotation ; l’entretien des églises paroissiales et les pauvres viennent immédiatement après, parce que les églises sont indispensables; et quant aux pauvres, leur part est établie avec le christianisme, et les fidèles les ont eus singulièrement en vue dans l’institution de la dîme. La raison qui est imprescriptible veut que le luxe et la décoration paraissent dans le dernier rang-dans l’église d’un Dieu anéanti; l’utilité est, dans le sanctuaire, la considération première, et toutes les dignités stériles ou presque sans emploi, le dernier de tous les titres. Les gros décimateurs ont, n’importe comment, dans leurs mains les biens des églises; iis doivent s’empresser de les vider et de sacrifier à l’essentiel. Les pieuses institutions, qui ne sont que secondaires, ne sollicitent efficacement la protection de la religion et de l’Etat, qu’après qu’il a été suffisamment pourvu, et dans le premier rang, à ce qui intéresse de plus près l’Etat et la religion, savoir, encore une fois, les pasteurs, les églises et les pauvres. Les autres établissements, quels qu’ils soient, ne peuvent venir qu’à la suite (1). 6° L’article 10 ayant mérité une observation de la part de M. l’abbé d’Arguel, procureur fondé de Mgr l’Evêque, il est nécessaire de la placer ici. Mais il faut commencer par les doléances qui portent : « qu’il soit pourvu, par voie d’union et « de suppression de bénéfices simples et de ceux « à nomination royale, à la dotation des cures de « paroisses où la dîme est insuffisante pour for-« mer la congrue, et d’autres établissements utiles « et ecclésiastiques, tels que des maisons d’édu-« cation pour les jeunes ecclésiastiques, et des « bénéfices sans charge d’âmes pour les pasteurs « vieux et infirmes. » Suit l’observation de M. l’abbé d’Arguel : « Le (1) Ce ne sera pas ruiner le chapitre ni les archidiacres (qui sont de ce corps, puisqu’ils ne peuvent être pourvus de leurs dignités qu’ils n’aienl au moins un cano-nicat {ad effectum) que de leur assigner une portion congrue, qui, par sa médiocrité, les ramène à la vie commune, qui est leur première institution. Voici un temps où toutes les dépenses sont réduites; il n’y a pas de réduction mieux placée que celle qui rappelle par l’économie le chapitre à l’ordre primitif, si l’on croit qu’il doive subsister un chapitre à Tarbes. « clergé de Bigorre ayant plusieurs cures au-« dessous de la portion congrue par l’insuffisance « des dîmes, et un très-grand nombre d’autres « dont il est impossible d’augmenter la portion « actuelle sans épuiser tout le revenu des déci-« mateurs, demande une loi qui facilite les unions « et les suppressions, auxquelles il est si difficile « de pourvoir suivant les lois actuelles ; et cette «demande est d’autant plus fondée, qu’il se « trouve, dans certaines contrées du diocèse, des « églises et même des cures composées d’un petit « nombre d’habitants, et à très-petite distance de « chemin praticable l’une de l’autre : par où l’on « remédierait encore au très-grand inconvénient « de faire biner un bon nombre de curés et de « vicaires, dans l’impossibilité où l’on est de « fournir des prêtres à cette multitude d’églises si « indiscrètement prodiguées. » Il est affirmé contre M. l’abbé d’Arguel, qu’une loi qui faciliterait les unions aux cures et les suppressions d’églises, serait, tout à la fois, peu religieuse et très-im politique. Bien loin de joindre son vœu à une pareille supplique, on sollicite le Roi et la nation, avec instance, de prendre en considération la demande toute contraire : une attention que doit avoir pour les fidèles du royaume, une. nation qui a le bonheur d’avoir à sa tête un roi très-chrétien, c’est de veiller à ce qu’il soit donné aux peuplades les moins nombreuses un prêtre résidant, qui les instruise, qui les unisse entre elles, qui les console dans leur misère et dans leur exil, qui les lie au monarque et au bien général. Tous les pasteurs honnêtes, qui auront exercé à la campagne le saint ministère, diront que tous les peuples, à qui les secours spirituels ne viennent pas s'offrir comme d’eux-mémes et continuellement, sont généralement sans religion, qu’ils en négligent même les observances extérieures les plus indispensables, et qu’après avoir été étrangers au culte durant la vie, iis meurent communément sans avoir reçu les secours spirituels. Un fait de cette importance doit être si peu méconnu, que c’est ici le moment où l’Egiise de France doit solliciter de la piété bienfaisante du Roi et de la nation des moyens efficaces pour que, désormais, les moindres populations soient pourvues d’un prêtre et d’une église ; et qu’à ces fins, les prébendes et autres ecclésiastiques, qui n’ont point charge d’àmes, soient envoyés dans ces nouveaux titres, pour y remplir les fonctions de pasteurs. Que deviendraient, si jamais le projet des unions et des suppressions pouvait prévaloir, ces hommes agrestes et demi-sauvages, que le joug de la religion, porté dès l’enfance, a déjà tant de peine à contenir? Livrés désormais à toutes les impressions de l’intérêt personnel, aux passions, à la dépravation naturelle du cœur, ils seraient nécessairement perdus sans ressource pour la religion; et pour l’Etat, quel déluge de maux n’en résulterait-il pas ! La société, entourée de cette classe d’hommes, qui échappent à tous les autres liens de la sociabilité, serait continuellement exposée, si elle pouvait cesser d’être garantie par tout le pouvoir des principes religieux inculqués de bonne heure à ces âmes, d’ailleurs sans culture et sans frein. Il faudrait alors tripler les maréchaussées, et l’on aurait encore moins de sûreté que n’en procure l’instruction habituelle des pasteurs. D’autre part, que deviendrait le plan d’une population uniforme, si bien vu, quoique si peu exécuté, et néanmoins si avantageux, si, au lieu de fixer l’homme dans les champs par les secours prochains de la religion ; si, au lieu de l’v civi- [Etats gén. 1789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigorre.] 357 liser par ses continuelles influences, l’on rappelait tout aux grands lieux et aux villes, déjà trop peuplées en comparaison des campagnes? C’est-à-dire, que c’est l’opinion contraire qui est justement la seule bonne, et qu’il faut disperser cette multitude d’ecclésiastiques, qui inondent les cités, sur le sol stérile qu’ils ont dévasté par i’ex-portalion annuelle de la dîme. Cent mille livres, ou environ, absorbées par l’ensemble du chapitre dans la petite ville de Tarbes, si elles ôtaient uniformément répandues dans la province, fertiliseraient tous les lieux qui s’épuisent et s’appauvrissent chaque jour pour fournir à cette pieuse, mais trop grevante décoration. On se plaint de l’insuffisance des prêtres, pour provoquer des unions et des suppressions. 11 n’y a pas trois mois qu’il y en avait nombre qui étaient sans emploi, faute de place. Le diocèse de Tarbes a toujours été abondamment fourni d’ecclésiastiques; il en a souvent donné aux autres provinces, et il surabondera à mesure qu’il s’y formera des établissements, surtout si la subsistance du prêtre occupé daDs les paroisses devient suffisante. D’ailleurs, au lieu de supprimer des cures et des églises, lorsque la religion et la politique sollicitent, au contraire, de nouveaux titres, pourquoi ne préférerait-on pas de prononcer la' dissolution des collégiales, des consorces, même des chapitres? Cela donnerait aux églises, nouvellement érigées, des pasteurs et des dotations. Voilà ce qu’il serait avantageux d’accueillir, non pas des unions de paroisses et des suppressions d’églises, qui seraient, dans le fait, un scandale pour la religion, pour la population une plaie mortelle, pour la sûreté publique un attentat, et pour le peuple un motif de se refuser à l’acquittement de la dîme. L’article 23 porte : « Qu’il sera érigé dans cha-« que église paroissiale, non dotée, une fabrique, « dont le revenu, proportionné à ses besoins, sera « formé d’une portion delà dîme de tous les fruits « prenants. » On ne croirait pas qu’une demande qui est de droit commun serait jamais exposée à une contradiction; cependant les décimateurs observent « 1° que les fabriques sont souvent mal gou-« vernées; 2° que leur établissement causerait « un dommage très-considérable à grand nombre « de décimateurs. » L’observation prouve seulement à quel point ces bénéficiers ont à cœur de garder dans leur lot ce qui doit revenir aux fabriques. 1° Il s’agit ici de la part qui leur appartient, et la bonne ou mauvaise administration n’est qu’un faux-fuyant, que les décimateurs ne peuvent pas employer; c’est ici le bien d’un tier s; 2° la visite des évêques, le ministère public et la surveillance des curés sont des garants suffisants du régime des fabriques, supposé que les paroissiens et lesmar-guilliers négligeassent de remplir annuellement leur devoir au banc de l’œuvre. 8° L’article 24 porte : « Qu’il sera fait des ré-« clamations contre le droit de vacat et de dé-« port, et que les droits du secrétariat soient fixés « conformément à l’édit de 1695; et que les sujets « qui sont obligés de se transporter dans les « diocèses étrangers pour être ordonnés, obtien-« nent leurs démissoires gratis, et qu’ils soient « défrayés de leur voyage. » Le procureur fondé’deMgrlevêque s’est opposé à cet article, et pour le fond et pour la forme; mais on ignore les motifs de sa réclamation. L’on ne saurait croire que Mgr l’évêque se fut opposé à l’article 24, s’il eût été présent. D’ailleurs, le vacat ou déport est une tolérance dans le diocèse plutôt qu’un droit; d’ailleurs, c’est une perception d’autant moins favorable, que c’est une levée sur un pauvre ecclésiastique qui est au moment de former son établissement, et qui, communément dénué de tout, doit longtemps vivre sans revenu. Le relâchement, qui est ordinairement fait aux évêques du droit de régale, enseigne, par un exemple frappant, combien ils doivent, à plus forte raison, apporter de désintéressement dans la collation des bénéfices. C’est le Roi lui-même qui dit par là aux prélats : qu’ayant reçu gratis, ils doivent donner gratis. Quan t aux taxes perçues dans certains secrétariats, les grands évêques se font un devoir de marcher sur les traces des Goislin , des Noailles , des Feydeau, des Amelot, etc., qui, non-seulement ne voulurent jamais descendre jusqu’à ce petit lucre, mais qui publièrent des mandements contraires, lorsque les nouvelles lois eurent permis quelques taxes modérées. L’on est convaincu que Mgr l’évêque de Tarbes ne cédera jamais à aucun de ses confrères en justice, en désintéressement et en générosité. Il a défrayé les sujets de son diocèse, lorsqu’ils sont allés recevoir l’ordination dans les diocèses étrangers, et l’article ne regarde ici que le siège. 9° L’article 25 réclame : « Que le Roi et la na-« tion, prenant sous leur protection les ordres « religieux, avisent au moyen de les rendre plus « utiles, et fixent l’émission des vœux solennels à « dix-huit ans ». Quelque attache que puisse avoir pour les corps religieux le clergé séculier, il ne peut pas se dissimuler que, par une révolution survenue dans les mœurs générales, ils ne se trouvent plus placés dans l’opinion aussi avantageusement qu’ils peuvent le mériter, et que l’on résiste bien difficilement aux idées publiques. 11 est fort à craindre que les Etats généraux, qui ne peuvent être que la manière de penser universelle, ne demeurent, à cet égard, attachés à leurs vues ; et il faut convenir que l’on a bien peu à cœur de se rendre favorables le Roi et la nation, lorsqu’on leur propose de fixer l’émission des vœux à dix-huit ans : c’est demander indiscrètement que la raison fasse des pas rétrogrades, et que les droits de l’homme, qui doivent toujours devenir plus sacrés, soient désormais moins respectés. Ce n’est pas ainsi qu’il faut produire ses vœux, lorsqu’on désire de gagner le suffrage d’une nation éclairée et d’un roi législateur. Une bonne demande à faire au Roi et à la nation, et qui va aux intérêts delà société générale des individus, c’est de solliciter, pour tous les corps religieux, leur réunion au clergé séculier. Celui-ci ne devra se faire aucune difficulté de les recevoir dans son sein, le dépôt de la religion lui ayant été spécialement confié, et étant, par conséquent, l’ordre religieux par excellence. Et, de leur côté, les corps, appelés réguliers, ne se trouveront que mieux établis dans la religion par cette loi, puisque la cléricature a toujours été pour eux la récompense de la perfection monastique et religieuse, et qu’ils y reçoivent les plus hautes dignités que peut conférer l’Église, sans en excepter la tiare. Us savent parfaitement que le clergé séculier rejette, comme eux, les désirs séculiers, et qu’il ne participe aux choses du siècle que pour les diriger vers le bien et les améliorer. Que, hors les temps destinés aux occupations publiques, liées au saint ministère et aux bienséances, indispensables, il médite, comme eux, dans la retraite, les vertus qui doivent lui faire exercer avec fruit les fonctions augustes auxquelles il 3S8 [État» gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigorre.] est consacré. Ainsi, cette réunion, gui fournirait au clergé séeulier des hommes précieux pour les services les plus directs de la religion, serait pour les réguliers une occasion de se sanctifier toujours davantage, en devenant encore plus utiles à la religion et à la société gui les désire. 10° L'article premier sur la justice eccclésias-tique, s’exprime ainsi : « Que les officiaux soient « maintenus dans leurs juridictions ; que lacom-< pétence de leur ressort soit déterminée par des « lois précises. » Il est demandé, au contraire, au Roi et à la nation, que la juridiction ecclésiastique soit désormais purement spirituelle; qu’elle soit bornée: 1°' à enseigner ce que Jésus-Christ a ordonné de croire ■; en conséquence, qu’elle réprime toute innovation ; 2° qu’elle continue à prononcer sur les-pédheurs qui sont dignes d'être absous, et sur ceux qui n’en sont pas dignes, parce qu’à elle appartient exclusivement le droit de lier et de délier ; 3° qu’elle retranche ceux qui ne veulent pas lui obéir, les monitions préalablement faites aux obstinés et aux incorrigibles. Mais que le contentieux soit remis aux justices séculières. Lorsque les évêques l’ont exercé par eux-mêmes, il en est résulté de grands biens ; c’étaient des pères qui prononçaient entre leurs enfants. Mais les ofhciaux ne présentent plus les mêmes avantages. Ce ne sont plus que des juges, presque tous au-dessous de ceux dont on se réunit partout à demander la suppression. 11° Les doléances sur la justice civile et criminelle, article 2, portent : « Que les ressorts des « cours souveraines soient restreints et arrondis « de la manière la plus commode pour les justice ciables, ainsi que de ceux des tribunaux subal-« ternes; que l’attribution souveraine soit donnée « à ces derniers, jusqu’à la somme de 2,000 livres « et que les tribunaux d’exception et des justices « des-seigneurs soient supprimés. » Le suj-et de cette dernière observation est de la plus harüte importance, et sous tous les points de vue. S’il est nécessaire, pour l’utilité publique, de toucher à l’étendue de certains Parlements, il faudra bien que la nation s’y détermine. Mais c’est toujours avec une sorte de circonspection religieuse que ce petit nombre de cours souveraines doit être restreint et arrondi, en laissant subsister la très-majeure partie sous la forme actuelle, sans jamais perdre de vue, en formant l’arrondissement de ces compagnies augustes qu’on croira meilleur de restreindre, qu’il est indispensable de leur conserver un travail qui nécessite un nombre considérable de juges. Sans ces précautions, qui ne sauraient être trop soigneusement observées, on porterait un coup mortel à la chose publique et aux intérêts approfondis des justiciables. Il n’appartient qu’à des grands corps de-magistrature, toujours assemblés, de surveiller constamment les grands objets nationaux. Il n’y a qu’eux qui puissent tenir la balance, lorsqu'il s agit de peser, en dernier ressort, la vie, Phonncur, la liberté et les autres propriétés des citoyens. Les grandes fortunes dont ils jouissent, et qui les rendent, en quelque sorte, indépendants5; une sévérité de mœurs qui leur est propre; la-grande considération qui les entoure, feront toujours reposer la nation française dans la sûreté de ses propriétés, tant qu’elle saura conserver ce sénat vénérable dans ses prérogatives. Comme il n’y aura» jamais rien à gagner dans cet état émi-n enttpâr la prévarication, il saura toujours garder iüfpéitttifbablemeBt stt réputation pour le-bien des citoyens; il la regardera, dans les moments les plus" difficiles, comme le seul trésor dont il doive être jaloux, et qu’aucun autre avantage ne pourrait remplacer. Quoi que l’on puisse dire, dans des instants de préoccupation, de ces tribunaux magnanimes qui ont été, dans tous les temps, les héros de la liberté patriotique, il demeurera toujours avéré qu’ils sont tout ce que l’on pourra jamais trouver de plus intègre et de plus éclairé dans les jugements des hommes. Le vœu de tout citoyen honnête et de tout homme attaché à ses propriétés, sera toujours qu’ils continuent à être, partout, les juges en dernier ressort de toutes les causes quelconques. Les commettre en dernière instance et sans retour aux décisions des juridictions subalternes, c’est les compromettre. Quoi que l’on puisse faire, les lumières y seront toujours faibles, et les préoccupations très-fortes. L’étendue des connaissances et le jugement perfectionné sont l’apanage des têtes exercées aux grands objets. Le bon esprit, qui fait les bons juges, tient au nombre et à la variété des causes qui les occupent habituellement. Il n’est élevé au )lus haut point, que dans ces lieux privilégiés où es affaires sont immenses, et les compagnies trf s-nombreuses Qu’il soit demandé aux Etats généraux de constituer, le mieux possible, les premières jnridie-tions, en leur laissant des arrondissements qui rendent Je siège important par le nombre des justiciables, et par Vbic de suite, par le nombre de juges ; que les provinces influent dans leurs présentations. Mais, quelque confiance que puissent inspirer ces tribunauxainsi améliorés, sachons toujours conserver sur eux un tribunal suprême qui puisse rectifier leurs erreurs. Car enfin, quelque précaution que la nation puisse prendre, les passions locales, les intérêts locaux, remueront toujours dans les lieux où les causes auront pris naissance. Les juges, qui les habitent, quelque intègres qu’ils puissent êlre, n’échapperont pas aux préventions : ce malheur est attaché à l’air qu’ils respirent. Ce n’est qu’autant que les contestations seront portées hors de la sphère d’activité qui les avait compromises en première instance, qu’un jugement sain et lumineux réparera définitivement, en cause d’appel, les griefs souvent énormes que des hommes d’une probité austère avaient néanmoins causés dans la première juridiction. L’homme faible, l’homme opprimé, qu’on voudrait servir en y décidant leurs contestations souverainement, seront justement les victimes qui seront nécessairement sacrifiées aux petits magnats des petits lieux, si les justices subalternes ont jamais le pouvoir de iuger définitivement jus-u’à la somme de 2,000 livres. Et il ne suffit pas e dire qu’alors les cours souveraines n’auraient presque plus rien à faire, quoique ce serait tout dire si elles pouvaient jamais être un moment dés-occupées; mais il faiit insister en finissant, et bien rappeler ce qui est déjà dit : que la besogne serait communément mal faite, et ce qui est encore pire, mal faite irrévocablement, et d’autant plus nécessairement mal faite, que la juridiction ne verrait plus sur elle un tribunal réformateur. Il est au surplus trôs-possible que l’erreur ait égaré le jugement des intéressés; et ce ne sera pas trop que de voter, pour qu’une demande de cette importance trouve de grandes difficultés, jusqu’à ce qu’elle ait été profondément mûrie et longtemps par les trois ordres de la province, avant d’être sanctionnée par la nation. Doléac, curé de Beaudan, commissaire, signé au cahier dés doléances, avec réserve d’ÿ join- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bigorre.] [États gén. 1789. Cahiers.] dre le présent supplément imprimé; Lavedan, curé de Lescurry , porteur de deux procurations; Barbenegre , chapelain; Guinlé, curé de Nestalas, et porteur de deux procurations ; Ra-vielle, archiprêtre d’Adé, et porteur de deux procurations; Hourgué, curé de Saint-Pastour, porteur de deux procurations ; Ladite de Montus, archiprêtre de Bagnères, et porteur de deux procurations; Lafargue, curé de Ger et deLugagnan, et porteur de deux procurations; Carbonneau, archiprêtre de Montfaueon, porteur de deux procurations; Duserut, curé d’Oroix; Souhirous, curé de Berbrust, porteur de deux procurations ; San-neres, porteur d’une procuration; Boyrie, curé d’Uz, porteur de deux procurations; JDusort, archiprêtre d’Orleix ; Basqué, curé de Bordes, porteur de deux procurations; Grasset d’Oringac, curé d’Ordizan et Antist ; Torné, curé de Trebons; Doléac, curé de Bours; Bajac, curé de Sarriac ; Sabatthier, curé de Dours; Pujos, curé de Yiger, chargé de deux procurations ; Parade, curé de Pouzac;Bérot, prébendé, avec deux procurations; Laforgue, curé de Glarac et Peyraube, avec une procuration; Perez, curé d’Angos; Noguès, cure de Boo etSilhen; Saint-Martin, curé deRabastens; Lalanne, curé de Liac, et porteur de deux procurations; Bassieu, curé d’Azereix, et porteur de deux procurations; Bayle, bénéficier, et porteur d’une procuration ; Les'telon, curé de Segus, ayant deux procurations; Mascaras, curé de Sarniguet; Borgella, curé d’Odos; Lapeyre, curé d’Artagnan; IJassieu, archiprêtre d’ibos; Barrère, curé de Caus-sade; Polito, curé d’Arcizay-ez-Angles, avec deux procurations; Isaac, curé de Poyastruc; Serres, prébendé ; Laporte, prébendé; Diiboé, curé d’Au-reillan ; Gaubin, chapelain de la Garde ; Forpomès, curé de Larreule. CAHIER. De la noblesse de la sénéchaussée de Bigorre. Nota. Ce cahier manque aux Archives de l’Empire : nous le donnerons plus tard, si nous parvenons à nous le procurer. CAHIER Des doléances, plaintes et remontrances de l’ordre du tiers-état du pays et comté de Bigorre (1). L’ordre des communes de la sénéchaussée de Bigorre, pénétré de la plus vive reconnaissance envers un souverain qui lui rend les droits qu’une politique désastreuse lui avait ravis depuis près de deux siècles, se plaît à proclamer aujourd’hui ses vertus, ses bonnes intentions et sa bienfaisance. C’est le premier cri de sa liberté ; c’est le plus bel usage que le peuple puisse faire du droit de faire parvenir sa voix jusqu’au pied du trône pour la première fois. Appelé à délibérer sur ses intérêts, invité à se former une constitution, sans laquelle il n’est pas de bon gouvernement, il sait apprécier une révolution aussi importante à son bonheur; il saura jouir avec autant de modération que de dignité des avantages naturels et politiques qu’un ministre vertueux et éclairé vient lui assurer, de concert avec le monarque le plus populaire. Constitution nationale. Arrêté ; 1° Que les distinctions humiliantes auxquelles le tiers-état avait été asservi en 1614, seront abolies. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 2° Que les Etats généraux commenceront par se constituer dans la forme et l’organisation la plus convenable au bonheur et à la stabilité de l’Etat. 3° Que, dans cette forme quelle qu’elle soit, ils établiront une égalité d’influence et de pouvoir de l’ordre du tiers avec celui des deux autres ordres réunis, soit qu’ils conviennent de voter par tète, ou par corps séparé, soit qu’ils décident à ne former à l’aveuir que deux chambres. 4° Qu’ils arrêteront leur permanence et la succession régulière de leurs séances, en faisant des règlements pour parvenir à une convocation plus juste, plus équitable, mieux ordonnée à l’avenir, et de manière que les députés soient triennaux. 5° Qu’on fixera, d’une manière irrévocable, les droits du peuple français. Ces droits consistent dans la sûreté, dans la liberté personnelle, et dans la propriété particulière. 6° Que la jouissance libre et légale de la vie* des actions, de la faculté locomotive , et des biens de tout individu sera mise sous la protection et la sauvegarde de la loi. 7° Que nul citoyen ne pourra être arrêté, ni emprisonné par lettre de cachet, ni de quelque autre manière, qu’en exécution de la loi, et avec les formes par elle prescrites. On en excepte les cas où le Roi et la nation pourraient être en danger; avec clause expresse que les personnes ainsi arrêtées seront remises incontinent à leurs juges naturels, pour être jugées dans les formes légales; qu’en conséquence, toutes procédures criminelles par commission seront abolies, ainsi que toutes distinctions de peines. 8° Que, par une suite nécessaire de l’article précédent, toutes les prisons d’Etat seront ouvertes à ceux qui y seront détenus par lettres de cachet, pour être jugés suivant la rigueur des lois. 9° Que nul subside ne pourra être établi, ni aucune loi promulguée, sans le concours et le consentement de la nation assemblée. 10° Que la liberté de la presse, sans licence, sera établie comme un genre de censure publique, qui fournit de grandes lumières pour la correction des abus, et pour une meilleure administration. 11° Que tous les impôts, actuellement existants, seront supprimés, n’ayant pas été consentis par la nation. Ils seront néanmoins prorogés jusqu’à ce qu’il y soit pourvu par les Etats généraux. 12° Qu’on s’occupera ensuite de l’examen de la dette nationale, et des besoins de l’Etat. 13° Qu’on établira une salutaire économie dans les divers départements, en retranchant toutes les dépenses, charges, emplois, et pensions inutiles et superflues. 14° Que le tiers-état sera établi dans le droit d’être admis à tous les emplois militaires, aux dignités de l’Eglise, aux charges de la haute magistrature, et qu’il sera reçu dans toutes les écoles royales et gratuites. 15° Ges préliminaires établis, convenus par les différents ordres, et sanctionnés par le Roi, nous chargeons nos représentants de consentir tous les subsides nécessaires à l’éclat du trône, aux dépenses de la force publique, et à la consolidation de la dette nationale. 16° Ils fixeront la durée de l’impôt en la combinant avec le retour successif de l’Assemblée nationale, à l’exception des subsides destinés à la maison royale et à la dette publique, qui doivent être permanents. 17° Ils feront passer aussi en loi la contribution