520 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 26 La citoyenne Viguier, de Rochefort, fait don à la nation d’une petite boîte d’argent doré, renfermant 13 demi-portugaises en or. Mention honorable, insertion au « Bulletin « (1). Jean-Bon-Saint-André, représentant du peu¬ ple à Cherbourg, annonce qu’il s’était élevé dans cette commune quelques mouvements dangereux, sous le prétexte des opinions reli¬ gieuses, mais qu’ils ont été bientôt dissipés par les mesures qu’il a prises, et l’adresse qu’il a faite, dont il envoie un exemplaire à la Con¬ vention nationale. Insertion de la lettre au « Bulletin » (2). Suit la lettre de Jean-Bon-Saint-André (3). Jean-Bon-Saint-André, représentant du peuple dans les départements maritimes de la Répu¬ blique, au citoyen Président de la Convention nationale. « Cherbourg, le 22 frimaire, l’an II de la République une et indivisible. « Citoyen Président, « Quelques nuages s’étaient élevés dans la ville de Cherbourg, la malveillance, toujours aux aguets, cherchait sans doute à y opérer quelque mouvement dangereux, les opinions religieuses étaient le prétexte qu’on avait saisi pour troubler quelques esprits. J’ai cru, dans ces circonstances, devoir parler à nos conci¬ toyens le langage de la raison, et travailler à les ramener par la force des principes. C’est ce que j’ai essayé de faire dans une adresse que je te prie de soumettre à la Convention. J’ai lieu d’espérer qu’elle produira un bon effet. Le pa¬ triotisme de cette partie de nos côtes n’est pas douteux, ils brûlent tous du désir de combattre les ennemis extérieurs de la République; le nom anglais ne se prononce ici qu’avec horreur, et la Convention peut être assurée que l’erreur ou la faiblesse de quelques individus n’em¬ pêche pas que la masse, et je dois presque dire, l’universalité des citoyens, ne soit sincère¬ ment attachée à la République (4). « Salut et fraternité. « Jean-Bon-Saint-Andké. » Adresse (5), Au nom du peuple français. Les représentants du peuple dans les départe¬ ments maritimes de la République, aux citoyens de la ville et du district de Cherbourg. « Citoyens, « Appelé dans vos murs pour y prendre de grandes mesures de Salut public, et pourvoir (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 221. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 221. (3) Archives nationales, carton G 283, dossier 801. Supplément au Bulletin de la Convention nationale du 7e jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (mardi 17 décembre 1793). Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 358. (4) Applaudissement, d’après les Annales patrioti¬ ques et littéraires [n° 350 du 27 frimaire an II (mardi 17 décembre 1793), p. 1581, col. 1], (5) Archives nationales, carton C 283, dossier 801. à la défense intérieure et extérieure du départe¬ ment de la Manche, je me félicite d’avoir trouvé parmi vous des républicains courageux prêts à seconder les vues de la Convention nationale, et à concourir avec elle à détruire la ooalition homicide des rois et de leurs satellites. Ces sentiments honorables, cette noble ardeur pour la cause de la liberté, aurait procuré au repré¬ sentant du peuple une joie bien vive, si elle n’avait été mêlée de la douleur de trouver des citoyens qui s’estiment réciproquement, prêts à se diviser pour des opinions religieuses. « La superstition ferait encore ce mal à la terre, de désunir les patriotes ! Et ce serait un nouveau crime que nous aurions à lui repro¬ cher ! Non, citoyens, cela ne sera pas. Fermes, invariables dans nos principes, nous écouterons la sainte voix de la patrie, et toutes les erreurs tous les préjugés disparaîtront à l’éclat vain¬ queur de la vérité. « Le règne de la raison s’avance à grands pas ; le peuple fatigué des impostures grossières par lesquelles on avait trop longtemps abusé de sa crédulité, ne veut d’autre despote que la loi, d’autre guide que la morale, d’autre sa¬ cerdoce que celui de ses magistrats. Elevé par la sublimité des conceptions philosophiques, devenues familières à tous les esprits, à ce point de grandeur qui rend l’homme à sa dignité pri¬ mitive, il rougit d’avoir été, pendant des siècles entiers, enveloppé dans les langes du fanatisme, et il brise avec mépris ces honteuses entraves qui s’opposaient à l’exercice naturel de ses facultés. L’homme devenu libre, est devenu un être pensant. « Mais les malveillants abusent de’cette dispo¬ sition des esprits pour arrêter la marche de la révolution; et peut-être dans leurs horribles projets, ont-ils osé concevoir l’espérance d’en faire un prétexte pour nous ramener au des¬ potisme par les convulsions de la guerre civile. Ils répandent des inculpations d’athéisme; ils affectent de craindre le renversement de la morale, et ces monstres, qui jamais n’ont été connus que par les crimes de leur ambition et de leur cupidité, s’établissent tout à coup les défenseurs de la vertu et les soutiens des bonnes mœurs. Hommes atroces ! vous pouvez ré¬ pandre pour un moment la terreur dans les âmes faibles, mais votre triomphe ne sera pas de longue durée. Cette nouvelle trame, ourdie contre le bien public, sera déjouée comme tant d’autres, et il ne vous restera que l’opprobre ineffaçable d’avoir voulu arrêter la marche de la liberté, et la rage d’avoir été démasqués. « Quelle est donc cette détestable hypocri¬ sie qui s’annonce par un si tendre intérêt pour la cause du ciel? N’êtes-vous plus ces mêmes hommes qui avez voulu soutenir les derniers efforts du despotisme expirant? N’êces-vous plus ces ennemis déclarés des droits sacrés de l’humanité, aux yeux de qui toute tenta¬ tive vers la liberté était un attentat? Qui, vous considérant comme des êtres privilégiés, vou¬ liez voir la terre entière à vos pieds, et qui rendiez la divinité même complice de vos for¬ faits? N’êtes-nous plus les oppresseurs des peuples, qui tyrannisiez le faible, qui trom¬ piez l’ignorant, qui séduisiez l’innocence, et qui, dans votre insatiable avidité, engloutissiez Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 358.