748 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 novembre 1790.1 clament aussi contre la franchise, parce que les laboureurs quittent les terres pour faire la fraude. Le peuple bayonnais a renversé les barrières ; tous ces motifs ne subsistent pas pour les autres ports. La différence n’échappera pas à votre sagacité. M. Gondard. Votre comité de commerce se propose de vous présenter un projet de tarif pour les marchandises étrangères. C’est pour le peuple, c’est pour les manufactures qu’il travaille lorsqu’il vous propose de supprimer la franchise particulière d’un port qui favorise les versements frauduleux. C’est l’industrie nationale, et non pas l’intérêt de quelques négociants qui trafiquent des objets de manufactures étrangères, que vous devez protéger. M. Dupont, député de Nemours. La question est de savoir si vous devez renoncera l’avantage de mener de front le commerce des marchandises étrangères et celui des marchandises nationales. La plus grande objection qu’on a faite est celle de la contrebande. Pour un peu de contrebande, facile à réprimer, vous sacrifieriez les franchises de deux de vos ports, tandis que les royaumes qui entourent la France, et qui sont d’une étendue bien plus considérable que la circonférence de vos ports, faciliteront toujours les versements frauduleux ; et certes vous n’aurez pas supprimé le royaume d’Espagne quand vous aurez supprimé la franchise de Bayonne... Depuis que la franchise de Bayonne est rétablie, son commerce est devenu florissant, ses richesses et sa population ont accru : ce fait est constaté par un état remis au comité de commerce par la députation de Bayonne et du Labour., Il est impossible de changer ou de supprimer les postes situés sur la Nive, ni les trois petits postes extérieurs; il est donc tout naturel, il est facile de les faire servir à l’empêchement des versements frauduleux... La question se réduit donc à savoir si vous voulez perdre les avantages de votre commerce avec l’Espagne? Lorsque la franchise de Bayonne a été supprimée, vos armateurs sont allés s’établir à Bilbao; ils sont revenus dans leur patrie, lui faire partager le produit de votre commerce, lorsque la franchise a été rétablie... La contrebande ne s’est fait ressentir à Bayonne que depuis les insurrections qui ont renversé les barrières; mais ces barrières doivent se rétablir, car vous ne pourrez vous empêcher d’avoir une ferme de tabac à Bayonne; elles empêcheront l’introduction des marchandises franches dans l’intérieur. 11 n’ÿ a donc aucun inconvénient à laisser subsister, au moins provisoirement, la franchise, et à ajourner la question à la prochaine législature. M. Decrétot. Le Havre pourra aussi demander une franchise, puisqu’il a des ports étrangers dans son voisinage. Les négociants de Bayonne doivent faire leur commerce avec l’Espagne avec les marchandises nationales. En thèse générale, la question est décidée, puisqu’il ne doit plus exister de privilège, ni de régime intérieur des traites. A cela je n’ai qu’un mot à ajouter: vous n’avez qu’à mettre un impôt unique sur les terres, et ouvrir tous vos ports aux marchandises étrangères ; alors vous aurez le système des économistes en son entier. M. Garat l’aîné. Bayonne et le pays de Labour, dont je suis député, ne peuvent exister que par leur commerce avec l’Espagne... La Gorogne, Saint-Ander, Saint-Sébastien et Bilbao, ports espagnols, ont été, sont encore et seront toujours des ports francs ; vous ne pouvez donc, comme on vous l’a déjà prouvé, vous dispenser de leur opposer un port franc aussi. Mais cette immense partie continentale de l’Espagne qui est séparée de la France, non pas par des barrières, mais par des rochers escarpés de vingt-quatre lieues de profondeur, cette franchise de la nature, qui s’étend à quarante-huit lieues, jusqu’aux Pyrénées, ne vous dicte-t-elle pas la même loi? Je demande si ce continent étranger n’ouvre pas une vaste ressource à la fraude, et s’il serait prudent de fermer aux marchandises étrangères l’accès naturel du port de Bayonne, pour les forcer de choisir cet immense débouché? Je fais une seconde observation : les habitants du Labour, ceux des contrées voisines, sont riches de leurs cultures, du produit de leurs laines; ils n’ont point de manufactures. Ils vont s’approvisionner à Bayonne. Si vous fermez ce port aux marchandises étrangères, qu’il préfère aux marchandises françaises, ils auront à opter entre quatre ports espagnols voisins. Il en résultera que vous perdrez le produit des échanges avec l’or et l’argent d’Espagne, produit de plus de 5 0/0; vous ne recevrez plus en échange des marchandises étrangères en entrepôt dans le port de Bayonne, et qui ont été achetées en échange de marchandises françaises, l’or espagnol, les lingots qui servent à augmenter la masse de votre numéraire... (L’organe affaibli de M. Garat ne nous a pas permis d’entendre sa conclusion.) (On ferme la discussion.) M. Rewbell. Je demande que vous prononciez un ajournement à la prochaine législature, mais un ajournement pur et simple. M. Barnave. Nous nous rendons toujours aux séances du soir sans être préparés à ces sortes d’affaires, comme il nous est arrivé aujourd’hui. Les législatures suivantes, au contraire, n’ayant point de Constitution à faire, feront de ces questions particulières d’administration l’objet principal de leurs travaux; elles examineront, elles vérifieront ce que nous ne pouvons ni examiner ni vérifier. Je demande donc que cette affaire soit renvoyée à la prochaine législature ; c’est le moyen le plus sûr de ne point inquiéter les négociants. M. Garat, le jeune. Je demande le renvoi de la question à l’examen des comités d’agriculture et de commerce, de Constitution et de mariDe. M. l’abbé ülaury. Je demande que l’ajournement soit à terme fixe, vrai moyen de ne pas tenirlecommerce dans une inquiétude continuelle et dangereuse. Au reste, vous pourriez décider la question sur-le-champ. Ceux qui vous proposent de supprimer le privilège de Bayonne font ce qu'ont fait les Anglais à la paix d’Utrecht, lorsqu’ils ont exigé que le port de Dunkerque fût comblé. Il ne s’agit point ici d’un privilège ; Bayonne tient son droit de franchise de la nature; elle lui en a donné les patentes, et vous ne pouvez pas les lui enlever. Après quelques détails sur les amendements, la question est indéterminément ajournée. Le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale ajourne la question 126 novembre 1790.J 749 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « sur les ports francs, toutes choses restantes en « état. » M. le Président. Par suite du résultat du scrutin qui a eu lieu ce matin, à l’issue de la première séance, les commissaires de l'Assemblée nommés pour la surveillance de la caisse de V extraordinaire, sont : MM. de Croix. Laborde-Méréville. Rewbell. Camus. (La séance est levée à dix heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du vendredi 26 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures trois quarts du matin. M. CoroIIer, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 25 novembre au matin. M. Dosfant fait quelques observations sur le second paragraphe de l’article 11 concernant le droit d’enregistrement des actes. Ce paragraphe décrété la veille lui paraît devoir être renvoyé au comité et soumis à une nouvelle rédaction. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour qui. est prononcé. M. de Castrtes écrit à M. le Président que les désordres qui ont troublé la ville de Paris et dont il a été l’innocente victime, l’ont déterminé à s’éloigner : ce qu’il a cru devoir faire pour la tranquillité publique et celle même de l’Assemblée nationale. Il demande un congé qu’il prie M. le Président de vouloir bien lui faire passer à Lausanne, poste restante, parce qu’il doit se rendre dans cette ville. (Le congé est accordé.) M. Vernier, rapporteur du comité des finances, présente un décret pour l'ouverture d'un crédit aux départements de Loir-et-Cher et du Cher , nécessité par les débordements de la Loire et du Cher. Ce décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète qu’il sera accordé provisoirement une somme de 30,000 livres au département du Loir-et-Cher, pour être employée aux plus pressantes réparations des dégâts occasionnés, dans différents districts dudit département, par la crue subite de la Loire et du Cher, et en partie à procurer des secours à ceux qui en ont le plus pressant besoin. « Et en ce qui concerne le département du Cher, l’Assemblée décrète qu’il lui sera aussi provisoirement accordé la somme de 30,000 livres, tant pour subvenir aux plus pressantes réparations des dégâts occasionnés par la Loire, dans le district de Sancerre et lieux voisins, que pour fournir des secours à ceux à qui ils deviennent nécessaires, desquels il sera rendu compte par lesdits départements. « L’Assemblée charge son président de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner les ordres nécessaires pour faire parvenir, le plus promptement possible, lesdits secours à la disposition desdits départements. » M. Vernier présente un second décret relatif aux impositions pour les rentes dans la ci-devant généralité de Champagne. Il est adopté, sans discussion, comme suit : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, sur l’ancien usage de la province et généralité de Champagne, relativement à l’imposition des rentes, décrète : « 1° Que les districts et départements formés de cette ancienne province et généralité, demeureront exceptés des dispositions du décret du premier mai 1790 ; « 2° Que les impositions pour les rentes, dans toute l’étendue de la ci-devant généralité de Champagne, seront payées, conformément aux rôles, dans le lieu de la situation des propriétés foncières des débiteurs, et par eux avancées, à moins que le créancier ne justifie qu’il est imposé au lieu de son domicile pour les mêmes rentes ; « 3° Qu’il ne pourra être accordé de réimposition aux débiteurs ou créanciers qui auront payé les impositions au lieu de la situation des biens hypothéqués, qu’il ne soit pareillement prouvé que les créanciers des rentes ont payé par double emploi, tant à leur domicile, qu’au lieu où sont situés les fonds du débiteur. » M. Vernier, au nom des comités des finances et des monnaies, présente un projet de décret sur le payement des bijoux et vaisselles portés aux monnaies. Ce décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des finances et des monnaies, considérant que les citoyens qui pouvaient être disposés à concourir à l’augmentation du numéraire, en portant aux hôtels des monnaies leurs bijoux et vaisselles, ont eu le temps de profiter des avantages que leur offrait à cet égard le décret du 6 octobre 1789; que les inconvénients de l’influence de ces avantages sur le prix des matières d’or et d’argent n’étant plus compensés par les ressources que la recette de ces objets procurait au Trésor public, au moyen des diminutions progressives qu’éprouve cette recette depuis plusieurs mois, décrète ce qui suit : Art. 1er. « A compter du 15 décembre prochain, les bijoux et vaisselles ne seront plus payés par les directeurs des monnaies en récépissés à six mois de date, ni aux prix fixés par les articles 21 et 22 du décret du 6 octobre 1789; les objets de cette nature qui seront portés aux hôtels des monnaies ne seront, à partir de cette époque, admis au change que pour y ê;re payés en espèces, et aux prix fixés par les tarifs des 15 mai 1773 et 30 octobre 1785. Art. 2. « A compter du même jour 15 décembre prochain, les municipalités cesseront de recevoir les bijoux et vaisselles qui pourraient leur être ap-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.