100 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [ Rouen ; Au quartier gal, 7 prair. II.] (1). « Citoyen Président, » Je te fais part d’un trait de bravoure des républicains français, et d’un de la lâcheté et de la scélératesse des anglais. » Un convoi de 4 bâtimens de transport, escorté par 2 avisos sortis du port de Dieppe, le 3 prairial, se réunit à un autre petit convoi sorti de Boulogne, faisant route pour le Havre; ce convoi étoit escorté par 2 carcassières. » A la pointe du jour, à la faveur d’une brume très-épaisse, une frégate anglaise de 36 canons s’est approchée fort près de notre convoi, et a essayé de faire quelques prises. Comme elle avoit toutes ses voiles dehors et vent arrière, on étoit en doute de ce qu’elle étoit; mais la brume ayant disparu, on reconnut à sa construction et à son bastingage qu’elle étoit anglaise. Ayant vent arrière et toutes ses voiles dehors, on ne pouvoit distinguer son pavillon; malgré cela nos carcassières coururent dessus, et l’attaquèrent. La frégate répondit vigoureusement; le feu dura une heure 1/2. Mais quelle fut l’horreur des républicains, lorsqu’ils virent les anglais, sans principes et sans point-d’hon-neur, ne connoissant rien, et au mépris des lois de la guerre, se battre avec le pavillon national français pendant trois quarts-d’heure. » Ils assurèrent leur pavillon infâme sans retirer le national; mais le génie de la liberté qui veille sur les républicains, conduisit un boulet de 24, qui cassa le mât du pavillon anglais, et le fit tomber à l’eau. » Plusieurs coups de carcassières ont porté sur la frégate, et l’ont endommagée. Les anglais, aussi lâches que scélérats, ont refusé de continuer le combat, et se sont sauvés à toutes voiles. Deux petits méchans bateaux, armés chacun de 3 canons, ont fait fuir une frégate anglaise de 36 canons; ils lui ont donné la chasse pendant 3 lieues; n’ayant pas assez de voiles, ils ont été obligés de l’abandonner, et notre convoi a continué sain et sauf sa route pour le Havre, aux cris de Vive la République et la Montagne ! S. et F. ». Beaufort (gal) ( Applaudissements ) 6 Le représentant du peuple à Port-Malo rend compte à la Convention de la cérémonie navale qui a eu lieu le premier de ce mois à Cancale, en arborant le nouveau pavillon de la marine française. Ce représentant fait l’éloge des braves marins qui travaillent pour la liberté dans cette rade, et annonce que le vaisseau nommé le Suffren a été nommé ïe Redoutable. (1) Débats, n° 618, p. 151; Rép., n° 161; Audit. nat., n° 614; M.TJ., XL, 185; J. Matin, n° 708; J. Lois, n° 609; J. Perlet, n° 616; J. S.-Culottes, n° 470; C. Eg., n° 651; J. Paris, n° 516; BB3 Marine 63, n° 14. La Convention décrète la mention honorable de la conduite et de l’ardeur des marins dont parle le représentant du peuple, et l’insertion au bulletin de sa lettre, et le renvoi au comité d’instruction publique. (1) [Port-Malo, 2 prair. II.] (2) « Citoyen président, C’était hier que devait s’arborer sur tous les vaisseaux de la République le nouveau pavillon de la marine française. Je me rendis à Cancalle pour être témoin de cette cérémonie navale et patriotique. A peine fus-je arrivé sur le coteau qui domine la mer, que tout à coup une forêt de mâts s’embellit de mille couleurs flottantes, au son rapide et majestueux d’une immense artillerie. Saisi d’admiration devant un tel spectacle, j’entre dans un canot pour aller en jouir de plus près. Chaque coup de rame qui m’approchait de la flotte m’en rendait encore la vue plus imposante. J’arrive devant le premier vaisseau, et des cris simultanés de vive ’a République et la Montagne partent d’un millier de bouches depuis le tillac jusqu’à la cime des vergues. Après avoir ainsi parcouru la ligne, je monte à bord de l’amiral. Canonniers, soldats, matelots, officiers, mousses et commandant, tout était confondu ensemble, tout était animé de la même allégresse et du même dévouement. Un jeune chêne artistement placé sur le pont où il se balançait comme dans sa forêt natale, représentait l’arbre vivace de la liberté : autour étaient des groupes de danseurs, ayant pour coriphée le matelot le plus ancien de l’équipage, et la carmagnole fut exécutée sur mer aussi bien que sur terre. A la danse succéda le repas : la ration fut double, mais la joie ne pouvait l’être. Le festin à son tour fit place aux jeux qui recommencèrent : une nouvelle salve se fit entendre, de nouvelles acclamations la suivirent, et dans cette heureuse émotion des cœurs et des éléments, il ne resta qu’un regret, celui de n’avoir pas fini la danse par un ballet avec l’anglais. Au reste nos marins savent, comme nos soldats, que pour des républicains, en temps de guerre, chaque jour peut devenir un jour de fête; c’est ce qui les console. Tel est, citoyen président, le croquis et l’admirable tableau qu’offrit hier la rade de Cancalle, tableau qui s’est multiplié au même jour dans chacun des ports de la République. Je n’oublierai pas de rendre compte à la Convention nationale d’une pétition qui me fut adressée par l’état-major et l’équipage en masse du vaisseau sur lequel j’étais monté. C’était le Suffren. Le nom d’un ci-devant était un fardeau pour ces républicains. Ils ont profité de l’occasion pour m’en demander un autre, et par un arrêté que j’envoie au comité de salut public et à la commission de la marine, j’ai provisoirement nommé ce beau vaisseau le Redoutable, désignation qui m’a été assurée ne (1) P.V., XXXVIII, 184. B1», 13 prair. (1er suppl*); Feuille Rép., n° 331; Ann. R.F., n° 182; C. Eg., n° 650; J. Fr., n° 613; J. Sablier, n° 1348. (2) C 304, pl. 1130, p. 14; Mon., XX, 601; M.TJ., XL, 173; Rép., n°8 160 et 161; J. Matin, n° 708; J. Lois, n° 609; J. Paris, n° 515; Audit, nat., n° 614. 100 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [ Rouen ; Au quartier gal, 7 prair. II.] (1). « Citoyen Président, » Je te fais part d’un trait de bravoure des républicains français, et d’un de la lâcheté et de la scélératesse des anglais. » Un convoi de 4 bâtimens de transport, escorté par 2 avisos sortis du port de Dieppe, le 3 prairial, se réunit à un autre petit convoi sorti de Boulogne, faisant route pour le Havre; ce convoi étoit escorté par 2 carcassières. » A la pointe du jour, à la faveur d’une brume très-épaisse, une frégate anglaise de 36 canons s’est approchée fort près de notre convoi, et a essayé de faire quelques prises. Comme elle avoit toutes ses voiles dehors et vent arrière, on étoit en doute de ce qu’elle étoit; mais la brume ayant disparu, on reconnut à sa construction et à son bastingage qu’elle étoit anglaise. Ayant vent arrière et toutes ses voiles dehors, on ne pouvoit distinguer son pavillon; malgré cela nos carcassières coururent dessus, et l’attaquèrent. La frégate répondit vigoureusement; le feu dura une heure 1/2. Mais quelle fut l’horreur des républicains, lorsqu’ils virent les anglais, sans principes et sans point-d’hon-neur, ne connoissant rien, et au mépris des lois de la guerre, se battre avec le pavillon national français pendant trois quarts-d’heure. » Ils assurèrent leur pavillon infâme sans retirer le national; mais le génie de la liberté qui veille sur les républicains, conduisit un boulet de 24, qui cassa le mât du pavillon anglais, et le fit tomber à l’eau. » Plusieurs coups de carcassières ont porté sur la frégate, et l’ont endommagée. Les anglais, aussi lâches que scélérats, ont refusé de continuer le combat, et se sont sauvés à toutes voiles. Deux petits méchans bateaux, armés chacun de 3 canons, ont fait fuir une frégate anglaise de 36 canons; ils lui ont donné la chasse pendant 3 lieues; n’ayant pas assez de voiles, ils ont été obligés de l’abandonner, et notre convoi a continué sain et sauf sa route pour le Havre, aux cris de Vive la République et la Montagne ! S. et F. ». Beaufort (gal) ( Applaudissements ) 6 Le représentant du peuple à Port-Malo rend compte à la Convention de la cérémonie navale qui a eu lieu le premier de ce mois à Cancale, en arborant le nouveau pavillon de la marine française. Ce représentant fait l’éloge des braves marins qui travaillent pour la liberté dans cette rade, et annonce que le vaisseau nommé le Suffren a été nommé ïe Redoutable. (1) Débats, n° 618, p. 151; Rép., n° 161; Audit. nat., n° 614; M.TJ., XL, 185; J. Matin, n° 708; J. Lois, n° 609; J. Perlet, n° 616; J. S.-Culottes, n° 470; C. Eg., n° 651; J. Paris, n° 516; BB3 Marine 63, n° 14. La Convention décrète la mention honorable de la conduite et de l’ardeur des marins dont parle le représentant du peuple, et l’insertion au bulletin de sa lettre, et le renvoi au comité d’instruction publique. (1) [Port-Malo, 2 prair. II.] (2) « Citoyen président, C’était hier que devait s’arborer sur tous les vaisseaux de la République le nouveau pavillon de la marine française. Je me rendis à Cancalle pour être témoin de cette cérémonie navale et patriotique. A peine fus-je arrivé sur le coteau qui domine la mer, que tout à coup une forêt de mâts s’embellit de mille couleurs flottantes, au son rapide et majestueux d’une immense artillerie. Saisi d’admiration devant un tel spectacle, j’entre dans un canot pour aller en jouir de plus près. Chaque coup de rame qui m’approchait de la flotte m’en rendait encore la vue plus imposante. J’arrive devant le premier vaisseau, et des cris simultanés de vive ’a République et la Montagne partent d’un millier de bouches depuis le tillac jusqu’à la cime des vergues. Après avoir ainsi parcouru la ligne, je monte à bord de l’amiral. Canonniers, soldats, matelots, officiers, mousses et commandant, tout était confondu ensemble, tout était animé de la même allégresse et du même dévouement. Un jeune chêne artistement placé sur le pont où il se balançait comme dans sa forêt natale, représentait l’arbre vivace de la liberté : autour étaient des groupes de danseurs, ayant pour coriphée le matelot le plus ancien de l’équipage, et la carmagnole fut exécutée sur mer aussi bien que sur terre. A la danse succéda le repas : la ration fut double, mais la joie ne pouvait l’être. Le festin à son tour fit place aux jeux qui recommencèrent : une nouvelle salve se fit entendre, de nouvelles acclamations la suivirent, et dans cette heureuse émotion des cœurs et des éléments, il ne resta qu’un regret, celui de n’avoir pas fini la danse par un ballet avec l’anglais. Au reste nos marins savent, comme nos soldats, que pour des républicains, en temps de guerre, chaque jour peut devenir un jour de fête; c’est ce qui les console. Tel est, citoyen président, le croquis et l’admirable tableau qu’offrit hier la rade de Cancalle, tableau qui s’est multiplié au même jour dans chacun des ports de la République. Je n’oublierai pas de rendre compte à la Convention nationale d’une pétition qui me fut adressée par l’état-major et l’équipage en masse du vaisseau sur lequel j’étais monté. C’était le Suffren. Le nom d’un ci-devant était un fardeau pour ces républicains. Ils ont profité de l’occasion pour m’en demander un autre, et par un arrêté que j’envoie au comité de salut public et à la commission de la marine, j’ai provisoirement nommé ce beau vaisseau le Redoutable, désignation qui m’a été assurée ne (1) P.V., XXXVIII, 184. B1», 13 prair. (1er suppl*); Feuille Rép., n° 331; Ann. R.F., n° 182; C. Eg., n° 650; J. Fr., n° 613; J. Sablier, n° 1348. (2) C 304, pl. 1130, p. 14; Mon., XX, 601; M.TJ., XL, 173; Rép., n°8 160 et 161; J. Matin, n° 708; J. Lois, n° 609; J. Paris, n° 515; Audit, nat., n° 614.