[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1789.] que soient les mutations de superliciaires et de fonciers: parce qu’aussi les titres récognitoires fournis depuis les 30 ans, et à fournir après ce terme, seront exécutoires de plein droit dans cet intervalle, sans qu’il soit besoin de formalités judiciaires pour les faire déclarer tels, sous prétexte de mutations. Art. 12. Nulle action de simple lésion, même ultramédiaire, ne, sera reçue dans les tribunaux pour modicité de la rente convenancière, ou du prix des droits superliciels détachés du fonds par le propriétaire. Les instances pendantes à ce sujet, et non jugées en dernier ressort, demeurent éteintes et supprimées, sans autres jugements ni procédure, que pour les dépens, sur un avenir à l’audience. Art. 13. Attendu la multiplicité survenue depuis deux siècles, des possessions par héritage dans les campagnes de la Basse-Bretagne, la présomption de la tenure universelle des terres à domaine congéable, érigée en loi pour leur territoire par quelques usements, n’existe plus et ne sera plus légale : en conséquence, celui qui prétendra la foncialité d’un ténement occupé par autrui, sera tenu d’en administrer la preuve, autre que cette simple présomption, et par des titres au moins énonciatifs. Il en sera également usé, par les mêmes motifs, au sujet de la présomption introduite par Fusement de Daoulas, que les terres de son ressort sont tenues à simple ferme. Art. 14. Les droits convenanciers continueront d’être mobiliers à l'égard du foncier, et d’être réputés immeubles entre les colons et à l’égard des tierces personnes. CHAPITRE III. L’Assemblée nationale considérant d’ailleurs que l’application de ses décrets sur les droits ci-devant féodaux et les rentes foncières exige quelques éclaircissements spécialement relatifs aux domaines congéabies afin d’en faciliter l’intelligence et l’exécution, décrète : Art. 1er. Les fonciers sont maintenus dans le droit de chasser sur leurs domaines congéabies, dans les saisons et de la manière permises par la loi. L’Assemblée nationale n’entend pas néanmoins interdire aux colons la faculté naturelle d’écarter et tuer le gibier qui dégraderait leurs semailles et leurs moissons. Art. 2. Toutes les banalités de four, de moulin et autres, auxquelles les colons pouvaient être sujets, même envers leur foncier, sont abolies sans indemnité; et les redevances dont eux ou leurs convenants auraient été chargés pour abonnement de ces banalités, sont éteintes sans rachat, à compter de la publication des décrets du mois d’août 1789. Art. 3. A compter de la même époque, les tenanciers des fours et moulins banaux, à domaine congéable, sont pareillement déchargés de la portion de leurs redevances correspondante à la banalité supprimée : ils continueront seulement d’en payer une quotité proportionnelle à la jouissance, tant du terrain des mêmes fours et moulins, dont les superficies leur appartiennent, que des terres et autres objets qui y seraient d’ailleurs annexés. 11 leur sera aussi, et en même proportion, fait raison des sommes par eux comptées pour baillées, suivant le temps qui en restait encore à courir. Art. 4. S’il s’élève des discussions sur cette réduction, pour y procéder sans frais ni formalités 473 judiciaires, le directoire du district nommera d’office un expert non suspect, qui, sur les mémoires et offres des parties, dressera son procès-verbal. Le coût en sera supporté par la partie dont les offres vu la prétention de redevances plus ou moins fortes s’écarteront davantages du résultat de la ventilation. La revue sera admise, mais aux frais du requérant; et elle décidera sans retour la fixation de l’arrentement. Art. 5. Les colons, qui payent des rentes foncières en acquit du propriétaire du convenant, pourront les racheter sur liquidation contradictoire avec lui; et ils auront reprise des capitaux par eux déboursés en cas de congément, si mieux n’aime le foncier reconnaître et leur continuer les mêmes rentes sur le fonds jusqu’au rachat. Art. 6. L’Assemblée nationale déclare non con-venanciéres, mais foncières perpétuelles et rache-tabfes aux termes de ses précédents décrets, les rentes dues par les possesseurs de teuures qualifiées à domaine congéable, qui ont acquis le droit de ne pouvoir être jamais congédiés, soit qu’ils l’aient obtem pour lin principal ou par une augmentation de redevances, soit quiis l’aient stipulé pour une commission ou nouveauté périodique que le foncier ne puisse refuser, ou par quelque autre voie. Art. 7. Déclare aussi non foncières, mais créées à prix d’argent et perpétuellement réductibles et franchissables au taux de leur origine, les rentes constituées par des contrats, dans lesquels le propriétaire d’un héritage en retient la possession, à titre de colon, et simule l’aliénation du fonds au prêteur, avec obligation, à des redevances prétendues convenancières. Néanmoins les tiers acquéreurs de pareilles routes ne peuvent être recherchés, sous le prétexte de cette simulation. Art. 8 et dernier. Au surplus l’Assemblée nationale ordonne que, dans deux mois, son comité féodal lui présentera, sur les matières convenancières, un projet d’instruction, conforme aux bases et aux dispositions précédentes, pour être par elle examine, et après son admission, servir de droit commun aux domaines congéabies, sans avoir égard aux usements particuliers qui, dès à présent, demeurent abolis. 5e ANNEXE. Observations relatives au droit féodal de la province de Bretagne sur les droits féodaux supprimés sans indemnité, et projet d’évaluation des rentes et droits qui ont été déclarés rachetables, par Gagon-Duchenay, député de Dinan et membre du comité féodal (1). Messieurs, mes observations n’ayant pour objet que tes droits féodaux de la province de Bretagne, je crois devoir commencer par en donner ici une idée, parce qu’ils ne sont pas les mêmes dans toutes les provinces du royaume, et que ce qui peut s’appliquer à la féodalité de la province de Bretagne peut souffrir des difficultés dans une autre. Je ne parlerai point des droits et rentes couve-nancières, connus en quelques parties de la Basse-Bretagne, sous les noms d ’usement de Rohan, (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 474 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1789.] de Goello, de Porhoet, et autres de pareille espèce, qui doivent être traités séparément. Expose’ préliminaire du droit féodal de la province de Bretagne. En Bretagne on ne connaît aucune propriété en franc-aleu, on y suit à la rigueur la règle établie par l’article 328 de la coutume de cette province, qui porte qu'il n'y a nulle terre sans seigneur. On y distingue les droits féodaux en trois classes ; savoir : les droits substantiels qui sont essentiellement attachés à la féodalité ; les droits naturels qui sont stipulés par la loi, et auxquels le vassal ne peut se soustraire s’il n’a un titre qui n’en porte l’exemption ; enfin les droits accidentels, qui sont des conditions particulières de l’inféodation, qui doivent être reconnus par le vassal, pour que le seigneur puisse les exiger. § 1er. Des droits substantiels des fiefs. 1° L’obéissance établie par l’article 332 de la coutume est un droit substantiel de la féodalité ; il oblige en général le vassal à servir et respecter son seigneur, suivant la qualité de sa propriété, le seigneur à protéger son vassal ; de sorte que si le vassal outrage son seigneur, ou le seigneur son vassal , celui qui est en faute perd son droit vers l’autre; et c’est aussi de l’obéissance que résulte le droit de justice du seigneur sur le vassal, et tout seigneur de fief a droit de justice. Il y a en Bretagne, comme dans toutes les autres provinces du royaume, trois degrés de justice, qui servent à distinguer la qualité des fiefs, et qu’on nomme pour cette raison fiefs de haute, basse et moyenne justice : c’est aussi ces différents degrés” qui servent à déterminer l’estimation des fiefs, comme je le dirai dans la suite. Au moyen de ce que le droit de justice est uni aux fiefs, et de ce que les fiefs peuvent se diviser, il en résulte que les juridictions sont très-multi-pliées dans cette province, et qu’elles n’ont aucune continuité. Une pièce de terre, un simple jardin, une maison même, relève quelquefois de deux ou trois seigneurs, ce qui met dans une espèce d’impossibilité de connaître sous quelle juridiction est une pièce de terre ou une maison, et expose les demandeurs à appeler leurs adversaires par une juridiction par laquelle il ne doit point être appelé. Il résulte encore de l’union des justices aux fiefs, qu’on est souvent obligé d’essuyer quatre à cinq jugements par appel , avant d’obtenir un arrêt définitif, ce qui rend les procès fort longs et très-coûteux. 2° Le retrait féodal, qui est la faculté accordée au seigneur par la puissance du fief, de réunir à son domaine l’héritage vendu sous sa mouvance (1), est le moins favorable des retraits, ou pour mieux dire le plus odieux, et il n’a lieu qu’après les autres. Les auteurs bretons lui donnent pour motif de ne pas admettre un vassal désagréable au seigneur. 3° Le droit d’exiger des aveux et dénombrements à chaque mutation de vassal (2), ils sont rendus aux frais des derniers; faute de les rendre dans le temps prescrit, le seigneur peut faire saisir féodalement les biens qui relèvent de lui. L’obligation de rendre des aveux est devenue en (1) Article 306. 2) Article 360. Bretagne un des droits les plus onéreux, et cause souvent la ruine des vassaux, par les difficultés sans nombre que les procureurs d’office savent faire naître, et que la jurisprudence n’autorise que trop, sous le prétexte de la conservation des droits du seigneur, ce qui n’est pas extraordinaire dans une coutume où l’on tient pour maxime, qu'un seigneur de paille mange un vassal d'acier. Tous ces droits sont imprescriptibles et sont de l’essence de la féodalité. § 2. Des droits naturels des fiefs. Au nombre des droits naturels des fiefs sont : 1° la foi et hommage pour les terres nobles; ce devoir n’est qu’accidentel pour les terres roturières : le seul droit pécuniaire attaché à la foi et hommage, est celui de chambellenage, qui consiste dans le payement de cinq sois de monnaie (1) qui est une indemnité payée au chambellan du seigneur, pour les peines qu’il est supposé se donner à faire parer la salle où le seigneur reçoit l’hommage de ses vassaux. Faute au vassal de rendre la foi et hommage dans le temps prescrit, le seigneur a droit de faire saisir féodalement les biens du vassal sujet à ce devoir, et les fruits que le seigneur recueille pendant la saisie lui appartiennent; au lieu que dans le cas de la saisie faute d’aveu, le seigneur est obligé de tenir compte des fruits et levées qu’il a perçus. L’une et l’autre saisie est levée en remplissant le devoir faute duquel elle avait été faite (2). Le vassal n’est point tenu de chercher le seigneur hors le fief, pour lui faire la foi (3), et celte disposition a été étendue à tous les devoirs féodaux. Le seigneur et le vassal ne sont point obligés de se chercher hors du fief, pour les actions que l’on peut avoir vers l’autre. 2° Les droits de lods et ventes qui sont dus au seigneur pour tous les contrats de vente, ou équipolents à la vente, et les engagements au delà de neuf ans (4), se payent dans toute la province sur le pied du huitième du prix de la vente, excepté dans quelques cantons des évêchés de Nantes et de Saint-Malo, où ils se payent au sixième : c’est l’acquéreur seul qui doit les payer (5). L’article 65 de la coutume assure au seigneur une ressource contre les fraudes des contrats de vente, en lui accordant le serment du vendeur et de l’acheteur, sur la vérité des conditions du contrat. Les lods et ventes ne sont point dus pour les contrats de licitation entre les cohéritiers et associés (6); ils ne sont point dus pour assiette de dot, donations (7), ni pour les contrats d’arrente-ment par grains; mais si le vassal franchit sa rente, les lods et ventes en sont dus ; il en est de même lorsque le vassal franchit sa rente féodale, le seigneur supérieur en reçoit les ventes. Suivant les dispositions de l’article 66 de la coutume, les lods et ventes n’étaient pas dus pour les contrats d’échange d’héritages ; mais le Roi ayant établi ce droit dans ces domaines par (1) Article 332. (2) Articles 343 et 360. (3) Article 52. (4) Article 55. (5) Article 64. (6) Article 58. (7) Article 66. [Assemblée nationale.J des déclarations, les seigneurs de Bretagne ont eu, pour une très-modique somme, la permission de percevoir les mêmes droits dans leurs fiefs; ce qui a en quelque manière prohibé les échanges au grand préjudice des particuliers et de l’agriculture. 3