334 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] palités et des districts, dont on a reçu des envois, avec celui des municipalités et des districts, dont on n’a pas reçu d’envoi, il est facile de trouver, par le résultat des états qui ont été envoyés, quel aurait dû être le résultat de tous ceux qui ont été demandés. M. Amelot a opéré d’après les déclarations des municipalités, première base du dénombrement qui a été demandé le 12 avril. Le comité d'aliénation a opéré d’après les états de valeur qui lui ont été envoyés aux termes du décret du 12 avril. Voici le résultat des deux opérations : Opération de M. Amelot. Il existe dans le royaume 43,915 municipalités. On n’a pu opérer que sur les déclarations que 17,001 municipalités ont données du revenu des domaines nationaux, situés dans leur territoire , et le résultat du calcul a présenté, dans les 17,001 municipalités, un revenu de .................. 37,798,850 liv. C’est, pour 43,915 municipalités, à quelques fractions près ...................... 97,637,581 Ce revenu donne, au denier 25, un capital de... 2,440,939,525 liv. Opération du comité cl' aliénation. Il existe dans le royaume 544 districts. On n’a pu opérer que sur les états envoyés par 314 districts, et le résultat du calcul a donné, dans ses 314 districts, un capital formé des biens vendus, des biens à vendre, des biens dont la vente est suspendue, et des bois et forêts, de ................ 1,415,440,287 liv. C’est, pour les 544 districts, à quelques fractions près, un capital de ................. 2,462,227,758 liv. Il est donc manifeste que les domaines nationaux excèdent en capital 2,400 millions. Les états envoyés par les districts, étant distribués selon les différentes natures des biens, donnent le détail suivant : Biens vendus ............ 555,397,633 liv. Biens à vendre ........... 517,456,690 Biens dont la vente est suspendue... .............. 159,869,546 Bois etforêts ............. 182,716,418 Total ........... 1,415,440,287 liv. Il est impossible de faire l’appréciation au juste de la valeur des domaines nationaux, car les municipalités ont baissé les estimations, espérant que leur profit augmenterait avec les adjudications. D’un autre côté, nous avons calculé le capital du revenu sur le pied du denier 25 seulement, et l’expérience démontre que les biens qui ont été vendus ont été beaucoup au-dessus du denier 30. Si nous avions adopté ce dernier calcul, nous arriverions à bien près de 3 milliards; mais nous avons voulu présenter à l’Assemblée des calculs qui ne fussent susceptibles d’aucune difficulté et nous avons porté toutes ces évaluations au taux le plus bas. Mais ii est évident que ce serait une absurdité, une folie, de prétendre que les biens nationaux ne montent pas à 2 milliards; il est extrêmement vraisemblable qu’ils monteront au-dessus de l’évaluation. Voilà, Messieurs, l’état des biens nationaux, et je pense que, d’après cela, vous pouvez aujourd’hui augmenter l’émission des nouveaux assignats (. Mouvements divers.)-, je dis que c’est dans cet état qu’il faut faire une nouvelle émission et fabrication d’assignats. Je distingue fabrication et émission : il faut fabriquer des assignats suffisamment pour subvenir aux besoins que j’ai exposés; mais il ne faut pas émettre, dans le moment actuel, la totalité des assignais que vous voulez adopter. Vous devez prendre les précautions nécessaires pour que l’émission n’excède jamais la proportion de ce qui rentrera, et ne se porte pas au-delà de 1,200 millions de livres, première mesure que nous avons à vous proposer. Il est important d’observer, Messieurs, que l’émission que nous vous proposons n’a aucun rapport avec les 100 millions de livres d’assignats que vous avez décrétés à raison de 5 livres chacun, et ces 100 millions n’ont pas été destinés à former une nouvelle émission, ils ne doivent pas augmenter la masse de ceux qui sont en circulation, parce qu’ils doivent être délivrés en échange, soit des assignats de 2 mille livres, soit d’autres de moindre valeur qui sont d’une somme trop forte pour les besoins journaliers du commerce; mais, pour éviter ces inconvénients, nous vous proposons d’expliquer, par un article très formel, que la nouvelle émission d’assignats que vous allez décréter est absolument étrangère aux 100 millions d’assignats de 5 livres. D’après cet exposé, voici le projet de décret que Je comité vous propose : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des finances, de la caisse de l’extraordinaire et de l’aliénation des biens nationaux, décrète : « Art. 1er. Il sera procédé à la fabrication de 400 millions d’assignats, savoir : 200 millions en assignats de 500 livres ; 100 milLions en assignats de 50 livres; 25 millions en assignais de 90 livres; 25 millions en assignats de 80 livres ; 25 millions en assignats de 70 livres; et 25 millions en assignats de 60 livres. Lesdits assignats seront signés par les mêmes personnes qui ont signé les assignats émis en exécution du décret du 29 septembre dernier; ils seront de même papier, de même forme et de même composition, à la seule différence de l’énonciation de la date du présent décret, qui remplacera celle du décret du 29 septembre 1790. « Art. 2. Les assignats fabriqués conformément au précédent article ne seront mis en circulation, quant à présent, que jusqu’à concurrence de la somme de 160 millions. Il n’en sera sorti ensuite de la caisse à trois clefs, pour être mis en circulation que dans la même proportion dans laquelle les assignats des créations décrétées précédemment et cejourd’hui, rentreront à la caisse de l’extraordinaire et y auront été brûlés; desquelles rentrées et brûlement il sera fait mention expresse dans chacun des procès-verbaux de sortie qui suivront la première émission de 160 millions décrétée par le présent article. « Art. 3. Les assignats de la présente création formeront, dans le compte général de la caisse de l’extraordinaire, un compte particulier, qui sera ouvert pour cet objet; it sera fait écriture et procès-verbaux particuliers de tout ce qui regardera la fabrication, l’émission, la rentrée et 335 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] le brûlement desdits assignats, de manière que ce qui y sera relatif demeure absolument distinct et séparé de ce qui regarde les précédentes émissions. « Art. 4. Aussitôt que l’émission des assignats de la création du 29 septembre dernier sera achevée et que la distribution desdits assignats sera complète, le trésorier de l’extraordinaire rendra public le compte général de l’emploi des assignats tant de la première création et des coupons qui ont été délivrés avec une partie d’iceux, que des assignats de la création du 29 septembre dernier. Les décrets en exécution desquels chacun des articles de dépenses aura été fait y seront rappelés ; le compte sera visé et certifié par l'administrateur de la caisse de l’extraordinaire, imprimé et envoyé à tous les départements districts. « Art. 5. Les dispositions du présent décret ne changeront rien à ce qui a été décrété par l’Assemblée, le 6 mai dernier, pour la création de 20 millions d’assignats de 5 livres chacun, faisant en somme 100 millions de livres ; lesdits assignats n’étant destinés à être fournis au public qu’en échange d’assignats provenant des différentes créations et ne devant augmenter, en aucune manière, la masse des assignats en circulation, laquelle demeure toujours fixée à la quantité de 1,200 millions de livres. » M. de Folleville. D’après ce que vient de dire M. le rapporteur, il me parait qu’une somme de près de 300 millions sera nécessaire pour les besoins de la lin de ce mois, du mois de juillet et du mois d’août. Il me paraît, en même temps, qu’il nous a avoué que les 1,200 millions d’assignats étaient employés. Il est aussi certain qu’il n’en est rentré que pour 160 millions. D’après cela, je considère que le vœu que vous paraissez avoir formé serait comme celui de Jephté, ou comme celui d’Agamemnon, c’est-à-dire un vœu très indiscret, un vœu que vous ne pourrez pas remplir sans mettre la chose publique en péril ; car la chose publique est éminemment en péril, lorsqu’il y a lieu à suspension de payement. Or, je dis que cela mérite un peu la peine d’être considéré, et je demande que l’impression de ce rapport ait lieu et que la discussion en soit ajournée à mardi prochain. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur l’ajournement. ) M. de Cnstine. Je demande qu’il soit envoyé à tous les départements l’état des assignats brûlés, afin de raffermir la confiance par la proscription des assignats qui se trouvaient en circulation dans ce moment et portant le numéro de ceux qui ont été brûlés, puisqu’ils seraient faux. M. Camus, rapporteur. Une semblable mesure, si elle était adoptée, serait des plus dangereuses : le changement d’un seul chiffre dans l’énoncé des numéros pourrait faire commettre de très graves erreurs. M. de Crillon, jeune. La différence qui existe entre la valeur nominale des assignats et les métaux, tient à différentes causes faciles à expliquer. Mais le mal qui résulte est peut-être plus que compensé par l’activité de nos manufactures nationales, et par l’exportation de nos denrées. Cependant si les assignats essuyaient un discrédit qui leur fût propre et qui tînt à la crainte que la valeur des assignats ne fût pas proportionnée à celle des domaines nationaux, qui leur sert de gage, je dis alors que le mal serait incalculable et que rien absolument ne pourrait prévenir ni calculer le danger qu’il y aurait à décréter une émission d’assignats qui surpasserait cette valeur. J’accorde la vérité des calculs à vos comités, je ne crois pas qu’ils soient exagérés; 2 milliards 500 millions paraissent en effet, d’après les différents calculs, la valeur que nous pouvons obtenir de cette vente. Le comité a même pensé qu’il ne devait compter que sur 2 milliards, et c’est là-dessus que porte l’amendement que j’ai à faire. Si vous décrétez 400 millions de nouveaux assignats, ajoutés à ces 1,200 millions déjà décrétés, il y aura eu 1,600 millions de valeurs représentant des domaines nationaux ; car il est clair qu’il n’y aura jamais plus de 1,200 millions d’assignats en circulation. Mais il y a une disposition que l’on ne vous a pas représentée, et qui me paraît devoir l’être : vous avez décrété que plusieurs effets, dont vous avez ordonné la liquidation, seraient reçus en acquisition des domaines nationaux, et par là qu’ils concourent avec les 1,600 millions d’assignats pour effacer la valeur totale : on ne vous a pas présenté, je le sais, ces reconnaissances provisoires. Cette somme n’est nullement effrayante, mais cependant on doit avoir toujours dans l’idée les calculs que peuvent faire les personnes porteurs d’assignats; ils peuvent dire : Si toutes les personnes autorisées par vos décrets à présenter leur liquidation ordonnée se présentaient maintenant, il se trouverait que cela ferait au moins 800 millions. Si les objets dont vous avez ordonné le remboursement, les dîmes inféodées, d’autres objets qui ne sont pas présents à mon esprit, sont accumulés, vous trouverez une valeur approchante de 7 à 800 millions, qui feraient alors, avec les 1,600 millions, 2 milliards 400 millions. Je ne crois pas qu’il soit de la prudence de l’Assemblée, d’approcher autant d’une valeur qui, quoique peu disputée, est cependant hypothétique. Cela, Messieurs, m’engage à vous proposer de limiter la somme des reconnaissances provisoires que le commissaire liquidateur est autorisé à délivrer au titulaire de charges et offices et aux acquéreurs de biens nationaux. Il n’y en a encore que pour 15 millions; je crois que si vous bornez à 200 millions la valeur évidente, en attendant qu’il soit liquidé, vous ne courrez aucun risque, parce qu’alors on verra clairement qu’en supposant les 200 millions employés et les 1,600 millions que l’on vous propose, vous n’aurez que la somme de 1,800 millions qui est évidemment inférieure à la valeur des domaines nationaux. Voilà mon amendement. ( Applaudissements .) M. Pierre Dedelay {ci-devant Delley d’A-gier). Je demande le renvoi de l’amendement aux comités. M. Anson. II est extrêmement essentiel dans une matière d’une si haute importance de ne pas renvoyer aux comités; ce serait altérer le crédit même de vos ventes, car, comme on vous l’a justement observé, il y a beaucoup de personnes qui ont compté là-dessus. Mais il y a une mesure extrêmement simple. Vous voyez qu’il n’y a que 15 millions de reconnaissances actuelles, et en vérité j’ai peine à croire qu’il y en aura jamais le double. Mais en